T 1833/07 (Composition de teinture/L'ORÉAL) of 23.7.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T183307.20090723
Date de la décision : 23 Juillet 2009
Numéro de l'affaire : T 1833/07
Numéro de la demande : 96941063.8
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition de teinture éclaircissante pour fibres kératiniques comprenant un colorant direct spécifique
Nom du demandeur : L'ORÉAL
Nom de l'opposant : Wella AG
HENKEL KGaA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Requêtes principales et auxiliaire : activité inventive (non) - approche problème/solution - pas d'essais comparatifs pertinents - reformulation du problème technique - solution évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les requérants I (opposant (2)) et II (opposant (1)) et le requérant III (propriétaire du brevet) ont chacun introduit un recours, respectivement les 22, 27 et 30 octobre 2008, contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, signifiée par voie postale le 29 août 2007, selon laquelle le brevet européen nº 810 851 amendé sur la base d´un jeu de 11 revendications soumis comme requête auxiliaire le 26 juin 2007 satisfaisait aux conditions de la CBE.

II. Des oppositions avaient notamment été formées par les requérants I et II en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité en invoquant un manque de nouveauté et d´activité inventive (Article 100(a) CBE) se basant, entre autres, sur les documents suivants :

(1) DE-A-3 814 685,

(2) US-A-3 985 499,

(6) GB-A-1 174 816 et

(7) WO-A-95/01772.

III. Selon la division d'opposition, l'objet des revendications 1 et 9 du brevet délivré manquait de nouveauté par rapport au document (1). La revendication 1 modifiée au cours de la procédure d'opposition satisfaisait aux exigences de forme de l'Article 123(2) de la CBE et son objet était nouveau et impliquait une activité inventive. Le document (2) qui concernait des compositions de teinture avec des colorants comportant une liaison -N=N- (azo) et pouvant comporter un atome d'azote quaternisé était l'art antérieur le plus proche. L'homme du métier désirant obtenir des colorations éclaircissantes avec des colorants directs n'aurait pas systématiquement abouti à l'objet de ces revendications modifiées.

IV. Au cours de la procédure orale devant la Chambre, tenue le 23 juillet 2009, le requérant (III) a défendu le maintien du brevet en litige sur la base d'une requête principale et d'une requête auxiliaire soumises lors de ladite procédure orale, ces requêtes remplaçant toutes requêtes précédentes.

Les revendications indépendantes 1 et 8 selon la requête principale s'énoncent comme suit:

"1. Composition de teinture éclaircissante pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines, telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins un colorant direct à mélanger extemporanément à pH basique avec une composition oxydante, et qui est essentiellement caractérisée par le fait qu'elle présente un pH basique et qu'elle contient, à titre de colorant direct, au moins un colorant comportant un atome d'azote quaternisé éventuellement délocalisable et une liaison -X=N- , dans laquelle X désigne un atome d'azote ou un radical -CH-, ledit colorant étant choisi parmi les composés suivants:

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

"8. Procédé de teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisé par le fait qu'il consiste à appliquer sur les fibres une composition de teinture (a) telle que définie à l'une quelconque des revendications 1 à 4, en provoquant un éclaircissement desdites fibres en milieu basique, à l'aide d'un agent oxydant qui est ajouté juste au moment de l'emploi à ladite composition de teinture ou qui est présent dans une composition (b) appliquée simultanément."

L'unique revendication indépendante de l'unique requête auxiliaire correspond à la revendication 8 de procédé selon la requête principale reformulée pour des raisons de clarté, notamment avec la suppression de la variante du procédé concernant l'application simultanée de la composition (b), et où le colorant utilisé est restreint à ceux de formules (8) et (11); elle s'énonce comme suit:

"1. Procédé de teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisé par le fait qu'il consiste à appliquer sur les fibres une composition de teinture (a), en provoquant un éclaircissement desdites fibres en milieu basique, à l'aide d'un agent oxydant qui est ajouté juste au moment de l'emploi à ladite composition de teinture, ladite composition de teinture (a) éclaircissante pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines, telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu aqueux approprié pour la teinture, au moins un colorant direct à mélanger extemporanément à pH basique avec une composition oxydante, ladite composition présentant un pH basique et contenant, à titre de colorant direct, au moins un colorant comportant un atome d'azote quaternisé éventuellement délocalisable et une liaison -X=N- , dans laquelle X désigne un atome d'azote, ledit colorant étant choisi parmi les composés suivants:

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

V. Selon le titulaire et requérant III, la revendication 1 de la requête auxiliaire 1 se basait sur la revendication 11 de la demande telle que déposée se rapportant à la revendication 4 limitée aux colorants de formules (8) et (11). L'alternative de l'application simultanée de la composition (b) du procédé a été supprimée du procédé revendiqué en raison d'une incohérence. D'autre part, le milieu approprié a été précisé comme étant aqueux selon la divulgation de la page 10, ligne 5 de la demande telle que déposée. Cet amendement n'était pas une restriction, mais une simple précision issue de la divulgation implicite de la demande telle que déposée dès lors que le milieu approprié pour la teinture devait nécessairement être aqueux en raison de la caractéristique relative au pH basique de la composition. De plus, la demande telle que déposée ne mentionnait aucun milieu approprié pour la teinture autre qu'aqueux. La restriction des colorants à deux colorants spécifiques divulgués dans la revendication 4 était une limitation acceptable dans une liste.

L'art antérieur le plus proche était soit le document (1) soit le document (2). Il ne pouvait pas être le document (6) en raison de la nature très différente des colorants directs utilisés. En particulier, les colorants azoïques du document (6) étaient des colorants dispersés et non solubles dans l'eau, contrairement aux colorants utilisés dans le brevet attaqué.

Aucun des documents (1) ou (2) n'évoquait le problème de l'homogénéité des colorations. Les colorants directs utilisés dans les documents (1) et (2) étaient proches en leur structure comme étant des colorants azoïques ayant un atome d'azote quaternisé dans un hétérocycle azoté. Le colorant du document (1) était éventuellement même structurellement plus proche de ceux utilisés dans le procédé de la requête auxiliaire vu que l'hétérocycle était un triazole, soit donc un hétérocycle à 5 membres à l'instar des colorants utilisés dans le procédé de la requête auxiliaire. Cependant, dans le procédé de teinture éclaircissante décrit dans le document (1), le colorant était présent sous forme de poudre dans la composition tinctoriale avant mélange, alors même que dans le procédé de l'exemple N du document (2), tout comme dans le procédé revendiqué, il se trouvait dans un milieu aqueux. Le document (2) pouvait donc représenter l'art antérieur le plus proche pour l'objet de la requête auxiliaire.

Concernant celle-ci, le problème technique à résoudre partant du document (2) était la mise à disposition d'un procédé de teinture éclaircissante aboutissant à des colorations plus homogènes. Les essais comparatifs déposés le 31 mai 2007 montraient que l'homogénéité de la coloration obtenue par le procédé de teinture éclaircissante revendiqué était meilleure que celle obtenue par le procédé de l'exemple N du document (2). La comparaison a été faite avec le colorant Basic Red 51 qui diffère du colorant utilisé dans le procédé comparé selon le document (2) également par une substitution différente sur le radical phényle. Cependant, cette différence de structure n'avait pas d'impact sur l'homogénéité de la coloration obtenue.

Même à considérer que le problème technique ait été celui de la simple mise à disposition d'un autre procédé de teinture éclaircissante, l'homme du métier ne serait pour autant pas parvenu au procédé revendiqué en raison de la non divulgation des colorants de formule (8) et (11) dans le document (2) et encore parce que la formule générique définissant les colorants dans le document (2) était à ce point tellement large que l'homme du métier n'aurait jamais envisagé ces colorants particuliers.

VI. Selon les requérants I et/ou II, l'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire serait issu d'une restriction résultant de choix ciblés multiples faite par le requérant III afin d'améliorer sa position quant à l'activité inventive, donc contrevenant à l'exigence de l'Article 123(2) CBE, en particulier, le choix de la catégorie de la revendication (procédé), le choix du milieu approprié pour la teinture, le choix du moment du mélange des compositions, le choix d'un colorant comportant une liaison -X=N- dans laquelle X désigne un atome d'azote et parmi ces colorants le choix de deux colorants spécifiques.

La nouveauté de l'objet revendiqué n'était plus contestée. Les documents (1), (2) et (6) constituaient chacun des points de départ adéquats pour parvenir à l'objet revendiqué. En partant du document (2), le problème technique ne pouvait pas être celui d'une amélioration de l'homogénéité de la coloration. Le colorant choisi pour la mise en oeuvre du procédé selon l'invention dans les essais comparatifs par rapport au document (2) n'était pas structurellement le plus proche. Or, une différence de substitution du radical phényle avait un impact important sur les propriétés de la coloration. En effet, les colorants Basic Orange 31 et Basic Red 51 de couleurs différentes se distinguaient entres eux uniquement par un substituant différent du radical phényle (groupe amino comparé à un groupe diméthylamino), indiquant que le substituant du radical phényle avait comme tel forcement un impact sur les propriétés de coloration. L'utilisation d'un colorant de formule (8) ou (11) dans le procédé de l'exemple N du document (2) était rendue évidente par l'enseignement même du document (2), mais aussi par celui du document (7), qui décrivait des colorants cationiques directs emportant amélioration de la tenue à la lumière et de l'uniformité de coloration le long du cheveu, parmi lesquels Basic Red 51 et Basic Orange 31.

VII. Les requérants I et II ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

Le requérant (III) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale ou sur celui de sa requête auxiliaire déposées pendant la procédure orale tenue devant la Chambre de recours.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Les recours sont recevables.

2. Composition de la Chambre

La page de garde automatisée de la décision dont appel signifiée aux Parties (formulaire OEB 2327) donne l'impression fausse que la division d'opposition à l'origine de la décision attaquée était composée de quatre membres. De même, le formulaire OEB 2339 (feuille 1) indique une composition de la division d'opposition à quatre membres, incluant un juriste, alors même que seuls trois membres de la division d'opposition y ont apposé leur signature, celle du membre juriste restant absente. Le protocole du procès verbal de la procédure orale devant la division d'opposition, à l'issue de laquelle la décision dont appel a été prononcée, indique par contre, clairement que la décision a été rendue par une division d'opposition dûment composée de trois membres.

Un examen de l'historique du dossier révèle que, suite à une déclaration d'intention d'intervenir dans la procédure d'opposition par la société KPSS-Kao Salon Services GmbH en tant que contrefacteur présumé aux termes de l'Article 105 CBE 1973, la division d'opposition a décidé le 3 avril 2006 d'élargir sa composition à un membre juriste, ainsi que prévu par l'Article 19(2) CBE 1973. Toutefois le 20 juin 2007, après le retrait de cette intervention, la division d'opposition a décidé de revenir à une composition à trois membres, sans juriste donc.

Il s'avère donc que la décision dont appel a été régulièrement prise par une division d'opposition composée de trois membres. Il s'en suit que la présente Chambre de Recours constituée de trois membres siège valablement (Article 21(4) CBE).

Requête principale et requête auxiliaire

3. Le requérant III a demandé le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale ou de sa requête auxiliaire. Or, le procédé selon la revendication 1 seule revendication indépendante de la requête auxiliaire est inclus dans l'objet de la revendication 8 de la requête principale (voir le point IV dessus). Par conséquent, si le procédé selon la requête auxiliaire venait à ne pas remplir les critères de nouveauté et/ou d'activité inventive, cette conclusion s'appliquerait "mutadis mutandis", à portée au moins égale, à l'objet de la revendication 8 de la requête principale. Dans ces circonstances, il est approprié dans un souci d'économie de procédure de statuer dans un premier temps sur la brevetabilité des revendications de procédé communes aux deux requêtes, en particulier sur l'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire. Les parties ont été informées expressément pendant la procédure orale par la Chambre de ce fait et n'ont soulevé d'objection à cet égard.

Requête auxiliaire

4. Modifications (Article 123(2), (3) CBE)

La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 est basée dans la demande telle que déposée sur la combinaison de la revendication de procédé 11, première alternative, l'alternative du procédé relative à l'application simultanée de la composition (b) ayant été supprimée en raison d'une incohérence, avec la revendication 4 limitée aux colorants de formules (8) et (11). De plus, le milieu approprié pour la teinture a été précisé comme étant aqueux selon la divulgation de la page 10, ligne 5 de la demande telle que déposée.

La Chambre arrive donc à la conclusion que la revendication 1 est fondée sur la demande telle que déposée. En raison de la décision négative de la Chambre en matière d'activité inventive relative à l'objet de cette revendication (voir point 6.8 dessous), il n'est pas nécessaire de donner les raisons pour lesquelles les arguments des Requérants I et II quant aux choix multiples ciblés doivent être écartés, ce point n'étant pas décisoire dans le cas d'espèce.

5. Nouveauté

Les requérants I et II n'ont formulé aucune objection à l'égard de la nouveauté de l'objet revendiqué selon la requête auxiliaire. La Chambre est arrivée à la conclusion que le procédé revendiqué se distingue de ceux divulgués par les documents de l'art antérieur opposés par les requérants I et II en raison de la structure du colorant y utilisé. Dans les circonstances d'espèce et au vu des conclusions négatives sur l'activité inventive, il n'est pas nécessaire d'entrer plus avant dans les détails de l'appréciation de la nouveauté qui n'est ni contesté, ni décisoire.

6. Activité inventive

En suivant l'approche problème/solution appliquée de manière constante par les Chambres de recours en vue d'apprécier l'activité inventive sur une base objective, il est nécessaire de procéder en premier lieu à l'identification de l'art antérieur le plus proche qui permettra ensuite de déterminer le problème technique pouvant être considéré comme résolu vis-à-vis de cet art antérieur le plus proche et finalement d'apprécier l'évidence de la solution proposée, reflétée par les caractéristiques techniques de la revendication, à la lumière de l'état de la technique.

6.1 Art antérieur le plus proche

Le document (2) décrit un procédé de teinture éclaircissant de cheveux par l'application pendant 30 minutes d'un gel issu d'un mélange extemporané d'une solution aqueuse comprenant le colorant de formule

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

avec une solution d'eau oxygénée à 20% (voir l'exemple N, colonne 51, ligne 55 à colonne 52, ligne 14).

La solution aqueuse comprenant le colorant direct à mélanger contient 10% en volume d'ammoniaque 22º B, et est donc nécessairement basique. On obtient une coloration claire des cheveux avec des notes d'acajou.

La Chambre considère que ce document constitue l'état de la technique le plus proche et le juste point de départ pour l'analyse de l'activité inventive. La Chambre constate par ailleurs que le document (2) a été également considéré par la Division d'Opposition comme constitutif de l'art antérieur le plus proche.

Les Parties avaient aussi évoqué les documents (1) ou (6) comme possibles points de départ. Cependant dans le procédé selon le document (1), outre la différence de colorant direct cationique utilisé, la composition le contenant est sous forme de poudre alors même que le procédé revendiqué requiert un milieu aqueux, tandis que les colorants selon le procédé de document (6) sont de nature très différente, en particulier ceux azoïques y décrits dispersibles dans l'eau, et donc autres que cationiques.

Pour ces raisons, le document (2) demeure le point de départ approprié pour l'analyse de l'activité inventive.

6.2 Le requérant III a fait valoir que le problème technique à résoudre vis-à-vis du document (2) était la mise à disposition d'un procédé de teinture éclaircissante aboutissant à une coloration de meilleure homogénéité.

6.3 La solution proposée par le brevet en litige est le procédé selon la revendication 1 caractérisé en ce qu'on opère en présence de colorants directs de formules (8) ou (11) qui sont plus particulièrement caractérisés par la présence de l'atome d'azote quaternisé dans un cycle d'imidazole.

6.4 Le requérant III se réfère uniquement aux résultats des essais comparatifs du 31 mai 2007 pour démontrer que ce problème aurait effectivement été résolu vis-à-vis de cet art antérieur par l'objet revendiqué. Ces essais établissent une comparaison entre les colorations obtenues par deux procédés de teinture éclaircissante se différenciant l'un de l'autre uniquement par la nature du colorant azoïque cationique présent dans la composition de teinture, la composition N-A dite comparative contenant un colorant direct cationique de type 2-pyridinium décrit dans l'exemple 53 du document (2) de structure

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

à telle fin de reproduire le procédé de teinture décrit dans l'exemple N du document (2) et la composition N-A' selon l'invention étant modifiée uniquement en ce qu'elle comprend la même concentration molaire d'un autre colorant direct cationique qui est le Basic Red 51 de structure (8)

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

à telle fin de refléter le procédé revendiqué.

6.4.1 Cependant, le colorant choisi pour la mise en oeuvre du procédé selon l'invention dans les essais comparatifs diffère de celui du procédé du document (2) non seulement par la partie distinctive caractérisant le procédé revendiqué, c'est-à-dire par la présence d'un atome d'azote quaternisé dans un cycle imidazole, mais encore par une substitution différente du radical phényle.

6.4.2 Or, lorsqu'on procède à des essais comparatifs pour fonder une activité inventive sur un effet se produisant dans le domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que cet effet trouve bien sa cause dans la caractéristique distinctive de l'invention. Dans les circonstances de l'espèce, le choix des colorants dans les procédés comparés dans ces essais ne peut guère démontrer que la solution proposée par le brevet pour résoudre le problème technique, c'est-à-dire par la présence d'un atome d'azote quaternisé dans un cycle imidazole (voir point 6.3 dessus), soit à l'origine de l'amélioration alléguée relative à l'homogénéité de la coloration obtenue. En effet, le colorant mis en oeuvre dans le procédé suivant l'invention n'est pas le plus proche structurellement, celui-ci demeurant le composé indiqué dans la revendication 1 de formule (11)

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

qui ne diffère du colorant du procédé de teinture de l'exemple N du document (2) que par la seule présence de l'atome d'azote quaternisé dans un cycle imidazole. Par conséquent, au vu des comparaisons fournies, il ne peut pas être établi avec certitude si un quelconque effet sur l'homogénéité de coloration obtenue trouve sa cause simplement dans la présence de la caractéristique distinctive caractérisant le procédé revendiqué, c'est-à-dire l'utilisation d'un colorant caractérisé par la présence d'un atome d'azote quaternisé dans un cycle imidazole ou bien au contraire si il est dû à l'autre différence structurelle distinguant les colorants dans les procédés comparés, c'est à dire à la substitution différente du phényle (-NH2 opposé à -N(CH3)2), non incluse dans la revendication 1.

6.4.3 En conséquence, la comparaison de l'homogénéité des colorations obtenues par les procédés de teinture auxquels le requérant III s'est référé pour établir que le problème technique était bien résolu, ne permet pas de conclure que celle due au procédé revendiqué soit meilleure que celle due au procédé selon l'exemple N du document (2).

6.4.4 Selon le requérant III, la partie de la structure du colorant responsable de l'amélioration établie de l'homogénéité de la coloration est la présence de l'atome d'azote quaternisé dans un cycle imidazole, la substitution du radical phényle par un groupe diméthylamino restant quant à elle sans importance. Cependant, faute d'être supportée par des faits ou preuves techniques, l'affirmation du requérant III selon laquelle la substitution différentes du phényle demeurerait sans importance sur l'effet observé est pure spéculation et ne peut être retenue.

La Chambre note par ailleurs que d'après le test comparatif fourni par le requérant III le colorant de formule (8) du procédé revendiqué est répertorié comme étant le Basic Red 51 alors que le colorant de formule (11) l'est comme Basic Orange 31 de couleur différente. Or, ces deux colorants se différencient entre eux uniquement par une substitution différente sur le radical phényle (-NH2/-N(CH3)2), témoignant en cela d'un impact de cette différence de structure sur les propriétés de coloration.

Il s'en suit que la Chambre ne peut ignorer le fait que l'amélioration alléguée ne résulte pas nécessairement du choix du colorant cationique ayant l'atome d'azote quaternisé dans un cycle d'imidazole, mais qu'elle puisse de même avoir une autre cause, en l'occurrence une substitution différente du radical phényle.

6.4.5 Par conséquent, les essais présentés par le requérant III au soutien de l'amélioration de l'homogénéité ne sont pas pertinents pour démontrer qu'au regard de l'enseignement de l'art antérieur le plus proche, l'utilisation d'un colorant caractérisé par la présence de l'atome quaternisé dans un imidazole dans le procédé revendiqué soit la cause de l'amélioration alléguée de l'homogénéité. En conséquences, ces comparaisons ne permettent donc pas de conclure que le problème technique d'amélioration tel que défini par le requérant III (point 6.2 ci-dessus) ait effectivement été résolu par les procédés revendiqués.

6.5 Une reformulation du problème technique à résoudre s'impose donc. Dès lors que l'intimé n'a fait valoir aucun autre effet technique susceptible d'être considéré, le problème technique à résoudre au vu du document (2) est la mise à disposition d'un autre procédé de teinture éclaircissante de fibres kératiniques.

6.6 Au vu des procédés des exemples du brevet et des essais comparatifs du 31 mai 2007 fournis par le requérant III, la Chambre est convaincue que ce problème est quant à lui résolu.

6.7 La seule question en suspens est, par conséquent, de déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux au problème posé découle de façon évidente de l´état de la technique disponible.

Les colorants cationiques génériquement divulgués dans le document (2) pour la teinture de fibres kératiniques sont des diazamérocyanines de formule A=N-N=B et leurs formes mésomère (voir document (2), revendication 1). Ils incluent donc en particulier le colorant Basic Red 51 et Basic Orange 31 (représentés sous leur forme mésomère dans le document (2), A représente l'hétérocycle

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

avec R représente un groupe méthyle, X représente -NR'- R', R7 et R8 représentent un radicale méthyle, et B représente un cycle de formule

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

dans laquelle Y représente

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

avec R1 et R2 représentent chacun un atome d'hydrogène (Basic Orange 31) ou groupement méthyle (Basic Red 51) et R3, R4, R5,et R6 représentent chacun un atome d'hydrogène.

Ces colorants, donc en particulier le colorant de formule 8 (Basic Red 51) et celui de formule (11) (Basic Orange 31), d'une part, et le colorant exemplifié dans l'exemple 53, d'autre part, sont enseignés dans le document (2) comme équivalents et susceptibles d'entrer dans les compositions tinctoriales y décrites.

Le choix à l'intérieur de l'enseignement du document (2) de la mise en oeuvre d'une composition comprenant un colorant direct spécifique, le but assigné étant de mettre à disposition d'autres procédés de teinture éclaircissante de fibres kératiniques, ne peut être considéré ni comme un choix motivé, ni comme un choix critique, mais plus simplement comme un choix arbitraire dans l'enseignement du document (2) auquel ne s'attache aucun effet inattendu. Tel choix arbitraire ne dépasse pas les compétences normales de l'homme du métier confronté au problème technique objectif de mettre à disposition des procédés de teinture éclaircissante alternatifs et donc ne peut conférer une activité inventive aux procédés revendiqués. En conséquence, l'objet de la revendication 1 découle à l'évidence du seul enseignement du document (2).

6.8 En conséquence, l'objet de la revendication 1 manque d'activité inventive (Article 56 CBE).

6.9 Selon le requérant III , l'homme du métier n'aurait pas envisagé les colorants spécifiques de formule (8) et (11) tellement est large la formule générale de la revendication 1 du document (2) et nombreuses les possibilités. De plus les colorants de formule (8) et (11) mis en oeuvre dans le procédé revendiqué ne sont pas divulgués dans le document (2).

Cependant, seule une combinaison particulière des radicaux divulgués dans la formule générique de la revendication 1 du document (2) est nécessaire pour arriver aux colorants du procédé revendiqué. la Chambre considère donc que cet argument relève plus d'un argument de nouveauté et qu'il n'est pas pertinent pour établir l'activité inventive, les exigences de nouveauté et d'activité inventive demeurant deux exigences indépendantes pour juger de la brevetabilité d'un objet revendiqué. La Chambre note par ailleurs que les colorants du procédé revendiqués sont des colorants connus de l'art antérieur, le document (7) divulguant spécifiquement ces colorants (voir document (7); page 13, exemple 4; page 21, ligne 46).

Ainsi, cet argument doit être écarté pour manque de pertinence.

7. Requête principale: revendication 8

Les procédés selon la revendication 1 de la requête auxiliaire sont inclus dans l'objet de la revendication 8 de la requête principale (voir les points IV et 3 dessus). Il s'en suit nécessairement que l'objet de la revendication 8 de la requête principale n'implique pas d'activité inventive pour les mêmes raisons que celles rendant évidents les procédés selon la revendication 1 de la requête auxiliaire.

Par conséquent, la requête principale est rejetée pour manque d'activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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