T 0864/09 (Emulsions/L'ORÉAL) of 11.9.2012

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2012:T086409.20120911
Date de la décision : 11 Septembre 2012
Numéro de l'affaire : T 0864/09
Numéro de la demande : 00402810.6
Classe de la CIB : A61K 7/42
A61K 7/40
A61K 7/02
A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Emulsions sans émulsionnant contenant au moins un filtre UV organique insoluble
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Beiersdorf Aktiengesellschaft
STADA Arzneimittel AG
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive (non) - Approche problème-solution - pas d'essais comparatifs mettant en oeuvre les émulsions revendiquées - reformulation du problème technique - alternative évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les requérants I et II (opposants 1 et 2) ont introduit un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen pouvait être maintenu sur la base du jeu de revendications soumis comme requête principale avec une lettre datée du 27 mars 2008.

II. Une opposition avait été formée par les requérants en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité invoquant une insuffisance de description et une absence de nouveauté et d’activité inventive (Article 100 (a) et (b) CBE). Les documents suivants, entre autres, ont été cités dans la procédure d'opposition:

(10) EP-A-0 893 119,

(11) Notice technique TDS-232-3; Noveon Inc. "Pemulen® TR-1 and TR-2 Polymeric Emulsifiers Waterproof Sunscreen Emulsions Prepared with Pemulen® Polymers, Mars 1995,

(18) EP-A-1 055 418,

(19) Notice technique de Tinosorb M; Ciba Speciality Chemicals "A Miconized UVA-Aborber for Personal Care Products" Preliminary technical bulletin (10.11.97), et

(20) CFTA, Cosmetic Ingredient Handbook, 1988, pages 90-94 "Surfactants-Emulsifying Agents".

La division d'opposition avait décidé, entre autres, que l'objet de la revendication 1 modifiée au cours de la procédure d'opposition impliquait une activité inventive en partant du document (11) comme état de la technique le plus proche de l'invention. La division d'opposition a considéré que les essais comparatifs déposés montraient que les émulsions revendiquées résolvaient le problème de mettre à disposition des émulsions ayant un coefficient de protection solaire amélioré et une meilleure rémanence à l'eau. Compte tenu de l'enseignement du document (11) qui concernait des émulsions filtrantes comprenant les émulsifiants polymériques Pemulen® TR-1 et TR-2, l'homme du métier désirant améliorer le coefficient de protection solaire ainsi que la rémanence à l'eau, n'aurait pas envisagé l'utilisation d'un agent organique micronisé décrit dans le document (10) sans l'utilisation de tensioactifs émulsifiants, et par conséquent n'aurait pas abouti aux émulsions filtrantes revendiquées qui se caractérisent justement par l'absence d'émulsifiant.

III. Au cours de la procédure orale tenue devant la Chambre le 11 septembre 2012, l'intimé (propriétaire du brevet) a défendu le maintien du brevet en litige sur la base d'une requête principale et de trois requêtes auxiliaires, toutes déposées avec une lettre datée du 30 mars 2010.

IV. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:

"1. Emulsion cosmétique ou dermatologique sans émulsionnant, caractérisée par le fait qu'elle comporte :

a) au moins une phase aqueuse et

b) au moins une phase grasse ;

c) au moins un système photoprotecteur capable de filtrer les rayons UV contenant au moins filtre UV organique insoluble dans ladite émulsion, sous forme micronisée avec une taille moyenne de particule allant de 0,01 à 2 mym.

d) au moins un polymère réticulé d'au moins un monomère à insaturation éthylénique choisi parmi les copolymères réticulés d'au moins un monomère à insaturation éthylénique à fonction acide carboxylique, sous forme libre ou partiellement ou totalement salifiée; ou d'un dérivé ester ou amide,

e) éventuellement un tensio-actif permettant d'améliorer la dispersion des particules de filtre insoluble lorsque celui-ci est obtenu par broyage d'un filtre UV insoluble sous forme de particules de taille grossière en présence dudit tensio-actif, choisi parmi les alkylpolyglucosides de structure CnH2n+1O(C6H10O5)xH dans laquelle n est un entier de 8 à 16 et x est le degré moyen de polymérisation de l'unité (C6H10O5) et varie de 1,4 à 1,6, et leurs esters en C1-C12,

les copolymères réticulés d'au moins un monomère à insaturation éthylénique à fonction acide carboxylique ou d'un dérivé ester ou amido, étant choisis parmi les polymères amphiphiles non-ioniques ou anioniques comportant au moins une chaîne grasse et au moins un motif hydrophile."

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celle de la requête principale en ce que les filtres UV organiques insolubles sont choisis parmi les filtres UV organiques insolubles du type oxanilide, du type triazine, du type triazole, du type amide vinylique ou du type cinnamide.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de celle de la requête principale en ce que les filtres UV organiques insolubles sont choisis parmi les filtres UV organiques insolubles du type triazine choisis parmi les dérivés insolubles de s-triazine portant des groupements benzotriazoles et du type triazole.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de celle de la requête principale en ce que le filtre UV organique insoluble est de structure

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

V. Lors de la procédure orale, le Requérant I a retiré l'objection formulée dans ses écritures quant à une violation de procédure commise par la division d'opposition. Selon le requérant I, les modifications apportées à la revendication 1 ne satisfaisaient pas aux exigences de l'Article 123(2) et (3) CBE. Selon le requérant II, les amendements introduisaient également un manque de clarté dans la revendication. De plus, l'invention n'était pas suffisamment exposée pour être exécutée par l'homme du métier. L'objet de la revendication 1 manquait de nouveauté par rapport au document (18). Le document (11) était le document de l'art antérieur le plus proche de l'invention. Les résultats des essais comparatifs de l'intimé datés du 18 octobre 2008 ne permettaient pas de conclure que les émulsions revendiquées avaient un meilleur coefficient de protection solaire et étaient plus résistantes à l'eau que celle divulguée dans le document (11). Les comparaisons étaient faussées car la composition 3 comparative contenait plus de phase grasse, en l'occurrence l'octyl palmitate, que la composition 5 selon l'invention. En outre, la composition 5 selon l'invention comprenait des C1-C12 esters d'alkylpolyglucosides présents dans le filtre commercial Tinosorb M-CIBA, alors que la composition 3 reflétant l'art antérieur n'en contenait pas. De plus, les améliorations montrées étaient insignifiantes par rapport aux marges d'erreurs de mesure.

Le document (10) enseignait que la présence d'un filtre UV organique insoluble sous forme micronisée engendrait une meilleure protection solaire que celle conférée par les filtres inorganique, comme le dioxide de titane. Il était ainsi évident pour l'homme du métier ayant comme objectif d'améliorer le coefficient de protection solaire, d'inclure un filtre UV organique insoluble sous forme micronisée, comme par exemple le composé (101) du document (10), correspondant au composé de formule (a) du brevet litigieux. L'objet des présentes revendications manquait donc d'activité inventive au regard de la divulgation du document (11) combiné à l'enseignement du document (10). Ce raisonnement s'appliquait d'autant plus si le problème technique résolu par l'invention n'était que la mise à disposition d'émulsions filtrantes alternatives.

VI. Selon l'intimé, les amendements entrepris dans la revendication 1 étaient clairs. La composante (e) de l'émulsion avait été définie selon la revendication 5 et la page 3, lignes 36 à 45 de la demande telle que déposée. De plus, le polymère réticulé (composante (d) de l'émulsion) a été restreint selon les revendications 7 et 9 du brevet tel que délivré. Les conditions imposées par les Articles 84 et 123 CBE étaient donc remplies. L'objection d'insuffisance de description n'était pas fondée car l'homme du métier était à même de reproduire les émulsions revendiquées. L'objet de la revendication 1 était nouveau par rapport au document (18) qui appartenait à l'état de la technique selon les disposition de l'Article 54(3) de la CBE car ce document ne divulguait pas de filtre UV organique micronisé. Le document (11) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention, en particulier la composition 700-199-94B qui différait des émulsions revendiquées par le remplacement du filtre TiO2 par un filtre UV organique insoluble sous forme micronisé ou bien son ajout, ainsi que par l'absence du tensio-actif, l'oléate de sorbitan. Le problème technique résolu était la mise à disposition d'émulsions présentant à la fois une résistance à l'eau et une protection solaire améliorées. Les essais comparatifs en date du 10 octobre 2008 montraient que la composition 5 selon l'invention présentait des valeurs de SPF, avant et après bain, supérieures à celles obtenues pour la composition 3 selon le document (11) et la composition 4 non-conforme à l'invention. Ces essais montraient également que la composition 5 présentait une très bonne rémanence à l'eau, les valeurs du coefficient de protection solaire (SPF) avant et après bain étant constantes alors que les compositions 3 et 4 montraient une diminution de la valeur du SPF après bain. La présence d'un tensioactif dans une composition solaire n'avait pas d'impact sur son coefficient de protection solaire. Par conséquent, même en considérant que la composition 5 ne fût pas selon l'invention en raison de la présence du tensioactif polyglyceryl-10 decaoleate, l'amélioration du coefficient de protection était démontrée. Les autres différences, à savoir la présence d'octyl palmitate dans la composition 3 et la présence de decyl glucoside dans la composition 5 étaient dues à l'emploi de filtres commerciaux incluant ces ingrédients dans leur formulation et n'enlevaient rien à la pertinence des essais. Les compositions revendiquées ne découlaient pas de l'enseignement du document (10) puisqu'il fallait encore, pour y aboutir, enlever les tensioactifs classiques émulsionnants, alors que le document (10) en recommandait l'usage. La combinaison du document (11) avec le document (10) relevait d'une analyse ex post facto car l'enseignement du document (11) à savoir l'absence de tensioactif ne pouvait pas s'appliquer aux filtres UV organiques micronisés encore inconnus à la date du document (11). L'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait donc une activité inventive. Les requêtes subsidiaires 1 à 3, dans lesquelles le filtre UV organique avait été défini plus précisément, ont été déposées pour pallier à une possible objection de largeur des revendications en ce qui concerne la définition du filtre UV.

VII. Les requérants ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimé a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de sa requête principale, ou subsidiairement de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 3, toutes déposées avec la lettre du 30 mars 2010.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Modifications (Article 123(2), (3) CBE et Article 84 CBE)

La revendication 1 de la requête principale diffère de la revendication 1 du brevet délivré en ce que le composé e) a été restreint aux alkylpolyglucosides de structure CnH2n+1O(C6H10O5)xH dans laquelle n est un entier de 8 à 16 et x est le degré moyen de polymérisation de l'unité (C6H10O5) et varie de 1,4 à 1,6 et leurs esters en C1-C12, selon la page 3, ligne 36 à 40 de la demande telle que déposée.

Comme la Chambre est arrivée à la conclusion que l'objet de revendication 1 manquait d'activité inventive (voir point 5 ci-dessous), il n'est pas nécessaire de détailler les raisons pour lesquelles la Chambre ne partage pas les objections des requérants selon lesquelles la revendication 1 amendée ne serait pas conforme aux exigences de l'Article 123(2) et (3) CBE et l'Article 84 CBE.

3. Exposé de l'invention

Selon les requérants l'invention ne serait pas suffisamment exposée pour être exécutée par l'homme du métier. En raison du résultat négatif de l'analyse de l'activité inventive (voir point 5 ci-dessous), il n'est pas nécessaire de trancher cette question litigieuse.

4. Nouveauté

Les requérants ont également objecté un manque de nouveauté de l'objet revendiqué par rapport au document (18) compris dans l'état de la technique selon l'article 54(3) CBE et qui ne peut donc pas être pris en compte pour l'appréciation de l'activité inventive.

En raison de la conclusion négative quant à l'activité inventive (voir point 5 ci-dessous), il n'est pas nécessaire de trancher cette question litigieuse puisqu'elle est sans influence sur le résultat final du recours.

5. Activité inventive

5.1 Art antérieur le plus proche

Le brevet en litige concerne des compositions cosmétiques filtrantes sous forme d'émulsions ne contenant pas de tensioactifs-émulsifiants, mais contenant un polymère réticulé (voir revendication 1). Ce polymère réticulé est par exemple un copolymère Acrylate/C10-C30 Alkylacrylate vendu sous la dénomination commerciale Pemulen® TR-1 ou TR-2 (voir paragraphe [0039] du brevet).

Le document (11) concerne également des écrans solaires résistants à l'eau sous forme d'émulsions formulées avec les polymères Pemulen® TR-1 ou TR-2 (voir titre de l'article). Ce document précise que l'absence de tensioactifs dans ces émulsions permet de retenir les filtres UV sur la peau même après 80 minutes d'exposition à l'eau (voir page 1; dernière ligne de la colonne de gauche à la ligne 3 de la colonne de droite et dernière phrase de la colonne de droite).

Une émulsion comprenant des filtres UV organiques solubles et sans tensioactif émulsifiant est divulguée à la page 3 (composition 700-202-49F); une émulsion contenant un agent filtrant inorganique insoluble (TiO2) et 0,1% d'oléate de sorbitane et 1% décaoléate polyglycéryl-10 est divulguée à la page 4 (composition 700-199-94B).

En accord avec les parties et la division d'opposition, la Chambre considère que ce document représente l'art antérieur le plus proche de l'invention.

5.2 Problème technique

L'intimé a soumis que le problème technique à résoudre en partant du document (11) était celui de la mise à disposition d'émulsions présentant une amélioration du coefficient de protection solaire et une meilleure rémanence à l'eau.

5.3 Solution

La solution proposée est l'émulsion selon la revendication 1 caractérisée par le choix du filtre UV, à savoir un composé organique insoluble dans l'émulsion, sous forme micronisée avec une taille moyenne de particule allant de 0,01 à 2 mym en l'absence d'émulsionnants.

L'intimé a indiqué en se référant au paragraphe [0014] du brevet litigieux que la caractéristique "sans émulsionnant" signifiait l'absence de tensio-actif classique émulsionnant, mais que les compositions revendiquées n'excluaient pas tout agent émulsionnant. En effet, la composition comprend déjà un agent émulsionnant, à savoir un polymère réticulé (composante (d) de l'émulsion), et peut également comprendre un tensio-actif choisi parmi les alkylpolyglucosides de structure CnH2n+1O(C6H10O5)xH dans laquelle n est un entier de 8 à 16 et x est le degré moyen de polymérisation de l'unité (C6H10O5) et varie de 1,4 à 1,6, et leurs esters en C1-C12.

5.4 Succès

L'intimé s'est référé aux pages 5 et 6 des résultats des essais comparatifs en date du 10 octobre 2008 pour démontrer que le problème technique de l'amélioration du coefficient de protection solaire et de la rémanence à l'eau a été effectivement résolu par les émulsions revendiquées.

Ces essais opèrent une comparaison du coefficient de protection solaire et de la rémanence à l'eau observés avec les compositions 3, 4 et 5.

La composition 3 reproduit la composition 700-199-94B du document (11) et comprend notamment 0,1% en poids de d'oléate de sorbitan (tensioactif émulsionnant), 0,2% de Pemulen® TR1 (copolymère réticulé acrylate/C10-C30 Alkyl Acrylate), 1% en poids de polyglyceryl-10 decaoleate (dispersant) et 15% de Tioveil® OP-Uniquema qui est composé d'octyl palmitate et de dioxyde de titane (filtre UV inorganique insoluble).

La composition 4 diffère de la composition 3 exclusivement par l'absence d'oélate de sorbitan. Cette émulsion n'est pas conforme à la revendication 1 du brevet en litige puisqu'elle ne contient pas de filtre organique insoluble micronisé.

La composition 5, diffère de la composition 3 par l'absence d'oléate de sorbitan et par le remplacement du Tioveil OP-Uniquema par 10,2% en poids de Tinosorb M-Ciba. Selon le document (19), Tinosob M est une dispersion à 50% dans l'eau d'un pigment organique insoluble, le 2,2'-methylene-bis-[6-(2H-benzotriazole-2-yl)-4-(1,1,3,3-tetramethylbutyl)phenol], micronisé à une taille de particule moyenne de 0,2 mym (voir page 3).

Selon l'intimé la composition 5 serait représentative de l'invention. Cependant, la Chambre observe que la composition 5 comprend 1% en poids de polyglyceryl-10 décaoléate. Bien que ce composé ait été utilisé pour ses propriétés dispersantes dans le document (3), ce composé est néanmoins un tensioactif classique émulsionnant au sens du brevet (voir document (20) page 93, colonne du milieu, 8**(ème) composé en partant du bas). La composition 5 n'est donc pas une émulsion selon le revendication 1 du brevet en litige, puisque celle-ci exclut expressément les tensio-actifs émulsifiants.

Par conséquent, les exemples comparatifs en date du 10 octobre 2008 ne mettent pas en oeuvre d'émulsion revendiquée et, par tant, ne peuvent pas montrer une quelconque amélioration s'y rattachant.

L'intimé a argumenté que l'amélioration du coefficient de protection solaire montrée pour la composition 3, bien que celle-ci ne fût pas une émulsion selon la revendication 1, rendait crédible que les émulsions revendiquées permettaient une amélioration du coefficient de protection solaire par rapport à aux émulsions du document (11), puisque la présence d'un tensioactif émulsionnant n'avait pas d'impact sur cette propriété.

L'affirmation de l'intimé selon laquelle la présence d'un tensioactif dans une composition n'a pas d'impact sur son coefficient de protection solaire n'a pas été prouvée et ne peut être pris en considération par la Chambre. D'autre part cette allégation semble être contredite par les faits puisque la comparaison des facteurs de protection solaire des compositions 3 et 4 des essais fait apparaître un écart de 1,6 du coefficient de protection solaire (6,4 pour la composition 3 contre 8,0 pour la composition 4), alors que seule la présence de 0,1% en poids d'oléate de sorbitan (tensio-actif) différencie ces deux compositions.

Par conséquent, les essais présentés par l'intimé pour soutenir les diverses améliorations alléguées ne permettent pas de conclure que le problème technique tel que défini par l'intimé (point 5.2 ci-dessus) a effectivement été résolu par les compositions revendiquées.

5.5 Reformulation du problème technique

Dans ces circonstances il convient de redéfinir le problème technique résolu par l'invention de façon moins ambitieuse, à savoir, de proposer des émulsions filtrantes alternatives aux émulsions décrites dans le document (11).

5.6 Evidence de la solution

Le document (10) concerne également des émulsions écrans solaires résistantes à l'eau. Ce document enseigne que la présence d'un filtre UV organique insoluble sous forme micronisée apporte une excellente protection solaire (voir page 2, lignes 29 à 31). Ce filtre organique insoluble a une taille de particules moyenne allant de 0,01 à 2,0 mym (revendication 26), à savoir la taille requise par la revendication 1. Dans les exemples de la page 13, le document (10) divulgue a titre de filtre le composé de formule (101), à savoir le 2,2'-methylene-bis-[6-(2H-benzotriazole-2-yl)-4-(1,1,3,3-tetramethylbutyl)phenol]. Il était ainsi évident pour l'homme du métier ayant comme objectif de produire des émulsions filtrantes alternatives d'incorporer dans les émulsions connues du document (11) un filtre UV organique insoluble sous forme micronisée, comme enseigné dans le document (10), par exemple le composé (101).

5.7 Selon l'intimé l'enseignement du document (10) ne conduisait pas aux émulsions revendiquées puisqu'il fallait encore, pour aboutir aux compositions du brevet litigieux, que celles-ci fussent sans tensioactifs classiques émulsionnants, alors que le document (10) en recommandait l'usage pour les émulsions comprenant un filtre organique micronisé (page 11, ligne 44 à 46 et page 12, lignes 9 à 12).

La Chambre note toutefois que la liste d'émulsionnants de la page 12 du document (10) est illustrative, et que le document (10) indique à cet égard que les émulsifiants utilisés conventionnellement en cosmétique peuvent être utilisés (page 12, ligne 9). Or les émulsions du document (11), point de départ de l'invention comprennent déjà un émulsifiant, à savoir le Pemulen® TR-1 ou TR2, correspondant au composé (d) de la revendication 1 du brevet litigieux.

De plus, l'enseignement principal du document (11) concerne le remplacement des tensioactifs classiques émulsifiants par les émulsionnants polymériques Pemulen® TR-1 ou TR2. En effet, d'après le document (11) la présence de tensioactifs émulsionnants est indésirable, car causant la disparition du filtre UV au contact de l'eau (voir page 1 du document (11); passage de la fin de la colonne de gauche au haut de la colonne de droite ainsi que la dernière ligne de la colonne de droite).

Par conséquent, l'homme du métier partant des émulsions contenant l'émulsionnant polymérique Pemulen® TR-1 décrites dans le document (11), mais désirant la mettre en oeuvre avec les filtres organiques micronisés du document (10), n'aurait pas ajouté de tensioactif émulsionnant supplémentaire. Cet argument de l'intimé doit donc être écarté pour faute de pertinence.

5.8 Selon l'intimé, la combinaison du document (11) avec le document (10) relevait d'une analyse ex post facto car l'enseignement du document (11) ne pouvait pas s'appliquer aux filtres UV encore à inventer. Or le document (10) divulguant les filtres organiques micronisés était postérieur au document (11).

Cependant le document (11) ne contient aucune restriction quant à la nature du filtre UV à utiliser dans les émulsions. Par conséquent l'enseignement du document (11) n'est pas confiné à des filtres UV particuliers. Cet argument de l'intimé doit aussi être écarté.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête principale n'implique pas d'activité inventive.

5.9 Requêtes subsidiaires 1 à 3

Dans ces requêtes subsidiaires, le filtre UV organique insoluble décrit de façon générale dans la revendication 1 de la requête principale a été précisé comme étant de type oxanilide, du type triazine, du type triazole, du type amide vinylique ou du type cinnamide (requête subsidiaire 1), du type triazine et

choisis parmi les dérivés insolubles de s-triazine portant des groupements benzotriazoles et du type triazole (requête subsidiaire 2), et pour la requête subsidiaire 3 de structure

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Le composé (a) est un filtre organique du type triazole et donc est est un filtre organique selon toutes les requêtes subsidiaires. Ce composé est plus précisément le 2,2'-methylene-bis-[6-(2H-benzotriazole-2-yl)-4-(1,1,3,3-tetramethylbutyl)phenol], qui est divulgué dans le document (10) (voir exemples page 13, composé de formule (101)).

Par conséquent, la caractérisation du filtre UV dans les requêtes subsidiaires reste donc sans effet sur l'évaluation de l'activité inventive.

L'intimé n'a d'ailleurs pas contesté que tel amendement n'apportait aucune contribution inventive au regard de la combinaison des documents (10) et (11).

5.10 En conséquence, les requêtes auxiliaires partagent le même sort que la requête principale, à savoir qu'elles ne sont pas admissibles pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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