T 0310/08 () of 25.11.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T031008.20101125
Date de la décision : 25 Novembre 2010
Numéro de l'affaire : T 0310/08
Numéro de la demande : 00420020.0
Classe de la CIB : C22C 21/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Produit en alliage ALCuMg pour élément de structure d'avions
Nom du demandeur : ALCAN RHENALU
Nom de l'opposant : Aleris Aluminum Koblenz GmbH
Chambre : 3.2.08
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 100(a)
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen nº 1 026 70 avait été contesté dans sa totalité par l'opposant Aleris Aluminium Koblenz sur la base de l'article 100 a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive).

II. Par décision signifiée par voie postale le 18 décembre 2007, la division d'opposition a rejeté l'opposition contre le brevet. La division d'opposition a notamment estimé que l'objet des revendications selon la requête principale (revendications 1 à 10 du brevet telles que délivrées) satisfait aux conditions de la CBE, en particulier vis-à-vis de l'enseignement technique des documents

D1 : US-A-5 863 359 et

D4 : EP-A-0 473 122.

III. L'opposant (requérant) a formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours le 7 février 2008. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 25 avril 2008.

Lors de la procédure de recours, le requérant s'est à nouveau référé aux documents présentés en première instance hors du délai d'opposition :

D9 : Usage antérieur de pièces concernant la vente de couvercles de soupapes par Otto Fuchs à Robert Bosch GmbH (13 pages);

D10 : Enregistrement de la désignation alliage 2026 par The Aluminum Association, 9 septembre 1999.

La division d'opposition avait considéré les documents D9 et D10 comme moyens non présentés en temps utile et, par conséquent, ne les avait pas admis dans la procédure d'opposition.

Avec son mémoire de recours, le requérant a fourni les documents suivants :

D11 et

D11a : ASM Specialty Handbook, Aluminum and Aluminum Alloys, Edited by J. R. Davis, ASM International, Materials Park, ISBN: 0-87170-496-X, 1993, pages 309 to 315; 653 to 656 ;

D12 : Temper descriptions EN515 ;

D13 : Correspondances entre Corus Technology BV et The Aluminum Association Inc. concernant la publicité des désignations d'alliages en Aluminum 2004 - 2205;

D13a : International Alloy Designations and Chemical Composition Limits for Wrought Aluminum and Wrought Aluminum Alloys, Registration Record Series; The Aluminum Association, Revised: April 2004; Supersedes: October 2002, Copyright 2004;

D14 : Aerospace Structural Metals Handbook, Volumne 3, 1997, code 3.203 pages 1 et 11; et

D15 : "Trends in Alloys for Aircraft", J. T. Staley and R. L. Rolf, date manuscripte: August 1993.

Avec son courrier en date du 14 janvier 2009 le requérant a fourni les documents suivants :

D16 : "Aluminum", Properties and Physical Metallurgy, Edited by John E. Hatch, American Society for Metals, Metals Park, Ohio, ISBN 0-87170-176-6, 1984, pages 118 à 121 ;

D17 : EP-A-0 368 005 ; et

D18 : US-A-4 305 763.

De plus, le requérant a présenté, avec sa lettre en date du 9 juillet 2010, le document suivant :

D19 : US-A-5 213 639.

IV. Lors de la procédure orale qui s'est tenue le 25 novembre 2010, les documents D1 et D4 déjà pris en considération dans la décision de la division d'opposition ont été cités par les parties.

De plus, les documents D11, D12, D14 et D16 ont été considérés comme représentant les connaissances générales de l'homme du métier.

V. Les requêtes des parties étaient les suivantes :

Le requérant (opposant) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet nº 1026270.

L'intimé (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme modifiée, sur la base de l'une des 1**(ère) à 3**(ème) requêtes auxiliaires déposées avec sa lettre en date du 26 octobre 2010.

VI. Les revendications indépendantes 1, 7, 9 et 10 de la requête principale s'énoncent comme suit :

" 1. Produit laminé, filé ou forgé en alliage AlCuMg, traité par homogénéisation, transformation à chaud avec une température de sortie supérieure à 420ºC, de manière à obtenir un taux de recristallisation au quart d'épaisseur inférieur à 20%, mise en solution, trempe, traction à froid et vieillissement, destiné à la fabrication d'éléments de structure d'avion, de composition (% en poids):

Fe < 0,15 Si < 0,15 Fe+Si < 0,15% Cu: 4,0-4,3 Mg: 1-1,5 Mn: 0,5-0,8 Zr 0,08-0,15

autres éléments: <0,05 chacun et <0,15 au total, et présentant un rapport Rm(L)/R0.2(L) > 1,25 (de préférence > 1,30)."

"7. Procédé de fabrication d'un produit selon l'une des revendications 1 à 6, comportant les étapes suivantes:

- coulée d'une plaque de la composition indiquée

- homogénéisation de cette plaque ente 450 et 500ºC,

- transformation à chaud, et éventuellement à froid, par laminage, filage, ou forgeage jusqu'au produit désiré,

- mise en solution à une température comprise entre 480 et 505ºC,

- trempe à l'eau froide,

- traction à froid jusqu'à plus de 1,5% de déformation permanente,

- vieillissement naturel à l'ambiante."

"9. Utilisation de tôles selon l'une des revendications 2 à 6 pour la fabrication de peau d'intrados de voilure d'avion."

"10. Utilisation de profilés selon la revendication 1 pour la fabrication de raidisseurs d'intrados de voilure ou de fuselage d'avion."

Les requêtes auxiliaires ne sont pas pertinantes pour la présente décision.

VII. À l'appui de son action, le requérant a développé pour l'essentiel l'argumentation suivante :

a) Autres documents cités :

Parmi les documents cités tardivement, D11, D12, D14 et D16 servaient à attester les connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine des alliages d'aluminium.

L'usage antérieur public attesté par D9 porte sur un alliage d'aluminium qui s'inscrit dans la composition revendiquée, avec un écart plastique égal à Rm(L)/R0.2(L) > 1,25. Cet usage antérieur constitue donc l'état de la technique le plus proche, et joue un rôle essentiel.

D10 combiné à D13 et D13a prouvent que la composition de l'alliage d'aluminium mis en oeuvre dans le produit revendiqué était déjà enregistrée en tant que telle auprès de l'Aluminum Association le 24 mai 1999. Elle était donc déjà connue du public à cette date.

D15 ne porte qu'une date de publication écrite à la main, mais en plus d'être bien connu du titulaire du brevet, il a déjà été tellement souvent cité dans d'autres cas que l'antériorité de sa publication ne peut être mise en doute.

Les documents de brevets D17 et D18 présentent, dans leur introduction, les connaissances générales du domaine. Ils servent donc à attester le savoir technique de l'homme du métier.

D19 est le document de brevet américain correspondant à D4, mais D19 renferme des informations techniques supplémentaires qui compromettent la nouveauté de l'objet de la revendication 1.

Il est donc essentiel pour la décision de tenir compte des documents précités.

b) Nouveauté :

L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau vis-à-vis de l'enseignement de D1 ou de D4.

Le matériau aluminium de composition recouvrant en partie la plage revendiquée cité dans D1 est utilisé pour les peaux d'intrados de voilure (D1, colonne 1, lignes 5 à 9 ; colonne 2, lignes 52 à la colonne 3, ligne 6). D'après D1, colonne 9, ligne 44 à la colonne 10, ligne 12, le même procédé de fabrication est utilisé dans le brevet attaqué afin d'obtenir un produit de laminage non recristallisé de l'alliage d'aluminium selon le brevet (voir aussi colonne 3, lignes 57 à 59). D1, colonne 5, lignes 44 à 52, fait état d'une température de laminage à chaud initiale de 426ºC ou de 454ºC, ce qui laisse supposer une température de laminage finale élevée. L'écart plastique Rm(L)/R0.2(L) > 1,25 découlant du même procédé appliqué à la même composition d'alliage est donc implicitement divulgué dans D1. D1 comporte donc toutes les caractéristiques de l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux.

D4 décrit également une tôle de l'alliage d'aluminium telle que revendiquée, non recristallisée, laminée ou extrudée, destinée à des peaux de voilure d'avions (D4, page 2, lignes 1 à 3 ; page 3, lignes 1 à 5). Ici non plus, l'écart plastique n'est pas décrit explicitement, mais il découle implicitement du même procédé de fabrication (D4, page 3, ligne 48 à la page 4, ligne 55). S'il voulait obtenir une tôle non recristallisée, l'homme du métier aurait ajouté à l'alliage d'aluminium du zirconium dans la plage 0,05-0,25%, comme il ressort clairement de D4, colonne 3, lignes 2 à 5. L'objet de la revendication 1 manque donc également de nouveauté par rapport à D4.

c) Activité inventive :

Si, malgré ce qui précède, on reconnaissait néanmoins la nouveauté, la seule différence entre l'enseignement de D1 et le produit revendiqué serait l'écart plastique. Pour améliorer la formabilité à froid afin d'obtenir un écart plastique Rm(L)/R0.2(L) > 1,25 avec l'alliage de D1, l'homme du métier aurait déjà été mis sur la piste par le tableau comparatif 1 de D1. Ainsi, l'alliage connu 2024-T351 a déjà un écart plastique de 1,32 comparé aux propriétés mécaniques de AA2324 ou de l'alliage de D1 selon un état T39. Au lieu de l'état T39 choisi dans D1, l'homme du métier pouvait se contenter d'utiliser l'état T351 pour obtenir un écart plastique amélioré. Cet écart plastique est également confirmé, pour l'alliage connu 2024, par le document D14, page 11, tableau 3.0215 ainsi que par le tableau 23 du document D11. L'utilisation de l'état T351 pour améliorer la formabilité, exprimée par Rm(L)/R0.2(L) > 1,25, était dès lors évidente pour l'homme du métier. En outre, le moindre pourcentage de déformation à froid entraîne une moindre résistance, ce qui se traduit à son tour par une meilleure formabilité, et, partant, par un écart plastique accru. Ce procédé, l'homme du métier pourrait également y avoir recours pour résoudre le problème posé.

Le produit revendiqué découle aussi de manière évidente de la combinaison de D1 et D4. Pour obtenir un produit de laminage non recristallisé, D4 enseigne d'ajouter du zirconium dans les proportions revendiquées et d'utiliser l'état T351. Cette façon de procéder permet, elle aussi, d'arriver à l'objet revendiqué sans impliquer d'activité inventive.

Au demeurant, comme le montre D16, page 120, les connaissances générales de l'homme du métier enseignent qu'on obtient sans problème un produit non recristallisé en portant à plus de 400ºC la température de laminage à chaud. Le choix, à la revendication 1 du brevet litigieux, d'une température de laminage à chaud finale élevée supérieure à 420ºC pour obtenir un produit non recristallisé, est donc également évident pour l'homme du métier.

L'objet de la revendication 1 du brevet litigieux n'implique donc aucune activité inventive.

VIII. Arguments de l'intimé :

a) Documents D9 à D19 :

Les documents D9 à D19 doivent être considérés comme présentés tardivement puisqu'ils ont tous été produits après l'expiration du délai d'opposition. Comme les revendications de la requête principale correspondent à celles du brevet, la présentation de ces documents ne peut pas non plus être considérée comme une réaction du requérant aux revendications modifiées. Aucun de ces documents n'est techniquement plus pertinent que ne le sont les documents D1 et D4. L'introduction des documents D9 à D19 dans la procédure de recours doit donc être rejetée.

b) Nouveauté :

Ni D1 ni D4 ne divulguent explicitement un écart plastique Rm(L)/R0.2(L) supérieur à 1,25 susceptible de compromettre la nouveauté du produit revendiqué.

c) Activité inventive :

En partant de l'enseignement de D1, le problème que se propose de résoudre le brevet est de conserver si possible intactes, pour le but revendiqué, les bonnes propriétés mécaniques de la composition d'alliage du produit revendiqué, tout en améliorant la formabilité à froid exprimée par l'inéquation Rm(L)/R0.2(L) > 1,25. Le requérant a tort d'estimer que D1 aurait incité l'homme du métier à abandonner l'état T39 - lequel non seulement a fait ses preuves, mais est doté d'une bonne résistance à la propagation des fissures de fatigue (FCG)- pour l'état T351. Il s'ensuivrait immanquablement une détérioration des propriétés mécaniques et une moindre résistance, comme le montre le tableau 1 de D1. Loin de changer quoi que ce soit à cet état de choses, D11 et D14 ne font que confirmer ce qu'enseigne D1.

L'enseignement de D4 inclut plusieurs options parmi lesquelles l'homme du métier ne pourrait retenir les caractéristiques de la revendication 1 que s'il connaissait l'invention. Il faut commencer par ajouter du zirconium et produire une tôle non recristallisée, alors que D4 vise plutôt une structure recristallisée (voir D4, page 4, lignes 26 à 28). La combinaison de D1 avec l'enseignement de D4 procède dès lors d'une démarche rétrospective, à laquelle ne serait livré l'homme du métier que s'il connaissait déjà l'invention.

L'activité inventive est donc indéniable.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Admissibilité des documents D9 à D19 dans la procédure de recours.

2.1 Parce qu'ils avaient été produits tardivement hors du délai d'opposition et du fait de leur manque de pertinence, les documents D9 et D10 avaient déjà été exclus de la procédure en première instance (cf. décision attaquée, page 2, avant-dernier et dernier paragraphes, et points 4.8 à 4.11). Il convient donc d'établir si la décision de la division d'opposition en la matière était justifiée.

Le requérant a raison d'affirmer que D9 divulgue non seulement une tôle destinée à la fabrication de couvercles de soupapes en alliage d'aluminium utilisé selon le brevet, mais également l'écart plastique revendiqué. On ne sait toutefois pas si la tôle se trouve à l'état non recristallisé, ni si les valeurs mécaniques de l'écart plastique ont été mesurées dans le sens (L), comme l'exige la revendication 1 du brevet litigieux. A ces différences, il faut ajouter que les couvercles de soupapes appartiennent à un domaine technique entièrement différent du domaine technique de l'aéronautique auquel se réfère le brevet. Par conséquent, D9 ne peut ni remettre en question la nouveauté du produit selon la revendication 1 du brevet, ni servir de point de départ à la découverte d'un matériau propre à la fabrication d'éléments de structure d'avion, contrairement à ce qu'a fait valoir le requérant.

En outre, le document D10 a été publié après la date de priorité du brevet litigieux.

2.2 Les documents D13 et D13a produits par le requérant, qui portent tous deux des dates postérieures à la date de priorité, ne peuvent pas prouver avec certitude que l'alliage d'aluminium cité dans D10 a effectivement fait l'objet d'une publication préalable à l'encontre du brevet attaqué. La décision de la division d'opposition de ne pas admettre D9 et D10 était donc justifiée.

2.3 La date "août 1993" écrite à la main sur le document D15 ne constitue pas une preuve suffisante de la date de publication.

2.4 Quant aux documents D17 à D19, on retiendra non seulement que D19 appartient à la même famille de brevets que le document D4 déjà admis à la procédure, et lui est largement identique par le contenu, mais également qu'il s'agit de documents produits une fois passé le délai d'opposition, lesquels, contrairement aux dires du requérant, ne peuvent servir à établir les connaissances générales de l'homme du métier.

2.5 Les documents D9, D10, D13, D13a, D15 et D17 à D19, dont la pertinence technique n'est au demeurant pas supérieure à celle de D1 et D4, ne sont dès lors pas admis à la procédure de recours.

3. Nouveauté

3.1 Ni D1 ni D4 ne divulguent sans équivoque une tôle faite d'un alliage d'aluminium et ayant, en plus de la composition, l'écart plastique revendiqué Rm(L)/R0.2(L) > 1,25. Cet état de choses a été contesté par le requérant lors de la procédure orale, au motif que l'écart plastique revendiqué découlerait forcément de l'application du même procédé au même alliage.

Étant donné que D1 utilise un état T39 (et non pas T351 comme dans le brevet litigieux) et que D4 privilégie la fabrication d'une tôle recristallisée exempte de zirconium avec ou sans homogénéisation préalablement au laminage à chaud, il n'est pas possible, même indirectement, de conclure avec certitude que l'écart plastique revendiqué est forcément réalisé dans les produits que citent D1 et D4.

L'objet de la revendication 1 est donc nouveau.

4. Activité inventive

4.1 État de la technique le plus proche

À l'instar du brevet attaqué, D1 porte sur un alliage AlCuMgZr destiné à la fabrication d'éléments structuraux d'ailes d'avions commerciaux de grande capacité (voir D1, colonne 1, lignes 5 à 10 ; colonne 2, lignes 33 à 39). Les panneaux de peau d'intrados de D1 sont faits en tôle laminée non recristallisée de composition en poids suivante : 3,0 à 4,2% Cu ; 1,0 à 1,6% Mg ; 0,3 à 0,8% Mn ; 0,05 à 0,25% Zr ; <0,1% Fe ; <0,1% Si ; reste Al et impuretés habituelles (voir par exemple D1, colonne 5, lignes 6 à 27). L'alliage selon D1, qui empiète sur la composition de l'alliage d'aluminium utilisé selon le brevet, est coulé, homogénéisé, laminé à chaud, mis en solution, trempé, déformé à froid et vieilli (D1, colonne 5, ligne 28 à la colonne 6, ligne 40). D1 ne dit rien quant à la température finale de laminage en cas de laminage à chaud. Par "structure non recristallisée", il faut entendre ici que les produits sont non recristallisés sur un pourcentage de leur épaisseur totale de préférence situé entre 85 et 100%, mais au moins supérieur à 60% (voir D1, colonne 3, lignes 57 à 60). Sous "Product Properties", à la colonne 6, lignes 41 à 55, D1 explique que pour le but précité, les propriétés mécaniques décisives sont la résistance à la rupture, la ténacité, la fatigue et la vitesse de propagation des fissures de fatigue. Conjointement à d'autres conditions importantes, ces propriétés souhaitées s'obtiennent moyennant un ajustement précis de la composition d'alliage, un traitement thermique étroitement contrôlé (état trempé T39) et une structure non recristallisée. Par conséquent, le document D1, déjà pris en considération de façon exhaustive dans le brevet, paragraphe [0009], représente l'état de la technique le plus proche. Ce point de vue n'a pas été contesté par les parties lors de la procédure orale.

4.2 Problème et solution

Le problème objectif en partant du document D1 est donc d'obtenir des produits en alliage AlCuMg à l'état trempé et déformé ayant un compromis plus favorable pour l'ensemble des propriétés d'emploi, en particulier d'améliorer la formabilité à froid, leur tenue en propagation de fissures de fatigue avec chargement à amplitude variable et leur taux de contraintes résiduelles, et d'obtenir sur ces produits un niveau de contraintes résiduelles mieux maitrisé pour limiter les distorsions après usinage, tout en maintenant une résistance mécanique élevée (voir paragraphe [0011] du fascicule de brevet).

Vis-à-vis de D1, ce problème est résolu en augmentant l'écart plastique par utilisation de l'état T351 et par la suppression du laminage à froid de > 9% conduisant à l'état T39.

4.3 Activité inventive

4.3.1 Le requérant affirme qu'à partir de D1, l'homme du métier serait arrivé à l'objet de la revendication grâce à ses seules connaissances générales. Pour ce faire, il lui aurait suffi d'utiliser, au lieu de l'état T39, l'état T351 qui l'aurait amené directement à l'écart plastique voulu. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance, dans le tableau comparatif 1 de D1, des données concernant les propriétés mécaniques des alliages 2024-T351 et 2324-T39.

Une telle conclusion ne peut toutefois pas être tirée de D1. Certes, le tableau 1 de D1, avec l'alliage 2024-T351 connu de l'état de la technique, donne un écart plastique de 1,32, mais les propriétés mécaniques (L)Rm (62 ksi) et (L)R02 (47 ksi) sont nettement inférieures à celles de l'alliage 2324 à l'état T39 ((L)Rm 68 ksi et (L)R02 63 ksi) et de l'alliage selon l'invention qui y est également cité (invention : (L)Rm 74 ksi et (L)R02 66 ksi) qui ne permet d'obtenir, à l'état T39, qu'un écart plastique de 1,08 ou de 1,12. D'après le tableau 1 de D1, la tenue à la fatigue S/N et la vitesse de propagation de fissures de fatigue à l'état T351 sont nettement moins bonnes qu'à l'état T39.

Cette évaluation est corroborée par la composition d'alliage donnée en exemple au tableau 2 de D1, laquelle correspond à l'alliage d'aluminium du brevet, si ce n'est une teneur en Cu de 3,87%. Ainsi D1, tableau 3, donne pour cet alliage à l'état T39 également des résistances de (L)Rm = 78,2 ksi et (L)R02 = 72,5 ksi, soit un écart plastique de 1,08. L'enseignement technique de D1 n'incitait pas l'homme du métier à résoudre le problème de l'invention en s'éloignant de l'état T39 et de ses très bonnes propriétés mécaniques, pour utiliser à la place l'état T351, qui l'aurait obligé à se contenter de résistances (L)Rm et (L)R02 moindres et d'une moins bonne tenue à la fatigue. Bien au contraire : agir de la sorte aurait été à l'encontre de l'enseignement de D1.

Le document D11 ne peut rien changer à cette évaluation, car il ne fait que décrire, au tableau 23, les valeurs de résistance typiques de l'alliage AA2024, alliage dépourvu de zirconium, dans divers états de trempe. Les passages de D11 mentionnés par le requérant (page 314, colonne de droite et du milieu ; page 315, figure 27) ne sont pas non plus concluants. Ils ne font qu'indiquer que l'alliage 2024 à l'état T39 offre des meilleures résistances comparé à l'état T8, ainsi qu'une ténacité plus élevée et une meilleure tenue à la fatigue comparé à l'état T3. D11 est donc une preuve supplémentaire des avantages liés à l'utilisation de l'état T39. On chercherait en vain dans D11 la moindre indication suggérant à l'homme du métier de résoudre le problème posé en appliquant, à l'alliage d'aluminium selon le brevet, l'état T351 plutôt que l'état T39. Il en va de même de D12, qui ne fait que donner une vue d'ensemble descriptif de tous les états utilisés. Le tableau 3.0215 de D14 fait aussi état de propriétés mécaniques typiques de tôles de 2,5 inches (63 mm) en alliage AA2024-T351 : comme dans D1, on obtient pour cet alliage un écart plastique de 1,31, mais on ne sait pas si cet alliage dépourvu de zirconium offre également le compromis avantageux de l'ensemble des propriétés selon le brevet, y compris une ténacité suffisante et une moindre vitesse de propagation de fissures.

4.3.2 Comparé à D1, l'enseignement du document D4 est plus éloigné encore de l'enseignement du brevet litigieux. D4 porte sur le même domaine technique (éléments de structure d'avions de grande capacité ; D4, page 2, lignes 1 à 20) et décrit indubitablement la composition d'un alliage d'aluminium qui a des recoupements avec l'alliage du brevet litigieux (D4, page 3, lignes 1 à 8). Néanmoins, pour mettre en oeuvre l'enseignement de D4, l'homme du métier devrait ajouter du zirconium à cet alliage pour obtenir un produit non recristallisé. En revanche, D4, page 4, lignes 26 à 28, lui apprend que D4 vise plutôt à un produit recristallisé dépourvu de zirconium. Ceci explique que l'exemple de la page 5 de D4 ne comporte aucune teneur en Zr. Par ailleurs, d'après D4, page 3, ligne 55, le laminage à chaud peut se dérouler avec et sans homogénéisation préalable, et les données concernant la température de laminage à chaud finale, telle que définie à la revendication 1 du brevet litigieux, font également défaut.

Le requérant a raison d'objecter que D16, page 120, troisième paragraphe à partir de la fin, enseigne à l'homme du métier que les alliages d'aluminium sont difficiles à recristalliser après un laminage à chaud au-dessus de 400ºC. Mais cet enseignement de D16 est tellement large qu'il ne démontre pas qu'il s'applique vraiment à tous les types d'alliage d'aluminium.

Comme D4 ne comporte aucune mesure de la résistance à la rupture (L)Rm ni de la limite d'élasticité conventionnelle (L)R0.2, il ne peut pas non plus être déterminé avec certitude si l'écart plastique Rm(L)/R0.2(L) > 1,25 selon le brevet est véritablement atteint. En outre, D4 n'encourage nulle part l'homme du métier à prendre en compte l'écart plastique pour résoudre le problème posé. Vu la multiplicité des choix offerts par D4, l'homme du métier désireux de mettre en oeuvre l'enseignement de D4 ne serait arrivé éventuellement au produit selon la revendication 1 du brevet qu'a posteriori, c'est-à-dire en ayant déjà connaissance de l'invention.

4.4 En résumé, force est de constater que les enseignements techniques de D1 et D4, qu'ils soient pris isolément ou combinés, ne mènent pas au produit selon le brevet. L'objet de la revendication 1 du brevet litigieux implique donc une activité inventive.

5. Comme le produit selon le brevet est nouveau et implique une activité inventive, la même chose vaut pour sa fabrication selon la revendication 7 et son utilisation selon les revendications 9 et 10 du brevet litigieux. Ces revendications sont dès lors fondées.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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