T 0649/09 () of 3.11.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T064909.20101103
Date de la décision : 03 Novembre 2010
Numéro de l'affaire : T 0649/09
Numéro de la demande : 02293201.6
Classe de la CIB : A61K 8/34
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 40 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Une opposition a été formée en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet européen nº 1 321 133. La revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) s'énonce comme suit :

"1. Composition pour la teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines et plus particulièrement des cheveux, comprenant dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un colorant d'oxydation, caractérisée par le fait qu'elle comprend en outre au moins un acide éther carboxylique polyoxyalkyléné ou l'un de ses sels, au moins un agent tensioactif non-ionique mono- ou poly-glycérolé et au moins un alcool gras (C8-C30) comportant au moins une insaturation."

II. L'opposante a invoqué un défaut de nouveauté et d’activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants :

(1) WO-A 03/013450,

(1a) International Cosmetic Ingredient Dictionary, Sixth Edition 1995, volume 1, page 242,

(1b) Römpp Chemie Lexikon, 9., erweiterte und neue bearbeitete Auflage, page 2294,

(1c) Fiche de produit "Product Data Sheet, Eutanol G" Rev.3-04.99; Reg.4.,

(2) WO-A 01/93819,

(4) WO-A 94/04124,

(5) DE-A 100 20 887 et

(6) EP-A 1 142 557.

III. Par décision signifiée par voie postale le 21 janvier 2009, la division d'opposition a rejeté l'opposition.

Selon la division d'opposition, les compositions revendiquées n'étaient pas divulguée dans les documents (1) et (2) puisque ces derniers concernaient des compositions qui ne contenaient pas d'alcool gras insaturés ainsi que requis par les revendications litigieuses. L'objet des revendications telles que délivrées était donc nouveau. L'état de la technique le plus proche de l'invention était représenté par le document (5). Le problème technique à résoudre par l'invention était de mettre à disposition des compositions pour la teinture des fibres kératiniques permettant d'obtenir des colorations plus intenses et plus chromatiques. La solution proposée consistait en une composition renfermant en plus du colorant d'oxydation au moins un acide éther carboxylique polyoxyalkyléné (composé C1), au moins un agent tensioactif non-ionique mono- ou poly-glycérolé (composé C2) et au moins un alcool gras (C8-C30) comportant au moins une insaturation (composé C3). Les documents opposés au brevet ne suggéraient pas à l'homme du métier que la chromacité de la coloration se pouvait améliorer en utilisant notamment les alcools insaturés requis par le brevet litigieux. L'objet des revendications du brevet tel que délivré impliquait donc une activité inventive.

IV. L'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision et a introduit en cause d'appel les documents suivants :

(1d) Fiche de produit "Eutanol G" Register 4, Ausgabe 8/ März 1991,

(1f) "Über die Guerbetsche Reaktion und ihre technische Bedeutung", Angew. Chem. 1952, volume 64, nº8, pages 213 à 220 et

(7) WO-A 01/74319.

V. La propriétaire du brevet litigieux (intimée) a déposé avec la lettre datée du 1 octobre 2010 trois jeux de revendications à titre de requêtes subsidiaires.

VI. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 3 novembre 2010 en l'absence de la requérante qui avait indiqué dans sa lettre datée du 6 août 2010 qu'elle n'y participerait pas.

VII. La requérante a fait valoir par écrit que le document (1) ou le document (2) reposant sur la même divulgation que le document (1) décrivaient déjà une composition comprenant les ingrédients requis par la revendication 1 du brevet litigieux. En effet, cette composition de l'art antérieur comprenait outre le colorant d'oxydation et les composés C1 et C2, de l'Eutanol G et du Kokoslorol. L'Eutanol G qui avait un indice d'iode inférieur ou égal à 8 prouvant la présence de composés insaturés était préparé par une réaction de Guerbet livrant des alcools insaturés. Le Kokoslorol était un mélange d'alcools de coco incluant également des alcools insaturés, ces alcools provenant de l'hydrogénation d'acides de coco contenant des composés insaturés. Par conséquent la composition divulguée dans les documents (1) et (2) incluait obligatoirement une certaine proportion d'alcools insaturés correspondant aux composés C3 requis par le brevet litigieux. Les compositions revendiquées n'étaient donc pas nouvelles. L'activité inventive pouvait être évaluée en partant du document (5) comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention. Ce document divulguait une composition qui se distinguait des compositions revendiquées par l'absence du composé C1 et par le fait qu'il ne pouvait être établi si les alcools gras présents étaient insaturés et correspondaient donc au composé C3 des compositions du brevet litigieux. Le problème résolu par l'invention par rapport à cet état de la technique était de mettre à disposition des compositions améliorant l'intensité de la coloration. La solution proposée qui consistait à rajouter le composé C1 était déjà suggérée par le document (4) dont les exemples montraient que des compositions renfermant les composés C1 engendraient des colorations plus intenses que celles qui n'en contenaient pas. Ainsi, quand même qu'un effet positif sur la coloration pût être attribué aux compositions revendiquées, ces dernières n'impliquaient pas pour autant d'activité inventive. Pareille conclusion pouvait être tirée en partant du document (5) et en le combinant à l'enseignement du document (7).

VIII. Selon l'intimée, les documents (1) et (2) ne divulguaient pas de façon non ambiguë de compositions comprenant des alcools insaturés C3 requis par le brevet litigieux. Les compositions revendiquées étaient donc nouvelles. Le problème technique à résoudre par rapport à l'état de la technique le plus proche de l'invention représenté par le document (2) était de mettre à dispositions des compositions permettant d'obtenir des colorations plus chromatiques. Les résultats des exemples comparatifs déposés avec la lettre du 16 mars 2005 lors de la procédure d'examen de la demande de brevet montraient que ce problème avait effectivement été résolu en remplaçant dans les compositions de l'art antérieur le plus proche, l'alcool saturé par un alcool insaturé. Aucun des documents cités par la requérante ne suggérait qu'un tel remplacement puisse améliorer la chromacité de la coloration. Les compositions revendiquées impliquaient donc une activité inventive.

IX. La requérante a demandé par écrit l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

X. L'intimée a demandé au principal le rejet du recours ou subsidiairement, que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base de l'une de ses trois requêtes auxiliaires déposées avec sa lettre datée du 1 octobre 2010.

XI. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

Le brevet tel que délivré n'a été opposé qu'au titre de l'article 100 (a) CBE. Ainsi, les seules questions en suspens sont celles de la nouveauté et de l'activité inventive.

2. Nouveauté

La requérante a invoqué un manque de nouveauté sur la base de l'exemple à la page 28 du document (2). Un exemple équivalent se trouve également dans le document (1) qui représente un état de la technique selon l'article 54 (3) CBE.

Il n'est pas contesté que la composition exemplifiée à la page 28 du document (2) et son équivalent à la page 32 du document (1) comprend au moins un colorant d'oxydation, à savoir le m-aminophénol et le 4-amino-3-méthylphénol, au moins un acide éther carboxylique polyoxyalkyléné ou l'un de ses sels (composé C1), à savoir l'"Akypo Soft 45 NV" et au moins un agent tensioactif non-ionique mono- ou poly-glycérolé (composé C2), à savoir le "Lamesoft PO 65". L'exemple ne mentionne cependant pas la présence d'alcools gras (C8-C30) comportant au moins une insaturation (composé C3). Selon la requérante de tels alcools insaturés seraient cependant nécessairement présents dans deux autres constituants de la composition exemplifiée, à savoir dans le "Kokoslorol" et dans l'"Eutanol G".

Le "Kokoslorol" est un mélange d'alcools gras en C12-C18 également dénommé "coconut alcohol" (document (2), page 27). Ces alcools de noix de coco sont obtenus par hydrogénation d'acides de noix de coco comprenant certes une proportion d'acides gras insaturés (document (1a) "coconut alcohol"; document (1b) "Kokosfett"). Il n'a cependant pas été établi que l'hydrogénation des acides de coco afin de produire les alcools de coco préserve les insaturations éthyléniques et qu'après hydrogénation le mélange comprenne donc obligatoirement des alcools gras insaturés. Il ne peut donc être conclu sans équivoque que le "Kokoslorol" comprend des alcools gras (C8-C30) comportant au moins une insaturation.

L'"Eutanol G" est selon les documents (2), (1c) et (1d) l'octyldodecanol, à savoir un alcool saturé (document (2), page 28; document (1c) paragraphe 3). La requérante a cependant soutenu que cet alcool étant obtenu par la réaction de Guerbet, il devait nécessairement contenir une certaine proportion d'alcools gras insaturés comme l'attestait par ailleurs la valeur de l'indice d'iode mentionné dans les documents (1c) et (1d) pour l'"Eutanol G". Cependant, la réaction de Guerbet peut produire toute une série de composés insaturés qui ne sont pas des alcools gras (voir le document (1f), schéma réactionnel à la page 214). En outre, l'indice d'iode mentionné dans les documents (1c) et (1d) est au maximum de 8 et peut donc également être nul, ce qui exclut la présence d'insaturations éthyléniques. D'autre part, même si l'indice d'iode était supérieur à 0, ce qui impliquerait la présence de composés insaturés, il ne peut être établi que ces composés insaturés soient alors obligatoirement des alcools gras (C8-C30) insaturés comme le requiert la revendication 1 en litige.

Par conséquent, le document (2) ainsi que le document (1) ne divulguent pas de façon directe et non équivoque de composition contenant un alcool gras (C8-C30) insaturé comme le requiert la revendication 1 du brevet litigieux. Les compositions revendiquées, ainsi que le procédé les mettant en oeuvre et le dispositif les renfermant sont donc nouveaux (Article 54 CBE).

3. Activité inventive

3.1 Le brevet en litige concerne des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques associant au moins un colorant d'oxydation avec au moins un composé C1, au moins un composé C2 et au moins un composé C3 en se fixant comme objectif, entre autres, d'améliorer la chromaticité de la coloration (page 2, lignes 37 à 41).

Le document (2) dont la requérante prétend qu'il serait préjudiciable à la nouveauté des compositions revendiquées et cité dans le brevet litigieux comme point de départ de l'invention (page 2, lignes 28 à 32) concerne également des compositions pour la teinture par oxydation des fibres kératiniques, l'exemple à la page 28 associant un colorant d'oxydation, un composé C1, un composé C2 et des alcools gras saturés en C12 à C18 et ne se distingue ainsi des compositions revendiquées que par le fait que les alcools gras sont saturés au lieu d'être insaturés (voir paragraphe 2 supra).

Par conséquent, la Chambre considère que le document (2) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.

La requérante a invoqué à cet égard le document (5) qui, selon elle, pourrait également servir de point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive. Cependant, le document (5) décrit des compositions de coloration par oxydation qui comme le document (2) ne contiennent pas d'alcool gras insaturé mais qui de surcroît ne contiennent pas de composé de type C1 (document (5), exemples à la page 17). En outre, ce document n'est pas plus proche de l'invention que le document (2) au vu des objectifs qu'il se propose d'atteindre puisqu'il n'aborde pas plus que le document (2) le problème de la chromaticité de la coloration. Pour ces raisons le document (5) est plus éloigné de l'invention que le document (2) qui reste donc le point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive.

3.2 Selon l'intimée le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions pour la teinture des matières kératiniques qui engendrent des colorations plus chromatiques. Ce problème technique est défini à la page 2, lignes 37 à 41 du brevet litigieux.

3.3 La solution proposée par le brevet litigieux au problème technique défini ci-dessus est la composition de teinture par oxydation selon la revendication 1, caractérisée par le fait que l'alcool gras qu'elle requiert est insaturé.

3.4 Pour démontrer que l'amélioration de chromacité alléguée est bien le résultat des compositions revendiquées, l'intimée a fait référence aux essais comparatifs soumis devant la division d'examen avec la lettre datée du 16 mars 2005. Ces essais ont été réalisés à partir d'une composition de coloration selon le brevet litigieux renfermant de l'alcool oléique, à savoir un alcool gras insaturé en C18 (composition A). Cette composition a été comparée à une composition selon l'état de la technique dans laquelle cet alcool insaturé a été remplacé par l'alcool stéarylique, à savoir un alcool gras également en C18 mais saturé (composition B). Les deux compositions ont été mises en oeuvre pour colorer des mèches de cheveux. Les mesures de chromacité de la coloration obtenue par l'utilisation de chacune de ces compositions établissent que la composition A selon l'invention permet d'aboutir à une nuance plus chromatique que celle obtenue avec la composition B reflétant l'état de la technique (voir le tableau, écart de chromacité de 2,68).

3.4.1 Ces essais démontrent donc que la caractéristique distinguant les compositions revendiquées de celles de l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir la présence d'un alcool gras insaturé au lieu et place d'un alcool gras saturé, entraîne une amélioration de la chromacité de la coloration. Ceci n'a pas été contesté par la requérante.

3.4.2 Ainsi, au vu des résultats des essais comparatifs présentés par l'intimée, la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 3.2) a bien été résolu par les compositions faisant l'objet de la revendication 1.

3.5 Par conséquent, la seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux au problème posé découlait de façon évidente de l’état de la technique disponible, en d'autres termes, s'il était évident pour l'homme du métier d'utiliser un alcool gras insaturé pour améliorer la chromacité des colorations.

3.5.1 Les documents (2) et (5) concernent des compositions de teinture qui ne contiennent pas d'alcool gras insaturé. Ces documents ne peuvent donc de toute évidence suggérer à l'homme du métier la solution que propose le brevet litigieux au problème de l'amélioration de la chromacité, à savoir justement l'utilisation dans les compositions de teinture d'alcools gras insaturés.

3.5.2 Les documents (6) et (7) mentionnent bien la possibilité d'utiliser dans les compositions de teinture des alcools gras saturés mais également insaturés (document (6), page 3, lignes 20 à 32; document (7), page 30, troisième paragraphe). Ces documents n'enseignent cependant pas qu'une amélioration de la chromacité puisse être liée à l'utilisation d'alcools gras insaturés au lieu et place d'alcools gras saturés puisqu'ils positionnent au même niveau de performance ces deux types d'alcools ne mentionnant aucun avantage lié à l'une ou à l'autre classe d'alcools. De ce fait les documents (6) et (7) ne peuvent établir de corrélation entre la nature de l'alcool et une augmentation de la chromacité de la coloration et donc suggérer à l'homme du métier la solution revendiquée au problème technique à la base du brevet contesté.

3.5.3 Enfin, selon la requérante les exemples 1 à 9 du document (4) montraient que les compositions renfermant des composés du type C1, à savoir l'"Akypo RLM 45 A", engendraient des colorations plus intenses que celles qui n'en contenaient pas. Ce document suggérait ainsi la solution proposée par le brevet litigieux au problème de l'amélioration de la chromacité. Cet argument doit cependant être rejeté puisque la solution que propose le brevet litigieux au problème de l'amélioration de la chromacité ne réside pas dans l'utilisation de composés de type C1 mais dans l'utilisation d'alcools gras insaturés. Or, le document (4) n'enseigne nullement que le remplacement des alcools gras saturés par des alcools gras insaturés permet d'améliorer la chromacité.

3.5.4 Par conséquent, l'homme du métier ne peut déduire du document (2) seul, ou en combinaison avec les documents (4), (5), (6) et/ou (7), que les compositions comprenant un alcool gras insaturé selon la revendication 1 du brevet litigieux permettent de résoudre le problème à la base du brevet contesté, à savoir celui d'améliorer la chromacité des colorations.

3.6 Ainsi, les compositions selon la revendication 1, et pour les mêmes raisons celles selon les revendications dépendantes 2 à 34 impliquent une activité inventive (Article 56 CBE).

3.7 Les revendications 35 à 39 concernent un procédé de teinture mettant en oeuvre les compositions revendiquées et un dispositif à plusieurs compartiments ou "kit" pour la teinture comprenant ces compositions. L'objet de ces revendications implique donc une activité inventive pour les mêmes raisons que l'objet de la revendication 1.

4. Dans ces circonstances il n'y a pas lieu d'examiner les requêtes subsidiaires devenues sans objet.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

Quick Navigation