T 0345/09 () of 18.8.2011

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2011:T034509.20110818
Date de la décision : 18 Août 2011
Numéro de l'affaire : T 0345/09
Numéro de la demande : 01400861.9
Classe de la CIB : C23C 2/26
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de réalisation d'une pièce à très hautes caractéristiques mécaniques, mise en forme par emboutissage, à partir d'une bande de tôle d'acier laminée et notamment laminée à chaud et revêtue
Nom du demandeur : ArcelorMittal France
Nom de l'opposant : Volkswagen AG
Benteler Automobiltechnik GmbH
Tata Steel IJmuiden BV
Voestalpine Stahl GmbH
Chambre : 3.2.07
Sommaire : Un seul exemple non suffisant (voir point 3.2 des motifs)
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 83
European Patent Convention Art 100(b)
Mot-clé : Exposé suffisant (non pour toutes les requêtes) : l'homme du métier ne peut exécuter l'invention dans toute la gamme de la revendication 1 de toutes les requêtes qu'avec un effort excessif
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0275/04
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les requérantes 01 à 04 (les opposantes 01 à 04) ont formé recours contre la décision de la division d'opposition concernant le maintien du brevet européen no. 1 143 029 sous forme modifiée sur base de la revendication 1 annexée à la lettre datée du 23 octobre 2008 et des revendications 2-5 du fascicule de brevet. Avec leurs recours les requérantes ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet pour défaut d'exposé de l'invention selon l'article 100(b) CBE (requérantes 01, 03 et 04), pour défaut de nouveauté de l'objet de la revendication 1 (requérantes 03 et 04), pour défaut d'activité inventive (requérantes 01 à 04), et sur base de l'article 100(c) CBE (requérante 03). A titre subsidiaire, les requérantes ont demandé une procédure orale.

Par télécopie datée du 11 mars 2011 la requérante 03 a requis une accélération de la procédure de recours en vertu du communiqué du Vice-Président chargé de la Direction Générale 3 daté du 17 mars 2008 (JO OEB 2008, 220) sur base d'une action en contrefaçon intentée par l'intimée contre elle en Allemagne devant le Landgericht Düsseldorf. En outre, elle a fourni des moyens de preuve à l'appui de cette requête.

II. Dans la présente décision les documents suivants sont cités :

de la procédure d'opposition :

D2 = EP-A-0 971 044

B11 = Expertise de l'institut Max-Planck : "Echantillon dit Russe"

de la procédure de recours, fourni par l'intimée :

R1 = Guy Murry, "Transformations dans les aciers", Techniques de l’ingénieur; traité Matériaux métalliques, 1998, vol. MD1, dossier M1115.

III. Les quatre oppositions ont été formées contre le brevet dans son ensemble et fondées sur l'article 100(a) CBE (manque de nouveauté et d'activité inventive), l'article 100(b) CBE et l'article 100(c) CBE.

Pour ce qui est pertinent pour la présente décision; la division d'opposition a estimé, dans la décision attaquée, que les objections contre les caractéristiques mécaniques "très hautes" sont des objections de manque de clarté et de ce fait pas à considérer en opposition, que la revendication 1 telle que modifiée remplit les conditions de l'article 123(2) et (3) CBE et que les conditions énoncées dans l'article 83 sont remplies pour la plage de températures à appliquer, particulièrement au vu de B11.

IV. L'intimée demandait à titre principal le rejet du recours. Une procédure orale était requise au cas où il ne serait pas prévu de prononcer le rejet des recours, sur base de la phase écrite.

V. Par lettre datée du 4 mai 2011 la requérante 03 a soumis des observations additionnelles, entre autres concernant la suffisance d'exposé de l'invention.

VI. Avec la notification annexée à la convocation à la procédure orale datée du 31 mai 2011 établie conformément aux dispositions de l'article 11(1) du Règlement de procédure des chambres de recours (RPCR), la chambre, à titre indicatif, a émis son avis provisoire qui était basé sur le jeu de revendications tel qu'accepté par la décision contestée.

Elle a indiqué que la revendication 1 semble être conforme à l'article 123(3) CBE mais ne semble pas remplir les exigences de l'article 123(2) CBE.

En outre, la chambre a estimé qu'il apparaît que l'homme du métier, pour déterminer les "très hautes caractéristiques mécaniques" selon la revendication 1, se voit confronté à un programme de recherche à exécuter. De plus, elle a remarqué qu'il peut être nécessaire de discuter si l'homme du métier peut exécuter l'invention dans toute la plage de températures revendiquée.

VII. Par lettre datée du 13 juillet 2011 l'intimée a soumis une nouvelle requête principale et des requêtes subsidiaires 1 à 4 en combinaison avec des arguments concernant la base des modifications pour tenir compte des remarques faites par la chambre dans sa notification susmentionnée. En outre, l'intimée a soumis trois nouveaux documents incluant R1 en combinaison avec des commentaires relatifs à la suffisance de l'exposé de l'invention et la brevetabilité.

VIII. Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête principale est le suivant (l'accentuation des amendements en gras par rapport à la revendication 1 telle qu'acceptée par la division d'opposition est ajoutée par la chambre) :

"1. Procédé de réalisation d’une pièce à très hautes caractéristiques mécaniques obtenues après mise en forme par effet de trempe au refroidissement, mise en forme par emboutissage, à partir d’une bande de tôle d’acier laminée, notamment laminée à chaud et revêtue d’un revêtement en zinc ou en alliage à base de zinc assurant une protection de la surface et de l’acier, procédé dans lequel - on découpe la tôle pour l’obtention d’un flan de tôle, - on effectue un emboutissage à chaud, à partir du flan de tôle pour obtenir la pièce, - on réalise, avant emboutissage, un composé allié intermétallique, en surface, assurant une protection contre la corrosion, contre la décarburation de l’acier, le composé intermétallique pouvant assurer une fonction de lubrification, ledit composé étant obtenu par transformation du revêtement en un alliage intermétallique par une élévation de température supérieure à 700º C, - on retire par découpage, les excédents de tôle nécessaires à l’opération d’emboutissage."

IX. La revendication 1 selon la requête subsidiaire n**(o)1 diffère de celle de la requête principale par la modification : "ledit acier étant un acier pour traitement thermique et formage à chaud et étant" entre les phrases "… notamment laminée à chaud" et "revêtue d’un revêtement en zinc …".

X. La revendication 1 selon la requête subsidiaire n**(o) 2 diffère de celle de la requête principale par l'adjonction : " à laquelle le flan de tôle est soumis pour la mise en forme à chaud de la pièce," entre les phrases "… supérieure à 700º C," et "- on retire par découpage …".

XI. La revendication 1 selon la requête subsidiaire n**(o) 3 diffère de celle de la requête subsidiaire n**(o)1 par l'adjonction : " à laquelle le flan de tôle est soumis pour la mise en forme à chaud de la pièce," entre les phrases "… supérieure à 700º C," et "- on retire par découpage …".

XII. Le libellé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire n**(o)4 est le suivant (l'accentuation des amendements en gras avec les suppressions entre parenthèses par rapport à la revendication 1 de la requête principale est ajoutée par la chambre) :

"1. Procédé de réalisation d’une pièce à très hautes caractéristiques mécaniques [obtenues après mise en forme par effet de trempe au refroidissement], mise en forme par emboutissage, à partir d’une bande de tôle d’acier laminée, notamment laminée à chaud ledit acier étant un acier pour traitement thermique et formage à chaud et étant revêtue d’un revêtement en zinc ou en alliage à base de zinc assurant une protection de la surface et de l’acier, procédé dans lequel - on découpe la tôle pour l’obtention d’un flan de tôle, - on effectue un emboutissage à chaud, à partir du flan de tôle pour obtenir la pièce, - on réalise, avant emboutissage, un composé allié intermétallique, en surface, assurant une protection contre la corrosion, contre la décarburation de l’acier, le composé intermétallique pouvant assurer une fonction de lubrification, ledit composé étant obtenu par transformation du revêtement en un alliage intermétallique par une élévation de température supérieure à 700º C, à laquelle le flan de tôle est soumis pour la mise en forme à chaud de la pièce,

- on refroidit la pièce obtenue par emboutissage pour subir une trempe à une vitesse supérieure à la vitesse critique de trempe et on lui confère de cette façon lesdites hautes caractéristiques mécaniques, - on retire par découpage, les excédents de tôle nécessaires à l’opération d’emboutissage."

XIII. La procédure orale a eu lieu devant la chambre le 18 août 2011. Au début, la requérante 03 a retiré sa requête en remboursement de 20% de la taxe de recours faite avec son recours. Ensuite, la suffisance de l'exposé de l'invention concernant toutes les requêtes a été discutée avec les parties.

Les requérantes 01 à 04 ont demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.

L'intimée a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur base de la requête principale ou, de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 4, toutes les requêtes ayant été déposées avec lettre en date du 13 juillet 2011.

La chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

XIV. Dans le cadre de la procédure orale, la requérante 01 a essentiellement présenté les arguments suivants :

Le procédé de durcissement à la presse ne représente pas un procédé avec des paramètres fixes tel que, par exemple, l'estampage. Il est nécessaire d'ajuster entre eux beaucoup de ces paramètres.

XV. Dans le cadre de la procédure orale, la requérante 02 a essentiellement présenté les arguments suivants :

En tenant compte du libellé de la revendication 1 de toutes les requêtes l'argument de l'intimée que le durcissement à la presse serait l'étape essentielle du procédé revendiqué ne peut pas être accepté, vu que cet aspect n'apparaissait qu'avec la revendication 2.

XVI. Dans le cadre de la procédure orale, la requérante 03 a essentiellement présenté les arguments suivants :

Les modifications apportées à la revendication 1 de toutes les requêtes ne montrent pas le sens de la définition "très hautes caractéristiques mécaniques". Le but de l'étape additionnelle de trempe n'est pas défini. Par conséquent, les objections présentées par la chambre dans son opinion provisoire contre la suffisance restent valides. Le brevet tel qu'accepté et modifié en recours utilise différentes expressions "très hautes caractéristiques mécaniques", "des caractéristiques … élevées" et "hautes caractéristiques mécaniques" qui ont des sens différents et qui définissent différents niveaux desdites propriétés (voir dans ce contexte la revendication 2 du brevet : "… de dureté élevées"). La description contient des contradictions et ne donne pas de définition desdites caractéristiques mécaniques "très hautes" qui sont aussi présentées comme "élevées".

De plus, R1 prouve que les caractéristiques mécaniques peuvent être modifiées selon les besoins (voir page 45, point 4, premier paragraphe) et que la trempe au refroidissement n'implique pas nécessairement certaines caractéristiques mécaniques (voir page 45, point 4, sixième paragraphe à page 46, premier paragraphe).

Selon la jurisprudence établie (voir par exemple T 275/04, non-publiée au JO OEB) le brevet doit comprendre suffisamment d'informations pour que l'homme du métier puisse réaliser l'invention dans toute la gamme de la revendication 1. La description ne donne ici aucune information concernant le contenu en zinc de l'alliage à base de zinc. En outre, en fonction de la gamme de températures appliquées, de la vitesse de chauffage etc. on obtient des résultats différents. Il faut que l'homme du métier puisse exécuter le procédé revendiqué à la date du dépôt de la demande. Selon D2 une vitesse de chauffage supérieure à 5ºC/s et pouvant dépasser 600ºC/s est nécessaire pour produire l'alliage intermétallique d'aluminium et de fer (voir paragraphe [0007]).

Par conséquent, l'homme du métier ne peut pas exécuter l'invention.

XVII. Dans le cadre de la procédure orale, la requérante 04 a essentiellement présenté les arguments suivants :

La demande telle que publiée divulgue trois niveaux différents pour les caractéristiques mécaniques : "caractéristiques élevées" - "caractéristiques hautes" - "caractéristiques très hautes" (voir par exemple page 2, ligne 47; page 3, lignes 5, 6 et 54; revendication 1). En outre, à cause de l'utilisation desdites expressions différentes il n'est pas possible de clairement attribuer des propriétés mécaniques précises. La description ne donne pas d'indication de valeurs spécifiques et il n'y a pas non plus d'information qui permette à l'homme du métier une exécution du procédé aboutissant à de telles caractéristiques mécaniques.

De plus, l'intimée a argumenté que l'invention n'exige pas une austénitisation complète, qui ne se réalise qu'au-dessus d'Ac3. Selon l'intimée, l'invention est par contre aussi bien réalisée avec une austénitisation partielle qui commence à la température plus basse (Ac1) qui définit la limite inférieure pour la transformation austénitique de l'acier. En outre, elle a allégué qu'il n'y a pas non plus de contradiction entre le minimum de la température de 700ºC indiqué dans la revendication 1, qui est possible avec une addition de manganèse, et le chauffage à une température supérieure à Ac1 (voir lettre de l'intimée datée du 13 juillet 2011, page 5, quatrième paragraphe).

Il est clair qu'une température d'Ac1 permet une austénitisation partielle; par contre, le produit résultant d'un tel traitement a des caractéristiques différentes de celles d'un produit obtenu par une austénitisation complète. De plus, la divulgation du brevet ne mentionne ni le point Ac1 ni le point Ac3, ni une austénitisation partielle. La référence de l'intimée au diagramme de phase de Fe-C pour un alliage de Fe-C-Mn et une température de 700ºC ne peut pas être décisive parce qu'il n'est pas clair qu'une transformation dudit alliage manganèse soit possible. Par conséquent, l'homme du métier ne peut pas exécuter le procédé dans la gamme de températures entre 700-723ºC, ni dans la gamme des températures hautes, pour lesquelles B11 montre que le revêtement de zinc ne survit pas.

L'homme du métier ne peut pas sélectionner des aciers spécifiques de n'importe quels tableaux parce qu'il ne sait pas quelles propriétés il doit prévoir. Selon le tableau 4 de R1 (voir page 24) une "vitesse critique de trempe" n'implique pas nécessairement de structures martensitiques.

La revendication 1 de la requête principale n'est pas limitée à un acier spécifique.

Les modifications des revendications 1 des requêtes subsidiaires 1 et 4 ne résolvent pas les problèmes susmentionnés. Par conséquent, l'homme du métier ne peut exécuter l'invention, particulièrement dans toute la gamme de la revendication 1 de toutes les requêtes qu'avec un effort excessif.

XVIII. L'intimée a essentiellement présenté les arguments suivants :

L'homme du métier doit appliquer l'ensemble de ses connaissances pour interpréter le procédé selon les revendications 1 de toutes les requêtes. Il est clair pour lui que la "mise en forme" est le résultat d'un "emboutissage" et que cette étape résulte en un durcissement à la presse, qui est un procédé qui fait partie de ses connaissances générales. Il est aussi clair pour lui qu'une trempe au refroidissement du produit de départ doux (c'est-à-dire un acier durcissable) y prend place et que ce procédé comprend une étape antérieure de chauffage dudit produit au moins au-dessus du point Ac1. En outre, l'homme du métier interprète les expressions de la revendication 1 selon la description, par exemple l'expression "on refroidit la pièce formée pour conférer des caractéristiques mécaniques de dureté élevées [sic] de l'acier" (voir le brevet, paragraphe [0005]) implique pour lui que la résistance à la traction accompagne la dureté de l'acier. Ces deux caractéristiques sont visées par les "très hautes caractéristiques mécaniques".

Le document R1 est une compilation de connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine de la trempe au refroidissement des aciers. Ces connaissances générales sont donc bien suffisantes pour qu’il puisse réaliser, par effet de trempe au refroidissement, les hautes caractéristiques mécaniques susmentionnées selon les besoins. Dans la figure 1 du brevet, qui représente un schéma de principe de l’invention revendiquée, il est indiqué que la résistance mécanique initiale de l’acier avant la trempe est Rm= 500 MPa, tandis que la valeur de la résistance Rm après la trempe est supérieure à 1500 MPa. Ce sont les mêmes valeurs qu'indiquées dans le paragraphe [0014] du brevet qui a été critiqué dans l’opinion provisoire de la chambre pour ne pas avoir trait au procédé revendiqué. Le durcissement dépend de la composition d'acier utilisé et le taux de carbone y appliqué est généralement entre 0.15 et 0.8 % en poids. L'homme du métier choisira une composition faisable à partir des tableaux connus de l'acier.

Il convient de remarquer que la dureté indiquée dans le paragraphe [0015] du brevet est celle du revêtement à base de zinc après sa transformation en une couche alliée et pas la dureté de l’acier après la trempe (voir brevet, paragraphe [0021]).

La vitesse de refroidissement supérieure à la vitesse critique de trempe est inhérente à la notion de "trempe au refroidissement" (voir R1, page 24, colonne gauche, avant-dernier paragraphe). La première, par sa référence explicite à la vitesse critique de trempe, précise encore plus le moyen de réalisation des très hautes caractéristiques mécaniques par effet de trempe au refroidissement.

La caractéristique supplémentaire de la revendication 1 de la requête subsidiaire n**(o) 1 souligne de plus l’aptitude de l’acier pour son formage dans un état ductile (possibilité de déformation à chaud) et pour son traitement thermique ultérieur (voir R1, page 45, colonne de droite, avant-dernier paragraphe) qui lui confère les très hautes caractéristiques mécaniques.

La caractéristique concernant le traitement thermique implique une transformation de la morphologie du revêtement en zinc ou alliage à base de zinc, par formation d’un composé allié intermétallique en surface. Il est clair qu'un alliage à base de zinc comprend au moins 50% en poids de zinc. Le revêtement est transformé par chauffage au-dessus de 700ºC et par diffusion en un alliage avec le fer du substrat. D'autres composants de l'alliage "à base de zinc" ne sont pas importants à ce sujet.

Le système Fe-Zn comprend selon les connaissances générales de l’homme du métier les composés alliés intermétalliques de phases zeta(FeZn13), delta1 (FeZn7), ?1 (FeZn4), ?(Fe3Zn10). L’instruction de la revendication 1 de réaliser un composé allié intermétallique en surface par élévation de température est donc suffisante pour lui, pour choisir des valeurs de la température et de la durée du traitement pour avoir comme résultat cet état de la surface du revêtement. A la lumière de cette caractéristique de la revendication 1, il ne choisira surtout pas des conditions qui détruiraient le revêtement (voir la minorité des échantillons M13 à M15 de l’expertise B11). Alors que les plages pour la température et le temps de chauffage sont relatives à l'alliage utilisé, l'homme du métier sait comment il faut le traiter parce que les composés alliés intermétalliques sont stables seulement dans certaines zones spécifiques de température et de composition. Par conséquent, il n'a pas besoin d'informations plus concrètes comme des diagrammes température-temps. L'homme du métier peut vérifier visuellement si cet alliage intermétallique a été formé ou non. En outre, il peut le vérifier par SEM. Les autres composants de l'acier peuvent influencer l'alliation mais la diffusion principale dépend du fer.

Il convient d’ajouter qu’il n’y a pas non plus de contradiction entre le minimum de la température (700ºC) indiqué dans la revendication 1 et le chauffage à une température supérieure à Ac1, ce dernier définissant la limite inférieure pour la transformation austénitique de l’acier. Cette limite dépend en effet de la présence des éléments d’alliage dont par exemple le manganèse, qui abaisse cette limite (voir R1, page 5, colonne droite "formule empirique due à Andrews").

Par conséquent, les exigences de l'article 83 CBE sont remplies.

Motifs de la décision

1. Accélération de la procédure de recours

La chambre considère que les moyens de preuve de l'action en contrefaçon intentée, soumis par la requérante 3, sont suffisants et a donc accéléré la procédure de recours dans le cas présent.

2. Recevabilité des modifications (articles 84, 123(2) et (3) CBE)

Au vu des constatations de la chambre ci-après au sujet de la suffisance de l'exposé de l'invention, il n'est pas nécessaire de considérer la question de la recevabilité des modifications apportées au brevet de toutes les requêtes.

3. Suffisance de l'exposé de l'invention (articles 100(b) et 83 CBE)

Selon la revendication 1 de toutes les requêtes, de "très hautes caractéristiques mécaniques" seront le résultat du procédé revendiqué (voir points VIII-XII, ci-dessus). Il s'agit donc premièrement de la question de savoir quelles caractéristiques mécaniques sont à considérer pour l'invention et quelles valeurs sont à leur attribuer, pour remplir la condition d'être "très hautes" selon la revendication 1 de toutes les requêtes.

3.1 "Très hautes"

Les requérantes ont soulevé que la revendication 1 et la description du brevet ne sont pas claires à ce sujet, mentionnant de "très hautes caractéristiques mécaniques" dans le paragraphe [0004], ligne 28 et la revendication 1 du brevet délivré, des "caractéristiques mécaniques élevées" dans le paragraphe [0014], ligne 22 (n'ayant plus trait à l'invention selon le brevet) et des "caractéristiques mécaniques élevées" dans le paragraphe [0021], ligne 46 en relation avec la trempe. Aussi dans le cadre de la trempe il est fait mention de "caractéristiques mécaniques de dureté élevées de l'acier et une dureté superficielle élevée du revêtement" dans le paragraphe [0005], lignes 43 et 44. Des valeurs pour ces caractéristiques ne sont nulle part mentionnées, sauf pour la résistance à la rupture (1500 MPa) dans la figure 1.

Pour la chambre, ces aspects peuvent rester hors des débats, parce que la suffisance de l'exposé de l'invention n'est pas établie pour les raisons suivantes.

3.2 "Quelles caractéristiques mécaniques" ?

3.2.1 L'intimée, par les modifications apportées aux revendications 1 et les descriptions du brevet de toutes les requêtes ("très hautes caractéristiques mécaniques obtenues après mise en forme par effet de trempe", "pour subir une trempe ... et on lui confère de cette façon lesdites hautes caractéristiques mécaniques"), a voulu limiter les "très hautes caractéristiques mécaniques" revendiquées seulement à celles obtenues à la fin du procédé, après la trempe. Les caractéristiques mécaniques obtenues avant la trempe, après formage à chaud, ne joueraient pas de rôle en étant "très hautes".

La chambre ne peut pas accepter cet argument, car le brevet délivré, dans sa revendication 1 et dans la description pertinente des paragraphes [0004], [0010] et [0020] revendiquait déjà ce résultat avant l'exécution de la trempe. Par l'effet de la revendication 2 du brevet délivré et des paragraphes [0005] et [0021] des caractéristiques mécaniques élevées étaient obtenues aussi par la trempe.

Dans ce contexte aussi l'argument de l'intimée selon lequel déjà pour le procédé de la revendication 1 du brevet délivré il était implicite qu'il s'agissait d'un procédé incluant la trempe et que la revendication 2 y apportait seulement la valeur pour une de ces caractéristiques mécaniques (la dureté), ne peut pas non plus être accepté, car cette distinction était clairement présente dans le brevet délivré et est rendue encore plus évidente par les modifications nécessaires dans la description, proposées par l'intimée, pour l'éliminer.

Aussi l'argument de l'intimée selon lequel le procédé revendiqué n'avait trait qu'au "durcissement à la presse" ("Presshärten") ne peut pas non plus être suivi, car la revendication 1 de toutes les requêtes ne contient aucune indication que la trempe se ferait dans la presse.

3.2.2 Par conséquent, le brevet contesté garantit en paragraphe [0010] et paragraphe [0020] l'obtention d'une grande résistance à l'abrasion, l'usure et la fatigue (ou accrue) après le traitement d'élévation de température, mais avant l'emboutissage et de surcroît avant la trempe. Ce traitement garantit par l'alliage du revêtement avec l'acier non seulement une grande dureté du revêtement, paragraphe [0015], mais aussi de bonnes qualités de lubrifiant (paragraphes [0021] et [0023]).

La trempe doit aboutir (paragraphe [0005]) à une dureté de l'acier et une dureté du revêtement élevées et à une résistance à la rupture élevée (1500 MPa, figure 1).

Comme le procédé requiert l'emboutissage à chaud d'une bande de tôle d'acier laminée, il est aussi évident que la déformabilité (p.ex. ductilité et une certaine résistance à la rupture) avant l'étape d'emboutissage constitue l'une de ces caractéristiques mécaniques élevées, voir aussi la figure 1 montrant une résistance à la rupture de 500 MPa avant l'emboutissage.

Pour toutes ces caractéristiques mécaniques - sauf la dureté du revêtement de la tôle laminée après l'emboutissage - il n'y a aucun exemple dans le brevet contesté. Même pour cette dureté (600 HV 100g) aucune composition de l'acier, importante pour la formation de l'alliage avec le laminé de zinc (ou à base de zinc) formant de suite ce revêtement, n'est fournie.

3.2.3 Compte tenu de ce qui précède, il est question de neuf caractéristiques mécaniques. Même s'il est tenu compte du fait qu'il y a une relation entre la dureté de l'acier et sa résistance à la traction (ce qui n'est pas identique à la résistance à la rupture mentionnée dans le brevet contesté, voir ci-dessus), il reste toujours huit caractéristiques mécaniques à établir dans les essais à poursuivre par l'homme du métier pour exécuter l'invention, afin d'observer les conditions de l'article 83 CBE.

3.3 Paramètres à prendre en considération dans les étapes du procédé

Le seul exemple du produit final dans le brevet contesté traite de la résistance à la corrosion, ce qui par contre n'est pas une caractéristique mécanique.

Pour remédier à l'absence d'exemples pertinents quant aux caractéristiques mécaniques susmentionnées, indispensables à l'invention, l'homme du métier devrait exécuter un nombre d'essais, pour établir ce qu'est l'invention.

Pour la question de suffisance de l'exposé de l'invention aux termes de l'article 83 CBE il faut dans ce cas établir si l'homme du métier est confronté avec un effort excessif dans l'exécution de ces tests, dans toute la gamme couverte par la revendication 1. Pour ces tests, il est aussi nécessaire d'établir les paramètres à prendre en compte.

3.3.1 Un paramètre essentiel est la composition de l'acier formant la tôle, qui doit s'allier avec le zinc laminé sur la tôle pour former ensuite le revêtement qui aura les caractéristiques mécaniques élevées susmentionnées. Selon le seul exemple 1 du brevet la composition pondérale de l'acier (en %) est donnée comme suit : 0.15 à 0.25 de carbone, 0.8 à 1.5 de manganèse, 0.1 à 0.35 de silicium, 0.01 à 0.2 de chrome, moins de 0.1 de titane, moins de 0.1 d'aluminium, moins de 0.05 de phosphore, moins de 0.03 de soufre et 0.0005 à 0.01 de bore (voir paragraphe [0022]). L'exemple du traitement par élévation de température à 950 ºC ne mentionne nulle part la composition de cet acier.

Les revendications 1 de toutes les requêtes ne contiennent pas d'indications sur la composition de l'acier; l'intimée, vu la nécessité de la trempe suivant le formage à chaud, a aussi maintenu qu'un contenu de carbone entre environ 0.15 à 0.8 % en poids - cette gamme est plus grande que celle donnée dans la description du brevet - détermine essentiellement la trempabilité.

La composition de l'acier et en particulier au moins la teneur en carbone, en éléments dits carburigènes (c'est-à-dire manganèse, molybdène, vanadium, tungstène, niobium et titane) et en bore influencent la trempabilité. R1, qui est, comme remarqué par l'intimée, une compilation de connaissances générales dans le domaine de la trempe au refroidissement des aciers, montre ces influences (voir page 6, colonne de gauche, premier paragraphe à la page 7, colonne de gauche, quatrième paragraphe et figures 6 à 8; page 16, colonne de gauche, dernier paragraphe à la page 17, colonne de droite, troisième paragraphe : "2.2.2.6.2 Influence des éléments d'alliage"; les pages 18 et 19, figures 20 et 21; page 22, figure 25; page 34, colonne de droite, premier au septième paragraphes; page 45, colonne droite, avant-dernier paragraphe; voir aussi D2, paragraphes [0025] et [0028]).

Par conséquent, au moins les éléments C, Mn, Mo, V, W, Nb, Ti et B de la composition d'acier représentent au moins huit paramètres qui influencent la trempabilité et donc les caractéristiques mécaniques de cet acier après une trempe au refroidissement.

Pour la chambre, déjà pour un tel contenu de 0.8 % en poids de carbone l'homme du métier ne reçoit pas d'informations du brevet contesté pour déterminer comment il faut adapter les autres composants de l'acier, sans parler pour des taux de carbone entre 0.25 à 0.8 % en poids, qui resteraient encore à inclure dans les essais, présumant qu'au moins les aciers durcissables à la trempe sont envisagés par les revendications 1 de toutes les requêtes.

3.3.2 Les essais avec différentes compositions pour l'acier doivent aussi prendre en compte le pourcentage en zinc mis en oeuvre, car les revendications 1 de toutes les requêtes ont trait, pas seulement à un revêtement avec 100% de zinc mais aussi à un revêtement avec un "alliage à base de zinc", comme argué par la requérante 03, donc avec un pourcentage de zinc au-dessus de 50%.

3.3.3 Comme certaines des caractéristiques mécaniques susmentionnées (dureté du revêtement, rôle de lubrifiant, résistance au frottement) nécessaires dans l'étape d'emboutissage doivent provenir de l'étape d'élévation de température résultant en un alliage du revêtement, les essais susmentionnés doivent de plus être répétés pour différentes températures supérieures à 700 ºC, comme revendiqué. La chambre accepte que l'homme du métier, dans ces essais, ne va pas dépasser des températures nocives pour ou détruisant ce revêtement, contrairement à l'argument de la requérante 04, basé sur B11. Mais la gamme de températures à prendre en compte devrait aller au moins jusqu'à 950 ºC, mentionné dans l'exemple des paragraphes [0023] et [0024], pour obtenir l'austénitisation de l'acier y mentionné.

Comme la déformabilité pendant l'emboutissage est aussi une des caractéristiques mentionnées, l'influence de la température à laquelle le laminé est chauffé sur sa déformabilité doit additionnellement entrer dans les essais à exécuter.

Vu le résultat ci-après pour la suffisance de l'exposé de l'invention dans le brevet contesté il n'est pas nécessaire de considérer la question de la température de traitement thermique dans la gamme entre 700ºC et le point Ac1 du système Fe-C, c'est-à-dire 723ºC, ni la question si une transformation d'un alliage de Fe-C-Mn à une température de 700ºC est possible ou non.

Ces essais doivent en outre être répétés pour différentes durées de l'application de cette température élevée, vu la figure 1 mentionnant une durée de 2 à 10 minutes et l'exemple avec 950 ºC mentionnant une durée de 5 minutes, et pour différentes vitesses d'augmentation de la température (ºC/s) dans cette étape. Ces deux paramètres auront une influence sur l'austénitisation de l'acier, celle-ci étant aussi influencée par la composition de l'acier, voir R1, page 42, colonne de droite, premier paragraphe à page 45, colonne de droite, troisième paragraphe.

3.3.4 Cette composition de l'acier laminé, dans son état d'austénitisation totale ou partielle, sortant de l'étape de chauffage à une température au-dessus de 700 ºC, détermine aussi la structure finale après l'étape de trempe. La recherche de cette relation doit de ce fait aussi entrer dans les essais requis pour établir la suffisance de l'exposé de l'invention. Il est clair qu'on obtient comme résultat de la trempe après une austénitisation partielle en tout cas des mélanges composés, par exemple de ferrite + perlite + bainite ou ferrite + bainite + martensite. Cela implique que les caractéristiques mécaniques d'un acier résultant d'un tel traitement sont différentes de celles d'un acier obtenu par un procédé incluant une austénitisation complète.

3.3.5 Pour l'étape de trempe, il est clair que les paramètres de la vitesse de refroidissement et de la température finale déterminent les caractéristiques mécaniques finales du laminé et du revêtement susmentionnées, c'est-à-dire les duretés de l'acier/résistance à la traction. La valeur maximale du durcissement que l'on peut obtenir selon les besoins, sur base du diagramme TRC (transformation en refroidissement continu), est celle à l'état martensitique (voir R1, page 45, colonne de droite, troisième et quatrième paragraphes). Selon R1 la définition "vitesse critique de trempe" (voir la requête auxiliaire nº4) signifie soit la transformation bainitique, soit la transformation martensitique. En outre, il est évident que la transformation martensitique ne serait jamais complète et que la température finale du refroidissement influence la proportion de martensite obtenue (voir R1 page 24, tableau 4 et colonne de droite, paragraphe "2.2.3.3 Austénite résiduelle" à page 25, colonne de gauche, avant-dernier paragraphe).

Ces paramètres doivent aussi entrer dans les essais à exécuter.

3.3.6 Le nombre des paramètres à observer est en conséquence d'au moins quatorze.

3.4 Conclusions

Vu le nombre de caractéristiques mécaniques (huit ou même neuf) et des paramètres à suivre (quatorze), combiné avec les plages à appliquer à ces paramètres et les répétitions des tests - nécessaires pour certaines de ces caractéristiques mécaniques qui doivent être garanties avant et après la trempe - le tout étant nécessaire pour exécuter l'invention, la chambre ne peut que conclure que l'homme du métier se voit confronté avec un programme de recherche si étendu que cela représente un effort excessif. L'exposé de l'invention des revendications 1 de toutes les requêtes dans le brevet contesté est de ce fait insuffisant et les conditions de l'article 83 CBE ne sont pas remplies.

Il est remarqué que la conclusion tirée ci-dessus ne dépend pas de la question si l'homme du métier a les connaissances nécessaires pour exécuter ces essais. La chambre peut bien accepter que R1 représente les connaissances générales de l'homme du métier dans ce domaine technique. La conclusion se base sur la quantité des caractéristiques et des paramètres à y observer, les plages à appliquer et les répétitions à faire selon les étapes du procédé.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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