European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2011:T016408.20110524 | ||||||||
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Date de la décision : | 24 Mai 2011 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0164/08 | ||||||||
Numéro de la demande : | 01928158.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12Q 1/68 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Méthode pour le diagnostic de cancers | ||||||||
Nom du demandeur : | Chen, Xu Qi; et al. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Geron Corporation | ||||||||
Chambre : | 3.3.08 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requête principale: suffisance de la description (oui) Nouveauté (oui) Activité inventive (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Un recours a été formé par l'opposant (ci-après le requérant) contre la décision en date du 9 novembre 2007, par laquelle la division d'opposition a rejeté l'opposition formée à l'encontre du brevet européen 1 283 907 délivré sur la base de la demande de brevet européen 01 928 158, elle-même correspondant à la demande de brevet euro-PCT publiée sous le numéro WO 01/90409. La décision a été prise sur la base des revendications du brevet tel que délivré.
II. L'opposition se fondait sur les motifs suivants : a) l'objet du brevet n'était pas nouveau ou n'impliquait pas une activité inventive (cf. Article 100(a) CBE), et b) le brevet n'exposait pas l'invention de façon suffisamment claire et complète (cf. Article 100(b) CBE).
III. Dans son mémoire de recours daté du 14 mars 2008, le requérant a maintenu ses objections originelles (manque de nouveauté, non-implication d'une activité inventive et insuffisance de description). Le requérant a demandé que soit tenue conditionnellement une procédure orale.
IV. Dans leur réponse datée du 27 janvier 2009, les co-titulaires du brevet (les intimés) ont réfuté les arguments du requérant et soumis une requête subsidiaire. Les intimés ont requis la tenue conditionnelle d'une procédure orale.
V. Les revendications telles que délivrées (une première revendication et quatre revendications dépendantes) sont celles de la requête principale.
La revendication 1 se lit :
"Méthode pour le diagnostic et/ou le suivi de l'évolution de cancers comprenant l'analyse d'ARN de l'enzyme télomérase présents dans le plasma ou le sérum sanguin, caractérisée par le fait qu'on extrait de l'ARN du plasma ou du sérum, qu'on purifie et qu'on amplifie cet ARN, puis qu'on analyse l'ARN hTERT codant pour la partie catalytique de l'enzyme ou l'ARN TEP 1 codant pour la protéine associée."
Les revendications 2 à 5 visent des modes de réalisation particuliers de la méthode de la revendication 1.
VI. Dans une notification en date du 21 janvier 2011, jointe en annexe à la citation à une procédure orale émise en application des dispositions de l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours, la chambre a exposé une opinion provisoire et non-contraignante.
VII. Par un courrier en date du 9 mars 2011, le requérant a informé la chambre qu'il retirait sa requête pour la tenue d'une procédure orale.
VIII. Par une communication de son greffe en date du 17 mai 2011, la chambre a informé les parties que la procédure orale fixée au 24 mai 2011 était annulée.
IX. Les documents suivants sont cités dans la présente décision :
(D1) WO 99/41406 (publié le 19 août 1999)
(D5) T. Yajima et al., Clinica Chimica Acta, Vol. 290, Nº 2, 5 janvier 2000, pages 117 à 127
(D6) J. B. de Kok et al., Clinical Chemistry, Vol. 46, Nº 3, mars 2000, pages 313 à 318
(D14) EP 0 841 396 A1 (publié le 13 mai 1998)
(D15) WO 99/40221 (publié le 12 août 1999)
(D16) M. S. Kopreski et al., Clinical Cancer Research, Vol. 5, Nº 8, août 1999, pages 1961 à 1965
(D19) X. Yi et al., Molecular and Cellular Biology, Vol. 19, Nº 6, juin 1999, pages 3989 à 3997
(D20) F. Dragon et al., Molecular and Cellular Biology, Vol. 20, Nº 9, mai 2000, pages 3037 à 3048
(D21) N. Miura et al., Clinical Cancer Research, Vol. 11, Nº 9, 1 mai 2005, pages 3205 à 3209
(D22) S. Novakovic et al., Oncology Reports, Vol. 11, Nº 1, janvier 2004, pages 245 à 252
(D23) X. Q. Chen et al., Clinical Cancer Research, Vol. 6, Nº 10, octobre 2000, pages 3823 à 3826
(D24) WO 97/35589 (publié le 2 octobre 1997)
X. Les arguments présentés par le requérant peuvent être résumés de la façon suivante :
Requête principale
Nouveauté
Le document D14 indique expressément que l'ARN messager codant pour l'hTERT est détecté et/ou quantifié dans un échantillon biologique qui peut être constitué d'un liquide biologique tel que le sang (cf. page 59, lignes 19 à 22). Il décrit donc l'extraction de l'ARN du sang entier, c'est-à-dire simultanément de l'ARN contenu dans le plasma ou le sérum et de celui contenu dans les cellules présentes dans le sang. Ce qui correspond exactement à la méthode de la revendication 1 puisque celle-ci n'inclut pas une étape visant à éliminer les cellules contenues dans le sang préalablement à l'analyse de l'ARN. La revendication 1 n'est donc pas nouvelle.
Activité inventive
Chacun des documents D1, D16 et D24 peut représenter l'art antérieur le plus proche.
Le document D1 décrit une méthode pour le diagnostic du cancer par la détection d'une activité télomérasique dans le plasma ou le sérum en utilisant le test TRAP ou par la détection de l'hTR au moyen de la méthode 'RT-PCR'. Il décrit également que cette méthode est en particulier utile pour le diagnostic d'un cancer à un stade précoce.
En partant du document D1, le problème technique à résoudre peut être vu dans la mise à disposition d'un autre marqueur présent dans le sérum ou le plasma pour le diagnostic d'un cancer à tous les stades de développement.
L'utilisation de l'ARN messager codant pour l'hTERT à la place de l'hTR représente une solution évidente au vu du contenu de l'un quelconque des documents D5, D6, D14 et D15.
Le fait que ni le document D5 ni le document D6 ne mentionnent le plasma ou le sérum est sans importance. Ce qui importe est le fait qu'ils décrivent qu'un autre ARN de la télomérase, l'ARN messager codant pour l'hTERT, a été utilisé comme marqueur d'un cancer dans de nombreux autres types d'échantillons. Les documents D14 et D15 pour leur part soulignent le fait que l'ARN messager codant pour l'hTERT était un marqueur tumoral communément utilisé.
Ni le document D19 ni le document D20 n'auraient amené l'homme du métier à préjuger d'une impossibilité de détecter des ARNs messagers dans le plasma ou le sérum sanguin.
Suffisance de la description
Le fascicule de brevet indique en son paragraphe 0023 (cf. page 3) que dans l'expérience objet de l'exemple la combinaison des trois marqueurs (hTR, ARN messager codant pour l'hTERT et ARN messager codant pour la TEP 1) a permis de détecter un cancer du sein dans 55% des cas testés. Il est précisé dans le même paragraphe que ce taux est clairement supérieur à celui que l'on peut généralement obtenir avec les techniques de l'art antérieur, soit 30%.
Cet argument ne tient pas, car la méthode revendiquée ne comprend pas la détection simultanée des trois marqueurs que constituent l'hTR, l'ARN messager codant pour l'hTERT et celui codant pour la TEP 1, la détection de seulement l'un ou l'autre des deux ARNs messagers étant mise en oeuvre. En réalité, dans l'expérience de l'exemple, l'ARN messager codant pour l'hTERT et celui codant pour la TEP 1 ne sont détectés que dans 22% et 20% des cas, respectivement. La méthode revendiquée n'atteint donc pas l'objectif annoncé. De plus le fascicule de brevet n'indique pas à l'homme du métier comment procéder pour détecter un cancer d'une manière fiable.
La référence au document D22 faite par les intimés n'est pas pertinente, étant donné qu'il décrit que pour détecter l'ARN messager codant pour l'hTERT dans le plasma, où il n'est présent qu'à de faibles niveaux, une quantification fiable implique l'utilisation d'une combinaison de techniques d'amplification en chaîne par polymérase (RT-PCR et 'semi-nested' PCR) dont il n'est pas dit dans le fascicule de brevet que son utilisation est essentielle pour la détection de niveaux significatifs desdits ARNs dans le plasma ou le sérum de sujets cancéreux.
XI. Les arguments présentés par les intimés peuvent être résumés de la façon suivante :
Requête principale
Nouveauté
La revendication 1 implique l'extraction de l'ARN contenu dans le plasma ou le sérum sanguin du sujet testé. Cette extraction ne concerne pas l'ARN qui est contenu dans les cellules présentes dans le sang. Le sang entier, incluant donc les cellules, n'est pas soumis à l'analyse.
Le document D14 décrit la détection de l'ARN messager codant pour l'hTERT qui est contenu dans les cellules d'une tumeur ou d'un tissu cancéreux, précancéreux ou suspecté de l'être. Il n'est donc pas pertinent.
Activité inventive
L'un ou l'autre des documents D1 et D16 peut représenter l'état de la technique le plus proche. Le document D24 qui a été introduit tardivement dans la procédure d'opposition ne doit pas être pris en considération à cet effet. Il n'est que purement spéculatif, se contentant de faire référence sans en apporter la preuve à l'utilisation d'ARNs, dérivés d'une tumeur ou associés à une tumeur, obtenus à partir du sérum ou du plasma sanguin pour la détection d'un cancer.
Le document D1 ne permet pas la détection d'un cancer à un stade précoce puisqu'une corrélation entre la mise en évidence de la télomérase et/ou d'une activité télomérasique et l'existence d'un cancer n'y est montrée qu'en relation avec un test bien particulier (le test TRAP modifié) pour des patients affectés d'un cancer à un état avancé ou déjà métastasé.
Il était connu de l'homme du métier au travers des documents D19 et D20 que l'hTR est protégé et/ou stabilisé par sa structure en épingle à cheveux et/ou par l'hTERT. La capacité de l'hTR en provenance des cellules saines du sang à se maintenir dans le sérum en faisait un marqueur pour la détection d'un cancer peu fiable, notamment s'agissant d'un cancer à un stade précoce qui n'a donné lieu qu'au passage dans le sang de faibles quantités d'hTR dans le sérum.
D'une manière surprenante, la méthode de la revendication 1 a permis de démontrer que des cancers à un stade précoce de développement, qui n'ont pas encore donné lieu à la formation de nodules et ne sont pas encore métastasiques, peuvent être diagnostiqués par la détection de l'ARN messager codant pour l'hTERT ou de celui codant pour la TEP 1 présents dans le plasma ou le sérum.
Les déficiences du document D1 en ce qui concerne l'inaptitude de la méthode qu'il décrit pour la détection d'un cancer à un stade précoce ne sont compensées par aucun des documents D5, D6, D14 et D15.
De toute manière, au vu des documents D19 et D20, l'homme du métier aurait eu un préjugé défavorable quant à la possibilité de détecter un ARN messager, qu'il s'agisse de celui codant pour l'hTERT ou de celui codant pour la TEP 1, dans le sérum ou le plasma, en raison de la présomption qui existait qu'un ARN messager ne pouvait pas survivre d'une manière extracellulaire dans un liquide biologique.
Suffisance de la description
Le fascicule de brevet en sa page 2 (lignes 49 à 51) indique clairement que la précision de la détection peut être améliorée par l'utilisation de techniques connues pour l'analyse quantitative d'ARN messagers telles que la 'Taq Man' ou le 'Light Cycler'. Le fait que le brevet ne décrive pas exactement la méthode du document D22 ne rend pas la description de l'invention insuffisante. D'ailleurs, il n'est pas essentiel de recourir aux techniques du document D22 puisque le document D21 montre qu'en utilisant la seule méthode 'RT-PCR' il est possible de détecter l'ARN messager de l'hTERT avec une sensibilité de 88,2% et une spécificité de 70,0%.
Le requérant n'a donc pas étayé à l'aide de preuves son objection d'une insuffisance de l'exposé de l'invention.
XII. Le requérant (opposant) a requis l'annulation de la décision contestée et la révocation de brevet.
XIII. Les intimés (titulaires) ont requis le rejet du recours ou, à défaut, d'une part le maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire remise avec la lettre du 27 janvier 2009 et d'autre part la tenue d'une procédure orale.
Motifs de la décision
Requête principale
Nouveauté
1. Le requérant considère que les revendications ne sont pas nouvelles au motif que le document D14 décrirait la méthode de la revendication dans son mode de réalisation comportant l'analyse dans le sérum ou le plasma sanguin de l'ARN messager codant pour l'hTERT (désignée hTRT dans le document).
2. S'il est indiqué à la page 59 du document D14 que ledit ARN peut être détecté et/ou quantifié dans des tissus ou des liquides corporels tel que le sang, il est immédiatement précisé dans le même paragraphe (voir lignes 19 à 26 de la page 59) que, s'agissant d'une détection à effectuer dans le cadre d'un diagnostic ou d'un prédiagnostic d'un cancer, elle est pratiquée sur un prélèvement obtenu très spécifiquement à partir soit d'une tumeur soit d'un tissu cancéreux, précancéreux ou suspecté de l'être. Aucun exemple de tissu n'est cité. Ni le plasma sanguin, ni le sérum sanguin qui de toute façon ne sont que le composant liquide du tissu que constitue le sang (les cellules sanguines en étant l'autre composant) ne sont explicitement mentionnés comme pouvant représenter une source appropriée pour un tel prélèvement. Convaincue qu'un homme de métier sincèrement désireux de comprendre la méthode revendiquée considérerait que la recherche des ARNs est à effectuer sur un échantillon de sérum ou de plasma sanguin préparé à partir d'un échantillon de sang dont les cellules ont été extraites, la chambre est donc de l'avis que le document D14 n'a pas la pertinence que lui attribue le requérant pour l'examen de la nouveauté.
3. La chambre ne peut pas suivre l'opinion du requérant selon laquelle l'analyse d'ARN sur laquelle se fonde la méthode selon la revendication 1 impliquerait le sang entier. Le langage de la revendication fait état d'un ARN présent dans le plasma ou le sérum sanguin sans faire mention d'un ARN que l'on aurait extrait de cellules présentes dans le sang. Même si la méthode revendiquée ne mentionne pas une étape comportant l'élimination des cellules contenues dans l'échantillon de sang entier à tester, il est immédiatement évident pour l'homme du métier qu'elle est sous-entendue.
4. Aucun autre document n'ayant été cité lors de la procédure du recours par le requérant dans le cadre de son objection de manque de nouveauté et celui-ci ayant de facto renoncé, en ne le citant pas, à son argumentation fondée sur le document D15 et réfutée par la division d'opposition (voir point 19.1 en page 5 de la décision contestée), la chambre conclut que la méthode selon la revendication 1 est nouvelle. Cette conclusion s'appliquant également aux revendications dépendantes 2 à 5, la requête principale satisfait aux conditions de l'article 54 CBE.
Activité inventive
5. Comme il a été signalé par la chambre dans sa notification du 21 janvier 2011, des deux aspects de l'alternative qui caractérise la méthode de la revendication 1, l'un se fondant sur une analyse de l'ARN hTERT et l'autre se fondant sur une analyse de l'ARN TEP 1, seul le premier bénéficie de la date de priorité revendiquée (cf. article 88(2) et (3) CBE) Cette différence justifie que l'examen de la question de l'activité inventive soit pratiqué d'une manière distincte pour chacun de ces deux aspects.
Mode de réalisation impliquant une analyse de l'ARN hTERT
6. Trois documents (D1, D16 et D24) ont été envisagés lors de la procédure d'opposition et dans le mémoire de recours à l'effet de représenter l'état de la technique le plus proche. Il convient de choisir celui qui est le plus pertinent à cet égard.
7. Le document D24, produit par le requérant avec sa lettre du 29 mai 2007 en soutien de son objection relative à l'activité inventive formulée à l'encontre de la revendication 1, a été introduit dans la procédure par la division d'opposition usant de son pouvoir discrétionnaire lors de la procédure orale tenue le 29 juin 2007. Cette introduction n'a pas lieu d'être remise en cause.
7.1 La chambre constate que le document D24 ne donne qu'une description très générale qui ne fait que mentionner en passant (cf. page 22, lignes 4 à 8) que, parmi d'autres ARNs, l'hTR (le composant ribonucléique du complexe de la télomérase) peut constituer un marqueur de cancer lorsqu'il est détecté dans le sérum ou le plasma sanguin. Elle note encore que les ARNs messagers codant pour l'hTERT (la sous-unité catalytique du complexe de la télomérase) et la TEP 1 (une protéine associée à la télomérase) sont absolument ignorés par le document D24.
7.2 Ces constatations mènent à la conclusion que, s'agissant de vérifier si la méthode selon la revendication 1 implique une activité inventive, le document D24 est donc moins pertinent que le document D1.
8. Des deux autres documents (D1 et D16), celui qui représente effectivement l'état de la technique le plus proche est le document D1. En effet, alors que le document D16 se limite très restrictivement à la description de la détection d'un ARN messager codant pour la tyrosinase, une protéine sans relation aucune avec la télomérase, dans le sérum de patients souffrant d'un mélanome malin, le document D1 quant à lui décrit d'une manière non ambiguë et bien spécifique la détection du composant ribonucléique du complexe de la télomérase (l'hTR) présent dans le plasma sanguin obtenu à partir d'un prélèvement de sang effectué sur un patient cancéreux. Un protocole est proposé à cet effet dans le document (cf. pages 16 and 17) qui souligne l'intérêt d'une détection précoce d'un cancer quel qu'il soit (cf. inter alia page 6, lignes 8 à 13 et page 7, lignes 10 à 12).
9. Le problème technique qui se posait à l'homme du métier, ayant connaissance à travers le document D1 de la possibilité de détecter un cancer par la recherche de l'hTR dans le sérum ou le plasma sanguin, peut être vu dans la mise à disposition d'une méthode se fondant sur l'analyse dans le sérum ou le plasma sanguin d'autres ARNs dont la présence marquerait efficacement et donc d'une manière précoce la survenue d'un cancer chez le patient testé. La solution à ce problème est la méthode selon le premier aspect de l'alternative de la méthode de la revendication 1 qui se fonde sur l'analyse dans le sérum ou le plasma sanguin de l'ARN messager codant pour l'hTERT. D'une manière remarquable, dans l'exemple du brevet en question ledit ARN messager a été détecté en particulier chez des sujets porteurs de petites tumeurs bien différenciées mais sans nodules cancéreux ni métastases, c'est-à-dire de tumeurs à un stade de développement précoce. Le document D23, qui a été publié entre la date de priorité et la date de dépôt international et auquel les inventeurs ont contribué, confirme ces résultats et délivre l'information que l'ARN messager codant pour l'hTERT peut être détecté dans la circulation sanguine dans une grande variété de cancers à différents stades d'évolution (cf. en particulier le dernier paragraphe de la page 3825).
10. La question à laquelle il faut répondre est donc celle de savoir si l'homme du métier aurait pu, sans effort excessif, déduire de l'art antérieur cité dans la procédure que l'ARN messager codant pour l'hTERT pouvait être détecté dans le sérum ou le plasma sanguin et que sa présence signait l'existence d'un état cancéreux, quel que soit le stade de développement du cancer.
11. L'état de la technique à prendre en considération pour cette analyse est celui cité par le requérant au paragraphe 5.3 de son mémoire de recours. Il est constitué des documents D5, D6, D14 et D15, tous publiés avant la date de priorité revendiqué pour le brevet en cause.
11.1 Le document D5 décrit la quantification de l'ARN messager codant pour l'hTERT et celui codant pour la TEP 1 dans deux lignées de cellules pancréatiques humaines (voir le résumé en page 117).
11.2 Le document D6 décrit la quantification de l'ARN messager codant pour l'hTERT dans des tumeurs affectant cinq organes (précisément, le pancréas, le poumon, le colon, l'oesophage et la vessie). Les résultats obtenus permettent aux auteurs d'envisager, compte tenu de tests préalables réalisés avec succès à partir de l'urine de cinq patients présentant un carcinome de la vessie, l'application de la méthode à la quantification dudit ARN dans les liquides biologiques correspondant à ces tumeurs (voir en page 314 la section intitulée "TISSUES" à la page 314 et le dernier paragraphe de la page 317).
11.3 Le document D14 a été analysé plus haut (voir le point 2 ci-dessus). Il décrit la détection de l'ARN messager codant pour l'hTERT dans un prélèvement obtenu très spécifiquement à partir d'une tumeur ou d'un tissu cancéreux, précancéreux ou suspecté de l'être.
11.4 Le document D15 décrit la quantification de l'ARN messager codant pour l'hTERT. Un échantillon de sang est prélevé chez le sujet suspect d'être cancéreux. Les cellules tumorales éventuellement contenues dans l'échantillon en sont extraites et placées dans un tampon préparé à l'effet de dénaturer les RNAses et de libérer les acides nucléiques contenus dans les cellules. Les acides nucléiques sont isolés et soumis à une transcription réverse. Puis une amplification spécifique pour l'ADNc codant pour l'hTERT est réalisée. Les produits résultant de cette amplification sont quantifiés (voir pages 7 à 11).
12. Il est clair qu'aucun des documents D5, D6, D14 et D15 n'envisage ni ne suggère d'une quelconque manière qu'un cancer, quel qu'en soit le stade de développement, puisse être détecté par la mise en évidence de la présence de l'ARN messager codant pour l'hTERT circulant dans le sérum ou le plasma sanguin.
13. Il est conclu qu'un homme du métier aurait ignoré ces documents et qu'il ne serait pas parvenu sans entreprendre un programme de recherche à concevoir le mode de réalisation correspondant au premier aspect de l'alternative de la méthode de la revendication 1 qui implique l'analyse de l'ARN hTERT.
14. Il convient d'ajouter que l'homme du métier ayant connaissance par le document D1 de la présence d'hTR dans le plasma ou le sérum sanguin de patients affectés d'un cancer n'en aurait pas déduit que l'ARN messager codant pour l'hTERT puisse subsister de la même manière que l'hTR dans la circulation sanguine. Il se serait en effet fondé sur la démonstration rapportée par le document D19 que l'hTR a une durée de demi-vie particulièrement élevée, plus que celle de tout autre ARN eucaryotique (voir le second paragraphe complet de la page 3995), qui pourrait résulter d'une protection ou d'une stabilisation que lui assurerait la présence, au sein du complexe télomérique, de la sous-unité protéique catalytique de la télomérase (voir le résumé en page 3989), une situation qui n'est pas imaginable pour lesdits ARNs messagers.
Mode de réalisation impliquant l'analyse de l'ARN TEP 1
15. L'état de la technique pour le mode de réalisation correspondant au second aspect de l'alternative de la méthode de la revendication 1 le plus proche est représenté par le document D23 (voir point 9 supra). Ses auteurs y décrivent une expérimentation qui est très similaire à celle de l'exemple du brevet dans les détails de sa réalisation mais se limite à une étude de l'aptitude des seuls ARNs de la télomérase, c'est-à-dire de l'hTR et de l'ARN messager codant pour l'hTERT, à servir de marqueurs présents dans le sérum de patientes affectées d'un cancer du sein. Cette étude ne porte pas sur l'ARN messager codant pour la protéine TEP 1, lequel ARN n'est en aucune manière mentionné dans le document.
16. Le problème technique qui se posait à l'homme du métier, ayant connaissance à travers le document D23 de la possibilité de détecter un cancer par la recherche de l'ARN messager codant l'hTERT dans le sérum sanguin, peut être vu dans la mise à disposition d'une méthode se fondant sur l'analyse dans le sérum ou le plasma sanguin d'un autre ARN messager dont la présence marquerait efficacement et donc d'une manière précoce la survenue d'un cancer chez le patient testé.
17. La solution à ce problème est contenue dans le mode de réalisation correspondant au deuxième aspect de l'alternative de la méthode de la revendication 1. Elle consiste à analyser l'ARN messager codant pour la protéine TEP 1 (une protéine associée à la télomérase) éventuellement présent dans le sérum (ou le plasma) sanguin.
18. La question à laquelle il faut répondre est donc celle de savoir si l'homme du métier aurait pu, sans effort excessif, déduire de l'art antérieur cité dans la procédure que l'ARN messager codant pour la TEP 1 pouvait être détecté dans le sérum ou le plasma sanguin et qu'une telle détection signait la présence d'un état cancéreux, quel que soit le stade de développement du cancer.
19. Le document D5 et le document D14 sont à prendre en considération pour cette analyse. Le document D5 rapporte en effet la mise au point d'un test quantitatif pour mesurer l'expression notamment de l'ARN messager codant pour la TEP 1 dans deux lignées cellulaires de cellules pancréatiques humaines. Le document D14 pour sa part rapporte en son exemple 2 (voir page 98) la détection de l'ARN messager codant pour la même protéine (ici identifiée sous l'appellation 'TP1') dans des extraits de cellules de lignées cellulaires aussi bien saines que cancéreuses (voir figure 5).
20. L'intention des auteurs du document D5 était de mettre au point un test pour élucider la régulation de l'activité télomérasique. La remarque est faite dans le deuxième paragraphe de l'introduction (voir page 118) que l'ARN messager peut être détecté aussi bien dans les tissus cancéreux que les tissus sains. Un même constat avait été fait antérieurement dans le document D14, comme indiqué ci-dessus.
21. Tenant compte de ces remarques concernant les documents D5 et D14, la chambre est de l'avis qu'un homme du métier, en ayant pris connaissance, aurait été dissuadé d'envisager que ledit ARN puisse être un marqueur utile pour la détection d'un état cancéreux. Au vu des autres documents constitutifs de l'art antérieur cité dans cette procédure, la chambre considère que l'homme du métier ne disposait pas dans l'état de la technique de l'information adéquate pour, partant du document D23, concevoir le mode de réalisation de la méthode de la revendication 1 impliquant l'analyse de l'ARN messager codant pour la TEP 1 éventuellement présent dans le sérum ou le plasma sanguin.
Conclusion
22. Il est conclu que la méthode selon la revendication 1, quel qu'en soit le mode de réalisation, implique une activité inventive et que, les autres revendications étant sous la dépendance de la revendication 1, la requête principale dans son entièreté satisfait aux conditions de l'article 56 CBE.
Suffisance de la description
23. Etant donné que le brevet en question a montré pour la première fois que l'ARN messager codant pour l'hTERT ou celui codant pour la TEP 1 est détectable dans le sérum ou le plasma sanguin en relation avec l'existence d'un cancer chez les patients testés, il importe peu pour juger de la suffisance de description de s'en tenir aux sensibilités indiquées dans le fascicule de brevet. Le requérant n'a pas contesté la reproductibilité des expériences rapportées dans l'exemple du brevet. A défaut de la production par le requérant d'éléments de preuves vérifiables, il n'y a d'autre part pas de raisons objectives de douter que les techniques d'amplification PCR de l'art antérieur mentionnées dans le brevet, notamment la technique RT-PCR (voir les paragraphes 0009 et 0010 en page 2), ne puissent être optimisées et permettre une détection avec une sensibilité accrue, ainsi qu'il ressort des documents D21 et D22 publiés postérieurement.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.