European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:T225308.20100608 | ||||||||
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Date de la décision : | 08 Juin 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2253/08 | ||||||||
Numéro de la demande : | 98402117.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/48 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Compositions photoprotectrices comprenant un benzylidène camphre et/ou un dibenzoylméthane et/ou une triazine et un tartrate de dialkyle, utilisations en cosmétique | ||||||||
Nom du demandeur : | L'Oréal | ||||||||
Nom de l'opposant : | Beiersdorf AG | ||||||||
Chambre : | 3.3.10 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (oui) : amélioration, pas de réduction ex post facto de l'art antérieur | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Une opposition a été formée en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet européen nº 0 904 776. L'opposante a invoqué un défaut de nouveauté et d´activité inventive ainsi qu'une insuffisance de description de l'invention (Article 100 (a) et (b) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants :
(2) Fiche technique relative au produit "Cosmacol ETLP" de la société Condea Augusta S.p.a, mars 1996,
(3) "Kosmetik; Entwicklung, Herstellung und Anwendung kosmetischer Mittel", Wilfried Umbach, Georg Thieme Verlag Stuttgart New-York 1988, pages 122 à 125,
(5) "Richtlinien des Rates zur Angleichung der Rechtsvorschriften der Mitgliedstaaten über kosmetische Mittel" du 27 juillet 1976" avec la liste des modification 1976L0768-DE-25.11.2005-014.001, pages 1, 2 et 109 à 112, et
(8) A. Schrader: "Die quantitative Erfassung von Sonnenschutzfiltern im Zusammenhang mit möglichen dermatologischen Effekten", SÖFW-Journal 8/97, pages 503 à 508.
II. L'opposante (requérante) a introduit un recours contre la décision signifiée par voie postale le 4 novembre 2008 par laquelle la division d'opposition a rejeté l'opposition.
Selon la division d'opposition, l'invention était suffisamment décrite pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Les compositions revendiquées étaient nouvelles. Le problème technique résolu par les compositions objet du brevet litigieux était d'obtenir des compositions photoprotectrices présentant un indice de protection amélioré. Cette amélioration n'était pas prévisible au regard de l'état de la technique. Les compositions objet des revendications du brevet tel que délivré impliquaient donc une activité inventive.
III. La propriétaire du brevet litigieux (intimée) a déposé avec sa lettre du 18 juin 2009, entre autres, un jeu de 22 revendications à titre de requête subsidiaire 1. Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 8 juin 2010 elle a requis que cette requête subsidiaire 1 devienne sa requête principale et unique requête.
La revendication 1 de ladite requête principale s'énonce comme suit :
"1. Composition destinée à la protection de la peau et/ou des cheveux contre le rayonnement ultraviolet, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un support cosmétiquement acceptable, au moins :
(a) un système photoprotecteur capable de filtrer le rayonnement UV, constitué d'au moins un filtre UV du type dérivé du benzylidène camphre et/ou d'au
moins un filtre UV du type dérivé du dibenzoylméthane;
(b) un tartrate de dialkyle, linéaire ou ramifié ayant de préférence 1 à 16 atomes de carbone;
ladite composition ne contenant pas la 2,4,6-tris[p-(2'-éthylhexyl-1'-oxycarbonyl)anilino]-1,3,5-triazine."
Les revendications 2 à 21 sont dépendantes de la revendication 1. La revendication 22 concerne une utilisation mettant en jeu les tartrates et les filtres UV définis dans la revendication 1.
IV. Lors de la procédure orale devant la Chambre, la requérante a retiré l'objection soulevée dans ses écritures eu égard à une violation prétendue du droit d'être entendu ainsi que celle de manque de nouveauté des compositions revendiquées. Dans l'analyse de l'activité inventive la requérante a fait valoir lors de la procédure orale que le document (2) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. L'amélioration de l'indice de photoprotection démontrée par les exemples du brevet litigieux était obtenue par le choix de certains filtres UV. Il n'était pas surprenant que ces filtres UV particuliers permettent une telle amélioration puisque l'intimée même reconnaissait au paragraphe [0008] du brevet litigieux qu'il était inattendu que d'autres filtres UV ne permettent pas l'amélioration de l'indice de photoprotection ce qui, a contrario, signifiait que l'homme de l'art s'attendait à une amélioration en mettant en oeuvre les compositions revendiquées. En outre, les filtres UV particuliers de la revendication 1 en litige se trouvaient déjà dans la liste restreinte des filtres liposolubles du document (3) et dans la liste du document (5) des filtres autorisés dans les compositions cosmétiques. Trouver les filtres permettant une amélioration de la photoprotection en présence de tartrate de dialkyle parmi les filtres UV divulgués dans ces documents était évident pour l'homme du métier. Enfin, l'amélioration de l'indice de photoprotection par l'addition de tartrates polaires n'était pas surprenante puisqu'il était connu du document (8) que l'addition d'huiles polaires augmentait l'indice de photoprotection des filtres UV. Les compositions revendiquées n'impliquaient donc pas d'activité inventive.
V. Selon l'intimée, le problème à résoudre par l'invention en partant du document (2) comme représentant l'état de la technique le plus proche était de mettre à disposition des compositions présentant une amélioration du facteur de protection solaire. La solution à ce problème résidait dans le choix ciblé de familles particulières de filtres UV. Les exemples du brevet litigieux démontraient que ces familles de filtres UV présentaient un indice de photoprotection amélioré en présence de tartrate, ce qui n'était pas le cas avec d'autres filtres UV. Aucun des documents de l'état de la technique ne suggérait qu'une amélioration de la photoprotection pouvait être obtenue en associant des familles particulières de filtres UV à un tartrate de dialkyle. Ainsi, une activité inventive devait être reconnue.
VI. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
VII. L'intimée a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de sa requête principale formulée pendant la procédure orale devant la Chambre et correspondant à sa première requête subsidiaire déposée avec la lettre datée du 18 juin 2009.
VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Modifications (Article 123 (2) et (3) CBE)
La revendication 1 a été modifiée en supprimant une des familles de filtres UV à savoir les filtres du type dérivés de triazine. Cette modification qui limite également la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfait ainsi aux exigences de l'article 123 (2) et (3) CBE. Ceci n'a pas été contesté.
3. Activité inventive
La requérante n'a maintenu lors de la procédure orale devant la Chambre que son objection d'absence d'activité inventive. La Chambre pour sa part ne voit aucune raison de soulever ex officio d'objections sur d'autres motifs. Ainsi, la seule question en suspens est celle de l'activité inventive.
3.1 Le brevet litigieux concerne des compositions destinées à la protection de la peau et/ou des cheveux contre le rayonnement UV comprenant un tartrate de dialkyle et au moins un filtre UV du type dérivé du benzylidène camphre et/ou au moins un filtre UV du type dérivé du dibenzoylméthane. Le document (2) concerne également des compositions photoprotectrices comprenant "un filtre UVA/UVB" et un tartrate de dialkyle à savoir le produit de dénomination Cosmacol ETLP dont il n'est pas contesté qu'il répond à la définition des tartrates requis par la revendication 1 en litige (voir "Guideline Formulations" les deux compositions dénommées "Sunscreen cream"). Les compositions revendiquées tombent donc sous l'enseignement général de ce document englobant tous les filtres UV. La Chambre considère donc en accord avec les parties que document (2) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.
3.2 Selon l'intimée le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions présentant une amélioration du facteur de protection solaire. Ce problème technique est défini à la page 2, ligne 7 du brevet litigieux.
3.3 La solution proposée par le brevet litigieux au problème défini dessus est la composition selon la revendication 1, caractérisée par le fait qu'elle comprend un filtre UV particulier, à savoir au moins un filtre UV du type dérivé du benzylidène camphre et/ou au moins un filtre UV du type dérivé du dibenzoylméthane.
3.4 Pour démontrer que l'amélioration alléguée du facteur de protection solaire est bien le résultat des compositions revendiquées, l'intimée a fait référence aux exemples 2 et 3 ainsi qu'au exemples comparatifs 5, 6 et 7 du brevet litigieux.
3.4.1 Les exemples 2 et 3 ont été réalisés à partir de compositions selon le brevet litigieux renfermant à titre de filtre respectivement un filtre UV du type dérivé du dibenzoylméthane et un filtre UV du type dérivé du benzylidène camphre. Ces exemples montrent que dans le cas particulier de ces deux types de filtres UV l'addition d'un tartrate de dialkyle améliore l'indice de protection solaire. Par contre, dans les exemples comparatifs 5, 6 et 7 réalisés avec des filtres UV non requis par la revendication 1 litigieuse, à savoir des filtres du type dérivés d'acide cinnamique ou du type dérivés de benzophénone, l'addition de tartrate n'améliore pas le pouvoir photoprotecteur.
3.4.2 Ces essais démontrent donc que le choix ciblé du filtre UV caractérisant la solution revendiquée entraîne une amélioration du pouvoir de photoprotecteur. Ceci n'est pas contesté par la requérante. Ainsi, au vu des résultats des essais comparatifs présentés par l'intimée la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 3.2) a bien été résolu par les compositions faisant l'objet de la revendication 1.
3.5 Par conséquent, la seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux au problème posé découlait de façon évidente de l´état de la technique disponible, en d'autres termes, s'il était évident pour l'homme du métier d'associer de façon ciblée à un tartrate de dialkyle, les filtres du type dérivé du benzylidène camphre et/ou du type dérivé du dibenzoylméthane pour améliorer le pouvoir photoprotecteur.
3.5.1 Le document (2) ne mentionne aucun filtre UV particulier et ne peut donc de toute évidence par lui-même suggérer que le pouvoir photoprotecteur est amélioré lorsqu'on associe à un tartrate de dialkyle les filtres particuliers du type dérivé du benzylidène camphre et/ou du type dérivé du dibenzoylméthane.
3.5.2 Selon la requérante il n'était pas surprenant que ces filtres UV particuliers permettent une telle amélioration puisque l'intimée même reconnaissait au paragraphe [0008] du brevet litigieux qu'il était inattendu que d'autres filtres UV ne permettent pas l'amélioration de l'indice de photoprotection, ce qui a contrario signifie que l'homme du métier s'attendait à une amélioration en mettant en oeuvre les compositions revendiquées.
Cette argumentation doit cependant déjà être rejetée puisqu'elle ne se base pas sur l'état de la technique mais sur les conclusions de l'intimée lors de la réalisation de l'invention (voir le paragraphe [0008] du brevet, "La demanderesse a constaté..."). Ces conclusions ne font pas obstacle à l'activité inventive qui s'apprécie au regard de l'état de la technique (Article 56 CBE).
3.5.3 La requérante a également fait valoir que les filtres UV particuliers de la revendication 1 en litige se trouvaient déjà dans la liste restreinte des filtres liposolubles du document (3) et dans la liste du document (5) des filtres autorisés dans les compositions cosmétiques. Trouver les filtres permettant une amélioration de la photoprotection en présence de tartrate de dialkyle parmi les filtres UV divulgués dans ces documents était évident pour l'homme du métier.
Cette argumentation de la requérante est toutefois fondée sur une réduction de l'art antérieur opérée en connaissance de l'invention. En effet, il n'est pas contesté que l'art antérieur n'est pas limité aux seuls filtres UV décrits dans les documents (3) et (5). Ainsi, ce n'est qu'en toute connaissance de l'invention et donc des filtres permettant l'amélioration de la photoprotection qu'il est possible de trouver de façon ciblée des documents divulguant ces filtres particuliers au sein de listes restreintes. L'argumentation de la requérante tendant à restreindre de façon artificielle la liste des filtres UV envisageables doit être rejetée puisque l'activité inventive doit s'apprécier au vu de l'art antérieur dans sa totalité et non après sa réduction ex post facto.
3.5.4 Enfin selon la requérante, l'amélioration de l'indice de photoprotection par l'addition de tartrates polaires n'était pas surprenante puisqu'il était connu du document (8) que l'addition d'huiles polaires augmentait l'indice de photoprotection des filtres UV.
Le document (8) concerne cependant l'influence des composés huileux sur le pouvoir photoprotecteur et ne fait aucune allusion à l'impact de la nature du filtre UV. Ce document ne peut donc suggérer la solution revendiquée qui réside justement dans le choix ciblé des filtres UV.
3.6 Par conséquent, l'objet de la revendication 1, et pour les mêmes raisons celui des revendications dépendantes 2 à 21 ainsi que celui de la revendication 22 concernant une utilisation mettant en jeu les tartrates et les filtres UV définis dans la revendication 1 impliquent une activité inventive (Article 56 CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré aux fins de maintien du brevet sur le fondement des revendications 1 à 22 de la requête principale correspondant à la requête subsidiaire 1 déposée par lettre du 18 juin 2009 et d'une description demeurant à y adapter.