European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2012:T012809.20120906 | ||||||||
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Date de la décision : | 06 Septembre 2012 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0128/09 | ||||||||
Numéro de la demande : | 99919337.8 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12N 15/56 A23C 9/123 C12N 1/20 C12N 9/38 C12R 1/225 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Souches mutantes de lactobacillus bulgaricus dépourvues d'activité beta-galactosidase | ||||||||
Nom du demandeur : | COMPAGNIE GERVAIS DANONE | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.08 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requête principale - activité inventive (oui) N( du recours : T 0128/09 - 3.3.08 DECISION de la Chambre de recours technique 3.3.08 du 6 septembre 2012 Requérant : (Titulaire du brevet) COMPAGNIE GERVAIS DANONE 17 Boulevard Haussmann F-75009 Paris (FR) Mandataire : Vialle-Presles, Marie José Cabinet ORES 36, rue de St Pétersbourg F-75008 Paris (FR) Décision attaquée : Décision de la division d'opposition de l'Office européen des brevets postée le 18 novembre 2008 par laquelle le brevet européen nº 1078074 a été révoqué conformément aux dispositions de l'article 101(3)(b) CBE. Composition de la Chambre : |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Un recours a été formé par le titulaire du brevet européen Nº 1 078 074 contre la décision de la division d'opposition postée le 18 Novembre 2008 qui, conformément aux dispositions de l'article 101(3)(b) CBE, a statué que le brevet devait être révoqué. Celui-ci, ayant pour titre "SOUCHES MUTANTES DE LACTOBACILLUS BULGARICUS DEPOURVUES D'ACTIVITE BETA-GALACTOSIDASE" avait été délivré sur la base de la demande de brevet européen Nº 99919337.8, elle-même déposée sous la forme d'une demande de brevet internationale publiée sous le Nº WO 99/61627.
II. La révocation avait été décidée au motif qu'aucune des trois requêtes alors dans la procédure, à savoir la requête principale et les deux requêtes subsidiaires remises avec la lettre du 10 septembre 2008, ne satisfaisait aux conditions de l'article 56 CBE.
III. Une seule opposition avait été formée. Les motifs étaient que l'objet du brevet n'était pas nouveau et n'impliquait pas une activité inventive (cf. article 100(a) CBE) et que l'invention n'était pas suffisamment décrite (cf. article 100(b) CBE).
IV. Par un courrier en date du 1 février 2008, la division d'opposition a cité les parties à une procédure orale.
V. Par un courrier en date du 17 septembre 2008, l'opposant a annoncé qu'il retirait son opposition. Il n'est pas partie à la procédure de recours.
VI. La division d'opposition a alors décidé la poursuite d'office de la procédure d'opposition selon les dispositions de la règle 84(2) CBE, dernière phrase, et confirmé au titulaire du brevet la citation à la procédure orale. Celle-ci s'est tenue le 15 octobre 2008 et c'est à son issue que la division d'opposition a annoncé sa décision.
VII. Le titulaire du brevet (le requérant) a fait savoir dans un courrier daté du 14 janvier 2009 qu'il formait un recours contre la décision de la division d'opposition. Un mémoire exposant les motifs du recours a été remis avec une lettre en date du 18 mars 2009. Le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 9 de la requête principale remise avec la lettre du 10 septembre 2008 y était requis. A défaut, le renvoi de l'affaire à la division d'opposition aux fins de poursuivre la procédure par écrit y était demandé. En tout état de cause, le remboursement de la taxe de recours était requis. La tenue d'une procédure orale était demandée d'une manière subsidiaire.
VIII. Le 24 avril 2012, le requérant a été informé par la Chambre au cours d'un entretien téléphonique de son avis préliminaire favorable quant au jeu de revendications constituant la requête principale et il lui a été demandé de préciser quelles étaient ses requêtes.
IX. Par une lettre en date du 23 mai 2012, le requérant a répondu à la Chambre en l'informant que, dans la mesure où la Chambre de recours était d'avis de faire droit au maintien du brevet sur la base dudit jeu de revendications, elle retirait ses autres requêtes, y compris celle visant au remboursement de la taxe de recours.
X. La requête principale (remise avec la lettre du 10 septembre 2008) consiste en un jeu de 9 revendications dont les revendications 1, 3, 5 et 8 se lisent comme suit:
"1. Souche mutante de L. bulgaricus dépourvue d'activité beta-galactosidase, caractérisée en ce que ledit manque d'activité beta-galactosidase résulte d'une mutation non-sens dans la séquence codant pour la beta-galactosidase."
"3. Ferment lactique, caractérisé en ce qu'il comprend au moins une souche de L. bulgaricus selon la revendication 1 ou la revendication 2."
"5. Procédé de préparation d'un produit laitier fermenté, caractérisé en ce qu'il comprend une étape au cours de laquelle on fermente du lait à l'aide d'un ferment lactique comprenant au moins une souche de L. bulgaricus selon une quelconque des revendications 1 ou 2, en présence d'au moins un sucre assimilable par ladite souche."
"8. Produit laitier fermenté susceptible d'être obtenu par un procédé selon une quelconque des revendications 5 à 7."
Les autres revendications sont en situation de dépendance, la revendication 2 vis-à-vis de la revendication 1, la revendication 4 vis-à-vis de la revendication 3, les revendications 6 et 7 vis-à-vis de la revendication 5 et la revendication 9 vis-à-vis de la revendication 8.
XI. Il est fait référence dans la présente décision aux documents suivants:
(D5) US 5,382,438, publié le 17 janvier 1995
(D6) Glossary of Genetics, Fifth Edition 1991, R. Rieger, A. Michaelis and M. Green Editors, Berlin, cover pages, and pages 348 to 349
(D7) Yoghurt, Nutritional and Health Properties, R. C. Chandan Editor, McLean, 1989, pages 41 to 55
(D9) Rapport d'expériences remis en tant qu'annexe 2 de la lettre du requérant en date du 5 avril 2006
(D10) "Genes V", B. Lewin, Oxford University Press, New York, 1995, cover pages and pages 462 to 465
(D11) P. Leong-Morgenthaler et al., Journal of Bacteriology, Vol. 173, No. 6, March 1991, pages 1951 to 1957
XII. Les arguments présentés par le requérant peuvent être résumés de la façon suivante :
Requête principale (activité inventive)
La position de la division d'opposition n'était pas fondée. Le document D7 se référait aux mutations faux-sens et ne permettait aucune conclusion quant aux effets des mutations non-sens. La mise en doute des résultats dans le document D9 ne reposait sur aucun fait. Il ne s'agissait que d'allégations. Le document D11 divulguait que le gène codant pour la beta-galactosidase était le dernier de l'opéron de lactose de L. bulgaricus. Pour cette raison, il n'y avait pas d'effet pléiotropique polaire.
XIII. La requérante demande l'annulation de la décision de la division d'opposition en date du 18 novembre 2008 et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 9 de la requête principale remise avec la lettre en date du 10 septembre 2008.
Motifs de la décision
Requête principale
Articles 123, 84, 83 et 54 CBE
1. La division d'opposition a considéré dans sa décision que les conditions des articles 123, 84, 83 et 54 CBE étaient remplies. La Chambre ne voit aucune raison de dévier de cette opinion et confirme par voie de conséquence que la requête principale satisfait à ces conditions.
Article 56 CBE
2. De la même manière que le requérant et la division d'opposition, la Chambre considère que le document D5 représente l'art antérieur le plus proche. Il divulgue des souches mutantes de L. bulgaricus ayant des délétions dans le gène de la beta-galactosidase qui ont pour effet une réduction de l'activité de post-acidification lors de la production des yoghourts ainsi qu'une meilleure aptitude à contrôler l'acidification par le glucose.
3. Partant du document D5, le problème technique à résoudre se définit comme l'obtention de mutants de L. bulgaricus acidifiant plus lentement que ceux de l'art antérieur et plus aptes au contrôle de l'acidification par l'ajout de glucose.
4. La solution à ce problème telle que proposée par le brevet est une souche mutante selon la revendication 1. L'examen des résultats de l'expérience objet de l'exemple 3 se fondant sur l'utilisation de la souche de L. bulgaricus préférée déposée sous le numéro CNCM I-1968 montre que le problème a été effectivement résolu. Le tableau III (cf. page 5 du fascicule de brevet) indique en effet que le temps nécessaire pour atteindre avec la souche CNCM I-1968 un pH de 4,6 est de l'ordre de 416 à 660 minutes alors que le mutant I-1068 du document D5 n'atteint un pH de 4,53 qu'après 240 minutes (cf. document D5, colonnes 7 et 8, exemple 5).
5. La division d'opposition a considéré que le problème n'était pas résolu sur toute la portée de la revendication 1. Elle a contesté que toutes les souches mutantes couvertes par la revendication 1 aient les propriétés avantageuses de post-acidification et d'aptitude à contrôler le glucose présentées par la souche CNCM I-1968. En d'autres termes, elle a jugé peu crédible qu'une quelconque mutation non-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase suffise à résoudre le problème technique. Elle a fondé son opinion sur un faisceau d'arguments.
5.1 Un premier argument était que le document D5 démontrait que l'effet d'une délétion du gène codant pour la beta-galactosidase sur l'acidification dépendait selon que la délétion est courte, ne comprenant qu'une partie du gène de la beta-galactosidase, ou longue, comprenant au moins une partie dudit gène et s'étendant en aval du gène sur au moins 1 kb.
5.2 Selon un second argument, le document D7 divulguait que deux mutations du type faux-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase aboutissaient à des propriétés enzymatiques très différentes.
5.3 Un troisième argument était que l'homme du métier ne s'attendrait pas à ce que toutes les mutations non-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase conduisent aux mêmes effets en raison de la possibilité d'un effet polaire pléiotropique sur l'expression de gènes en aval d'un gène portant une mutation non-sens.
5.4 Un dernier argument consistait à remarquer que les résultats présentés dans le document D9, démontrant qu'une mutation non-sens dans la région 5' avait le même effet sur l'acidification qu'une mutation dans la région 3' du gène codant pour la beta-galactosidase, n'étaient pas convaincants parce que les souches-mères utilisées étaient différentes.
6. Il convient de déterminer la validité de ces arguments.
6.1 La Chambre considère que le document D5 divulgue deux types différents de mutants de délétion (cf. colonne 5, lignes 5 à 53), dont le premier, représenté par la souche CNCM I-1068, consiste en des mutants caractérisés par une délétion qui se situe entièrement dans le cadre de lecture du gène codant pour la beta-galactosidase. Le deuxième type, représenté par la souche CNCM I-1067, est caractérisé par des délétions comprenant la délétion d'au moins une partie du gène codant pour la beta-galactosidase et s'étendant en aval de ce gène sur au moins 1 kb. Les effets différents des deux types de mutation sur l'acidification du lait reportés dans les exemples 1 à 6 du document D5 (cf. colonnes 5 à 8) semblent explicables par les différents types de délétion. Il semble plausible que la délétion additionnelle d'au moins 1 kb de séquence génomique dans les souches du deuxième type ait des conséquences additionnelles sur le métabolisme du lactose. Ce qui importe, de l'avis de la Chambre, c'est que tous les mutants du premier type produisent les mêmes effets sur l'acidification du lait (cf. document D5, colonne 3, lignes 9 à 16 et 44 à 52, colonne 4, lignes 65 à 68, et colonne 5, lignes 1 à 10) et que les mutations non-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase n'aient pas pour conséquence la délétion d'une partie du génome de L. bulgaricus en aval du gène codant pour la beta-galactosidase.
6.2 Un effet polaire pléiotropique résultant des mutations non-sens est, en tant que tel, bien connu de l'homme du métier (cf. document D6, page 349, rubrique "nonsense mutation" et document D10, pris dans son ensemble). Mais il n'est pas démontré que toutes les mutations non-sens dans un gène donné conduisent aux mêmes effets polaires.
6.3 La requérante a présenté un rapport d'expériences (cf. document D9) qui démontrent que deux souches différentes de L. bulgaricus portant chacune une mutation non-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase ont le même effet sur l'acidification du lait. La souche CNCM I-1986 porte une mutation non-sens en position du codon 881 à la fin du gène codant pour la beta-galactosidase tandis que la souche DN-100562 porte la mutation non-sens en position du codon 44 au début du gène codant pour la beta-galactosidase, étant ici précisé que la beta-galactosidase a une longueur d'environ 1007 acides aminés. Selon le document D9, les propriétés d'acidification des deux souches sont similaires. La division d'opposition avait constaté que les deux souches représentaient des contextes génétiques différents et conclu que pour cette raison les résultats des essais comparatifs du document D9 ne pouvaient pas venir en soutien de l'argument selon lequel il n'y avait pas d'effet pléiotropique.
6.4 La Chambre constate que l'absence de différences dans les propriétés d'acidification entre les deux souches de L. bulgaricus des expériences du document D9 pourrait aussi servir d'appui à des conclusions contraires. Elle est d'avis soit qu'il n'y avait pas d'effet pléiotropique dans ni l'une ni l'autre des souches soit qu'un tel effet existait mais avait les mêmes conséquences dans les deux souches.
7. Pour arriver à la conclusion de la division d'opposition, il faudrait qu'un effet pléiotropique n'ait existé que dans l'une des souches alors que dans l'autre l'absence d'un tel effet ait été compensée par des différences inconnues additionnelles. Mais il ne s'agit là que d'une supposition qu'aucun élément de preuve ne vient étayer.
7.1 De plus, la requérante a défendu l'argument selon lequel dans l'opéron lactose de L. bulgaricus le gène codant pour la beta-galactosidase étant le dernier de l'unité de transcription (cf. document D11, page 1951, résumé), il ne pouvait pas y avoir d'effet polaire pléiotropique.
7.2 Le document D11 divulgue l'absence d'une séquence classique de terminaison dans la séquence qui suit le gène codant pour la beta-galactosidase et l'absence d'un cadre de lecture ouvert dans les 800 paires de bases qui suivent ce gène, ce qui rend peu probable l'existence d'un effet polaire pléiotropique de mutations non-sens dans le gène de la beta-galactosidase.
8. Sur la base des données à sa disposition, la Chambre considère que l'hypothèse la plus probable est que l'effet sur les propriétés d'acidification produit par l'introduction d'un codon non-sens dans le gène codant pour la beta-galactosidase est le même quelle que soit la position de ce codon.
9. Par conséquent, la Chambre arrive à la conclusion que toute souche de L. bulgaricus ayant les caractéristiques d'une souche selon la revendication 1 apporte une solution au problème technique tel qu'énoncé au point 3 ci-dessus, lequel est donc résolu sur toute la portée de la revendication 1, et que, pour un homme du métier cherchant à résoudre ce problème technique, de telles souches ne découlent pas d'une manière évidente de l'état de la technique. La revendication 1 implique donc une activité inventive. La même conclusion vaut pour les revendications dépendantes 2 et 4, et les revendications 5 à 7 puisqu'elles concernent des modes de réalisation d'un procédé de préparation d'un produit laitier fermenté se fondant sur l'utilisation d'une telle souche ainsi qu'aux revendications 8 et 9 puisqu'elles concernent tout produit laitier susceptible d'être obtenu par un tel procédé. Il en résulte que la requête principale satisfait aux conditions de l'article 56 CBE.
Conclusions
10. Puisque la requête principale satisfait aux conditions de la CBE, le brevet peut être maintenu sur la base de cette requête.
11. Dans la mesure où la chambre ne faisait pas droit à la requête principale, le requérant demandait le remboursement de la taxe de recours parce qu'il considérait que la division d'opposition avait commis un vice de procédure.
12. Etant donné que la requête principale satisfait aux exigences de la CBE, la chambre de recours n'est pas tenue à examiner ce point. Elle ne voit pas non plus une quelconque raison de l'aborder ex officio.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 9 de la requête principale remise avec la lettre du 10 septembre 2008, avec une description à adapter à ce jeu de revendications et la figure 1 du brevet tel que délivré.