T 0437/08 () of 17.11.2011

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2011:T043708.20111117
Date de la décision : 17 Novembre 2011
Numéro de l'affaire : T 0437/08
Numéro de la demande : 97403006.6
Classe de la CIB : C03C 17/36
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Vitrage comprenant un substrat muni d'un empilement de couches minces pour la protection solaire et/ou l'isolation thermique
Nom du demandeur : SAINT-GOBAIN GLASS FRANCE
Nom de l'opposant : Pilkington Deutschland AG
Guardian Industries Corp.
AGC Glass Europe
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention R 80
European Patent Convention R 99(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(3)
European Patent Convention 1973 Art 54(1)
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
European Patent Convention 1973 R 71a(1)
Mot-clé : Recevabilité du recours, des requêtes et des documents tardifs (oui)
Suffisance de l'exposé de l'invention: requête principale (non) - 1ère requête subsidiaire (oui)
1ère requête subsidiaire: Nouveauté (oui): Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0358/08
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les présents recours visent à contester la décision intermédiaire postée le 2 janvier 2008 par laquelle la division d'opposition maintenait le brevet européen 0 847 965 sur la base du jeu de revendications soumis à titre de première requête subsidiaire au cours de la procédure orale du 11 décembre 2007.

II. Durant la phase d'opposition, les parties se sont appuyées en particulier sur les document suivants:

A1: EP 0 718 250 A2

A20: Li-Jiang Meng et al.: "Study of the structural properties of ZnO thin films by X-ray photoelectron spectroscopy", Applied Surface Science, 8, (1994), pages 57 à 61

A23: Li-Jiang Meng et al.: "Study of porosity of titanium oxide films by X-ray photoelectron spectroscopy and IR transmittance", Thin Solid Films, 239, (1994), pages 117 à 122

A25: H. Weis et al.: "Advanced characterization tools for thin films in low-E systems", Thin Solid Films, 351, (1999), pages 184 à 189

A26: S. H. Mohamed et al.: "Structural and optical properties of direct current sputtered zinc aluminum oxides with a high Al concentration", Thin Solid Films, 513, (2006), pages 64 à 71

A27: Yeon Sik Jung: "Study on texture evolution and properties of silver thin films prepared by sputtering deposition", Applied Surface Science, 221, (2004), pages 281 à 287

III. Toutes les parties engagées dans la procédure d'opposition ont formé recours contre cette décision.

IV. Avec leurs mémoires exposant les motifs du recours, les trois requérantes/opposantes ont soulevé diverses objections au titre des Articles 56, 83 et 123(2) CBE à l'encontre du jeu de revendications tel que maintenu dans la décision contestée.

Les requérantes I et II ont en outre chacune soumise deux nouveaux documents.

La titulaire/requérante IV a pour sa part contesté le bien-fondé de la décision incriminée et soumis quatorze jeux de revendications modifiées à titre de nouvelles requêtes principale et subsidiaires 1 à 13.

V. En réponse au mémoire de recours de la titulaire, les requérantes I et II ont demandé que les recours et requêtes déposées par cette dernière soient jugés irrecevables. Les requérantes II et III ont en outre soumis deux nouveaux documents.

VI. Avec l'invitation à comparaître à la procédure orale, la chambre a émis un avis provisoire dans lequel elle a jugé admissible le recours formé par la titulaire. Les multiples requêtes déposées par cette dernière ont pour leur part été jugées irrecevables.

VII. Le 18 juillet 2011, la requérante III a soumis un nouveau document numéroté A32 par la chambre:

A32: US 5 413 864.

VIII. Le 12 octobre 2011, la requérante IV/titulaire a déposé trois nouveaux jeux de revendications à titre respectivement de requête principale et de première et seconde requêtes auxiliaires. Elle a en outre soumis une déclaration ainsi qu'un nouveau document, à savoir un extrait d'une norme existante.

La revendication indépendante 1 selon la nouvelle requête principale présente le libellé suivant (modification par rapport à la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition mise en avant par la chambre):

"1. Vitrage comprenant au moins un substrat verrier transparent (1) muni d'un empilement de couches minces comportant une alternance de "n" couches fonctionnelles" (3, 6) à propriétés de réflexion dans l'infrarouge et/ou dans le rayonnement solaire, métallique à base d'argent ou d'alliage métallique contenant de l'argent, et de "(n + 1)" revêtements, avec n >= 2, lesdits revêtements étant composés d'une ou d'une pluralité de couches dont au moins une en matériau diélectrique (2a, 2b 5a, 5b 8a, 8b), de manière à ce que chaque couche fonctionnelle (3, 6) soit disposée entre deux revêtements (2a, 2b ; 4, 5a, 5b ; 7, 8a, 8b), caractérisé en ce qu'en vue de préserver la qualité optique de l'empilement au cas où le substrat (1) muni dudit empilement est soumis à un traitement thermique du type de trempe, bombage, recuit:

- d'une part, le revêtement disposé au-dessus de la nième couche fonctionnelle (6) comporte au moins une couche "barrière" (8b) en un matériau faisant "barrière" au moins à l'oxygène, et à l'eau, et qui est à base de composés de silicium SiO2, SiC, SiOxCy, SiOxNy, nitrure de silicium ou d'un mélange d'au moins deux de ces composés ou d'un mélange d'AlN et de Si3N4.

- d'autre part, au moins une couche "absorbante" (8a) en un matériau apte à "absorber" le matériau constitutif de ladite couche fonctionnelle (6) fait partie du revêtement disposé au-dessus de ladite couche fonctionnelle (6) et sous la couche "barrière" (8b), la couche absorbante étant en un matériau poreux, d'une porosité comprise entre 5 et 25%."

IX. En date du 28 octobre 2011, la requérante I a demandé que la chambre juge irrecevables ces nouvelles requêtes, celles-ci soulevant de nouvelles objections au titre de la Règle 80 CBE ainsi que des Articles 84 et 123(2) CBE. La requérante I a également attaqué les nouvelles requêtes au titre des Articles 100(a) et (b) CBE.

X. Dans un courrier daté du 3 novembre 2011, la requérante III a contesté l'objet nouvellement revendiqué au titre de la Règle 80 CBE, ainsi que des Articles 100(a) et 100(b) CBE. Elle a en particulier fait valoir que la suppression de "SiO2" de la revendication 6 ne pouvait être vue comme une modification répondant à un motif d'opposition. La requérante III a motivé l'objection de défaut d'exposé de l'invention par l'absence de description de la méthode de mesure de la porosité d'une couche située à l'intérieur d'un empilement multicouches, ainsi que par l'absence de description de la méthode de mesure de la porosité sur une couche absorbante à base de l'un des métaux Ni, Cr, Nb, Sn, Ti, NiCr ou d'acier ou de l'un des oxydes TiO2 ou Al2O3.

L'objet de la revendication 1 selon les requêtes principale et subsidiaire 1 présenterait en outre un défaut de nouveauté par rapport au document A1 ainsi qu'un défaut d'activité inventive par rapport à l'enseignement combiné des documents A1 et A32. L'objet de la revendication 1 selon les trois nouvelles requêtes présenterait en outre un défaut d'activité inventive par rapport au contenu du document A1 pris isolément ou alternativement en combinaison avec l'un des documents A20 ou A23.

XI. Le 3 novembre 2011, la requérante II a déposé un mémoire d'observations dans lequel elle a fait valoir un défaut d'exposé de l'invention, arguant en particulier qu'il était techniquement impossible de mesurer la porosité d'une couche d'épaisseur inférieure ou égale à 2 nm, ce qui rendait impossible à l'homme du métier de vérifier s'il se trouvait ou non dans le domaine de protection du brevet.

L'objet tel que revendiqué dans les trois requêtes en instance présenterait en outre un défaut d'activité inventive par rapport au contenu du document A1 pris isolément.

XII. La procédure orale s'est tenue le 17 novembre 2011. Toutes les parties étaient représentées.

Après présentation de son opinion provisoire concernant l'admissibilité des requêtes en instance et des documents produits tardivement, la chambre a présenté son avis concernant les points soulevés par les opposantes/requérantes au titre de la Règle 80 et des Articles 123 et 84 CBE. La discussion s'est ensuite focalisée sur la suffisance de description (Article 83 CBE), les opposantes/requérantes prétendant en particulier qu'il était impossible pour l'homme du métier de contrôler la porosité en particulier pour des couches très minces telles que celle définie dans l'exemple 2 bu brevet contesté.

La chambre a ensuite donné son avis provisoire selon lequel la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'Article 83 CBE et la requérante IV/ titulaire a été invitée à modifier les requêtes auxiliaires de sorte à surmonter les remarques émises en début de procédure orale par la chambre au titre de l'Article 123(2) CBE.

La revendication 1 selon la nouvelle première requête auxiliaire soumise au cours de la procédure orale est libellée comme suit (différences par rapport à la première requête auxiliaire soumise le 12 octobre 2011 mises en avant par la chambre):

"1. Vitrage comprenant au moins un substrat verrier transparent (1) muni d'un empilement de couches minces comportant une alternance de "n" couches fonctionnelles" (3, 6) à propriétés de réflexion dans l'infrarouge et/ou dans le rayonnement solaire, métallique à base d'argent ou d'alliage métallique contenant de l'argent, et de "(n + 1)" revêtements, avec n >= 2, lesdits revêtements étant composés d'une ou d'une pluralité de couches dont au moins une en matériau diélectrique (2a, 2b 5a, 5b 8a, 8b), de manière à ce que chaque couche fonctionnelle (3, 6) soit disposée entre deux revêtements (2a, 2b ; 4, 5a, 5b ; 7, 8a, 8b), caractérisé en ce qu'en vue de préserver la qualité optique de l'empilement au cas où le substrat (1) muni dudit empilement est soumis à un traitement thermique de trempe, bombage, recuit:

- d'une part, le revêtement disposé au-dessus de la nième couche fonctionnelle (6) comporte au moins une couche "barrière" (8b) en un matériau faisant "barrière" au moins à l'oxygène, et à l'eau, et qui est à base de composés de silicium SiO2, SiOxCy, SiOxNy, nitrure de silicium Si3N4 ou d'un mélange d'au moins deux de ces composés ou d'un mélange d'AlN et de Si3N4.

- d'autre part, au moins une couche "absorbante" (8a) en un matériau apte à "absorber" le matériau constitutif de ladite couche fonctionnelle (6) fait partie du revêtement disposé au-dessus de ladite couche fonctionnelle (6) et sous la couche "barrière" (8b), la couche absorbante étant en un matériau poreux, d'une porosité comprise entre 5 et 25%, d'une épaisseur géométrique comprise entre 2 et 30 nm, et étant:

- soit essentiellement métallique, en un matériau choisi parmi l'un au moins des métaux suivants Ni, Cr, Nb, Sn, Ti, ou d'un alliage type NiCr ou acier, notamment d'une épaisseur comprise entre 2 et 5 nm,

- soit en matériau diélectrique choisi parmi l'un au moins des oxydes suivants: ZnO, TiO2, Al2O3."

La suppression de la caractéristique "ou d'un alliage type NiCr ou acier" a suscité une objection au titre de la Règle 80 CBE.

La discussion s'est ensuite concentrée sur la nouveauté et l'activité inventive de l'objet ainsi revendiqué principalement par rapport au document A1, alternativement en combinaison avec le contenu des documents A20 et A23.

XIII. Concernant les requêtes au dossier:

Les requérantes I, II et III ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

La requérante IV a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications déposé à titre de requête principale le 12 octobre 2011, ou alternativement sur la base de l'un des deux jeux de revendications modifiées déposés à titre respectivement de 1**(ère) et 2**(ème) requêtes subsidiaires lors de la procédure orale du 18 novembre 2011.

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours

Au vu de la jurisprudence des chambres de recours (en particulier T 358/08, points 1 et 2 de l'exergue), selon laquelle il est satisfait à la Règle 99(1)c) CBE si l'acte de recours contient une requête visant à annuler tout ou partie d'une décision, la chambre ne voit pas de raison pour juger irrecevable le recours formé par la titulaire du brevet.

En effet, dans sa lettre du 10 mars 2008 la titulaire a clairement fait référence à la demande de brevet 97403006.6 - qui indubitablement correspond au brevet contesté - et déclaré qu'elle formait "un recours contre la décision de maintien sous forme modifiée du brevet prise le 11 décembre 2007 dans le cadre de l'opposition contre le brevet susmentionné". La taxe correspondante ayant en outre été perçue le 11 mars 2008, le recours formé par la titulaire est recevable.

2. Recevabilité des requêtes

Les nouvelles requêtes soumises le 28 octobre 2011 par la requérante IV/titulaire viennent en réponse à l'avis provisoire négatif émis par la chambre et tendent à surmonter les objections émises par les opposantes. Celles-ci ne divergent en outre pas substantiellement des requêtes présentées en première instance et ont été produites plus de cinq semaines avant la procédure orale; les requérantes/opposantes ne pouvaient donc se prévaloir d'un effet de surprise ou d'un défaut de temps pour les prendre en considération.

L'argument selon lequel les nouvelles requêtes soulèveraient de nouvelles objections au titre de la Règle 80 CBE et des Articles 84 et 123(2) 1973 CBE est certes en partie fondé (voir ci-après), mais attendu que les questions soulevées sont d'ordre mineur et pouvaient manifestement être traitées sans que la procédure orale ne soit renvoyée, la chambre a décidé, en vertu du pouvoir d'appréciation dont elle dispose (Article 13(1)(3) RPCR) d'admettre les nouvelles requêtes dans la procédure de recours.

3. Recevabilité des documents soumis après dépôt des mémoires de recours

La chambre observe que les documents soumis tardivement par les opposantes ont été déposés en réponse aux nouvelles requêtes de la titulaire. Ceux-ci ont en outre été produits - pour la plupart d'entre eux - plus de deux ans avant la procédure orale, ou le 18 juillet 2011 pour le dernier en date. La titulaire a donc disposé de suffisamment de temps pour les prendre en considération.

Il en est de même de la déclaration et du document que la titulaire a soumis le 12 octobre 2011 - c'est-à-dire plus de cinq semaines avant la procédure orale - et qui venaient en réponse aux objections préalablement soulevées par les opposantes/requérantes.

Les parties ne pouvant donc se prévaloir d'avoir manqué de temps pour prendre connaissance du contenu de ces documents, la chambre décide en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose (Article 114(2) ensemble la Règle 71(1) bis CBE 1973) de les admettre dans la procédure de recours.

4. Requête principale - Suffisance d'exposé de l'invention

4.1 Les requérantes/opposantes ont fait valoir qu'il était impossible de mesurer et de contrôler la porosité d'une couche "absorbante" telle que définie dans la revendication 1 des trois requêtes en instance. A cet effet, la requérante I a soumis (courrier daté du 8 mai 2008) un test supposé reproduire la présumée invention et étayer ses allégations.

4.2 La chambre observe qu'il est de jurisprudence constante qu'une invention est considérée comme suffisamment exposée dès lors que l'homme du métier est mis en mesure d'exécuter celle-ci dans toute sa portée, telle que revendiquée. Lorsque dans sa définition ladite invention fait appel à un paramètre, l'homme du métier se doit en outre d'être mis en mesure de vérifier si ledit paramètre est respecté lors de l'exécution de l'invention.

Dans le cas d'espèce, l'objet revendiqué fait appel à un paramètre, à savoir la porosité. Il y a donc lieu de vérifier chacun de ces deux aspects.

4.2.1 Dans le brevet contesté (paragraphe [0033]), la porosité est définie par la relation "p% = 1-(d1/d0), avec d0 la densité théorique du matériau en question en pourcentage et d1 sa densité réelle". Dans le même paragraphe, le brevet explique que la porosité se traduit souvent, quand le matériau est un diélectrique, par une baisse de l'indice de réfraction par rapport à l'indice théorique dudit matériau.

L'homme du métier est donc informé de la possibilité qui lui est donnée de vérifier la bonne exécution de l'invention par la mesure de la densité de la couche "poreuse", et dans le cas particulier d'un diélectrique, celle-ci peut être doublée d'une mesure de son indice de réfraction.

4.2.2 Concernant la mesure de la densité d'une couche mince telle que la couche "absorbante" revendiquée, les documents A25, A26 et A27 confirment que la mesure de ce paramètre sur des couches minces respectivement à base d'oxydes de bismuth (A25), d'oxydes mixtes d'aluminium et zinc (A26) et d'argent (A27) est réalisable, en particulier par réflectométrie X.

A25, qui concerne spécifiquement des empilements bas émissifs de couches minces, précise - par référence (page 186, colonne de gauche, premières lignes du point 2.2) à un document [4] - que les mesures de réflectométrie X permettent également de mesurer l'épaisseur et la rugosité de couches minces dont l'épaisseur varie de 1 à 200 nm.

4.2.3 La chambre a bien noté que les documents A25, A26 et A27 présentent une date de publication postérieure à la date de priorité du brevet, mais attendu que la date de publication (1992) du document [4] cité dans A25 est largement antérieure à la date de priorité du brevet contesté, il est conclu que la mesure de la densité d'une couche mince faisait indubitablement partie des connaissances générales de l'homme du métier à la date de priorité du brevet.

4.2.4 La chambre observe toutefois que même si le contenu du document A25 semble confirmer que l'homme du métier était donc mis en mesure de vérifier la densité - et de ce fait mis en mesure d'en déduire la porosité - de couches minces du type de celles définies dans la revendication 1 en instance, A25 apparaît néanmoins confirmer certaines des allégations mises en avant par les requérantes/opposantes.

Il ressort en effet du passage susmentionné du document A25 que les mesures de densité ont été limitées à des épaisseurs de couche comprises entre 1 et 200 nm, et la question se pose donc si des mesures de densité sont effectivement réalisables sur des couches d'épaisseurs extérieures à cette plage de valeurs, et en particulier sur des couches d'épaisseur inférieure au nanomètre.

4.2.5 La chambre observe en outre que certaines des couches décrites dans le document A25 (voir page 1871, colonne de gauche) présentent des rugosités (1,2 et 1,25 nm) dépassant le nanomètre. Ces valeurs sont du même ordre de grandeur que celles (1,4 à 1,9 nm) des couches analysées dans l'expérience supposée étayer la thèse de la requérante I selon laquelle les caractéristiques définissant la couche "absorbante" souffriraient d'une insuffisance d'exposé de l'invention. Au vu de ces éléments, la question se pose de savoir si une mesure de densité sur une couche dont l'épaisseur est du même ordre de grandeur que les valeurs de rugosités susmentionnées est fiable. La chambre n'en est pas convaincue car ladite couche étant elle-même déposée sur une couche ou un substrat de porosité non négligeable (à titre d'illustration, le substrat verrier mis en oeuvre dans l'expérience de l'opposante I présentait une rugosité de 0,5 et 0,6 nm), la mesure de sa densité englobera inévitablement une partie du matériau de la couche ou du substrat sous-jacent.

4.2.6 De ce qui précède, il y a lieu de conclure qu'il est permis de douter de la possibilité de mesurer la porosité de couches minces dont l'épaisseur serait inférieure au nm ou de l'ordre de grandeur des rugosités susmentionnées. La chambre en conclut qu'en l'absence de limite inférieure pour l'épaisseur géométrique de la couche "absorbante" définie à la revendication 1 en instance, l'homme du métier n'est pas mis en mesure de vérifier la porosité de celle-ci dans toute sa portée, telle que revendiquée, comme exigé par la jurisprudence des chambres de recours.

C'est pourquoi la revendication 1 selon la requête principale ne satisfait pas aux exigences de l'Article 83 CBE 1973.

5. Première requête auxiliaire

5.1 Suffisance d'exposé de l'invention

5.1.1 La revendication 1 selon cette requête étant limitée à une couche absorbante d'épaisseur comprise entre 2 et 30 nm, les remarques menant aux conclusions de défaut d'exposé de l'invention pour la requête principale sont sans fondement pour la requête en instance. Le document A25 décrit en effet clairement la manière de mesurer la densité de couches d'épaisseur supérieure à 1 nm. Ni A25, ni l'expérience soumise par l'opposante/requérante I ne divulgue en outre de rugosités allant jusqu'à la limite basse - 2 nm - de la couche "absorbante" définie à la revendication 1 de la requête en instance.

5.1.2 Dans ces circonstances, et bien que les requérantes/ opposantes aient présenté leur objection comme s'appliquant également aux couches d'épaisseur supérieure ou égale à 2 nm, la chambre n'est pas convaincue du bien-fondé de ces allégations.

En effet, la preuve supposée étayer celles-ci - à savoir l'expérience soumise en date du 8 mai 2008 par la requérante I - met en oeuvre des couches d'oxyde de zinc d'épaisseurs (66,8 et 68,8 nm) bien trop éloignées des épaisseurs (2 à 30 nm) définies dans la revendication 1 en instance ou dans l'exemple 2 du brevet contesté (2 nm) pour être représentatives de l'invention revendiquée. En outre, la pression (1,1 Pa) mise en oeuvre dans ladite expérience est sensiblement différente de celle (1,2 Pa) de l'exemple 2 du brevet, et il n'est pas prouvé que les mêmes valeurs de porosité auraient été obtenues si les conditions opératoires mises en oeuvre dans cet exemple du brevet contesté avaient été suivies à la lettre. Dans ce contexte, la chambre ne voit pas comment cette expérience pourrait servir de preuve étayant l'impossibilité de reproduire l'invention; c'est pourquoi la chambre décide de ne pas la retenir.

Concernant l'affirmation des requérantes/opposantes selon laquelle il serait impossible de contrôler la porosité de couches telles que revendiquées, en particulier lorsque celles-ci sont d'épaisseur très faible, la chambre reconnaît qu'il peut s'avérer difficile de prouver qu'une expérience ne donne pas les résultats escomptés, en l'espèce l'impossibilité de vérifier ou de contrôler la porosité revendiquée. Il est toutefois d'usage dans une telle situation de produire une ou plusieurs déclarations d'experts à l'appui de telles observations, mais force est de constater qu'en l'espèce aucune déclaration en ce sens n'a été produite par les trois requérantes/opposantes, si bien qu'en l'absence de preuve lesdites allégations se doivent d'être rejetées.

5.1.3 Attendu qu'au paragraphe [0036] du brevet contesté l'information est transmise qu'une augmentation de pression du gaz inerte du type argon engendre une augmentation parallèle de la porosité d'une couche mince déposée par pulvérisation cathodique, il est clair pour l'homme du métier que la pression de gaz inerte dans la chambre de pulvérisation permet de régler la porosité d'une couche "absorbante" telle que revendiquée.

L'Exemple 2 du brevet contesté confirme cette information, puisqu'il y est produit un empilement de couches minces conforme à l'invention revendiquée, celui-ci incluant en particulier une couche (8a) en oxyde de zinc de porosité évaluée à 15% et préparée par pulvérisation réactive sous une pression de 1.2 Pa. Cette dernière pression y est en outre décrite comme "nettement supérieure" à celle - à savoir 0.8 Pa - mise en oeuvre pour les autres couches (2b, 5b) en oxyde de zinc de l'empilement.

5.1.4 Les différentes allégations des requérantes/opposantes relatives au défaut d'exposé de l'invention n'ayant été étayées d'aucun élément de preuve tangible, excepté l'expérience soumise avec le courrier daté du 8 mai 2008 qui est rejetée pour non-conformité à l'enseignement du brevet, la chambre ne voit pas de raison pour discréditer l'enseignement de l'exemple 2 du brevet contesté ou mettre en doute le bien-fondé de l'information transmise par le brevet selon laquelle l'augmentation de pression du gaz inerte du type argon est la caractéristique engendrant l'augmentation de la porosité des couches minces de l'empilement revendiqué. La chambre est également convaincue qu'à partir de ces enseignements il est possible de produire d'autres couches "absorbantes" tombant sous le libellé de la revendication 1 en instance. En outre, il apparaît du document A23 (voir en particulier le Tableau 2 en page 120) que les différentes méthodes de mesure de la porosité de couches minces mènent sensiblement aux mêmes résultats; il n'y a donc pas lieu de mettre en doute la fiabilité de la méthode de mesure décrite dans le brevet contesté.

5.1.5 C'est pourquoi de ce qui précède, il est conclu que les instructions délivrées par le brevet sont suffisantes pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'invention dans toute sa portée, telle que revendiquée, ainsi que de vérifier si le paramètre critique - la porosité - a été respecté lors de l'exécution de l'invention. Les conditions de l'Article 100(b) ensemble l'Article 83 CBE 1973 sont par conséquent remplies.

5.2 Admissibilité des modifications

5.2.1 Il a été allégué que les modifications tendant à la suppression des caractéristiques "ou d'un alliage type NiCr ou acier" et "SiO2" de la revendication 1 ne répondaient à aucun motif d'opposition et allaient de ce fait à l'encontre des dispositions de la Règle 80 CBE.

La chambre constate que lesdites modifications ont été soumises en réponse en particulier aux objections de défaut d'exposé de l'invention, et il est crédible que celles-ci visent à pallier l'insuffisance de description découlant de la présence de ces caractéristiques dans l'objet revendiqué. En effet, en l'absence de description plus précise de l'expression "alliage type NiCr ou acier", l'homme du métier aurait pu se poser la question de savoir quels étaient les autres alliages supposés être couverts par cette expression quelque peu ambiguë. De manière similaire, si SiO2 n'avait pas été retiré de la liste des matériaux diélectriques constitutifs de la couche "absorbante", les couches "barrière" et "absorbante" auraient toutes deux pu présenter la même composition chimique à base de SiO2 et en l'absence de description allant en ce sens, l'homme du métier se serait vu confronté à la question de la différenciation de ces deux couches de composition identique. La chambre ne voit donc pas de raison pour rejeter les susdites modifications au regard de la Règle 80 CBE.

5.2.2 Le remplacement de l'expression "en argent" par l'expression "à base d'argent" est couvert en particulier par le passage en page 12, lignes 30 et 31, de la demande telle que déposée. Il ne contrevient donc pas aux dispositions de l'Article 123(2) CBE 1973.

5.2.3 La chambre constate au demeurant que les revendications 1 à 17 de la requête en instance trouvent leur fondement comme suit dans la demande telle que déposée:

- revendication 1: revendications 1, 4, 5, 7, 8, 9 et 10; page 12, lignes 30 et 31 et page 8, lignes 12 à 15.

- revendication 2: revendication 3

- revendication 3: revendication 6

- revendications 4 et 5: respectivement revendications 15 et 16

- revendications 6 à 10: respectivement revendications 19 à 23

- revendications 11 à 17: respectivement revendications 26 à 32.

Les revendications n'ayant en outre pas été modifiées de façon à étendre la protection du brevet européen tel que délivré, celles-ci satisfont aux dispositions de l'Article 123(2) et (3) CBE 1973.

5.3 Nouveauté

5.3.1 La requérante/opposante III ayant fait valoir que l'objet selon la revendication 1 présenterait un défaut de nouveauté par rapport au contenu du document A1, force est de constater que ceci n'est pas le cas pour les raisons suivantes.

5.3.2 A1 a pour objet (revendications 1 et 2) un substrat en verre muni d'un empilement de couches minces comportant au moins une couche métallique (4) à base d'argent à propriétés dans l'infrarouge et deux revêtements à base de matériau diélectrique situés, l'un au-dessous (8) et l'autre au-dessus (9) de la couche à propriétés dans l'infrarouge, ainsi qu'une couche métallique de protection (5), placée immédiatement au-dessus et au contact de la couche à propriétés dans l'infrarouge, caractérisé en ce que, en vue de prévenir la modification des propriétés de l'empilement, au cas où le substrat est soumis à un traitement thermique du type trempe ou bombage, d'une part le second revêtement (9), à base de matériau diélectrique, comporte une couche-barrière à la diffusion de l'oxygène choisie parmi l'un des matériaux suivants : composés de silicium SiO2, SiOxCy, SiOxNy, nitrures comme Si3N4 ou AlN, carbures comme SiC, TiC, CrC, TaC, d'une épaisseur d'au moins 10 nanomètres, et d'autre part la couche à propriétés dans l'infrarouge est directement au contact avec le revêtement diélectrique sous-jacent.

Les empilements spécifiques suivants:

- verre/Si3N4 ou AlN/ZnO/Ag/Nb/Si3N4,

- verre/SiO2 ou SiOxCy/ZnO/Ag/Nb/ZnO/Si3N4 ou AlN,

- verre/SnO2/ZnO/Ag/Nb ou NiCr/Si3N4 ou AlN,

font en particulier l'objet de la revendication 11 et/ou de certains exemples. Dans les exemples 2 et 3, cités par l'opposante II comme détruisant la nouveauté de l'objet de la revendication 1 en instance, la couche de ZnO située au-dessus de la couche d'argent et sous la couche-barrière est décrite comme ayant une épaisseur de 5 nm.

A1 (page 6, lignes 43 à 48) décrit en outre que "l'invention s'applique également avantageusement à des empilements comprenant non pas une seule couche métallique fonctionnelle du type argent, mais plusieurs. Il faut alors prévoir le nombre et l'épaisseur de couches-barrières suffisantes pour préserver l'ensemble de ces couches de l'oxydation en cas de traitement thermique, et notamment au moins une couche de nitrure de silicium ou d'aluminium sur la dernière couche fonctionnelle. Et pour obtenir une faible variation des propriétés optiques et spécialement de la transmission lumineuse, il est essentiel de ne pas avoir de couche métallique sous les couches métalliques fonctionnelles".

5.3.3 La chambre constate qu'à aucun endroit le document A1 ne mentionne que la couche située au-dessus de la couche d'argent et sous la couche-barrière présente une certaine porosité, et encore moins que cette dernière est comprise entre 5 et 25 %.

5.3.4 L'opposante III a affirmé que dans les exemples 2 et 3 du document A1 la porosité de la couche de ZnO située au-dessus de l'argent ne pouvait être inférieure à 5%, car celle-ci avait été déposée par pulvérisation cathodique sous une atmosphère d'argon contenant 40% d'oxygène. Or, à cette concentration en oxygène la porosité de la couche de ZnO ne pouvait être que supérieure à celle - de l'ordre de 4% - de la couche décrite dans le document A20, qui a été déposée sous une pression (0.8 Pa) identique mais à une concentration (10%) en oxygène bien inférieure à celle des exemples 2 et 3 du document A1.

La chambre ne peut suivre cette argumentation, car même s'il avait été avéré qu'une pression partielle supérieure en oxygène engendrerait une porosité supérieure dans le cas des films de ZnO - ce qui n'a pas été prouvé - rien ne permet de conclure directement et sans équivoque que la porosité du film de ZnO produit dans les exemples du document A1 est supérieure à 5% et inférieure à 25%. La chambre observe qu'à titre de preuve, il eût été opportun dans ces circonstances de reproduire l'un ou l'autre des exemples selon le document A1. Les requérantes/opposantes, et en particulier la requérante/opposante III, qui a fait valoir un défaut de nouveauté, n'ayant pas jugé utile de reproduire ces exemples, la chambre ne peut accorder de crédit aux allégations de cette dernière.

5.3.5 Les parties - y compris la requérante IV/titulaire - sont toutefois d'accord sur le fait que les couches déposées par pulvérisation cathodique, comme celles divulguées dans le document A1 ou le brevet contesté, présentent implicitement une certaine porosité.

Les requérantes/opposantes ont avancé l'intervalle allant de 5 et 10% comme représentant des valeurs usuelles de porosité, sans toutefois n'apporter aucun élément de preuve tangible à l'appui de ces chiffres.

Le document A20 (Tableau 1) qui décrit le dépôt de couches minces de ZnO par pulvérisation divulgue des porosités qui, selon la température de dépôt, peuvent varier de 2,3 à 4%. A20 ne permet toutefois pas de conclure que des porosités de valeur supérieure à 4% voire de 5% pourraient être susceptibles d'être obtenues.

L'argument selon lequel la sélection du domaine de porosité revendiqué - à savoir de 5 à 25% - ne répondrait pas aux trois critères établis par la jurisprudence en matière de nouveauté concernant les intervalles de valeurs ne peut être suivi par la chambre, car le document A1 est d'une part totalement silencieux concernant l'aspect porosité et d'autre part, celui-ci ne décrit aucun intervalle de valeurs concernant ce paramètre. L'argument selon lequel A20 permettrait d'évaluer les valeurs de porosité décrites dans le document A1 comme proches de la valeur basse (5%) de l'intervalle revendiqué est spéculatif car la valeur de porosité de 4% divulguée dans A20 a été obtenue sous des conditions opératoires différentes, en particulier la pression partielle en oxygène (10%) y est largement inférieure à celle (40%) mise en oeuvre dans les exemples selon A1 et dans ces circonstances, il ne peut être conclu du document A1 que cette valeur y est divulguée de manière directe et sans équivoque.

L'argument selon lequel le document A23 enseignerait qu'une augmentation de la pression partielle en oxygène aurait pour conséquence une augmentation de la porosité est rejeté. A23 traite en effet de la porosité des couches d'oxyde de titane - pas de celle des couches de ZnO comme dans les documents A20 ou A1 - et il n'a pas été établi qu'une augmentation de la porosité telle que observée sur TiO2 soit obtenue de manière similaire sur des couches à base de ZnO.

C'est pourquoi, de ce qui précède, la chambre conclut à la nouveauté de l'objet selon la revendication 1 de la requête en instance, tout au moins par rapport au document A1.

5.3.6 La chambre observe que parmi les autres documents dans la procédure, aucun ne divulgue à lui seul la combinaison des caractéristiques selon la revendication 1 en instance.

Il y a donc lieu de conclure que la revendication 1 satisfait au critère de nouveauté établi à l'Article 54(1)(2) CBE 1973, tout comme par ailleurs les revendications 2 à 17, dépendantes de ladite revendication 1.

5.4 Activité inventive

5.4.1 Le brevet contesté (paragraphes [0001], [0003] et [0005]) concerne un vitrage revêtu d'un empilement de couches minces comprenant au moins deux couches métalliques fonctionnelles à base d'argent pouvant agir sur le rayonnement solaire et/ou infrarouge de grande longueur d'onde, chaque couche métallique étant disposée entre deux couches diélectriques transparentes et le vitrage revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type trempe, recuit ou bombage.

5.4.2 S'agissant de définir l'état de la technique le plus proche, les parties sont convenus sur le principe que celui-ci fut représenté par le document A1, dont le contenu est résumé au point 5.3.2 ci-dessus.

Comme en outre indiqué au point 5.3.5, les parties sont d'accord sur le fait que les couches minces divulguées dans A1 présentent de manière inhérente une certaine porosité. Comme indiqué précédemment, la chambre n'a pas été convaincue par les valeurs de porosité avancées par les requérantes/opposantes et rien ne permet d'affirmer que les couches selon ce document de l'état de la technique auraient pu présenter des valeurs de porosité proches de la valeur basse (5%) de l'intervalle défini dans la revendication 1 en instance.

5.4.3 Il convient à présent de définir le problème à résoudre par l'objet revendiqué par rapport à la susdite divulgation du document A1.

Selon le brevet contesté (paragraphes [0009] et [0010]), qui prend précisément A1 comme point de départ de sa propre invention, le problème à résoudre résiderait en la mise au point d'un vitrage revêtu d'un empilement muni de plusieurs couches fonctionnelles à base d'argent, qui puisse subir des traitements thermiques à haute température du type bombage/trempe ou recuit tout en préservant sa qualité optique, à savoir en évitant la formation de défauts optiques du type mouchetis de points clairs de type "pinholes" ou d'un aspect un peu flou.

Cette formulation du problème a été contestée par les requérantes/opposantes qui, prétendant que la porosité ne jouait aucun rôle dans la résolution du problème susmentionné, ont plaidé en faveur de la mise au point d'un vitrage alternatif. Force est toutefois de constater qu'aucun élément de preuve tangible n'a été produit à l'appui des allégations des requérantes/ opposantes selon lesquelles le problème tel que présenté ci-dessus n'aurait pas été résolu. Les requérantes/ opposantes ont en outre attiré l'attention sur le fait que les exemples 4 et 5 du brevet contesté mettaient l'accent sur le fait que la couche "absorbante" était décrite comme pouvant présenter peu ou pas de porosité, et qu'il était donc légitime de se poser la question de la pertinence de la porosité dans la résolution du problème. La chambre observe - tel que déclaré par la requérante IV/titulaire du brevet - que les Exemples 4 et 5 ne font pas partie de l'invention, puisqu'ils ne décrivent pas la mise en oeuvre d'une couche "absorbante" mais celle d'une couche "stabilisante" (8a) au-dessus de la couche d'argent. Cette couche "stabilisante" y est certes définie comme constituée de ZnO peu ou pas poreux, mais sa mise en oeuvre exige en outre la présence d'une autre couche à base de ZnO non ou pas poreuse (5b, 5a bis) sous la couche d'argent, ce qui n'est pas le cas de l'invention revendiquée.

C'est pourquoi, pour les raisons susmentionnées et en l'absence de preuve du contraire, la chambre ne peut adhérer au raisonnement des requérantes/opposantes sur ce point, et retient par conséquent le problème tel que défini dans le brevet contesté.

5.4.4 La solution proposée par le brevet contesté correspond au vitrage selon la revendication 1 de la requête en instance, caractérisé en particulier en ce que le revêtement disposé au-dessus de la n-ième couche fonctionnelle (6) comporte sous la couche "barrière" au moins une couche "absorbante" (8a) en un matériau poreux d'une porosité comprise entre 5 et 25%, apte à "absorber" le matériau constitutif de ladite couche fonctionnelle.

5.4.5 Il faut à présent vérifier si le problème est effectivement résolu. A cet égard, l'exemple 2 du brevet contesté montre un empilement tel que revendiqué présentant en particulier une couche "absorbante" en oxyde de zinc de porosité évaluée à 15%. Le vitrage comportant cet empilement présente en outre une qualité optique équivalente à celle avant le traitement thermique, à savoir l'absence visible de mouchetis et de flou résiduel (voir paragraphe [0077]). La chambre conclut que le problème susmentionné a bien été résolu.

5.4.6 Il convient à présent d'apprécier si la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique, en particulier du document A1 pris isolément, ou alternativement en combinaison avec l'un des documents A20, A23, A32, comme soutenu par les requérantes/opposantes.

Le document A1 ne traite ni de la porosité de la couche disposée entre la couche "barrière" et la couche à base d'argent, ni du problème lié à la formation de défauts optiques du type mouchetis de points clairs de type "pinholes" ou d'un aspect un peu flou lors de traitements thermiques à haute température du type bombage, trempe ou recuit. En l'absence de toute incitation dans A1 à résoudre ce problème, l'homme du métier peut encore moins être incité par A1 à modifier la porosité de la couche située au-dessus de la couche fonctionnelle à base d'argent dans le but précis de résoudre ce problème particulier.

De ce qui précède, la chambre juge que les conclusions des requérantes/opposantes selon lesquelles l'objet de la revendication 1 découlerait de manière évidente de l'enseignement du seul document A1 procèdent d'une analyse ex post facto qui exige une connaissance préalable de la solution revendiquée.

Les documents A20 et A23 concernent pour leur part des études scientifiques relatives à la porosité de films diélectriques à base de ZnO (A20) ou d'oxyde de titane (A23), et même si A23 décrit des valeurs de porosité de couches d'oxyde de titane tombant dans l'intervalle revendiqué, aucun de ces documents ne mentionne toutefois la mise en oeuvre de tels films dans un vitrage revêtu d'un empilement muni de plusieurs couches fonctionnelles à base d'argent, et encore moins leur utilisation potentielle pour préserver la qualité optique d'un tel vitrage soumis à un traitement thermiques du type bombage, trempe ou recuit, en évitant la formation de défauts optiques du type mouchetis de points clairs de type "pinholes" ou d'un aspect un peu flou, si bien que l'homme du métier en charge du problème mentionné au point 5.4.3 ne peut trouver dans cet état de la technique d'incitation à augmenter la porosité de la couche disposée entre la couche "barrière" et la couche à base d'argent dans le but d'éviter la formation de défauts optiques du type mouchetis ou d'un voile au cours du traitement thermique du vitrage connu du document A1.

A32, qui certes décrit (colonne 1, lignes 4 à 14) un vitrage bas-émissif revêtu d'un empilement muni de plusieurs couches fonctionnelles à base d'argent disposées chacune entre deux couches diélectriques transparentes, vise à résoudre le problème lié à la résistance à l'humidité ou aux acides, qui se matérialise par l'apparition de points blancs ou d'un voile blanc dans le revêtement. La chambre observe que bien que le brevet contesté vise également à éviter l'apparition de défauts optiques du type voile ou mouchetis de points clairs, cette dégradation résulte dans le cas particulier du brevet de l'application d'un traitement thermique à haute température du type bombage, trempe ou recuit. La chambre n'est pas convaincue que l'homme du métier chargé de ce dernier problème s'intéresserait à un document traitant d'un tout autre problème, à savoir la résistance à l'humidité ou aux acides, pour résoudre un problème résultant de l'application d'un traitement thermique. Nonobstant, et même si l'homme du métier trouvait une incitation à visualiser le contenu de A32, ce que la chambre réfute, ce dernier document est totalement silencieux au sujet de la porosité des couches et de ce fait ne divulgue de toute façon pas la solution telle que définie au point 5.4.4, à savoir la mise en place d'une couche "absorbante" de porosité comprise entre 5 et 25% entre la couche "barrière" et la couche à base d'argent.

De ce qui précède, il y a lieu de conclure que la combinaison du contenu du document A1 avec l'enseignement de l'un ou l'autre des documents A20, A23 ou A32 ne mène pas à l'objet selon la revendication 1 en instance.

Les autres documents cités par les requérantes/ opposantes ne contiennent pas plus d'information susceptible de suggérer, en combinaison avec le document A1, le substrat selon la revendication 1 en instance.

5.4.7 Il s'ensuit que l'objection de défaut d'activité inventive procède manifestement d'une analyse a posteriori supposant une connaissance préalable de la solution telle que revendiquée. En conséquence de quoi, il y a lieu de conclure que l'objet de la revendication 1 satisfait aux exigences de l'Article 56 CBE 1973.

5.4.8 Les revendications 2 à 17 dérivent leur brevetabilité de l'objet de la revendication 1, dont elles dépendent, et satisfont également aux exigences de l'Article 56 CBE 1973.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base du jeu de revendications 1 à 17 selon la 1**(ère) requête subsidiaire déposée lors de la procédure orale devant la chambre et de la Figure 1 telle que déposée, la description devant être adaptée.

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