T 0445/08 () of 30.1.2012

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2012:T044508.20120130
Date de la décision : 30 Janvier 2012
Numéro de l'affaire : T 0445/08
Numéro de la demande : 99955620.2
Classe de la CIB : B01D 65/08
B01D 61/22
C02F 1/44
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Zenon Technology Partnership
Nom de l'opposant : Siemens Industry, Inc.
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 107
European Patent Convention Art 112(1)(a)
European Patent Convention R 101(1)
European Patent Convention R 101(2)
European Patent Convention R 99(1)(a)
European Patent Convention R 41(2)(c)
Mot-clé : Dépôt de l'acte de recours au nom d'une personne non admise à former le recours - erreur alléguée concernant l'identité (oui) : irrégularité relevant de la règle 101(2) CBE et de la règle 99(1)a) CBE, ou erreur relevant de la règle 139 CBE ? Question de droit d'importance fondamentale - jurisprudence contradictoire [oui] - insécurité juridique concernant les exigences en matière de recevabilité [oui] - nécessité de saisir la Grande Chambre de recours [oui]
Exergue :

Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :

(1) Lorsqu'un acte de recours comporte, conformément à la règle 99(1)a) CBE, le nom et l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 41(2)c) CBE, et qu'il est allégué qu'en raison d'une erreur, le requérant n'a pas été identifié correctement, l'intention véritable ayant été de former le recours au nom de la personne morale qui aurait dû le faire, une requête visant à substituer cette personne morale à l'autre personne morale ou physique est-elle recevable en tant que moyen de remédier à des "irrégularités" au titre de la règle 101(2) CBE ?

(2) Dans l'affirmative, par quels modes de preuves l'intention véritable peut-elle être établie ?

(3) S'il est répondu par la négative à la première question, l'intention du requérant peut-elle néanmoins entrer en ligne de compte et justifier l'application de la règle 139 CBE ?

(4) S'il est répondu par la négative aux questions (1) et (3), y a-t-il d'autres possibilités que la restitutio in integrum (lorsque celle-ci est recevable) ?

Décisions citées :
G 0011/91
G 0002/04
T 0483/90
T 0013/91
T 0340/92
T 0001/97
T 0097/98
T 0656/98
T 0814/98
T 0715/01
T 1421/05
T 0128/10
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0008/19
T 1911/09
T 1961/09
T 0610/11
T 0244/12
T 1226/13
T 0615/14
T 0579/16
T 0317/19
T 1146/20

Exposé des faits et conclusions

I. L'objet de la présente décision est limité à la recevabilité du recours qui a été formé au nom de ZENON ENVIRONMENTAL INC. par lettre datée du 8 février 2008 et reçue le 15 février 2008.

II. Les faits pertinents que la Chambre doit examiner à cet égard sont les suivants.

La demande européenne n° 99955620, qui a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 1140330, découle de la demande internationale PCT/CA99/01113 (n° de publication WO 00/30742), déposée le 18 novembre 1999 au nom de ZENON ENVIRONMENTAL INC. Une fois délivré, le brevet a été cédé le 30 mai 2006 à Zenon Technology Partnership. L'OEB a inscrit le transfert de propriété avec effet au 10 février 2007.

La division d'opposition a révoqué le brevet par décision en date du 28 décembre 2007. Le nom du titulaire du brevet cité dans la décision, à savoir Zenon Technology Partnership, était correct.

Le 7 mars 2008, le greffier de la Chambre a envoyé aux parties une notification pour les informer de l'ouverture de la procédure de recours et leur communiquer son numéro de référence. Cette notification portait la mention manuscrite suivante : "le recours a été formé au nom de ZENON ENVIRONMENTAL INC. Le titulaire du brevet qui est inscrit au registre est Zenon Technology Partnership. Par conséquent, le titulaire du brevet est invité à clarifier la situation".

Zenon Technology Partnership a répondu par lettre datée du 13 mars 2008 et reçue le 17 mars 2008 ; elle a confirmé que "le recours aurait dû bien entendu être formé au nom du titulaire actuel du brevet, à savoir Zenon Technology Partnership", et demandé la correction de cette erreur.

III. Par lettre datée du 13 mars 2008, l'opposant (intimé) a contesté la recevabilité du recours au motif que celui-ci avait été formé par la société ZENON ENVIRONMENTAL INC., qui n'était pas le titulaire du brevet inscrit au registre. Le véritable titulaire du brevet, à savoir Zenon Technology Partnership, et la société ZENON ENVIRONMENTAL INC., qui avait formé le recours, représentaient deux entités différentes et, par conséquent, la deuxième société n'était pas admise à former un recours à la place de l'entité inscrite au registre en tant que titulaire du brevet. L'intimé a cité le sommaire de la décision T 656/98 (JO OEB 2003, 385), dans lequel il est précisé que "pour que le cessionnaire d'un brevet soit admis à former un recours, il doit, avant l'expiration du délai de recours visé à l'article 108 CBE, produire les documents établissant le transfert ainsi que la demande de transfert et acquitter la taxe de transfert, conformément à la règle 20 CBE. Une inscription ultérieure du transfert ne régularise pas rétroactivement le recours". Aucune requête en transfert n'avait été adressée à l'OEB. L'intimé a également fait observer qu'il était plus qu'improbable que ZENON ENVIRONMENTAL INC. soit effectivement le successeur de Zenon Technology Partnership.

IV. Le 16 avril 2008, la Chambre a émis une première notification invitant le mandataire du requérant à expliquer au nom de qui il agissait, en vertu de quelle disposition de la CBE la correction était requise, en quoi elle consistait précisément et quel effet elle aurait sur la procédure.

La Chambre a également attiré l'attention du requérant sur la nouvelle règle 103(1)b) CBE, selon laquelle la taxe de recours est remboursée lorsque le recours est retiré avant le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.

V. Dans sa réponse datée du 23 juin 2008, le mandataire du requérant a indiqué qu'il agissait au nom de Zenon Technology Partnership et a précisé qu'il demandait la correction au titre de la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973) "ou, à défaut, une décision au titre de la règle 101(2) CBE (règle 65(2) CBE 1973), constatant que le requérant n'est pas (correctement) identifié" et qu'il doit être remédié à cette irrégularité. Le mandataire du requérant s'est référé aux décisions T 715/01, T 460/99 et T 97/98 (JO OEB 2002, 183).

VI. Le 8 août 2008, l'intimé a réagi à la notification de la Chambre ainsi qu'à la réponse du requérant, indiquant qu'il était opposé à la requête en correction pour les motifs résumés ci-après.

VII. Par notification jointe à la citation à une procédure orale, la Chambre a invité les parties à prendre position sur les faits qui étaient susceptibles de prouver une erreur et justifieraient l'application de la règle 101(2) CBE conformément à la jurisprudence, telle qu'illustrée notamment par la décision T 97/98 et mentionnée dans la décision G 2/04 (JO OEB 2005, 549).

VIII. Le requérant a répondu le 30 août 2011. Ses arguments écrits tels que développés lors de la procédure orale peuvent se résumer ainsi :

a) Les pièces versées au dossier prouvent que l'intention était bel et bien de former un recours au nom de Zenon Technology Partnership : il a été satisfait à l'ensemble des conditions de recevabilité. Le titre de paiement de la taxe de recours portait le nom du véritable titulaire du brevet (une copie de l'ordre de débit a été jointe aux motifs en tant que preuve) et le mandataire est le même que celui ayant agi pendant la procédure de première instance. Une déclaration du mandataire a également été produite, attestant que M. Gibbs "[était] et [avait été] le mandataire en brevets chargé du brevet ci-dessus pendant l'examen et l'opposition. L'intention a toujours été de former le recours au nom du titulaire du brevet, Zenon Technology Partnership, et le fait que "Zenon Environmental Inc.", titulaire du brevet jusqu'en février 2007, soit mentionné en tant que requérant dans l'acte de recours (lettre datée du 8 février 2008) était simplement une erreur".

b) Cette discordance concerne à l'évidence des informations requises par la règle 99(1)a) CBE et constitue une irrégularité au sens de la règle 101(2) CBE. La Chambre de recours a noté cette discordance dans la notification établie par son greffier et, dans sa réponse, le mandataire a rapidement clarifié la situation.

c) Le brevet n'a pas changé de titulaire et aucun transfert de propriété n'a été demandé entre le moment où la décision de l'instance du premier degré a été prononcée et celui où l'acte de recours a été déposé.

d) Rien dans la CBE ne permet d'affirmer que la disposition spécifique prévue pour remédier à des irrégularités (règle 101(2) CBE) constitue une "lex specialis" qui serait un obstacle à l'application générale de la règle 139 CBE. A cet égard, il est fait référence aux affaires J 4/85 (JO OEB 1986, 205), T 219/86 (JO OEB 1988, 254) et J 8/80 (JO OEB 1980, 293). De plus, dans la décision T 656/98, citée par l'intimé, la chambre a envisagé la possibilité d'apporter des corrections en vertu de la règle 88 CBE 1973. Selon le requérant, si la règle 101(2) CBE exige que l'identité de la personne au nom de laquelle le recours aurait dû être formé puisse être déduite des informations contenues dans l'acte de recours - au besoin à l'aide d'autres informations figurant dans le dossier - la règle 139 CBE ne saurait être interprétée comme étant soumise à cette restriction.

IX. Le 30 août 2011, l'intimé s'est référé aux moyens qu'il avait soumis antérieurement et a fourni d'autres arguments, qu'il a également développés pendant la procédure orale et qui peuvent se résumer comme suit :

a) Il est exact que les circonstances de la présente affaire diffèrent de celles sous-jacentes à la décision T 656/98 ; toutefois, dans cette décision, la chambre a estimé qu'il n'existait aucune base pour effectuer une correction au titre de la règle 101(2) CBE (règle 65(2) CBE 1973) lorsqu'il est satisfait aux exigences de forme de la règle 41(2)c) CBE [sic] (règle 64a) CBE 1973).

b) D'autre part, les circonstances de la présente affaire diffèrent de celles sous-jacentes à la décision T 97/98, puisque l'acte de recours daté du 8 février 2008 portait explicitement la mention du nom, de l'adresse et de la nationalité du requérant.

Le mandataire du requérant a bel et bien eu l'intention de former un recours au nom de cette entité.

En vertu de l'article 107 CBE, le recours est donc irrecevable puisqu'il a été formé au nom d'une entité juridique qui diffère du titulaire du brevet et qui n'était donc pas admise à le former.

c) Il n'existe aucun moyen juridique de remédier à cette irrégularité.

- La règle 101(1) CBE prévoit qu'un recours qui n'est pas conforme aux articles 106 à 108, à la règle 97 ou à la règle 99(1)b) ou c) ou (2) CBE est rejeté comme irrecevable, à moins qu'il n'ait été remédié aux irrégularités avant l'expiration du délai applicable en vertu de l'article 108 CBE.

- La règle 101(2) CBE prévoit que si le recours n'est pas conforme à la règle 99(1)a) CBE, la chambre de recours le notifie au requérant et l'invite à remédier aux irrégularités constatées, dans un délai qu'elle lui impartit.

d) L'intimé a établi une distinction entre les irrégularités relevant de la règle 101(1) CBE et celles relevant de la règle 101(2) CBE, et fait valoir que ces deux catégories d'irrégularités ne se situent pas juridiquement au même niveau.

- L'inobservation de l'article 107 CBE fait partie de la première catégorie d'irrégularités, qui relève de la règle 101(1) CBE, et il ne peut y être remédié que conformément aux exigences énoncées dans cette règle.

- La deuxième catégorie d'irrégularités est différente dans le sens où les informations concernant l'identité du requérant, requises par la règle 99(1)a) CBE, à laquelle il est fait référence à la règle 101(2) CBE, correspondent à la règle 41(2)c) CBE, où sont énoncées les exigences de forme à respecter pour identifier une partie. La règle 101(2) CBE ne s'applique qu'aux irrégularités liées à ces exigences de forme.

- L'intimé en a conclu que ces deux catégories d'exigences et les irrégularités y afférentes ne sauraient être traitées de la même manière. La Chambre doit vérifier en premier lieu que le requérant tel qu'identifié dans l'acte de recours est admis à former le recours conformément aux exigences énoncées à l'article 107 CBE.

- Si le requérant satisfait aux exigences de l'article 107 CBE, il peut ensuite être invité à remédier à une irrégularité, pour autant qu'il s'agit par exemple d'une faute d'orthographe ou d'une adresse erronée.

- En revanche, si les informations figurant dans l'acte de recours se rapportent à un requérant qui est une entité juridique mais qui n'est pas admis à former le recours conformément à l'article 107 CBE, il n'existe pas d'autre possibilité que de remédier à cette irrégularité dans le délai de deux mois. Sinon, la règle 101(2) CBE n'est pas applicable et ne peut servir de base à une correction.

- La présente affaire n'est entachée d'aucune irrégularité à laquelle il peut être remédié conformément à la règle 101(2) CBE, puisque la Chambre n'a jamais envoyé la notification prescrite par cette disposition.

e) De même, aucune correction ne peut être apportée sur la base de la règle 139 CBE car cette règle, qui concerne l'application des dispositions communes de la septième partie de la CBE relative à la procédure au titre de la CBE, est une disposition à caractère général sur laquelle prévalent les règles spécifiques régissant la procédure de recours, conformément au principe de droit général selon lequel "lex specialis generalibus derogat".

f) L'intimé a demandé à titre de requête subsidiaire, dans le cas où la Chambre ne rejetterait pas le recours pour irrecevabilité, que la Chambre soumette une question de droit d'importance fondamentale à la Grande Chambre de recours (cf. paragraphe suivant).

X. Lors de la procédure orale devant la Chambre, les parties ont présenté les requêtes suivantes :

Le requérant a demandé que le passage concerné de la lettre de M. Gibbs datée du 8 février 2008, à savoir le nom, l'adresse et la nationalité du requérant, soit corrigé et que le recours soit déclaré recevable. Le requérant s'est également exprimé contre la saisine de la Grande Chambre de recours.

L'intimé a demandé que le recours soit rejeté pour irrecevabilité. A titre de requête subsidiaire, il a formulé une question à soumettre à la Grande Chambre de recours :

"La règle 101(1) CBE ensemble l'article 107 CBE permettent-ils de corriger, au titre de la règle 101(2) CBE ou de la règle 139 CBE, le nom du requérant de manière à le remplacer par une entité juridique autre que celle indiquée dans l'acte de recours ?"

XI. A la fin de la procédure orale, la Chambre, après avoir délibéré, a annoncé qu'elle rendrait sa décision par écrit.

Motifs de la décision

Recevabilité de l'acte de recours

1. Il ne fait aucun doute que l'acte de recours tel que déposé n'est pas recevable en vertu de l'article 107 CBE, étant donné que la société requérante n'était pas partie à la procédure d'opposition et que, par voie de conséquence, la décision frappée de recours ne lui a pas fait grief. Cette société n'était plus titulaire du brevet.

La requête en correction concernant le requérant et visant à satisfaire aux exigences de l'article 107 CBE n'a été déposée qu'en réponse à la lettre du greffier et seulement après l'expiration du délai applicable de deux mois prévu à la règle 101(1) CBE.

Il s'ensuit que la seule question qui se pose encore est de savoir si la correction requise, qui rendrait le recours recevable, peut être effectuée en vertu de la règle 101(2) CBE ou de la règle 139 CBE.

Requête en correction

2. L'acte de recours était rédigé comme suit :

"Brevet européen n° 1140330 (99955620.2-062)

Zenon Technology Partnership

Nous formons par la présente un recours (c'est le requérant qui souligne) contre la décision de la division d'examen [sic] datée du 28 décembre 2007, rejetant la demande de brevet ci-dessus [sic]. Nous requérons l'annulation de la décision dans son intégralité, de manière que le brevet puisse être maintenu ……..

Nom, adresse et nationalité du requérant (c'est la Chambre qui souligne) :

ZENON ENVIRONMENTAL INC

845 Harrington Court

Burlington

Ontario L7N 3P3

Canada

ZENON ENVIRONMENTAL INC est une personne morale canadienne.

Au cas où la chambre de recours souhaiterait rendre une décision qui fasse grief au demandeur [sic] à un quelconque moment, nous requérons la tenue d'une procédure orale pour discuter de l'affaire".

2.1 Il ressort de l'acte de recours, qui est conforme à toutes les exigences des règles 99(1)a) et 41(2)c) CBE, que des informations complètes sur l'identité du requérant ont été fournies, que la société en cause est bien réelle et correspond à l'ancien titulaire du brevet litigieux, constitué selon le droit canadien, tandis que l'actuel titulaire relève du droit du Delaware, Etats-Unis.

2.2 Cependant, la question de la recevabilité se pose puisque suite à une interversion involontaire, les informations identifiant le requérant dans l'acte de recours se rapportent à l'ancien, et non à l'actuel titulaire du brevet.

3. La Chambre tend à partager le point de vue de l'intimé selon lequel, dans les circonstances de la présente affaire, il n'existe aucune irrégularité liée aux exigences de la règle 101(2) CBE et de la règle 99(1)a) CBE. Cette dernière, qui fait référence à la règle 41(2)c) CBE, définit les informations administratives standard, revêtant un caractère formel, qui doivent figurer dans l'acte de recours et qui permettent d'identifier le requérant. L'article 107 CBE quant à lui énonce une condition de recevabilité à laquelle doit satisfaire le requérant, après avoir été identifié, pour être admis à former le recours.

Par conséquent, la règle 101(2) CBE, qui autorise la rectification d'irrégularités relevant de la règle 99(1)a) CBE, ne peut justifier que des corrections destinées à compléter les informations relatives à l'identité du requérant, dans la mesure où elles n'ont pas été entièrement fournies dans l'acte de recours et où le requérant peut déjà être identifié à la lumière de l'acte de recours.

4. La Chambre doit maintenant se pencher sur la jurisprudence afin de déterminer si cette conclusion (points 1 et 3 ci-dessus) diverge de la jurisprudence constante traitant de questions relatives à la correction d'un acte de recours.

5. La jurisprudence comprend trois catégories de décisions à examiner, à savoir :

a) les décisions dans lesquelles la correction du nom du requérant a été autorisée en vertu de la règle 65(2) CBE 1973, les chambres ayant estimé qu'il s'agissait d'une irrégularité, autrement dit que l'identité du véritable requérant pouvait être déduite du dossier. Les chambres ont parfois indiqué que l'application de la règle 65(2) CBE 1973, plus explicite, était préférable à celle de la règle 88 CBE 1973 (T 715/01 du 24 septembre 2002, point 9 des motifs, non publiée au JO OEB) ;

b) les décisions dans lesquelles la règle 88 CBE 1973 a été utilisée comme base juridique pour effectuer des corrections (T 814/98 du 8 novembre 2000, non publiée au JO OEB) ;

c) les décisions dans lesquelles la correction n'a pas été autorisée, au motif que l'acte de recours contenait une erreur de droit, et non pas tant une irrégularité à laquelle il aurait pu être remédié.

Décisions ayant fait droit à la requête en correction en vertu des règles 99(1)a) et 101(2) CBE (règles 64a) et 65(2) CBE 1973)

5.1 Décision T 340/92

a) Dans la décision T 340/92 du 5 octobre 1994 (non publiée au JO OEB), la correction du nom du requérant a été autorisée et le recours a été déclaré recevable, la chambre ayant estimé que la mention erronée du nom du requérant était due à une confusion entre le nom de la société requérante (société Croizet-Pourty) et celui de la société mère (SOGEA). Dans cette affaire, une requête en restitutio in integrum avait été présentée, mais la chambre a estimé que cette requête était superflue.

b) La chambre a ensuite considéré que lorsque le nom du requérant ou celui de la personne réellement admise à former le recours n'était pas mentionné dans l'acte de recours, en violation de la règle 64a) CBE 1973, il était possible de remédier à cette irrégularité en vertu de la règle 65(2) CBE 1973, dans le délai imparti par la chambre. La chambre a déclaré que le nom de la société mère avait été indiqué par erreur, comme cela découlait du mémoire exposant les motifs du recours et des explications fournies par la filiale, qui était la seule à laquelle la décision frappée de recours faisait grief, et qui pouvait être suffisamment identifiée grâce au nom de son mandataire (point 1 de la décision). Le fait que la filiale était la seule partie lésée et qu'elle pouvait être suffisamment identifiée par le nom du mandataire avait conduit la chambre à conclure que l'erreur était une irrégularité à laquelle il pouvait être remédié conformément à la règle 65(2) CBE 1973.

c) Il est difficile de savoir dans quelle mesure la solution et les motifs invoqués par la chambre dans cette affaire sont pertinents pour la présente espèce et peuvent être transposés à celle-ci. En tout état de cause, et pour autant que la Chambre puisse en juger, il semble que dans l'affaire T 340/92, l'acte de recours ne comportait pas l'identité complète du requérant. Seul son nom était erroné, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

5.2 Décisions T 483/90, T 613/91 et T 1/97

a) Dans la décision T 483/90 du 14 octobre 1992 (non publiée au JO OEB), l'opposant avait formé le recours sans indiquer son adresse ; le nom n'était apparemment entaché d'aucune irrégularité, même s'il n'était pas tout à fait clair. Dans la décision T 613/91 du 5 octobre 1993 (non publiée au JO OEB), l'adresse manquait.

b) Dans la décision T 1/97 du 30 mars 1999 (non publiée au JO OEB), qui faisait référence aux deux décisions précédentes, l'acte de recours avait été déposé au nom de l'opposant ; le nom indiqué dans l'acte de recours ("Crown Cork & Seal Co") ne concordait pas avec celui figurant dans la décision frappée de recours ("Crown Cork AG"). Aucune entreprise suisse répondant au nom de "Crown Cork & Seal Co" n'était cependant enregistrée à l'adresse mentionnée dans l'acte de recours, qui correspondait à l'adresse correcte de la société "Crown Cork AG". La chambre a considéré que la règle 64a) CBE 1973 ne s'appliquait pas uniquement en cas d'absence du nom ou de l'adresse du requérant, et a déclaré que le terme général "irrégularités" utilisé à la règle 65(2) CBE 1973 devait être interprété comme désignant également une indication incorrecte du nom et/ou de l'adresse du requérant (point 1.4 des motifs).

La chambre chargée de l'affaire a estimé qu'"il [existait] un lien étroit entre la règle 64a) et l'article 107, première phrase", ce dernier présupposant que le requérant ait été identifié (point 1.1 des motifs). La chambre a ajouté que "cela ne signifie pas pour autant que lorsque les informations requises en vertu de la règle 64a) ne sont pas fournies, ou lorsqu'elles sont incorrectes, il y a nécessairement inobservation de l'article 107, première phrase" (idem). De l'avis de la chambre, il était à l'évidence impératif de pouvoir identifier suffisamment le requérant dans le délai de deux mois - au besoin à l'aide de la décision faisant l'objet du recours - afin d'établir s'il était admis à former le recours conformément à l'article 107, première phrase CBE. En revanche, les irrégularités et omissions concernant le nom et l'adresse du requérant indiqués dans l'acte de recours conformément à la règle 64a) CBE 1973 pouvaient être rectifiées ultérieurement. (idem).

5.2.1 La Chambre souscrit, sur le principe, à l'analyse faite dans l'affaire T 1/97 par la chambre compétente, laquelle a accepté la correction compte tenu des particularités du cas d'espèce.

5.2.2 Les circonstances de ces trois affaires semblent différer des faits de la présente espèce. Ces affaires présentaient des irrégularités au sens de la règle 99(1)c) CBE (absence de nom correct, mais requérant identifié en tant qu'opposant et/ou adresse manquante ; adresses discordantes), qui ne permettaient pas aux chambres d'établir l'identité précise du requérant, mais justifiaient des recherches.

5.3 Décision T 97/98

a) Dans la décision T 97/98 du 21 mai 2001, où étaient citées entre autres les décisions T 340/92 et T 1/97, le recours avait été formé au nom de Fresenius AG au lieu de Fresenius Medical Care Deutschland GmbH. Là non plus, le nom du requérant n'était pas explicitement indiqué en tant que tel ; en revanche, "Fresenius AG" était mentionné comme étant le nom de l'opposant.

b) La chambre a constaté en premier lieu que cette façon de désigner le requérant, à savoir en se référant seulement à l'"opposant" lorsque l'opposant devenait le requérant, n'était pas inhabituelle dans les actes de recours. Cette désignation était reconnue comme correspondant à la mention du nom du requérant, ainsi que cela était exigé à la règle 64a) CBE 1973, dans les cas où le mandataire ayant représenté l'opposant pendant la procédure d'opposition formait ensuite le recours. La même conclusion avait été tirée au sujet d'un titulaire de brevet/requérant dans l'affaire T 867/91 du 12 octobre 1993 (point 1.1 des motifs).

c) La présente Chambre partage les conclusions formulées au point 1.3 de la décision T 97/98, à savoir, d'une part, que les exigences énoncées à la règle 64a) CBE 1973, outre le fait qu'elles s'expliquent par des raisons d'ordre administratif, ont pour but de permettre une identification du requérant et de donner aux chambres de recours la possibilité de vérifier si celui-ci est admis à former un recours comme l'exige l'article 107 CBE, et, d'autre part, que les règles 64a) et 65(2) CBE 1973 ne peuvent pas être interprétées comme constituant une exception au principe fondamental selon lequel le requérant doit pouvoir être identifié à l'expiration du délai imparti pour former le recours.

d) Dans l'affaire T 97/98, la chambre a estimé que l'indication du nom et de l'adresse du requérant était entachée d'irrégularités au sens de la règle 65(2) CBE 1973 non seulement lorsque l'acte de recours ne comportait aucune indication expresse de ce type mais aussi lorsque certaines indications étaient erronées (critère répété deux fois au point 1.3 des motifs). Dans certains passages des motifs, cet avis est développé d'une manière qui pourrait être considérée comme éventuellement contradictoire avec la conclusion à laquelle la Chambre pourrait parvenir dans la présente espèce (cf. points 1 et 3 des motifs ci-dessus). Par exemple, la chambre a indiqué que la correction d'erreurs dans le nom et l'adresse du requérant pouvait revêtir différents aspects. Elle pouvait éventuellement conduire, après correction des erreurs, à ce qu'une personne morale ou juridique différente de celle indiquée dans le délai imparti pour former le recours doive être considérée comme étant le requérant. "Les règles 64a) et 65(2) CBE [1973] ne s'appliquent que lorsqu'il existe effectivement une irrégularité, c'est-à-dire lorsque l'indication est erronée, de sorte que sa rectification ne reflète pas un changement d'avis ultérieur sur l'identité du requérant" (deux derniers alinéas du point 1.3) et (point 1.4) "le nom du requérant peut être rectifié conformément à la règle 65(2) CBE [1973] ensemble la règle 64a) CBE [1973] en vue de remplacer le nom indiqué dans l’acte de recours par celui d’une autre personne physique ou morale, si l’intention véritable était de former le recours au nom de cette personne et si les informations contenues dans l’acte de recours permettent de déduire – au besoin à l’aide d’autres informations figurant dans le dossier – que, selon toute probabilité, le recours aurait dû être formé au nom de cette personne". A cette fin, la chambre compétente a examiné soigneusement les documents (extrait du registre du commerce, copie d'une lettre au mandataire et d'un pouvoir) accompagnant la requête en correction.

e) Cette décision, qui accorde une importance considérable à l'"intention véritable" du requérant, a été citée avec la décision T 814/98, en date du 8 novembre 2000, dans The European Patent Convention, Singer/Stauder (volume 2, troisième édition, article 110, page 243) en tant que décision autorisant une correction du nom du requérant sur une base juridique autre que celle sous-tendant les affaires T 340/92 ou T 1/97. L'affaire T 814/98 était différente en ce sens que la chambre avait accepté explicitement la correction en vertu de la règle 88 CBE 1973 (cf. paragraphe 6.1 ci-dessous). En ce qui concerne la décision T 97/98, la chambre, bien que s'étant appuyée sur la règle 65(2) CBE 1973 et non sur la règle 88 CBE 1973, avait eu recours à la même terminologie que celle utilisée dans la décision G 11/91, en date du 19 novembre 1992, concernant les exigences de la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973), pour apprécier s'il était satisfait aux exigences de la règle 101(2) CBE (règle 65(2) CBE 1973) ensemble la règle 99(1)a) CBE (règle 64a) CBE 1973).

Par conséquent, la notion d'"intention véritable", introduite pour apprécier les exigences prévues par les règles 99(1)a) et 101(2) CBE, pourrait avoir une incidence dépassant le cadre de l'affaire tranchée à l'époque par la chambre. En particulier, la conclusion tirée au point 1.4 (cf. point 5.3 d) ci-dessus) pourrait englober à première vue tout type de correction et s'appliquer à la présente espèce (cf. point 5.8 ci-dessous), et ce d'autant plus que le point 1.3 de la décision T 97/98 comporte une référence explicite au point 1.1. des motifs de la décision T 1/97, dans lequel il est précisé que le nom et l'adresse de l'opposant formant le recours peuvent être identifiés à la lumière de la décision attaquée (c'est la chambre qui souligne).

5.4 On notera également qu'en cherchant à établir l'intention véritable, les chambres, dans toutes les décisions citées, se sont largement appuyées sur le fait que le requérant avait le même mandataire et que, à la lecture de la décision contestée, il était évident que l'acte de recours ne pouvait avoir été déposé valablement que par la personne déboutée (point 1 de la décision T 340/92 ; point 1.3 de la décision T 1/97 ; point 1.5 de la décision T 97/98).

5.5 Du point de vue de la Chambre, on peut interpréter, sans que cela revête un caractère purement spéculatif, les motifs communs aux décisions susmentionnées en ce sens que, conformément à la règle 101(2) CBE (règle 65(2) CBE 1973), il est possible de remplacer l'ensemble des informations identifiant le requérant, s'il est établi que l'intention véritable était de former un recours au nom de la bonne personne, étant entendu que l'un des moyens de preuve pouvant être utilisés pour établir l'intention véritable réside dans le fait que, conformément à l'article 107 CBE, personne d'autre n'aurait été admis à former le recours. Du reste, cette interprétation a été confirmée par les décisions T 15/01 en date du 17 juin 2004 et T 715/01 en date du 24 septembre 2002 (non publiée au JO OEB).

5.5.1 Dans la première affaire, le recours avait été formé au nom d'une personne morale qui avait cessé d'exister suite à une fusion. La chambre a recensé l'ensemble des possibilités dont disposait un requérant pour corriger l'acte de recours, puisqu'elle s'est référée à la jurisprudence justifiant une correction sur la base de la règle 88 CBE (T 814/98 ; T 460/99 en date du 30 août 2001) ainsi qu'à la décision T 97/98 (cf. commentaires au point 5.3 ci-dessus). Elle s'est ralliée à la position de la chambre dans la décision T 97/98, selon laquelle "rien [dans les règles 65(2) et 64a) CBE 1973] n’indique que celles-ci s’appliquent uniquement à certains types d’irrégularités, et qu’elles ne sont en principe pas applicables lorsque la rectification d’une indication erronée a pour conséquence qu’une personne différente de celle expressément désignée à l’origine dans l’acte de recours doit être considérée comme le requérant". L'irrégularité tenait au fait que l'indication était erronée, de sorte que sa rectification exprimait uniquement le but poursuivi lors du dépôt du recours (point 14 des motifs de la décision T 15/01).

5.5.2 Dans la deuxième affaire, l'acte de recours avait été déposé par la personne admise à former le recours, mais le mémoire exposant les motifs du recours avait été présenté par le nouveau titulaire du brevet, qui n'avait cependant pas encore été inscrit au registre en tant que tel. Cependant, et c'est précisément la raison pour laquelle la présente Chambre doit mentionner cette affaire, la chambre n'a pas fait de distinction à l'époque entre les deux étapes de la procédure de recours, considérant que les mêmes critères de recevabilité devaient être remplis à la fois par le mémoire exposant les motifs et par l'acte de recours (point 4 des motifs) : "l'unique question qui reste à clarifier est de savoir si une correction du nom des demandeurs dans ledit mémoire exposant les motifs est admissible au titre de la règle 65(2) CBE [1973]". Ensuite, au point 5, la chambre s'est référée au passage de la décision T 97/98 qui est cité au point 5.3 d) ci-dessus, et a conclu (point 10f)) : "ainsi, la Chambre estime que, dans la présente espèce, il est possible de remédier à l'irrégularité en vertu de la règle 65(2) CBE [1973], même après l'expiration du délai prévu pour former le recours […], puisque l'intention véritable des requérants était de satisfaire aux exigences de forme déterminant la recevabilité d'un recours. Cela revient à appliquer dans la présente situation les motifs sous-jacents à la décision T 97/98".

5.5.3 Il est vrai là encore que dans l'affaire T 715/01, l'étape concernée de la procédure n'était pas l'acte de recours. Cependant, compte tenu de la déclaration de portée générale faite au point 5 de la décision T 715/01, la présente Chambre suppose que la chambre ayant instruit l'affaire T 715/01 a estimé que l'interprétation large de la décision T 97/98 en ce qui concerne le mémoire exposant les motifs pouvait être appliquée à l'acte de recours. En l'occurrence, une telle extension de l'interprétation contredirait ouvertement les décisions G 2/04, T 656/98 ou T 128/10 (cf. ci-dessous).

5.6 Dans la décision T 1421/05 en date du 18 janvier 2011, la chambre devait essentiellement déterminer qui était l'opposant. Le recours avait été formé au nom d'un opposant qui avait transféré les actifs auxquels l'opposition se rapportait et qui n'existait plus mais avait un successeur universel. Après avoir décidé que le cédant conservait la qualité d'opposant, la chambre a déclaré qu'un "recours qui a été formé par erreur au nom d'un opposant qui n'existe plus mais qui a un successeur universel, alors que l'intention était manifestement de le former au nom de la personne qui est le véritable opposant et à qui la décision fait grief, à savoir le successeur universel, est recevable ; si nécessaire, l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours peuvent être rectifiés de manière que le nom du véritable requérant/opposant y soit inscrit" (point 4 du sommaire : points 6 et 7 des motifs). La correction de l'acte de recours n'était sans doute pas le problème le plus important de cette affaire (cette question découlait en réalité du problème principal, celui de savoir qui était l'opposant), mais la chambre, envisageant la possibilité que l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs soient entachés d'irrégularités, a expliqué pourquoi la correction, si elle s'avérait nécessaire, devait être admise (point 7 des motifs). La chambre a indiqué qu'elle adoptait l'approche choisie dans l'affaire T 715/01, dans laquelle la chambre avait décidé que la règle applicable était la règle 65 CBE, et non la règle 88 CBE 1973, qui se trouvait dans le chapitre V de la septième partie du règlement d'exécution de la Convention, et que les principes à appliquer pour effectuer une correction en vertu de la règle 65(2) CBE 1973 étaient exposés dans la décision T 97/98. Alors que dans la décision T 97/98, la chambre était convaincue qu'en lisant le recours à la lumière des indications figurant dans la décision attaquée, un tiers aurait pu déduire qui avait eu véritablement l'intention de former le recours, sans connaître les détails présentés ultérieurement à la chambre de recours, la chambre, dans l'affaire T 1421/05, est allée encore plus loin en affirmant que la chambre chargée de l'affaire T 97/98 n'avait pas voulu dire que les informations devaient impérativement pouvoir être déduites du recours pour que la correction puisse être effectuée (point 7.5 des motifs).

5.7 A la lumière de cette jurisprudence, et après avoir considéré les déclarations de portée générale figurant dans les décisions susmentionnées, en particulier dans la décision T 97/98, par rapport à leur contexte factuel spécifique, la présente Chambre pourrait conclure que l'existence de certaines différences dans les circonstances factuelles (cf. points 5.1 c) et 5.2.2 ci-dessus) pourrait justifier un rejet de la requête en correction dans la présente espèce, sans qu'il n'en résulte apparemment une divergence par rapport à la jurisprudence constante. Cependant, la Chambre n'est pas convaincue que ces différences soient plus que des différences de forme : c'est l'intention véritable qui a été considérée comme l'élément décisif qui a amené les chambres à décider que l'indication était erronée, et cette intention véritable a été établie à l'aide des informations contenues dans le dossier ou en tenant compte du fait que le mandataire était le même. De plus, dans certains cas, comme dans les décisions T 715/01 et T 1421/05, les chambres ont développé une interprétation potentiellement large de l'affaire T 97/98, dans un sens qui, de fait, peut être assimilé à une extension du champ d'application de la règle 101(2) CBE.

5.8 C'est la raison pour laquelle la question se pose à la Chambre dans la présente affaire de savoir si, compte tenu de cette interprétation potentiellement large, elle ne devrait pas considérer la prétendue indication incorrecte figurant dans l'acte de recours comme une irrégularité au titre des règles 99(1)a) et 101(2) CBE. De fait, les critères utilisés pour établir l'intention véritable dans les décisions analysées ci-dessus font penser à une erreur susceptible d'être assimilée en tant que telle à une irrégularité concernant l'identité du requérant : il ressort d'emblée du dossier et de la décision contestée que Zenon Technology Partnership est l'unique partie aux prétentions de laquelle la décision n'a pas fait droit, que le même mandataire agit pour cette entreprise depuis la procédure d'opposition, que les droits n'ont pas été transférés, que la taxe de recours a été acquittée au nom de Zenon Technology Partnership, et que, de surcroît, le greffier a relevé tout de suite l'anomalie - autant d'éléments susceptibles de plaider en faveur d'une erreur véritable.

5.8.1 S'agissant des erreurs véritables, la Chambre se réfère ici à l'ouvrage The Annotated European Convention, de Derk Visser, 19e édition, page 581, où la jurisprudence des chambres de recours sur cette question est résumée comme suit :

a) pour qu'une correction soit autorisée en vertu de la règle 101(2) CBE, l'irrégularité doit en premier lieu être une erreur véritable ; cependant, la correction doit également refléter l'intention au moment de la formation du recours (critère d'"intention") ;

b) la deuxième exigence traduit, de l'avis de la Chambre, l'ambiguïté de la jurisprudence :

i) d'une part, l'indication figurant dans l'acte de recours doit permettre en tant que telle d'identifier le requérant à l'expiration du délai imparti pour former le recours - même si la correction peut être effectuée ultérieurement - de telle sorte qu'il soit possible de déterminer si le recours a ou non été formé par la personne admise à le faire conformément à l'article 107 CBE. La présente Chambre adhère entièrement à ce point de vue, qui était déjà exprimé dans la décision T 1/97 (cf. point 5.2 b) ci-dessus). A cela s'ajoute toutefois une deuxième remarque :

ii) d'autre part, il suffit à cette fin que les informations contenues dans l'acte de recours permettent de déduire - au besoin à l'aide d'autres informations figurant dans le dossier - quelle personne, selon toute probabilité, aurait dû former le recours (T 97/98, point 1.4 ; caractères italiques ajoutés par la Chambre). Cette remarque introduit un élément subjectif dans l'appréciation des exigences énoncées dans les règles 99(1)a) et 101(2) CBE.

5.8.2 Cela dit, la Chambre constate qu'il existe dans la jurisprudence une autre tendance, qui s'en tient à des critères objectifs.

Décisions de rejet de la requête en correction

5.9 Décisions G 2/04 (JO 2005, 549), T 128/10 et T 656/98 (JO 2003, 385)

Décision G 2/04

5.9.1 Dans cette affaire, l'opposant (la société Akzo Nobel N.V.) et l'entreprise détenant les activités à laquelle l'opposition se rapportait (bioMérieux B.V.) avaient déposé un acte de recours car elles ne savaient pas laquelle des deux était admise à former le recours. Il avait notamment été requis que le nom du requérant figurant dans l'acte de recours, à savoir bioMérieux B.V., soit rectifié et remplacé par celui de Akzo Nobel N.V. si c'était cette dernière qui était admise à former le recours. La Grande Chambre a fait observer que l'opposant Akzo Nobel N.V., qui avait été clairement identifié comme étant l'opposant dans la déclaration d'opposition, n'était pas mentionné en tant que requérant, mais que bioMérieux l'était (point 3.1 des motifs). Cela était conforme à l'intention véritable de l'auteur de la déclaration. La Grande Chambre a ajouté que, selon la jurisprudence constante, il n'existait pas, dans de telles circonstances, d'irrégularités auxquelles on puisse remédier conformément à la règle 64a) ensemble la règle 65(2) CBE 1973, ni d'erreurs susceptibles d'être corrigées conformément à la règle 88 CBE 1973 (point 3.1 des motifs).

5.9.2 La Chambre ne peut en déduire que la Grande Chambre de recours a réellement endossé les affirmations de portée générale figurant dans la décision T 97/98, ni à la décision T 715/01 qui les a appliquées : la Grande Chambre a en effet conclu que "La nécessité de pouvoir identifier une partie revêtant un intérêt supérieur, la [Grande] Chambre ne voit aucune raison d'étendre le champ d'application de la règle 65(2) ou de la règle 88, première phrase CBE [1973]" (point 3.1 des motifs).

5.9.3 De l'avis de la Chambre, cela signifie seulement que s'il n'existe pas d'irrégularité au sens des règles 99(1)a) et 101(2) CBE, il n'y a aucune raison de rechercher l'intention véritable, la Grande Chambre ayant laissé en suspens la question de la relation entre les règles 101(2) CBE (règle 65(2) CBE 1973) et la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973).

Décisions T 128/10 et T 656/98

5.9.4 Dans la décision T 128/10 en date du 10 décembre 2010, comme dans la décision T 656/98, les chambres ont estimé que l'erreur était une erreur de droit concernant la personne admise à former le recours.

5.9.5 Ces deux affaires avaient ceci de commun que l'acte de recours avait été déposé intentionnellement au nom d'une personne identifiée, mais qu'il était apparu ultérieurement que cette personne n'était pas admise à former le recours (les droits avaient été transférés, mais à la date de dépôt de l'acte de recours, le requérant n'était pas encore devenu le titulaire inscrit au registre).

5.9.6 Dans ces deux affaires, où il était allégué que l'intention véritable avait été de déposer l'acte de recours au nom du titulaire du brevet, les chambres ont conclu que l'intention concernant l'identité du requérant était claire et qu'il n'existait aucune irrégularité ou erreur (point 7.1 des motifs de la décision T 656/98 et point 5.4 de la décision T 128/10).

5.9.7 La présente affaire se distingue des affaires T 128/10 ou T 656/98 sur un seul point, à savoir que dans ces deux dernières, la procédure était entachée d'une erreur de droit manifeste : les titulaires du brevet n'avaient pas tenu compte du fait qu'ils devaient être inscrits au registre pour être reconnus en tant que titulaires d'un brevet dans une procédure devant l'Office et, partant, être admis à former un recours, alors que dans la présente affaire, l'erreur tient à ce qu'un recours a été formé au nom d'une personne non admise à le faire, et ce malgré l'absence de tout changement qui aurait pu jeter un doute éventuel sur la personne admise à former le recours. Par conséquent, si les réserves mentionnées au point 5.8 ci-dessus n'avaient pas été émises, et si la question du rôle éventuellement joué par l'intention ne se posait pas, la présente affaire pourrait correspondre à la situation décrite aux points 7.1 à 7.3 des motifs de la décision T 656/98, dans laquelle la chambre avait conclu à l'absence d'irrégularité, et donc à l'absence de motifs justifiant l'application de la règle 65(2) CBE 1973.

Décisions fondées sur la règle 139 CBE

6. La Chambre n'ignore pas que la jurisprudence n'est pas uniforme en ce qui concerne la question de savoir si le champ d'application de la règle 139 CBE s'étend à un acte de procédure tel que l'acte de recours.

6.1 Dans l'affaire T 715/01, la chambre l'a exclu, préférant appliquer la règle 65(2) CBE 1973. Dans la décision T 814/98 en date du 8 novembre 2011, la chambre a accepté que le nom du requérant soit corrigé sur la base de la règle 88 CBE 1973, sans examiner au préalable l'applicabilité de cette règle. Dans d'autres décisions, les chambres ont simplement indiqué que c'était possible, sans faire de commentaires (cf. par exemple la décision T 15/01, déjà mentionnée, point 14 des motifs). Par conséquent, cette règle ne peut être considérée comme une solution satisfaisante.

6.2 Il s'ensuit que la décision de la présente Chambre concernant la recevabilité de l'acte de recours dépend du rôle accordé ou non à l'intention du requérant, soit au titre de la règle 101(2) CBE ensemble la règle 99(1)a) CBE, soit au titre de la règle 139 CBE. Considérant que la jurisprudence n'offre pas de réponse uniforme claire, la Chambre va maintenant examiner la requête subsidiaire de l'intimé relative à la saisine de la Grande Chambre de recours.

Requête subsidiaire : saisine de la Grande Chambre de recours

7. Toutes les décisions examinées ci-dessus montrent que la ligne de partage fondamentale dans la jurisprudence est, ou devrait être, l'existence d'une irrégularité, sur laquelle les décisions se sont toujours appuyées, plutôt que l'intention.

7.1.1 Soit l'acte de recours a été déposé au nom de la personne présumée admise à former le recours, mais qui, finalement, n'était pas habilitée à cette fin. Quelle qu'ait été l'intention à la date de dépôt, cela a conduit à une erreur de droit et à l'irrecevabilité du recours (T 128/10 ; T 656/98).

7.1.2 Soit un événement s'est produit, peut-être involontairement, qui a eu pour conséquence que l'indication figurant dans l'acte de recours était entachée d'une irrégularité. Le problème posé par cette catégorie de décisions est que, dans certains cas, les chambres ont admis une définition très large du terme "irrégularité", en ayant recours à la notion d'"intention véritable" pour caractériser ces irrégularités, par exemple des discordances, comme une erreur non intentionnelle d'identification. Dans ces cas, l'intention véritable a été soigneusement examinée afin de compléter les informations relatives à l'identité de la personne identifiable (cf. par exemple l'analyse ci-dessus concernant la décision T 1/97).

7.2 Au vu de ce qui précède, la présente affaire pourrait relever de la première catégorie de décision, comme la Chambre l'a déjà constaté (point 5.9.7) : l'acte de recours a été déposé au nom d'une personne qui n'était pas admise à former le recours, et il n'est entaché d'aucune irrégularité au titre de la règle 99(1)a) CBE, si bien qu'il n'y a aucune raison d'appliquer la règle 101(2) CBE.

7.3 Cependant, à la lumière des observations formulées au point 5.8 et dans ses subdivisions ci-dessus, il reste encore à savoir si une indication erronée peut être considérée comme une irrégularité pouvant être corrigée en vertu de la règle 101(2) CBE, étant donné que le requérant affirme que l'intention véritable avait été de former le recours au nom de Zenon Technology Partnership, et qu'il avance des arguments similaires à ceux admis pour établir l'intention véritable.

7.4 Comme indiqué plus haut au point 5.8 et dans ses subdivisions, la jurisprudence a introduit la notion subjective d'"intention véritable" et la possibilité de "déduire des informations contenues dans l'acte de recours - au besoin à l'aide d'autres informations figurant dans le dossier - quelle personne, selon toute probabilité, aurait dû former le recours".

Il existe donc une incertitude quant à la question de savoir si, et dans l'affirmative, dans quelles conditions, il est possible de s'appuyer sur l'intention véritable pour déterminer s'il existe une irrégularité à laquelle il peut être remédié au titre de la règle 101(2) CBE ensemble la règle 99(1)a) CBE. Cette incertitude concerne une question de droit importante, à savoir celle de la recevabilité d'un recours.

Compte tenu de cette incertitude, la Chambre pourrait se tourner vers la règle 139 CBE comme une solution possible. Or, cette règle n'offre pas non plus de réponse claire (cf. point 6 et subdivisions ci-dessus).

7.5 Conformément à l'article 112(1)a) CBE, afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'elle estime qu'une décision est nécessaire à ces fins.

7.6 Dans la présente affaire, la raison principale pour laquelle la Grande Chambre de recours doit être saisie, tient au fait qu'une question de droit d'importance fondamentale se pose. La nécessité de pouvoir identifier une partie revêtant un intérêt supérieur, ainsi que la Grande Chambre de recours l'a souligné (décision G 2/04, point 3.1 des motifs), les exigences en matière de recevabilité d'un acte de recours doivent, dans l'intérêt de la sécurité juridique, être d'emblée claires pour les parties, et ne pas nécessiter une discussion préliminaire visant à définir ce qu'est une irrégularité et comment il est possible d'y remédier.

7.7 En l'état des choses, la Chambre se réfère et souscrit au point 1.1 de la décision T 656/98, selon lequel il doit être possible d'identifier les personnes admises à former un recours avec précision et sans difficulté si la procédure de recours ne se perd pas dès le début en recherches compliquées visant à déterminer les relations entre les parties initiales et les soi-disant parties ultérieures et soi-disant requérants ultérieurs. Cette déclaration, qui a été faite dans le contexte du transfert des droits de propriété concernant le brevet, reste pertinente pour la présente affaire car elle traite de la qualité du requérant.

7.8 Mis à part les difficultés que pose la nécessité d'effectuer le cas échéant des recherches pour établir l'intention véritable, la Chambre n'est pas convaincue qu'en autorisant une correction sur la seule base de l'intention véritable, elle n'élargirait pas le champ d'application de la règle 101(2) CBE d'une manière qui est exclue par la décision G 2/04, et que, partant, elle ne contournerait pas la règle 101(1) CBE et l'article 107 CBE, ce qui serait contraire à la loi.

7.9 Il s'agit en fait de savoir si, dans des cas extrêmes, cette interprétation large n'aurait pas pour effet de faire échec à l'application de l'article 107 CBE : dans les cas où le brevet est révoqué ou l'opposition rejetée, l'unique requérant possible étant l'unique partie déboutée ou son successeur en droit, les exigences de la règle 99(1)a) CBE pourraient tout simplement être ignorées.

7.10 De plus, si la Grande Chambre de recours n'avait aucune raison, dans l'affaire G 2/04, de se pencher sur les liens entre la règle 65(2) CBE et la règle 88 CBE 1973, qui sont désormais respectivement les règles 101(2) et 139 CBE, aux fins de sa saisine, elle a admis implicitement qu'il y avait là matière à discussion. Dans la présente affaire, le requérant fonde sa requête sur les deux dispositions, si bien que la question des liens entre elles est également déterminante pour la présente décision concernant la recevabilité.

7.11 Enfin, compte tenu de certains éléments de la jurisprudence, la Chambre n'est pas certaine que l'intention véritable du requérant ne joue aucun rôle. Par conséquent, le fait de prendre la responsabilité de statuer sur cette importante question de droit d'une manière qui s'écarterait de cette jurisprudence aurait des conséquences irréversibles pour le requérant. Cela serait une cause d'iniquité, qui viendrait s'ajouter au contexte d'insécurité juridique.

8. C'est la raison pour laquelle la Chambre estime que la Grande Chambre de recours doit être saisie.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :

(1) Lorsqu'un acte de recours comporte, conformément à la règle 99(1)a) CBE, le nom et l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 41(2)c) CBE, et qu'il est allégué qu'en raison d'une erreur, le requérant n'a pas été identifié correctement, l'intention véritable ayant été de former le recours au nom de la personne morale qui aurait dû le faire, une requête visant à substituer cette personne morale à l'autre personne morale ou physique est-elle recevable en tant que moyen de remédier à des "irrégularités" au titre de la règle 101(2) CBE ?

(2) Dans l'affirmative, par quels modes de preuves l'intention véritable peut-elle être établie ?

(3) S'il est répondu par la négative à la première question, l'intention du requérant peut-elle néanmoins entrer en ligne de compte et justifier l'application de la règle 139 CBE ?

(4) S'il est répondu par la négative aux questions (1) et (3), y a-t-il d'autres possibilités que la restitutio in integrum (lorsque celle-ci est recevable) ?

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