T 0703/07 () of 14.1.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T070307.20100114
Date de la décision : 14 Janvier 2010
Numéro de l'affaire : T 0703/07
Numéro de la demande : 97201868.3
Classe de la CIB : A23C 11/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Produit laitier diététiquement équilibré
Nom du demandeur : SOCIETE DES PROCUITS NESTLE S.A.
Nom de l'opposant : Friesland Brands B.V.
Numico Research B.V.
Chambre : 3.3.09
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 83
Mot-clé : Suffisance de description (oui)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen nº 0 815 735 au nom de la Société des Produits Nestlé S.A., se fondant sur la demande européenne nº 97201868.3, déposée le 19 juin 1997 et revendiquant la priorité européenne du 27 juin 1996 (EP 96201794) a été délivré le 10 mars 2004 (Bulletin 2004/11). Le brevet, intitulé "Produit laitier diététiquement équilibré", a été délivré sur la base de treize revendications.

Le libellé des revendications indépendantes 1, 10, 11, 12 et 13 telles que délivrées, s'énonçait ainsi qu'il suit:

II. "1. Produit laitier diététiquement équilibré contenant un mélange de lipides d'origine lactique et d'origine végétale, caractérisé par le fait qu'il contient des lipides dans lesquels les acides gras des triglycérides comprennent, en poids,

20 à 40 % d'acides gras saturés d'origine à prédominance lactique

35 % à 60 % d'acides gras monoinsaturés et

15 à 30 % d'acides gras polyinsaturés des familles n-3 et n-6, que le rapport pondéral des acides gras de la famille n-6 sur ceux de la famille n-3 est 5:1 à 10:1, que sa partie lipidique contient en poids,

30 à 40 % de graisse lactique,

30 à 40 % d'une huile choisie parmi l'huile de colza, l'huile de canola, l'huile d'olive, les huiles hybrides de tournesol et de carthame à haute teneur en acide oléique, les oléines d'huiles végétales,

10 à 30 % d'une huile choisie parmi l'huile de tournesol, de maïs, de soja, de pépins de raisins, de carthame

0 à 10 % d'une huile choisie parmi l'huile de son de riz, l'huile de lin, l'huile de germes de blé ou l'huile de sésame."

"10. Procédé de préparation d'un produit laitier liquide selon la revendication 6, caractérisé par le fait que l'on standardise une matière première à base de lait en matière grasse lactique, que l'on y incorpore un lipide d'origine végétale le cas échéant en présence d'émulsifiant de manière à obtenir une émulsion, que l'on préchauffe, traite thermiquement par UHT, homogénéise, refroidit et conditionne aseptiquement l'émulsion."

"11. Procédé de préparation d'un produit laitier sous forme de poudre selon la revendication 8, caractérisé par le fait que l'on standardise en matière grasse lactique une matière première à base de lait, que l'on y incorpore un lipide d'origine végétale de manière à obtenir une émulsion, que l'on préchauffe, puis concentre l'émulsion par évaporation et qu'on homogénéise, puis sèche le concentrat par pulvérisation et le cas échéant ajoute de la lécithine pour instantanéiser."

"12. Procédé de préparation d'un produit laitier fermenté selon la revendication 9, caractérisé par le fait que l'on standardise en matière grasse lactique une matière première à base de lait, qu'on la pasteurise, qu'on l'ensemence avec un ou plusieurs ferments(s) lactique(s) thermophile(s) ou mésophile(s) et qu'on la fermente jusqu'à obtenir un pH inférieur à 5, qu'on incorpore dans le lait fermenté ou dans la matière première avant la pasteurisation un lipide d'origine végétale, qu'on le chauffe le cas échéant et qu'on le conditionne dans des emballages."

"13. Utilisation d'un produit laitier selon l'une des revendications 1 à 8 comme matière première dans la fabrication d'un aliment à base de lait, notamment une crème, une crème glacée, un dessert, une sauce, un produit du genre yaourt ou un produit du genre fromage, notamment du genre Mozzarella."

Les revendications 2 à 9 étaient directement ou indirectement dépendantes de la revendication 1.

III. Deux oppositions ont été formées à l'encontre du brevet par Friesland Brands B.V. (opposant 1) et par Numico Research B.V. (opposant 2). Les opposants ont requis la révocation du brevet dans sa totalité en application de l'article 100(a) CBE, pour défaut de nouveauté et d'activité inventive de l'objet revendiqué, et de l'article 100(b) CBE car le brevet n'exposait pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme de métier puisse l'exécuter.

Les documents suivants ont, entre autres, été cités au cours de la procédure d'opposition:

D1 : Brochure "Frisomil® High Protein Formula"

D1a: Lettre signée Cor Glas en date du 7 décembre 2004

D1b: Brochure Frisomil® (en néerlandais)

D2 : Zuivelcontrole-instituut (Certificat Frisomil) en date du 27 mars 1987

D3 : Brochure "Frisomel®, Natural Follow-up Microfood for Infants"

D4 : Extrait de la brochure "Frisomel®, Follow-on milk from 6 month onwards"

D5 : Fiche de composition datée le 17 septembre 1992

D6 : V.M. Sardesai, "Clinical observation, The Essential Fatty Acids", NCP, 7(4), août 1992, pages 179-186

D7 : D.F.Hebeisen et al, "Increased Concentrations of Omega-3 Fatty Acids in Milk and Platelet Rich Plasma of Grass-Fed Cows",

Internat.J.Vit.Nutr.Res.63, (1993), pages 229-233

D8 : GB-A-2 273 234

D9 : EP-A-0 484 266

D11: US-A-5 518 753

D12: Food and Agricultural -Fat, Oil,

http://www.labo.cz/chemmea/katalog/fatoil.htm daté 12 octobre 2004, pages 1-5

D13: Bailey's Industrial Oil and Fat Products, Volume 1, Fourth Edition, Edited by D. Swern, 1979, pages 371, 384, 391, 395, 400, 408, 413-415, 417, 427, 431 et 436

D14: Bailey's Industrial Oil and Fat Products,Volume 3 Fifth Edition, Edited by Y.H. Hui 1996, page 77

D15: B.N. Mathur, "Recent Advances In The Manufacture Of Infant Foods", Indian Food Industry, Juillet-Août 1991, pages 25-28

IV. D'après la décision rendue par la division d'opposition à la fin de la procédure orale tenue le 1 février 2007, les oppositions formées contre le brevet européen ont été rejetées.

Dans la décision formulée par écrit et signifiée aux parties le 26 février 2007 la division d'opposition a considéré que le brevet opposé remplissait les conditions d'exposé d'invention selon l'article 83 CBE, celles de nouveauté selon l'article 54 CBE ainsi que celles d'activité inventive selon l'article 56 CBE.

Concernant la question de suffisance de l'exposé de l'invention la division d'opposition a considéré:

- que le brevet contenait des exemples qui illustraient de façon claire et complète plusieurs modes de réalisation de produits laitiers objet de l'invention revendiquée

- que l'homme du métier en partant de l'enseignement du brevet et en s'aidant de ses connaissances générales pourrait réaliser l'invention dans l'intégralité du domaine revendiqué

- que la question de vérification postérieure de l'origine des acides gras dans un produit laitier (de prédominance lactique ou non) ne relevait pas d'une insuffisance de l'exposé de l'invention

- que toutefois l'homme du métier pouvait, sans connaissance des ingrédients utilisés dans la préparation d'un produit laitier, vérifier si l'origine des acides gras dans un produit laitier était de prédominance lactique en se basant sur des traceurs spécifiques pour les graisses lactiques.

Concernant la question de la nouveauté la division d'opposition a considéré que les exemples de D9 divulguaient des valeurs uniques et ne pouvaient pas être considérés comme définissant une gamme de valeurs pour la proportion de la graisse lactique dans la partie lipidique des produits. Par conséquent D9 n'anticipait pas l'objet revendiqué.

Concernant la question d'activité inventive la division d'opposition a considéré que le problème posé dans le brevet contesté était la mise à disposition d'un produit laitier, dans lequel la graisse lactique était combinée avec des huiles végétales dans des proportions spécifiques afin d'éviter des charges métaboliques déséquilibrées et en particulier des risques cardiovasculaires, et ce tout en préservant des qualités organoleptiques qui étaient proches de celles du lait.

Selon la division d'opposition le contenu de D11 devrait être considéré comme constituant l'état de la technique le plus proche dont l'objet revendiqué différait seulement par la teneur en graisse lactique, 50% selon D11 contre 30%-40% selon l'objet revendiqué.

Toutefois D11 ne se préoccupait pas explicitement de préserver les qualités organoleptiques proches de celles de lait. Par conséquent D1 n'inciterait pas l'homme du métier à diminuer la proportion de graisse lactique. Par ailleurs une diminution de la proportion de la graisse lactique ne signifiait pas nécessairement une augmentation de la proportion du mélange lipidique, qui quoique essentiellement végétale, comprenait toutefois une huile de poisson. L'augmentation de la proportion de cette dernière serait susceptible de détériorer les qualités organoleptiques du produit. La division d'opposition a donc conclu que l'objet revendiqué n'était pas évident au vu de la divulgation de D11.

En outre elle a considéré que rien ne faisait supposer que le produit laitier revendiqué comprenant des valeurs extrêmes de 20% et 40% d'acides gras saturés ne résolvait pas le problème posé et a conclu que le problème technique était résolu sur toute l'étendue de l'objet revendiqué.

V. L'opposant 1 (requérant 1) a introduit un recours contre cette décision de la division d'opposition le 2 mai 2007 et a payé la taxe de recours le même jour. L'opposant 2 (requérant 2) a introduit un recours contre cette décision de la division d'opposition le 27 avril 2007 en demandant l'annulation de la décision et la révocation du brevet dans sa totalité et a payé la taxe de recours le même jour. Les mémoires de recours ont été reçus respectivement le 24 juin et le 6 juillet 2007.

VI. Dans leurs mémoires de recours les requérants ont réitéré les objections soulevées devant la division d'opposition notamment au titre des articles 83, 54 et 56 CBE. Ils se sont basés sur les mêmes faits et justifications et ils ont étayé les mêmes arguments dont ils ont fait usage au cours de la procédure devant la division d'opposition. Le requérant 1 a fourni deux documents additionnels, D16 et D16a, afin de démontrer l'aspect public de l'usage antérieur des produits Frisomil® et Frisomel®:

D16 : Brochure "Frisomil® Natural Follow-up Milkfood For Infants"

D16a: Déclaration notariale datée le 8 mai 2007 et sa traduction en anglais.

VII. Dans une lettre en réponse datée du 13 février 2009, le titulaire du brevet (l'intimé) a requis le rejet des recours et le maintient du brevet tel que délivré. Il a également requis que les documents tardifs D16 et D16a ne soient pas admis dans la procédure.

L'intimé a contesté les arguments des requérants et il a essentiellement défendu la décision de la division d'opposition sur tous les points évoqués.

VIII. Une procédure orale a eu lieu devant la Chambre de recours le 14 janvier 2010.

IX. Les arguments pertinents des requérants (opposants) présentés par écrit et oralement peuvent être résumés comme suit:

Recevabilité de nouveaux documents

- Les documents D16 et D16a ont été fournis afin de prouver que Frisomil® et Frisomel® étaient accessibles au public avant la date de priorité du brevet opposé.

Suffisance de description

- Les acides gras saturés étaient majoritairement d'origine lactique. Toutefois en admettant que la graisse lactique contenait en moyenne 67% en poids d'acides gras saturés (voir D12, et la réponse du titulaire paragraphe 3.6 en phase d'opposition), les 40% de graisse lactique selon la revendication 1 contenaient 26,8% en poids (40% x 0,67=26,8%) des acides gras saturés. Comme la revendication requérait une teneur pouvant atteindre 40% en acides gras saturés il ne restait qu'une teneur de 13,2% en poids (40%-26,8%=13,2%) d'acides gras saturés qui devaient provenir d'une origine autre que la graisse lactique. Il n'était toutefois pas possible de combler cette différence par les huiles végétales car selon D13 et D14 leur contribution en acides gras saturés n'était pas suffisante. Par conséquent l'homme du métier ne trouvait pas dans le brevet opposé la divulgation qui lui permettrait d'atteindre une teneur en acides gras saturés de 40% en poids. Ceci signifiait que l'invention ne pouvait pas être exécutée sur toute l'étendue de l'objet revendiqué.

- En plus le brevet opposé ne divulguait pas de lait spécial (teneur d'acides gras saturés 82% en poids) auquel le titulaire avait fait référence pendant la procédure orale qui conduirait à une teneur en acides gras saturés proche de 40% en poids.

- Même si cette teneur en acides gras saturés pouvait être atteinte en utilisant 40% d'huile d'olive, le produit laitier qui en résulterait ne remplirait pas les autres caractéristiques de l'objet revendiqué.

- Quant à la décision contestée, elle mentionnait simplement que l'homme du métier serait en mesure d'obtenir de telles compositions. Toutefois les opposants n'ont pas pu trouver des huiles végétales qui conduiraient à des compositions se trouvant aux limites de la revendication. Le brevet ne fournissait donc pas un enseignement complet et le titulaire n'avait pas non plus prouvé le contraire.

- Le brevet opposé ne divulguait pas comment on pouvait s'assurer qu'un pourcentage certain des acides gras saturés dans une composition de graisses était d'origine à prédominance lactique et ainsi différencier les acides gras saturés d'origine végétale de ceux d'origine lactique. Contrairement à ce que le titulaire invoquait, il n'y avait pas de définition de l'empreinte de la graisse lactique dans le brevet opposé ni une telle empreinte était communément connue à l'homme du métier. L'homme du métier donc qui disposerait d'une formulation de lait, n'était pas en mesure de savoir s'il se trouvait dans le domaine revendiqué.

Nouveauté

- D9 divulguait des compositions qui se situaient au-delà de chaque côté de la gamme de 30%-40% de la graisse lactique revendiquée. Ces compositions définissaient ainsi de façon directe et non ambiguë une gamme qui englobait celle revendiquée. Bien que la gamme revendiquée ne soit pas divulguée en tant que telle par D9, l'homme du métier envisagerait de travailler dans cette gamme des valeurs. De toute façon la plage revendiquée correspondait à une sélection qui ne remplissait pas les critères nécessaires pour une invention de sélection : la gamme revendiquée n'était pas étroite, elle n'était pas éloignée des valeurs spécifiées dans les exemples IIb, IIIa, IIIb, IVb et Vb et elle n'était pas liée à un effet surprenant ou inattendu. Elle correspondait donc à un choix arbitraire qui ne lui conférait pas de caractère nouveau.

Activité inventive

- Principalement, quel que soit le problème à résoudre, comme il n'était pas possible de préparer des compositions selon la revendication 1 ayant les valeurs extrêmes de la teneur en acides gras saturés et en même temps satisfaisant les autres limitations de la revendication, le problème n'était pas résolu sur toute l'étendue de l'objet revendiqué.

- L'usage public antérieur du lait Frisomil® ou Frisomel® (il s'agissait du même produit malgré les deux écritures pour des raisons de commercialisation dans les pays asiatiques) pouvait être considéré comme art antérieur le plus proche. L'évidence de l'usage antérieur était basée sur les documents D1 à D5, D16 et D16a.

- Le produit laitier revendiqué se distinguait du lait Frisomil® ou Frisomel® par la teneur en graisse lactique, qui impliquait une différence dans la teneur en acides gras saturés d'origine à prédominance lactique.

- Le problème technique à résoudre vis-à-vis du lait Frisomil® /Frisomel®- divulgué de fournir un produit laitier dont la composition lipidique conduisait à un équilibre optimum des substances actives, d'éviter des difficultés métaboliques et de maintenir des bonnes qualités organoleptiques - consistait simplement à fournir un produit laitier alternatif. En fait le brevet opposé ne comprenait pas de preuve technique démontrant une amélioration concernant l'équilibre des charges métaboliques, les risques cardiovasculaires ou les propriétés organoleptiques. Pour ce qui concerne les risques cardiovasculaires ils ne pouvaient pas être considérés comme faisant partie du problème technique car l'objet revendiqué ne contenait pas de caractéristique d'application médicale.

- L'alternatif revendiqué était évident à l'homme du métier car il y avait plusieurs produits dans l'art antérieur ayant des teneurs en graisse lactique qui étaient inférieures ou supérieures à celle divulguée et rien n'empêchait l'homme du métier de réduire la teneur de la graisse lactique à une valeur se situant dans la gamme revendiquée de 30%-40% en poids.

- Même si le problème technique se limitait au traitement ou la prévention des maladies cardiovasculaires, le rôle joué par les acides gras saturés était bien connu à l'homme du métier (voir D6, D7 et D9). Partant donc de Frisomil® ou de Frisomel® (D1 ou D3) et ayant comme objectif de modifier cette composition pour des raisons cardiovasculaires il saurait que son objectif serait atteint en réduisant la teneur de ces acides gras.

- D9 pouvait également être considéré comme l'état de la technique le plus proche (page 14, tableau 10, exemple VIIa en combinaison avec page 20, tableau 17, exemple VIIa). Il était reconnu que l'exemple VIIa se referait à un produit laitier pour un régime adulte pour une alimentation par voie clinique intestinale, ce qui signifiait que les propriétés organoleptiques du produit n'entraient pas en compte. Toutefois la protection recherchée par le produit revendiqué dans le brevet opposé ne pouvait pas être limitée par son utilisation. De plus le brevet opposé ne spécifiait pas le sens des propriétés organoleptiques et ne contenait pas davantage des tests comparatifs illustrant une amélioration de ces propriétés.

- D9, exemple VIIa, divulguait toutes les caractéristiques de l'objet de la revendication 1 excepté la valeur de la teneur en graisse lactique qui était légèrement supérieure à celle revendiquée (41.4 % en poids contre 40.0 % en poids). En absence dans le brevet opposé de toute évidence expérimentale pour appuyer un effet technique reliant cette différence aux qualités organoleptiques du produit laitier seuls les problèmes concernant l'équilibre des charges métaboliques et en particulier les risques cardiovasculaires d'un produit laitier pouvaient être pris en considération. Cependant, puisque D9 traitait également de ces problèmes, le problème objectif que le brevet opposé visait à résoudre consistait à formuler un produit laitier alternatif. La solution de ce problème par la réduction de la teneur en graisse lactique était toutefois évidente à l'homme du métier qui savait que les acides gras saturés, indésirables en tant que source des problèmes cardiovasculaires, étaient majoritairement présents dans la graisse lactique et que par conséquent leur réduction conduirait à un produit laitier également convenable du point de vue des propriétés liées aux charges métaboliques. De plus, D7 (sommaire et conclusion) indiquait clairement les effets néfastes des acides gras saturés de la graisse lactique sur les maladies cardiovasculaires et les bénéfices de l'utilisation de graisses lactiques avec une teneur moindre en acides gras saturés.

- A noter que la réduction de la teneur de la graisse lactique dans la composition du produit laitier n'influençait que le rapport relatif entre les différents constituants de la phase grasse du produit et ne nécessitait pas, contrairement à l'argumentation du titulaire, l'augmentation de phospholipides cérébraux pour l'équilibre pondéral de cette phase.

- D11, exemple 23, pouvait aussi être considéré comme état antérieur le plus proche. Ce document divulguait des produits laitiers et recherchait un équilibre entre les charges métaboliques. Il évoquait également l'influence des lipides sur le système cardiovasculaire. Contrairement à l'argumentation du titulaire, la divulgation de D11 (revendications 10 et 11) englobait non seulement une composition spécifique des triglycérides mais également des produits laitiers qui la contenaient.

- Le requérant 2 avait déjà montré devant la division d'opposition (lettre datée le 10 décembre 2004, page 6, tableau 4) que l'objet de la revendication 1, dont le langage ouvert permettait l'inclusion d'autres lipides tels que l'huile de pépin de cassis et de l'huile de poisson, se distinguait de la divulgation de D11 par la teneur en graisse lactique qui était de 50% en poids contre 30-40% en poids. En l'absence de données expérimentales dans le brevet opposé justifiant une influence de la composition revendiquée sur les propriétés organoleptiques, le problème objectif posé était simplement de fournir un produit laitier alternatif aux produits connus.

- La solution donnée par le brevet opposé était néanmoins évidente pour l'homme du métier. D11 lui-même suggérait la variation du contenu de la composition lipidique d'origine végétale, faisait référence à l'effet néfaste sur la santé des acides gras saturés, qui sont majoritairement présents dans la graisse lactique (voir aussi les résultats de calcul fournis par le requérant 2 dans son mémoire d'opposition, page 6, tableau 4) et suggérait de remplacer partiellement ou totalement cette graisse par des lipides végétaux. D11 inciterait ainsi l'homme du métier à réduire la teneur en graisse lactique et le conduirait vers des valeurs qui se trouveraient dans la plage revendiquée de 30-40% en poids.

- Contrairement à l'argument du titulaire l'homme du métier n'interpréterait pas la divulgation de D11 comme se limitant à une teneur maximum de 10% en poids en acides gras saturés. Cette valeur concernait exclusivement la contribution en acides gras saturés des lipides végétaux et ne tenait absolument pas compte de la contribution de la graisse lactique, dont le contenu en acides gras saturés, responsable des risques cardiovasculaires, était substantiellement supérieur.

- La division d'opposition avait tort quand elle supposait que la réduction de la teneur en graisse lactique dans la composition de l'exemple 23 de D11 conduirait à une détérioration des propriétés organoleptiques à un niveau inacceptable. Cependant l'aspect de goût n'empêcherait pas l'homme du métier de modifier la composition. Quoique le goût pouvait changer, un gout spécifique n'était pas l'objectif de l'objet revendiqué car ce qui était visé n'était ni une composition avec un goût identique au lait ni une composition avec un goût amélioré comparé à celle de l'exemple 23 de D11 mais une composition dont le goût devrait être le plus proche du lait. Comme déjà indiqué le langage de la revendication 1 n'excluait pas la présence d'une huile de poisson. Par ailleurs, l'augmentation des huiles végétales à des valeurs entre 60-70% ne modifiait que peu la teneur en cette huile. En outre, cette augmentation n'avait pas d'influence sur le niveau des acides gras saturés et insaturés ni le rapport n-6 : n-3 qui restaient dans la gamme des valeurs revendiquées.

X. Les arguments pertinents de l'intimé (titulaire du brevet) présentés par écrit et oralement peuvent être résumés comme suit:

Recevabilité de nouveaux documents

- Les documents D16/D16a ne devraient pas être admis dans la procédure car ils étaient soumis tardivement.

Suffisance de description

- Le brevet opposé comprenait treize exemples alors que selon la jurisprudence de l'OEB un exemple de réalisation de l'invention serait suffisant, si cet exemple permettait d'effectuer l'invention dans toute l'étendue de la revendication. Cependant les requérants n'ont pas basé leurs doutes sur des faits vérifiables. Ils ont simplement argumenté qu'ils n'ont pas été en mesure de reproduire l'invention sur la base des ingrédients utilisés par eux, car ils n'ont pas trouvé des huiles végétales qui conduiraient aux produits revendiqués.

- Toutefois un produit laitier, qui se situerait à la limite supérieure revendiquée, pourrait comprendre 40% en poids de graisse lactique (teneur moyenne 67% en acides gras saturés), 40% d'huile d'olive (teneur moyenne 21,3% en acides gras saturés), 10% d'huile de maïs et 10% d'huile de sésame et il contenait 39,85% d'acides gras saturés. Par ailleurs, il y avait des laits de vache présentant un teneur en acides gras saturés allant jusqu'à 82% en poids qui permettraient la préparation d'un produit laitier ayant une teneur en acides gras saturés dans la plage de la composition revendiquée.

Nouveauté

- D9 ne divulguait pas un produit laitier dont la teneur en graisse lactique variait entre 30 et 40 % en poids. Les exemples de D9 divulguaient des teneurs en graisse lactique situées à l'extérieur de la plage des valeurs revendiquées. Les exemples constituaient des divulgations ponctuelles et, contrairement à l'argument des requérants, il était tout à fait arbitraire de concevoir que les valeurs des exemples auraient été interprétées par l'homme du métier comme constituant une plage des valeurs. Par conséquent, l'argumentation des requérants que la plage de valeurs revendiquées était sélectionnée à partir d'une plage plus large sans pour autant remplir les critères de sélection était dépourvue de tout fondement.

Activité inventive

- L'objet de la revendication 1 devrait être interprété de façon restrictive, c'est-à-dire constitué d'une liste exhaustive des caractéristiques techniques. Aucun autre lipide ne devait intervenir dans la composition revendiquée sauf ceux du paragraphe [0017] de la description. Pour ce qui concerne le paragraphe [0016], c'est-à-dire les huiles d'organismes marins, il s'agissait d'une mention qui aurait dû être supprimée pendant la phase d'examen.

- Contrairement aux arguments des requérants, l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive car il n'était pas évident au vu de l'état de la technique cité.

- Concernant l'allégation d'un usage antérieur public sur la base du produit Frisomil® ou Frisomel®, le requérant 1 n'a pas apporté la preuve incontestable de cet usage. Les brochures des produits Frisomil® (D1) et Frisomel® (D3) ne divulguaient pas une composition complète et par conséquent une comparaison avec le produit revendiqué n'était pas possible. En outre ces brochures n'étaient pas datées et n'étaient pas accompagnées de transactions commerciales ce qui jetait un doute tant sur le contenu de la divulgation, que sur sa date d'impression/publication et finalement sur son caractère public. En réalité la composition alléguée de Frisomil®/Frisomel® résultait de la combinaison arbitraire des documents D1 à D5 qui n'avaient pas de lien entre eux et ne pouvaient pas être combinés. De plus, Frisomil®/Frisomel® concernait un lait pour enfants (Frisomil® pour enfants plus âgés; Frisomel®pour bébés grandissants et enfants) sans relation avec un risque cardiovasculaire.

- L'objet revendiqué impliquait une activité inventive au vu de la divulgation de D9 considéré comme l'état de la technique le plus proche. D9 qui divulguait des teneurs en graisse lactique à l'extérieur de la plage revendiquée, n'incitait pas l'homme du métier à travailler dans cette plage.

- Même le produit laitier de l'exemple VIIa qui se distinguait du produit laitier revendiqué par la teneur en graisse lactique ne serait pas pris en considération par l'homme du métier. Cet exemple concernait une composition pour l'alimentation clinique intestinale des adultes, dont les propriétés organoleptiques ne relevaient d'aucune importance, contrairement au produit laitier revendiqué dont ces propriétés devraient être les plus proches du lait. De plus, si la teneur en graisse lactique devait être réduite, la compensation de cette réduction pondérale devrait être effectuée par l'augmentation de la teneur en phospholipides cérébraux et non pas par celle en huiles végétales. Par conséquent, même si l'homme du métier modifiait la composition du produit laitier exemplifié, il ne serait pas arrivé au produit laitier revendiqué.

- L'objet revendiqué impliquait une activité inventive aussi en considérant D11 comme l'état de la technique le plus proche. Toutefois D11 ne concernait pas des produits laitiers (voir revendication 1) mais un mélange des triglycérides dont la teneur en acides gras saturés ne devrait pas dépasser le 10% en poids. Par conséquent l'homme du métier n'aurait pas considéré ce document pour la préparation d'un produit laitier dont la teneur en acides gras saturés serait de 30-40% en poids. Même s'il prenait en considération le produit laitier de l'exemple 23, il ne serait pas incité à réduire la teneur de la graisse lactique de 50% en poids au niveau de la teneur revendiquée dans la plage de 30-40% en poids. Cette réduction pourrait modifier l'équilibre recherché des propriétés y compris les propriétés organoleptiques du produit laitier. La présence d'huile de poisson dans D11 avait de toute façon une influence indésirable sur ces propriétés. Par ailleurs la modification de la teneur en graisse lactique aurait comme résultat la modification de la teneur en lipides végétaux et la modification de leur contribution à la teneur des acides gras saturés, mono- et polyinsaturés. Le produit laitier résultant de ces modifications ne respecterait pas toutes les limitations imposées par l'objet revendiqué.

XI. Les requérants ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet opposé.

L'intimé a demandé le rejet des recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Suffisance de description

2.1 La Chambre note que les requérants (opposants) ont reconnu que le brevet opposé comprend des exemples qui permettent l'exécution de l'invention revendiquée.

2.2 Les requérants ont contesté le fait que l'invention puisse être exécutée dans toute le domaine revendiqué, notamment pour ce qui est des limites de la teneur des acides gras saturés. La Chambre note toutefois que l'intimé (titulaire du brevet) a soutenu au cours de la procédure orale que l'homme du métier en choisissant le type de la graisse lactique et des huiles végétales était en mesure de reproduire un produit laitier qui se situerait à la limite supérieure revendiquée de la teneur des acides gras saturés et qui remplirait essentiellement les autres caractéristiques de l'objet revendiqué. Il a pour cela fait référence à l'emploi d'une part de 40% en poids d'un lait connu de vache dont la graisse lactique comprend 82% en poids d'acides gras saturés, et d'autre part d'une composition d'huiles végétales constituée de 40% en poids d'une huile d'olive, 10% en poids d'huile de maïs et 10% en poids d'huile de sésame.

Concernant ce produit les requérants n'ont pas contesté l'existence d'un tel lait; ils ont simplement contesté le fait que ce lait particulier n'apparaissait pas dans le brevet opposé. Mais la Chambre considère que le brevet n'a pas à contenir tous les détails de l'invention revendiquée dès lors que l'homme du métier est en mesure de les définir sur la base de ses connaissances techniques générales. Dans le cas présent les requérants n'ont pas contesté que cela appartenait au domaine des connaissances générales de l'homme du métier.

2.3 Par conséquent la Chambre considère que l'invention objet du brevet opposé satisfait aux conditions de l'article 83 CBE.

2.4 Le requérant 2 a contesté la suffisance de l'invention sur la base du fait que le brevet opposé ne permet pas à l'homme du métier de reconnaitre la provenance, lactique ou végétale, des acides gras faisant partie du produit laitier revendiqué. La Chambre considère que cet argument ne relève pas d'une objection sur le fondement de l'article 83 CBE qui requiert seulement que l'information fournie par le brevet permette à l'homme du métier de la reproduire.

3. Nouveauté

3.1 Les requérants ont contesté la nouveauté de l'objet de la revendication 1 sur la base de la divulgation du document D9 (page 17, tableau 14, exemples I-VI). Ils ont pourtant reconnu que ce document ne divulgue pas des teneurs en graisse lactique qui se situent dans la plage revendiquée de 30-40% en poids mais en dehors, et de chaque côté de cette plage. Par conséquent le défaut de nouveauté n'a pas de fondement.

3.2 En outre, la Chambre ne partage pas l'interprétation donnée par les requérants à l'enseignement de D9 selon laquelle les valeurs de la teneur lactique divulguées dans les exemples formaient une plage qui englobait la plage des valeurs revendiquées, cette dernière ne remplissant pas les critères de sélection. Selon la Chambre cette interprétation, qui se base sur l'extraction arbitraire des ces valeurs, est incorrecte car elle isole chacune d'entre elles de leur contexte technique spécifique et aboutit à la création d'une plage des valeurs artificielle qui ne trouve aucun support dans D9. L'argument donc relatif à la sélection n'est pas pertinent.

3.3 Pour ces raisons, les objections concernant l'absence de nouveauté sont dénuées de fondement.

4. Activité inventive

4.1 L'objet revendiqué

Afin de répondre à la question de l'activité inventive la Chambre considère d'une importance primordiale la définition de l'étendue de l'objet revendiqué.

La Chambre en s'appuyant sur le langage employé par l'intimé pour définir l'objet de la revendication 1 considère que le produit laitier revendiqué n'est pas limité qu'aux caractéristiques citées explicitement dans la revendication. La Chambre remarque que l'objet revendiqué emploie les termes "contenant" ou "contient" (voir les expressions "produit laitier diététiquement équilibré contenant un mélange des lipides lactiques" et "sa partie lipidique contient en poids") qui ont par convention une signification bien précise dans le langage technique en matière de brevets. Ces termes permettent l'introduction dans la composition revendiquée d'ingrédients supplémentaires à ceux explicitement cités. Cette interprétation est, d'ailleurs, en conformité avec la description qui divulgue que le produit laitier peut comprendre:

- de l'huile de pépins de cassis (paragraphes [0016], [0049])

- des huiles d'organismes marins (paragraphe [0016])

- d'autres huiles en quantité mineure dans le but d'améliorer les propriétés de conservation et d'apporter des antioxydants biologiquement actifs (paragraphe [0017])

- plusieurs huiles végétales choisies du même groupe - huile de canola, huile de tournesol hybride riche en acide oléique, huile d'olive - dont la teneur totale est de 44% en poids et par conséquent supérieure à la limite de 40% en poids imposée par l'objet revendiqué (exemples 10-13, tableau du paragraphe [0060]).

4.2 L'état de la technique le plus proche

4.2.1 La Chambre en accord avec le requérant 2 et la division d'opposition considère que le document D11, en particulier l'exemple 23, représente l'état de la technique le plus proche. Ce document traite de la même technologie que le brevet opposé, notamment la technologie des produits laitiers diététiquement équilibrés (colonne 1, lignes 52-56; colonne 2, lignes 1-3; colonne 3, lignes 41-55; revendications 10 et 11) et en plus se réfère à la nécessité de limiter leur teneur en acides gras saturés afin d'éviter des problèmes cardiovasculaires (colonne 1, lignes 8-17 and 25-29). Même la question des propriétés organoleptiques y est implicite car les produits de D11, qu'il s'agisse des yoghourts, des sauces, des crèmes glacées ou autres produits (colonne 3, lignes 41-49) sont des produits destinés à la commercialisation et font nécessairement appel aux facultés gustatives du consommateur. Par conséquent D11 appartient au même domaine technique que le brevet opposé et se donne comme objectif de résoudre les mêmes problèmes techniques que le brevet litigieux (description, paragraphe [0009]).

4.2.2 La Chambre, en désaccord avec le requérant 1, ne considère pas que D9 représente l'état de la technique le plus proche. Ce document divulgue des produits laitiers pour une alimentation d'adultes, équilibrée selon le régime méditerranéen, et visant à éviter les problèmes cardiovasculaires (page 5, lignes 6-12; page 6, lignes 9-38; page 7, lignes 37-52). L'exemple VIIa (page 14, tableau 10; page 17, tableau 15; page 20, tableau 17) que le requérant 1 considère comme la partie la plus pertinente de D9, concerne un produit alimentaire qui est destiné à une nutrition clinique intestinale pour laquelle l'aspect des propriétés organoleptiques est sans importance. De ce fait, bien que D9 traite de la même technologie que le brevet opposé, il ne vise pas à résoudre les mêmes problèmes techniques et il est par conséquent plus éloigné que D11.

4.2.3 La Chambre arrive à la même conclusion pour ce qui concerne l'usage antérieur public allégué par le requérant 1 basé sur le lait Frisomil® ou Frisomel®.

Outre les doutes sérieux pesant sur cet usage antérieur public, le lait Frisomil® ou Frisomel® est exclusivement destiné à des nourrissons ou enfants à bas âge dont les besoins nutritifs comparés à ceux des adultes sont fondamentalement différents.

4.2.4 L'analyse détaillée de D11, et en particulier de l'exemple 23, montre que ce qui est divulgué dans ce document est un produit laitier dont le produit revendiqué diffère au moins par la teneur de graisse lactique: D11, exemple 23 divulgue une teneur de 50% en poids et la revendication 1 requiert une teneur entre 30 et 40% en poids.

Concrètement le produit laitier de l'exemple 23 contient une partie lipidique qui est constitué en poids de:

- 50% de graisse lactique et

- 50% de la composition lipidique de l'exemple 1 qui est constituée de (voir colonne 4, lignes 1-10):

- 25% d'huile hybride de tournesol à haute teneur en acide oléique et 12% d'huile de colza (correspondant au premier type d'huile végétale de la revendication 1)

- 10% d'huile de tournesol (correspondant au deuxième type d'huile végétale de la revendication 2)

- 1,5% d'huile de pépins de cassis et 1,5% d'huile de poissons (tous les deux faisant partie d'une composition selon la revendication 1 conformément à l'interprétation adoptée ci-dessus, point 4.1).

Par conséquent, en ce qui concerne les ingrédients de la partie lipidique le produit laitier divulgué diffère du produit revendiqué au moins par la teneur de la graisse lactique. Il faut toutefois noter qu'il existe dans la constitution de la partie lipidique du produit de l'exemple 23 une complémentarité pondérale entre la graisse lactique et les lipides végétaux dont fait partie l'huile hybride de tournesol.

La répartition en poids des acides gras dans ces huiles végétales d'après le tableau 1 de la colonne 4, est de:

- 9,37 d'acides gras saturés dont la contribution au produit laitier est de 4,7%

- 59,69% d'acides gras mono-insaturés dont la contribution au produit laitier est de 29,8%

- 30,60 d'acides gras poly-insaturés dont la contribution au produit laitier est de 15,3%

La répartition en poids des acides gras dans la graisse lactique est en général celle divulguée par D12, fait non contesté par l'intimé:

- 66,7% d'acides gras saturés dont la contribution au produit laitier est de 33,4%

- 28,1% d'acides gras mono-insaturés dont la contribution au produit laitier est de 14,1%

- 3,2% d'acides gras poly-insaturés dont la contribution au produit laitier est de 1,6%.

Au vu de ces résultats la Chambre note que:

- la totalité des acides gras saturés est de 38,1% dont

l'origine est de prédominance lactique

- la totalité des acides gras mono-insaturés est de

43,9%

- la totalité des acides gras poly-insaturés est de

16,9%

Par conséquent le produit laitier divulgué ne se distingue pas du produit revendiqué en termes de répartition des acides gras.

Quant au rapport pondéral des acides gras de la famille n-6 sur ceux de la famille n-3 dans le produit laitier de l'exemple 23:

- D11 (colonne 4, tableau 1) divulgue que les huiles végétales contiennent en poids:

13,3% d'acides de la famille n-6 et

2% d'acides de la famille n-3, et

- D12 divulgue que la graisse lactique contient en poids:

0,9% d'acides de la famille n-6 et

0,3% d'acides de la famille n-3

et par conséquent la valeur de ce rapport pondéral est de 6,3 et ne diffère pas de celle du produit revendiqué.

4.2.5 L'intimé a argumenté que l'exemple 23 ne devrait pas être considéré comme faisant partie de l'invention de D11. Selon son argumentation D11 concernait exclusivement des mélanges des triglycérides d'acides gras dont la teneur en poids d'acides gras saturés ne devait pas dépasser 10%. Selon l'intimé l'ajout de graisse lactique contribuerait à l'augmentation inévitable de la teneur en acides gras saturés au delà de cette valeur limite et irait à l'encontre de l'enseignement de ce document.

La Chambre ne partage pas le point de vue de l'intimé car non seulement le titre de D11 se réfère tant aux mélanges des triglycérides et aux produits alimentaires qui contiennent ces mélanges mais aussi les revendications 5 à 11 de D11 qui définissent l'invention divulguée et la description (colonne 2, lignes 1-3; colonne 3, lignes 42-55) confirment que les produits alimentaires de D11, tels que les produits laitiers qui contiennent ces mélanges lipidiques, font partie de l'objet de cette divulgation. A noter que la description (colonne 3, lignes 42-55) fournit une énumération très détaillée de ces produits laitiers. Sur cette base, la Chambre conclut que le produit laitier de l'exemple 23 fait partie intégrale de l'invention divulguée dans ce document.

4.3 Le problème technique

Le brevet opposé (paragraphe [0009]) définit comme but de l'invention revendiquée de fournir un produit laitier contenant un mélange lipidique basé sur une combinaison de graisse lactique et d'huiles végétales élaborée pour obtenir un équilibre optimum des substances actives afin d'éviter des charges métaboliques déséquilibrées et en particulier des risques cardiovasculaires et dont les qualités organoleptiques soient proches de celles du lait.

Toutefois comme indiqué au point 4.2.1 ci-dessus, D11 a déjà proposé une solution à ce problème technique. Par conséquent au vu de la divulgation de ce document le problème technique doit être reformulé. En l'absence de tests comparatifs faisant apparaitre un effet surprenant ou inattendu le problème technique objectif consiste à fournir tout simplement un produit laitier alternatif dont la combinaison de la graisse lactique et des huiles végétales soit équilibrée de façon à ne pas présenter des risques cardiovasculaires et à avoir des qualités organoleptiques proches de celles du lait.

Eu égard à la partie expérimentale du brevet, la Chambre admet que le problème posé est résolu.

4.4 L'évidence de la solution

4.4.1 La question à laquelle il reste à répondre est celle de savoir s'il était évident pour l'homme du métier qui considérait comme point de départ la divulgation de D11, exemple 23, et qui s'appuyait sur ses connaissances générales, de procéder à la modification de la partie lipidique du produit laitier divulgué en réduisant la quantité de la graisse lactique dans la plage de 30-40%, ce qui entrainerait automatiquement l'augmentation de la quantité de l'huile hybride de tournesol, et d'aboutir à l'objet revendiqué sans exercer une activité inventive.

4.4.2 La Chambre considère que D11 (colonne 3, lignes 41-55) inciterait l'homme du métier à opérer cette modification car il divulgue que la partie lipidique d'origine végétale peut remplacer partiellement ou totalement la graisse lactique d'un produit laitier et conduire ainsi à l'optimisation du produit. D11 en divulguant que le produit laitier peut contenir jusqu'à 80% en poids des lipides végétaux motiverait l'homme du métier, qui est à la recherche des alternatives des produits laitiers à varier le rapport graisse lactique/lipides végétaux de façon à augmenter le pourcentage des lipides végétaux de 50% à 60, voire 70%. Cette augmentation entrainerait la réduction simultanée du pourcentage de la graisse lactique dans le produit de 50% à 40%, voire à 30%. Par ailleurs, au moyen de cette augmentation les teneurs des huiles végétales seraient également accrues. Dans le cas concret de l'exemple 23, l'huile hybride de tournesol varierait entre 30,0% - 35,0%, l'huile de colza entre 14,4% - 16,8% et l'huile de tournesol entre 12,0% - 14,0%, c'est-à-dire dans les domaines revendiqués.

4.4.3 L'homme du métier agirait d'autant plus de cette manière, qu'il sait que la réduction du pourcentage de graisse lactique, qui contribue majoritairement à la teneur en acides gras saturés du produit laitier exemplifié (voir point 4.2.4 ci-dessus), apporterait des bénéfices concrets sur la santé du consommateur. L'homme du métier est conscient que par la réduction de la teneur globale du produit laitier en acides gras saturés, il protégerait le consommateur d'éventuels risques cardiovasculaires (D11: colonne 1, lignes 25-29 mais aussi D7: page 232, colonne de droite, lignes 9-13; D8: page 1, lignes 11-22).

4.4.4 Concernant les propriétés organoleptiques du produit obtenu par la modification du rapport graisse lactique: lipides végétaux, la Chambre considère que ces propriétés ne peuvent pas être différenciées de celles du produit revendiqué. L'expression "les qualités organoleptiques soient proches de celles du lait" employé dans le brevet opposé (paragraphe [0009]) est vague à cause du terme "proche" qui n'a pas de valeur qualitative précise. De plus, l'intimé n'a pas fourni des tests comparatifs montrant une différence technique entre les produits revendiqués et le produit divulgué. En outre, il n'est pas inintéressant de relever que l'objet revendiqué n'exclut pas la présence d'une huile de poisson de la composition revendiquée (description du brevet opposé: paragraphe [00016]). Selon l'avis de la Chambre, le produit de l'exemple 23 qui contient 1,5% d'huile de poisson est commercialisable du point de vue des propriétés organoleptiques malgré la présence d'huile de poisson au goût défavorable (D11: exemple 23; colonne 3, lignes 41-49). Une légère augmentation de cette huile par la modification du rapport graisse lactique: lipides végétaux, qui augmenterait la teneur de cette huile à 1,8% voire 2,1%, ne semble pas devoir modifier sensiblement les propriétés organoleptiques à un point tel qu'elles ne puissent plus être considérées proches du lait.

4.4.5 Sur la base de ces considérations la Chambre arrive à la conclusion que l'objet revendiqué est évident pour l'homme du métier et que par conséquence il n'implique pas d'activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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