T 0906/07 () of 29.4.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T090607.20090429
Date de la décision : 29 Avril 2009
Numéro de l'affaire : T 0906/07
Numéro de la demande : 97918210.2
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de teinture des fibres kératiniques avec des précurseurs de colorants d'oxydation et des colorants directs en poudre
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : (1) Henkel AG & Co. KGaA
(2) KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (non) - alternative évidente - connaissances techniques acquises postérieurement à l'invention
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Deux oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet européen nº 895 472 en sa totalité.

Les opposantes 1 et 2 (respectivement intimées 1 et 2) ont invoqué un manque de nouveauté et d´activité inventive (article 100(a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants :

(1) DE-A-2 543 100 et

(8) DE-A-3 207 036.

L'intimée 2 a également invoqué une insuffisance de description de l'invention (article 100(b) CBE).

II. Par la décision signifiée par voie postale le 30 mars 2007, la division d'opposition a révoqué le brevet.

Selon la division d'opposition l'invention était suffisamment décrite dans le brevet litigieux pour qu'un homme du métier la puisse exécuter. L'objet des revendications du brevet tel que délivré (requête principale alors pendante) était nouveau. L'état de la technique le plus proche de l'invention était représenté, inter alia, par les documents (1) et (8). Le procédé revendiqué se distinguait de cet état de la technique par le fait que le colorant direct était sous forme de poudre avant d'être mélangé aux compositions contenant respectivement le précurseur et l'agent d'oxydation. L'amélioration de l'intensité de la coloration alléguée ne pouvait être reconnue sur la base des résultats d'essais comparatifs déposés par la propriétaire du brevet litigieux. Ainsi le seul problème technique résolu par l'invention était de mettre à disposition un procédé de coloration permettant l'utilisation de colorants directs peu solubles et peu stables dans un milieu de teinture contenant des colorants d'oxydation. La solution revendiquée qui consistait en l'utilisation des colorants directs sous forme de poudre était cependant évidente pour l'homme du métier. Le procédé revendiqué n'impliquait donc pas d'activité inventive. La limitation à des colorants directs particuliers entreprise dans les revendications des requêtes subsidiaires 1 et 2 alors pendantes ne rendait pas le procédé de coloration inventif pour autant, l'enseignement de l'art antérieur s'appliquant à tout type de colorants directs.

III. La propriétaire du brevet litigieux (requérante) a introduit un recours contre cette décision. Avec une lettre datée du 8 août 2007 elle a déposé trois jeux de revendications à titre de requêtes subsidiaires 1 à 3. Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 29 avril 2009 la requérante a modifié le nombre et le rang des ses requêtes, la requête subsidiaire 2 devenant la requête principale et la requête subsidiaire 3 devenant la seule requête subsidiaire.

La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit :

"1. Procédé de teinture des fibres kératiniques, en particulier des fibres kératiniques humaines, et notamment les cheveux, caractérisé par le fait qu'on applique sur les fibres kératiniques, au moment de l'emploi, un mélange extemporané de 3 compositions (a), (b), et (c) suivantes:

- une composition (a) contenant au moins un précurseur de colorant d'oxydation et éventuellement au moins un coupleur, dans un milieu approprié pour la teinture,

- une composition (b), sous forme de poudre, contenant au moins un colorant direct cationique, éventuellement dispersé dans un excipient pulvérulent organique et/ou un excipient pulvérulent minéral, et,

- une composition (c) contenant au moins un agent oxydant dans un milieu approprié pour la teinture."

La revendication 1 selon la requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la requête principale en ce que le colorant direct est défini comme étant "un composé de formule (IV) suivante:

[A-Z=N-B]**(+) X**(-)

dans laquelle:

Z désigne un atome d'azote ou un radical -CH-, A et B désignent des groupements aromatiques benzéniques ou hétérocycliques éventuellement substitués, X**(-) désigne un anion, la charge cationique étant portée par l'un des substituants du cycle A et/ou du cycle B."

IV. Selon la requérante le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention et le problème que se proposait de résoudre l'invention en partant de ce document était de mettre à disposition une alternative au procédé de coloration des fibres kératiniques conservant l'intensité de la coloration. La solution à ce problème proposée par le brevet litigieux était caractérisée par l'utilisation de trois compositions au lieu de deux, la troisième composition contenant le colorant direct cationique sous forme de poudre. Lorsque le colorant direct était séparé du colorant d'oxydation et se trouvait sous forme de poudre la conservation de l'intensité de la coloration n'était obtenue qu'avec les colorants directs cationiques, les essais comparatifs des intimées montrant que d'autres classes de colorants directs engendraient avec ce type de procédé une diminution de l'intensité de coloration. L'homme du métier ne pouvait déduire cet enseignement de l'état de la technique cité par les intimées. Une activité inventive devait donc être reconnue. Les colorants directs définis dans la revendication 1 de la requête subsidiaire se distinguaient de ceux divulgués par le document (1) par la localisation de la charge positive qui était portée par un substituant et non par un cycle. L'utilisation de ces colorants cationiques n'entraînait pas d'effet particulier mais permettait une distinction supplémentaire entre le procédé revendiqué et celui décrit par le document (1) renforçant ainsi la présence d'une activité inventive.

V. Les intimées ont partagé les conclusions de la requérante en ce qui concernait le document représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention et le problème technique résolu par le procédé revendiqué. Cependant, selon les intimées la solution proposée par le brevet litigieux, à savoir l'utilisation d'une troisième composition contenant les colorants directs cationiques sous forme de poudre, était évidente pour l'homme du métier, entre autres, au vu de l'enseignement du document (8). Le procédé revendiqué n'impliquait donc pas d'activité inventive. L'argument de la requérante selon lequel une activité inventive devait être reconnue puisque seuls les colorants cationiques permettaient la conservation de l'intensité de la coloration devait être rejeté puisque reposant sur des connaissances acquises postérieurement au dépôt du brevet litigieux, à savoir à partir des essais réalisés par les intimées. La limitation à des colorants cationiques particuliers entreprise dans les revendications de la requête subsidiaire ne rendait pas le procédé de coloration inventif pour autant, ces colorants étant des colorants directs usuels et l'enseignement de l'art antérieur s'appliquant à tout type de colorants directs.

VI. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale ou bien sur celui de sa requête subsidiaire respectivement déposées par lettre du 8 août 2007 en tant que seconde et troisième requête subsidiaires.

Les intimées demandent le rejet du recours.

VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Les intimées n'ont pas contesté les conclusions de la division d'opposition reconnaissant la suffisance de la description de l'invention et la nouveauté du procédé revendiqué. La Chambre ne voit aucune raison de remettre en question ces conclusions. Par conséquent, la seule question en suspens est celle de l'activité inventive.

Requête principale

3. Modifications (article 123(2) et (3) CBE)

La revendication 1 de la requête principale a été modifiée en précisant que le colorant direct est un colorant cationique. Cette modification trouve un support dans la revendication dépendante 3 de la demande de brevet telle que déposée et limite la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE.

4. Activité inventive

Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB, l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à identifier le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a bien été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution revendiquée s'imposait à l'évidence à l'homme du métier au vu de l'état de la technique pertinent.

4.1 Le brevet litigieux concerne un procédé de teinture des fibres kératiniques mettant en jeu à la fois un colorant direct, un précurseur de colorant d'oxydation et un agent oxydant. En accord avec les parties et la division d'opposition, la Chambre considère que le document (1) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention pour l'appréciation de l'activité inventive. Ce document divulgue un procédé de teinture des fibres kératiniques consistant à appliquer sur les fibres une solution contenant un colorant direct cationique et un colorant d'oxydation (revendication 13 en combinaison avec la revendication 1 dans laquelle B représente l'espèce cationique et la revendication 4) à laquelle est ajoutée au moment de l'utilisation un agent oxydant (revendication 15).

4.2 Selon la requérante le problème technique à résoudre par l'invention par rapport à ce procédé de l'état de la technique est de mettre à disposition un procédé alternatif conservant l'intensité de la coloration.

4.3 La solution proposée à ce problème est le procédé de teinture selon la revendication 1, caractérisé par le fait que le colorant direct est ajouté sous forme d'une poudre aux autres composants du mélange au moment de l'emploi.

4.4 Il n'a pas été contesté que le problème technique à résoudre tel que défini par la requérante (point 4.2 ci-dessus) fut effectivement résolu par le procédé revendiqué.

4.5 La seule question en suspens est donc de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini découlait à l'évidence de l´état de la technique disponible.

4.5.1 Le document (8) qui concerne également un procédé de teinture des fibres kératiniques mettant en jeu à la fois un colorant direct, un précurseur de colorant d'oxydation et un agent oxydant (revendications 1 et 10) préconise l'utilisation du colorant direct sous forme d'une poudre qui n'est diluée dans le milieu de coloration qu'au moment de l'emploi (page 17, ligne 23 ; page 18, lignes 2 et 7 à 10). Il était ainsi évident pour l'homme du métier ayant comme objectif de mettre à disposition un procédé alternatif à celui de l'art antérieur conservant l'intensité de la coloration d'ajouter le colorant direct sous forme d'une poudre aux autres composants au moment de l'emploi et aboutir ainsi au procédé revendiqué.

Par conséquent, l'enseignement du document (8) conduit de façon évidente l'homme du métier qui se proposait de mettre à disposition une alternative au procédé connu du document (1) conservant l'intensité de la coloration, au procédé revendiqué.

4.5.2 Selon la requérante les résultats des essais comparatifs déposés par les intimées lors de la procédure de recours montraient que la conservation de l'intensité de la coloration était liée à la nature cationique des colorants directs, les autres classes de colorants directs engendrant une diminution de l'intensité de coloration. Une activité inventive était donc liée à la nature du colorant direct qui selon le procédé revendiqué ne pouvait être que cationique.

Cependant, le document (1) illustrant l'art antérieur le plus proche de l'invention divulgue déjà l'utilisation de colorants directs cationiques, la solution au problème technique réside dès lors, non pas dans la nature du colorant direct, mais uniquement dans le fait que ce dernier se trouve sous forme de poudre avant d'être mélangé aux autres composants (points 4.1 et 4.3 supra). Or, le document (8) conduit de façon évidente l'homme du métier à cette étape caractérisant la solution proposée par le brevet litigieux au problème technique défini par la requérante (point 4.5 supra). Dans ces circonstances, quels que soient les résultats en terme d'intensité de coloration observés par les intimées en comparant divers colorants directs, ces résultats constituent une connaissance acquise ultérieurement par la propriétaire du brevet litigieux et de ce fait ne peut constituer un enseignement qui aurait pu dissuader l'homme du métier à suivre l'enseignement du document (8), à savoir à ajouter le colorant direct cationique sous forme d'une poudre aux autres composants au moment de l'emploi, pour résoudre le problème technique à la base de l'invention. L'argumentation de la requérante doit donc être écarté.

4.5.3 Le procédé selon la revendication 1 de la requête principale n'implique donc pas d'activité inventive (article 56 CBE) et cette requête doit être rejetée.

Requête subsidiaire

5. Modifications (article 123(2) et (3) CBE)

La revendication 1 de la requête subsidiaire a été modifiée en précisant que le colorant direct est un composé de formule (IV). Cette modification trouve un support dans la revendication dépendante 6 de la demande de brevet telle que déposée et limite la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE.

6. Activité inventive

6.1 La requérante a concédé que les colorants directs cationiques de formule (IV), qui ne diffèrent de ceux utilisés dans le procédé de l'état de la technique le plus proche de l'invention que par le fait que la charge positive est portée par un substituant et non par un cycle, sont des colorants directs usuels connus (voir à cet égard par exemple le brevet litigieux, paragraphe [0037]). En outre, la requérante n'a fait valoir aucun effet particulier lié à l'utilisation de ces colorants cationiques connus. Dans ces circonstances, le problème technique tel que défini pour la requête principale (point 4.2 supra) reste inchangé et la restriction aux colorants directs cationiques de formule (IV) connus de l'art antérieur ne modifie pas les conclusions négatives quand à l'activité inventive en relation avec la requête principale qui s'appliquent donc, mutatis mutandis, à l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire.

6.2 L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire n'implique donc pas d'activité inventive et cette requête doit par conséquent également être rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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