European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:T136108.20101014 | ||||||||
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Date de la décision : | 14 Octobre 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1361/08 | ||||||||
Numéro de la demande : | 00420071.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | C22C 21/61 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de fabrication de pièces de forme en alliage d'aluminium type 2024 | ||||||||
Nom du demandeur : | ALCAN RHENALU | ||||||||
Nom de l'opposant : | Corus Aluminium Walzprodukt GmbH Airbus Deutschland GmbH |
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Chambre : | 3.2.08 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté, activité inventive (oui) Exposé de l'invention suffisant clair de compèt (oui) Modifications - extension de la demande (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen nº 1 045 043 a été contesté dans sa totalité par les opposantes OI CORUS Aluminium Walzprodukte GmbH et OII Airbus Deutschland GmbH sur la base de l'article 100a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive), de l'article 100b) CBE (le brevet n'expose pas l'invention de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter) et de l'article 100c) CBE (l'objet s'étend au delà du contenu de la demande telle que déposée).
II. Par décision signifiée par voie postale le 2 mai 2008, la division d'opposition a rejeté les oppositions contre le brevet. La division d'opposition a notamment estimé que les revendications selon la requête principale (revendications 1 à 13 du brevet tel que délivré) satisfont aux conditions de la CBE.
III. L'opposante OI a formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours le 14 juillet 2008. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 28 août 2008.
IV. Une procédure orale s'est tenue le 14 octobre 2010.
Bien qu'ayant été dûment convoquée, l'autre partie (opposante OII) n'était pas représentée. En application de la règle 115(2) CBE et de l'article 15(3) RPCR, la procédure a été poursuivie en son absence.
Lors de la procédure orale, la requérante a soumis trois documents extraits d'internet définissant la signification du mot "successif":
E1: www.mediadico.com/dictionnaire/définition/successif/1 (3 pages);
E2: http://littre.reverso.net/dictionnaire-français/definition/successif,_ive/70938 (2 pages);
E3: http://fr.wiktionary.org/wiki/successif (2 pages).
Quant à l'état de la technique pertinent, les documents suivants déjà pris en considération dans la décision de la division d'opposition ont été cités en recours par les parties:
AD1: WO-A-96/29440;
AD3: US-A-4 077 813.
V. A la fin de la procédure orale, les requêtes des parties étaient les suivantes :
La requérante (opposante OI) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet nº 1045043.
L'intimée (titulaire) a demandé le rejet du recours ou,
à titre subsidiaire, que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sous forme amendée sur base de la requête subsidiaire déposée avec lettre en date du 14 septembre 2010.
VI. La revendication indépendante de la requête principale se lit comme suit:
"Procédé de fabrication de pièces fortement déformées en alliage AlCuMg comportant les étapes successives suivantes:
a) coulée d'une plaque de composition (% en poids):
Cu: 3,8-4,5 Mg: 1,2-1,5 Mn: 0,3-0,5 Si < 0,25 Fe < 0,20 Zn <0,20 Cr <0,10 Zr <0,10 Ti <0,10,
reste Al et impuretés
b) homogénéisation à une température comprise entre 460 et 510ºC entre 2 et 12 h, et préférentiellement à une température comprise entre 470 et 500 ºC pour une durée entre 3 et 6 h,
c) laminage à chaud avec une température d'entrée comprise entre 430 et 470ºC, et de préférence comprise entre 440 et 460ºC, et avec une température de sortie de la bande supérieure a 300ºC,
d) découpe de la bande obtenue à l'étape c) en tôles,
e) mise en forme des tôles découpées par un ou plusieurs procédés choisis parmi l'étirage-formage, l'emboutissage, le fluotournage ou le pliage,
f) mise en solution entre 480 et 500ºC, d'une durée comprise entre 5 mn et 1 h,
g) trempe."
La revendication 1 est suivie des revendications dépendantes 2 à 13. Dans le cadre de cette décision, il n'est pas nécessaire de considérer les revendications de la requête subsidiaire.
VII. A l'appui de son recours soutien de son action, la requérante a développé pour
l'essentiel l'argumentation suivante:
Article 100c) CBE : Introduction des documents E1 à E3
A l'appui de l'introduction des documents E1 à E3 dans la procédure de recours, la requérante a soutenu qu'ils ne faisaient que supporter son argumentation déjà présenté et qu'ils émanaient de dictionnaires, soit d'ouvrages de référence.
Parmi les nombreuses variantes possibles que contenait le procédé selon la revendication 1 telle que déposée, la titulaire du brevet n'a retenu qu'un seul mode de réalisation préféré et limité à celui-ci le procédé du brevet tel que délivré. En introduisant l'expression "étapes successives", qui ne figurait de la sorte ni dans la revendication 1 déposée, ni dans la demande de brevet initiale, la titulaire a fixé la chronologie des étapes et également établi que les étapes a) à g) doivent être exécutées sans interruption, ce qui exclut l'exécution d'autres étapes supplémentaires entre les étapes mentionnées du procédé. A l'appui de cette argumentation, l'attention est attirée sur le sens du mot "successif" tel qu'employé dans les documents E1 et E3, selon lesquels ce mot concernait des choses "qui se succèdent sans interruption".
Or, la demande (EP-A1-1045043), page 4, ligne 14 précise qu'une opération de bobinage est toujours effectuée entre le laminage à chaud (étape c)) et la découpe (étape d)) des tôles alors que le procédé selon la revendication 1 du brevet exclut une telle étape de bobinage. Il en va de même pour le placage ou le laminage à froid des tôles, deux étapes non prévues selon les termes de la revendication 1.
Il apparaît également à la lumière de l'alinéa [0014] de la demande que cette première mise en forme effectuée directement après le laminage à chaud ne représente qu'une partie du processus de formage qui comporte plusieurs étapes, la mise en forme exigeant encore au moins une étape supplémentaire après traitement thermique de mise en solution et trempe (étape g)). Or la revendication 1 ne fait pas état d'une deuxième étape de mise en forme, ni de quelque étape de formage supplémentaire.
En outre, la composition de l'alliage d'aluminium énoncée dans la revendication 1 du brevet délivré a été complétée par l'ajout de l'expression "reste Al et impuretés", laquelle n'était pas contenue dans la demande telle que déposée. On peut se demander si une telle modification est recevable sur la base de l'alliage de type AA2024.
L'objet de la revendication 1 s'étend par conséquent au-delà du contenu de la version initiale de la demande.
Article 100b) CBE :
Aucun des exemples cités ne tombe sous le coup de la revendication 1 et n'est de ce fait en mesure de l'étayer. Tous les exemples énoncés dans le tableau 1 concernent des tôles plaquées en alliage AA1050, lesquelles ne sont pas prévues dans la revendication selon le brevet. L'exemple 1b cité dans le tableau 2 est le seul exemple où se trouve indiquée la valeur LDH de plus de 72 mm (limit dome height) visée par le brevet, et ce, bien que la température de fin de laminage à chaud de 286ºC soit inférieure à la température revendiquée de > 300ºC.
La description enseigne également que la première étape de formage est à effectuer directement après le laminage à chaud et que toute étape supplémentaire est à réaliser après la trempe. Cela n'indique pas à l'homme du métier comment il devra procéder pour obtenir un produit final fortement déformé et doté des propriétés souhaitées à partir d'une seule (et unique) étape de formage conformément à la revendication 1. Le procédé revendiqué n'est donc pas divulgué de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.
Article 100a) CBE :
Le document AD1, dans lequel sont décrits un alliage de composition identique et les étapes a), b), d), f) et g), représente l'état de la technique le plus proche. Seules n'y sont pas mentionnées les étapes c) et e) :
c) laminage à chaud avec une température d'entrée comprise entre 430 et 470ºC et avec une température de sortie de la bande supérieure à 300ºC
e) mise en forme des tôles découpées par un ou plusieurs procédés choisis parmi l'étirage-formage, l'emboutissage, le fluotournage ou le pliage directement après le laminage à chaud.
Concernant l`étape e), le document AD1 décrit à la page 19, lignes 8 à 12, également une tôle "control sheet" qui a été laminée à froid sans recuit après laminage à chaud, puis traitée thermiquement par mise en solution suivi d'une trempe. Le document AD1 divulgue ainsi clairement que ladite tôle a été laminée à chaud, découpée et, directement après, déformée par laminage à froid, ce qui représente une possibilité équivalente lorsqu'il s'agit de déformer une tôle par étirage-formage. Le laminage à froid représente une mesure de "stretch-forming" qui peut être assimilé à la mis en forme obtenue par "étirage-formage" selon le brevet et facilement remplacé par une opération d'emboutissage, de fluotournage ou de pliage. Ces opérations représentent toutes des mesures de mise en forme à froid pour les tôles présentant une ductilité et une formabilité élevées. Le procédé selon le brevet prévoit à la page 7, ligne 1 de la description, un laminage à froid lorsqu'il s'agit d'obtenir des tôles de fine épaisseur.
La seule différence fondamentale réside dans la température de fin de laminage de >300ºC, que le procédé connu du document AD1 ne revendique pas vu qu'il prévoit une température de 288ºC. Concernant l'étape c), les métallurgistes n'ignorent pas qu'une tôle sera d'autant plus ductile que sa température de fin de laminage aura été élevée. Le bobinage de la tôle ayant subi une température de fin de laminage plus élevée entraîne un effet de recuit qui a les mêmes effets qu'une opération de recuit. L'homme du métier qui souhaite améliorer la formabilité de la tôle sans obtenir un recuit après le laminage à chaud sait qu'il doit augmenter la température de fin de laminage pour éviter un recuit spécifique. La suppression du recuit entre les étapes c) et d) ne peut pas être considérée comme impliquant une activité inventive. Le procédé revendiqué est donc évident à la lumière du document AD1, apprécié en combinaison avec les connaissances de l'homme du métier.
Partant de l'hypothèse erronée, selon laquelle la chronologie des étapes a) à g) indiquée dans la revendication 1 autoriserait l'exécution d'autres étapes entre les différentes étapes énoncées, un revenu après laminage à chaud s'avère par conséquent possible dans le cadre du procédé selon le brevet. L'exemple selon le document AD1, page 19, qui comprend une telle opération de revenu, représente en l'occurrence l'état le plus proche de la technique. L'objectif visé par le brevet qui consiste à améliorer la formabilité des tôles se voit déjà réalisé par le procédé selon le document AD1 qui permet même d'atteindre, pour l'allongement A, des valeurs supérieures à celles énoncées selon le brevet.
Partant de là, l'invention selon le brevet s'est fixé pour objectif de réduire le nombre des étapes de formage sans sensiblement altérer les propriétés mécaniques des tôles.
Comme énoncé plus haut, l'homme du métier sait que l'opération de revenu après laminage à chaud et la hauteur de la température de fin de laminage appliquée lors du laminage à chaud jouent un rôle décisif pour l'allongement A. C'est pourquoi il est clair pour l'homme du métier qu'il doit augmenter la température de fin de laminage s'il veut éviter un revenu après laminage à chaud et obtenir un bon allongement et une bonne formabilité.
Le document AD3 qui concerne le même alliage d'aluminium et le même objet, enseigne par ailleurs à l'homme du métier que la mise en forme finale de la tôle à l'état de revenu (état "O") est d'une manière générale difficile (voir AD3, colonne 1, lignes 64 à 67 et fascicule du brevet, page 3, lignes 7 à 9)). Le document AD3 propose pour cette raison à la colonne 2, lignes 7 à 29, de recourir au stretch-forming (étirage-formage) pour procéder à la mise en forme de la tôle livrée recuite (fully annealed sheet) au moyen d'une méthode couramment utilisée, et ensuite traitée thermiquement par mise en solution suivie d'une trempe. Là aussi, il est recommandé d'effectuer l'étape de formage avant de soumettre la tôle à un traitement thermique de mise en solution suivi d'une trempe. Le procédé revendiqué découle par conséquent de manière évidente de la lecture conjointe des enseignements fournis par les documents AD1 et AD3.
Le procédé revendiqué n'implique donc pas d'activité inventive.
VIII. L'intimée a réfuté l'argumentation de la requérante en faisant valoir pour l'essentiel ce qui suit :
Introduction des documents E1 à E3
A l'encontre de l'introduction des documents E1 à E3 dans la procédure de recours, l'intimée à soulevé leur extrême tardivité qui l'empêchait de les analyser et de rechercher et de produire éventuellement d'outres définitions issues d'autres sources.
Interprétation de la revendication 1 :
Il est décisif de respecter l'ordre chronologique des étapes énoncées dans le procédé revendiqué, lequel ordre est rendu par le mot "successif". Comme exposé à l'alinéa [0014], l'essentiel dans le procédé selon le brevet est que les tôles à l'état "F", c.-à-d. directement après le laminage à chaud suivi éventuellement d'un laminage à froid, soient formées par étirage-formage, emboutissage, fluotournage ou pliage sans recuit intermédiaire ou autre traitement. L'enseignement du brevet réside dans le fait que toute étape de traitement supplémentaire est exclue entre les étapes c), d) et e), ce qu'exprime également le libellé de la revendication 1. Il ressort par ailleurs de l'enseignement global du brevet que les méthodes couramment utilisées dans ce domaine, connues de l'homme du métier et typiques pour celui-ci, telles que le bobinage des tôles après laminage à chaud, le laminage à froid pour obtention de l'épaisseur finale souhaitée ou le placage des tôles avant laminage à chaud (voir revendication 4) ne sont pas pour autant exclues par le libellé global des revendications.
Article 100c) CBE :
Le procédé selon la revendication 1 du brevet délivré concerne une alternative qui était déjà contenue dans la revendication 1 de la demande telle que déposée et selon laquelle la mise en forme (étape e)) peut être exécutée directement après l'étape f). La revendication 3 initiale fait en outre apparaître l'ordre chronologique des étapes de transformation.
Article 100b) CBE :
Concernant les arguments avancés par la requérante en rapport avec l'article 100b), il apparaît clairement, non seulement dans le brevet lui-même, mais aussi dans la revendication 4, que le procédé inclut également les tôles plaquées par laminage. Le tableau 2 contient de nombreux exemples qui tombent sous le coup de la revendication. La description et les exemples fournissent à l'homme du métier des informations suffisamment détaillées et complètes pour qu'il soit en mesure d'exécuter le procédé revendiqué.
Article 100a) CBE : activité inventive :
Le document AD1 qui représente l'état de la technique le plus proche s'est fixé pour objectif d'améliorer la formabilité des tôles de l'alliage selon la revendication à l'état T3 (voir AD1, page 3, lignes 1 à 4). Selon la page 17, 2ème alinéa, le laminage à chaud est également suivi d'un recuit intermédiaire, d'un laminage à froid, d'un traitement thermique de mise en solution et d'une trempe. Le recuit intermédiaire, une étape de traitement que le procédé selon le brevet entend justement éviter, permet selon le document AD1 une amélioration sensible de la formabilité (voir également AD1, tableau 9). L'étape du laminage à froid indiqué dans le document AD1 ne doit pas ce faisant être confondue ou assimilée avec les procédés de mis en forme visés par le brevet, tels que l'étirage-formage, l'emboutissage etc. Par ailleurs, le document AD1 ne contient aucune indication concernant l'augmentation et le passage de la température de fin de laminage à plus de 300ºC lors du laminage à chaud. La mise en oeuvre d'une telle méthode sans recuit n'est, à la lumière du document AD1, pas du tout évidente pour l'homme du métier.
Le document AD3 ne divulgue lui non plus aucun procédé proposant d'exécuter directement après le laminage à chaud (état brut "F") une des étapes de formage selon le brevet. Contrairement au procédé visé par le brevet, le document AD3 précise qu'une opération de formage est toujours précédée d'un recuit (fully annealed sheet).
Ni le document AD1 considéré séparément ou en combinaison avec les connaissances générales, ni l'enseignement du document AD3 ne permettent d'arriver au procédé revendiqué.
IX. L'autre partie (opposante OII) n'a soumis aucune argumentation en recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Admission des documents E1 à E3 dans la procédure de recours :
Pendant la procédure orale, la requérante a produit les documents extraits (E1 à E3) de trois dictionnaires consultables sur internet pour étayer son argumentation sur la signification du mot contesté "successif" mentionné la revendication 1.
L'interprétation du terme "successif" a déjà été discutée dans le cadre de la première instance (voir la décision attaquée, points 3.2.(i) et 3.3, deuxième alinéa) et a été également traitée au point 2 de la convocation de la Chambre. La requérante a eu par conséquent largement le temps et l'occasion de produire dans les délais impartis les documents E1 à E3 à l'appui de son argumentation et d'offrir ainsi à l'autre partie les moyens de répondre aux arguments avancés dans ce contexte. La requérante a toutefois choisi de ne pas le faire jusqu'à la procédure orale. En conséquence, la Chambre refuse, vu leur extrême tardiveté et pour des raisons de d'équité, d'introduire dans la procédure de recours ces documents.
3. Article 100c) CBE :
L'objet de la revendication 1 du brevet délivré découle des revendications 1, 3 et 5 de la demande telle que déposées et comprend les modifications suivantes :
(i) les étapes "successives";
(ii) "reste Al et impuretés".
Notamment la revendication 3 initiale fait apparaître avec précision l'ordre chronologique des étapes a) à g) du procédé selon le brevet. Sans modifier le contenu de la demande initiale, l'utilisation de l'adjectif "successives" ne fait que souligner l'affirmation de la revendication 1, selon laquelle les étapes de procédé énoncées doivent être exécutées dans l'ordre cité et que cet ordre ne peut être modifié de quelque façon que ce soit. Pour le lecteur averti, il ressort clairement des revendications 1 à 4, mais aussi de la description du fascicule du brevet, que le terme "étapes successives" ne doit pas être compris de manière si restrictive qu'il exclut la réalisation d'autres étapes de procédé entre les étapes énoncées. Ceci concerne par exemple un laminage à froid éventuel entre les étapes c) et d) ou encore un placage par laminage si le procédé revendiqué est destiné à la fabrication de tôles très fines ou plaquées à partir d'un autre alliage d'aluminium. Il est clair pour l'homme du métier que les tôles atteignent en règle générale des longueurs considérables suite à l'opération de laminage et qu'elles doivent normalement être bobinées pour pouvoir être stockées, transportées et transformées ultérieure. La description enseigne également à l'homme du métier que le premier formage opéré après le laminage à chaud à l'état "F" peut être suivi d'autres étapes de formage réalisées après la trempe, c.-à-d. après l'étape g) selon la revendication 1.
Par ailleurs, la description révèle à l'homme du métier que, selon l'idée à la base du procédé revendiqué, il n'est pas nécessaire d'exécuter certaines étapes : il est ainsi exposé à l'alinéa [0014] du fascicule du brevet que les étapes de mise en forme d'une tôle à l'état "F" sont à exécuter « sans recuit ni autre traitement préalable » c.-à-d. directement après le laminage à chaud. Contrairement à l'avis de la requérante, l'homme du métier est, à la lumière de la description du brevet, clairement renseigné sur les mesures qui sont comprises dans le procédé revendiqué selon la revendication 1 et sur celles qui en sont exclues.
La modification (ii) limite de manière courante et connue la composition de l'alliage d'aluminium, sans ajouter de caractéristiques supplémentaires non divulguées à l'objet de la revendication 1.
La Chambre est par ailleurs d'avis que la revendication 1 du brevet délivré comprend toutes les caractéristiques déterminantes du procédé selon le brevet (règle 43(3) CBE). Les étapes du procédé qui peuvent être exécutées de façon optionnelle ou qui sont considérées comme typiques et courantes dans le domaine technique concerné ne doivent pas être expressément citées dans la revendication 1.
La revendication 1 du brevet délivré ne s'étend dès lors pas au-delà de la demande telle qu'elle a été déposée.
4. Article 100b) CBE
Contrairement à l'avis exprimé par la requérante, le brevet attaqué montre nettement et clairement à l'homme du métier comment il doit procéder pour exécuter le procédé revendiqué. Notamment les alinéas [0013] et [0014] du fascicule de brevet résument toutes les étapes du procédé. Il est ainsi parfaitement clair pour l'homme du métier que les tôles seront laminées à chaud à une température de fin de laminage de plus de 300ºC, bobinées, découpées et, directement après (état "F"), partiellement mises en forme sans recuit intermédiaire. Les tôles peuvent ce faisant subir une passe de placage sur une seule face ou sur les deux faces ou être préalablement laminées à froid si de fines épaisseurs de tôle l'exigent (voir alinéa [0011] et page 7, ligne 1). L'alinéa [0025] ainsi que les tableaux 1 et 2 décrivent des exemples de réalisation concrets (1k à 1q), y compris des propriétés mécaniques de tôles laminées à chaud de 4 mm d'épaisseur, fabriquées selon le procédé revendiqué. Ils procurent à l'homme du métier toutes les informations dont il a besoin pour la mise en oeuvre pratique du procédé revendiqué.
Dès lors, la Chambre est convaincue que le brevet européen divulgue le procédé revendiqué de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier soit en mesure de l'exécuter.
5. Article 100a) CBE:
5.1 La nouveauté de l'objet de la revendication 1 n'a pas été contestée pendant la procédure de recours. Il n'y a donc pas lieu d'aborder cette question.
5.2 Les parties s'accordent à reconnaître que le document AD1 représente l'état de la technique le plus proche qui a déjà été très largement traité à l'alinéa [0005] du fascicule du brevet. Partant de l'enseignement du document AD1, le but de l'invention était de réduire le nombre des étapes de procédé normalement utilisés et requises pour la fabrication de tôles fortement déformées à partir de AA2024, c.-à-d. de simplifier le procédé dans son ensemble et d'en réduire ainsi les coûts (voir fascicule du brevet alinéa [0006], lignes 39 à 41 et alinéa [0009]).
5.3 Le procédé selon le brevet y parvient par une augmentation de la température de fin de laminage à > 300ºC lors du laminage à chaud des tôles et une importante mis en forme, complète ou partielle des tôles réalisée immédiatement après le laminage à chaud, c.-à-d. à partir de l'état "F". Aucun revenu n'est effectué avant l'opération de mis en forme. Pour le cas où la mis en forme aurait été effectuée partiellement après laminage à chaud, la mise en forme définitive peut être réalisée moyennant des étapes supplémentaires également après mise en solution et trempe (voir fascicule de brevet alinéa [0014]).
5.4 Le document AD1 décrit aux pages 16 à 18 toutes les étapes du procédé connu qui prévoit expressément un recuit intermédiaire après le laminage à chaud pour améliorer sensiblement les propriétés mécaniques des tôles d'aluminium (voir page 16, titre ; page 17, 2**(ème) alinéa). Le document AD1 souligne, également dans l'exemple 1, pages 19, 20, l'importance du recuit intermédiaire en tant que caractéristique clé et mesure essentielle et indispensable pour améliorer de manière décisive non seulement les propriétés mécaniques, mais également la formabilité, notamment les propriétés d'emboutissage des tôles. L'homme du métier agirait sans aucun doute contre l'enseignement du document AD1 en renonçant au recuit intermédiaire et en acceptant de moins bonnes propriétés de formage, comme le prouve l'exemple de comparaison sans recuit intermédiaire aux pages 19 et 20. C'est pourquoi l'exemple de comparaison dans le document AD1 ne saurait être pris comme point de départ pour le développement aboutissant au procédé revendiqué.
Le document ne fournit aucune précision valable sur la température du laminage à chaud. Il est uniquement indiqué dans l'exemple 1, page 19, lignes 6 à 8, une température de fin de laminage de 550ºF = 288ºC laquelle est toutefois inférieure à la température minimum revendiquée de > 300ºC. Vu que le document AD1 décrit le recuit intermédiaire comme constituant une étape indispensable pour l'amélioration des propriétés mécaniques, l'homme du métier ne trouve dans AD1, même en s'aidant de ses connaissances générales, aucune indication pouvant l'amener à renoncer au recuit intermédiaire et à remplacer ce dernier en augmentant et portant à plus de 300ºC la température de fin de laminage à chaud, comme l'expose la requérante. L'enseignement du document AD1 apprécié en liaison avec les connaissances générales de l'homme du métier n'est pas apte à lui seul à rendre évident le procédé revendiqué.
5.5 L'homme du métier n'y parvient pas davantage en s'aidant de l'enseignement du document AD3. Ce document ne comporte aucun indice pouvant l'inciter à procéder par étirage-formage, par emboutissage, par fluotournage ou par pliage directement après laminage à chaud des tôles à partir de l'état "F" pour mettre en forme des tôles laminées à chaud, recuites et laminées à froid selon le procédé du document AD1. Selon le document AD3, colonne 1, lignes 58 et 59, il est normal que les tôles livrées soient mises en forme conformément aux profils souhaités à partir de l'état T351 (mises en solution, trempées, durcies à froid et mûries). Conformément à l'enseignement du document AD3, colonne 2, lignes 7 à 37, les tôles livrées et traitées thermiquement font couramment l'objet d'un recuit avant d'être étirées dans la forme souhaitée : (the heat treated sheet is annealed ....to obtain a fully annealed sheet which is stretch formed to the intricate shape of a prefabricated forming die"). Ce procédé prévoit lui aussi un recuit intermédiaire avant l'opération d'étirage-formage. Le document AD3 ne comporte à aucun endroit une indication pouvant amener l'homme du métier à augmenter à plus de 300ºC la température de fin de laminage à chaud, à renoncer au recuit intermédiaire et à réaliser l'étirage-formage directement après le laminage à chaud. Un recuit intermédiaire étant expressément prévu avant la mise en forme aussi bien dans le document AD1 que dans le document AD3, la lecture conjointe des enseignements de ces deux documents ne permet pas à l'homme du métier d'arriver au procédé revendiqué.
5.6 Même en partant de l'hypothèse non pertinente, selon laquelle le procédé selon le brevet autoriserait un recuit intermédiaire après laminage à chaud, le procédé revendiqué ne serait pas évident pour l'homme du métier. Ni le document AD1, ni le document AD3 ne contiennent une quelconque indication ou ne suggère d'augmenter et de porter à plus de 300ºC la température de fin de laminage, lors du laminage à chaud.
En outre, le document AD3 est le seul à décrire une étape de stretch-forming correspondant à l'opération de mise en forme (étirage-formage) telle que celle prévue par le procédé selon le brevet, comme le montrent les illustrations 1 et 2 du document AD1. A la différence de l'emboutissage, le stretch-forming consiste à mettre en forme une tôle métallique par étirage sur un banc d'étirage, au moyen de presses hydrauliques ou de presses pneumatiques. Cette opération est décrite de manière détaillée dans le document AD3, figure 1 et colonne 3, lignes 1 à 19. Ce procédé permet de fabriquer des profils de grande complexité avec une grande précision. Contrairement à l'avis exprimé par la requérante, le processus complexe de mis en forme et le fluage de la tôle intervenant lors du procédé par stretch-forming ne sauraient être assimilés au processus de laminage à froid tel que réalisé dans le document AD1. Un tel rapprochement traduit une conception par trop simpliste qui ne tiendrait pas compte des particularités techniques du stretch-forming, ni des exigences posées à la tôle.
5.7 Sur la base de l'analyse qui précède, ni l'enseignement du document AD1 apprécié séparément, ni la lecture conjointe de ce dernier avec l'enseignement du document AD3 ne permettent de mettre en évidence le procédé tel qu'énoncé à la revendication 1 du brevet délivré. L'objet de la revendication 1 implique donc bien une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.