T 0158/07 (Substrat revêtu/AGC) of 7.10.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T015807.20101007
Date de la décision : 07 Octobre 2010
Numéro de l'affaire : T 0158/07
Numéro de la demande : 99924598.8
Classe de la CIB : C03C 17/36
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Substrat transparent revêtu d'une couche d'argent
Nom du demandeur : AGC Flat Glass Europe SA
Nom de l'opposant : Pilkington Deutschland AG
Guardian Industries Corp.
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(1)
European Patent Convention Art 54(2)
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 83
European Patent Convention Art 84
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention R 80
Mot-clé : Requêtes principale et subsidiaires 1 et 2: activité inventive (non) - amélioration non prouvée - alternative évidente
Requête subsidiaire 3: activité inventive (oui) - problème technique à définir par rapport à l'état de la technique le plus proche - alternative non évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours vise à contester la décision intermédiaire postée le 22 novembre 2006 par laquelle la division d'opposition avait maintenu le brevet européen 1 089 947 sur la base de la requête subsidiaire soumise au cours de la procédure orale du 7 novembre 2006, dont les revendications indépendantes 1 et 2 présentaient le libellé suivant :

"1. Substrat transparent portant un revêtement comprenant au moins une couche métallique constituée d´argent ou d´alliage d´argent, chaque couche métallique étant en contact avec deux couches diélectriques transparentes non absorbantes, le substrat revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type

trempe ou bombage, caractérisé en ce qu´au moins une couche métallique dudit revêtement est en contact avec au moins une sous-couche sous-jacente d´un oxyde d´un métal choisi parmi le Ti, le Ta, le Nb et le Sn et qu´avant ledit traitement thermique, chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d´un alliage de deux métaux sous-oxydé.

2. Substrat transparent portant un revêtement comprenant au moins une couche métallique constituée d´argent ou d´alliage d´argent, chaque couche métallique étant en contact avec deux couches diélectriques transparentes non absorbantes, le substrat revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type trempe ou bombage, caractérisé en ce qu´avant ledit traitement thermique, chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d´un alliage de deux métaux sous-oxydé et qu´au moins la sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé de deux métaux la plus proche du substrat est en contact avec une sous-couche sous-jacente d´oxyde de Ti.

II. Les parties se sont en particulier appuyées sur les document suivants :

El : EP 0 761 618 Al

E5 : EP 0 275 474 A1

E6 : US 5 584 902 A

E33: EP 0 611 213 Al

III. Les opposantes I (Pilkington) et II (Guardian) (ci-après respectivement dénommées requérantes I et II) ont toutes deux formé recours contre cette décision.

IV. Avec son mémoire exposant les motifs du recours (courrier daté du 30 mars 2007), la requérante I a soumis un nouveau document :

E34 : US 5 377 045

et a soulevé diverses objections au titre des Articles 54, 56, 83 et 123(2) CBE à l'encontre des revendications telles que maintenues par la division d´opposition.

La requérante II (courrier daté du 30 mars 2007) a pour sa part attaqué l'objet des susdites revendications pour défaut d'activité inventive.

V. Dans un courrier daté du 14 août 2007, l'intimée a en particulier contesté le bien fondé de la décision incriminée et demandé à titre principal le rétablissement du brevet dans sa forme telle que délivrée.

VI. Par lettre datée du 10 février 2009, la requérante II a soumis le document :

E35 : Dünnfilmtechnologie auf Flachglas, H.J. Glaser, Editions Hofmann, 1999, pages 58 à 71,

et demandé que la requête principale de l'intimée soit jugée irrecevable.

VII. Suite à l'invitation à comparaître à la procédure orale, l'intimée a soumis (lettre datée du 19 mars 2010) deux nouveaux jeux de revendications à titre de première et seconde requêtes subsidiaires, mais n'a pas maintenu sa demande de rétablissement du brevet dans sa forme telle que délivrée.

VIII. En date du 1**(er) avril 2010, la requérante I a soulevé diverses objections au titre des Articles 56, 84 et 123(2) à l'encontre des revendications selon les nouvelles requêtes subsidiaires.

IX. La procédure orale s'est tenue le 7 octobre 2010. Toutes les parties étaient représentées.

Après présentation de l'opinion provisoire de la chambre concernant certains points soulevés durant la procédure écrite, l'intimée a déposé un nouveau jeu de revendications 1 à 21 à titre de requête principale. Celui-ci se distingue du jeu tel que maintenu par la division d'opposition par la suppression de la revendication dépendante 5 - que la chambre avait jugé comme s'étendant au-delà du contenu de la demande telle que déposée - et par la renumérotation des revendications restantes.

Suite aux discussions relatives à l'admissibilité des modifications introduites dans les revendications 1 et 2 selon les deux requêtes subsidiaires, et plus particulièrement de la caractéristique "sous une atmosphère plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique", l'intimée a soumis trois nouveaux jeux de revendications à titre respectivement de 1**(ère), 2**(ème) et 3**(ème) requêtes subsidiaires.

La revendication indépendante 2 selon les 1**(ère) et 2**(ème) requêtes subsidiaires présente le libellé suivant :

"2. Substrat transparent portant un revêtement comprenant au moins une couche métallique constituée d´argent ou d´alliage d´argent, chaque couche métallique étant en contact avec deux couches diélectriques transparentes non absorbantes, le substrat revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type trempe ou bombage, caractérisé en ce qu´avant ledit traitement thermique, chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr, déposée sous une atmosphère d'oxygène et d'argon, la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr située au-dessus de la au moins une couche métallique étant déposée sous une atmosphère plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique, et qu´au moins la sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr la plus proche du substrat est en contact avec une sous-couche sous-jacente d´oxyde de Ti."

La revendication indépendante 1 selon la 3**(ème) requête subsidiaire présente le libellé suivant :

"1. Substrat transparent portant un revêtement comprenant au moins une couche métallique constituée d´argent ou d´alliage d´argent, chaque couche métallique étant en contact avec deux couches diélectriques transparentes non absorbantes, le substrat revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type

trempe ou bombage, caractérisé en ce qu´au moins une couche métallique dudit revêtement est en contact avec au moins une sous-couche sous-jacente d´un oxyde de Ti, qu´avant ledit traitement thermique, chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr, déposée sous une atmosphère d'oxygène et d'argon, la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr située au-dessus de la au moins une couche métallique étant déposée sous une atmosphère plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique, et qu´au moins la sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr la plus proche du substrat est en contact avec une sous-couche sous-jacente d´oxyde de Ti."

Au cours de leurs plaidoiries, les parties ont soulevé diverses objections au titre des Articles 56, 83, 84 et 123(2) et de la Règle 80 CBE à l'encontre des susdites nouvelles requêtes.

Concernant le défaut d'activité inventive, les requérantes ont en particulier soutenu que l'objet selon la revendication 2 selon les 1**(ère) et 2**(ème) requêtes subsidiaires était évident au vu de l'enseignement combiné des documents E6 et E34, et d'autre part que l'objet de la revendication 1 selon la 3**(ème) requête subsidiaire découlait de manière évidente de l'enseignement combiné des documents E6, E34 et E5.

Avant la clôture des débats, l'intimée a déposé un quatrième jeu de revendications dont les requérantes ont contesté la recevabilité.

X. Concernant les requêtes au dossier :

Les requérantes ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée a demandé à titre principal l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications déposé à titre de requête principale au cours de la procédure orale, ou alternativement sur la base de l'un des quatre jeux de revendications également déposés au cours de la procédure orale à titre de 1**(ère), 2**(ème), 3**(ème) et 4**(ème) requêtes subsidiaires, respectivement.

Motifs de la décision

1. Recevabilité des requêtes

L'intimée a expliqué que les requêtes principale et 1**(ère) à 3**(ème) subsidiaires déposées en cours de procédure orale venaient en réponse à l'opinion provisoire négative que la chambre avait émise à l'encontre des requêtes au dossier en début de la procédure orale.

Les requérantes n'ayant pas contesté la recevabilité de ces requêtes, la chambre décide en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose de les admettre dans la procédure (Article 13 RPCR).

Bien que la recevabilité de la 4**(ème) requête subsidiaire ait été contestée par les requérantes, une prise de position de la chambre à ce sujet est inutile au vu de ce qui suit, à savoir que le brevet est maintenu sur une requête subsidiaire de rang supérieur.

2. Recevabilité du document E34 (Article 114 (1)(2) CBE)

L'intimée a demandé que ce document soit retiré des débats car déposé tardivement.

La chambre observe que E34 a été déposé le 30 mars 2007, c'est-à-dire plus de trois années avant la procédure orale.

L'intimée ayant par conséquent pleinement eu le temps d'analyser le contenu dudit document et ce dernier étant en outre particulièrement pertinent (voir point 4.7.3 ci-après), la chambre décide de l'admettre dans la procédure.

3. Suffisance d'exposé de l'invention

3.1 La requérante I a plaidé en faveur d'un défaut d'exposé de l'invention, soutenant en particulier qu'il n'y avait aucune information dans le brevet incriminé pouvant permettre à l'homme du métier de trouver sans effort excessif des alliages autres que le seul alliage Ni80Cr20 exemplifié et permettant de résoudre le problème à la base de l'invention décrite dans le brevet, à savoir de prévenir la dégradation des propriétés optiques d'un verre revêtu lors d'un traitement thermique de bombage ou de trempe.

Pour étayer sa thèse, et en particulier l'assertion selon laquelle le problème à la base du brevet ne serait pas résolu sur toute l'étendue de la protection de l'objet revendiqué, la requérante I a soumis - par lettre du 30 mars 2007 - un test supposé démontrer qu'une sous-couche composée d'un alliage sous-oxydé constitué de zinc et d'aluminium ne résolvait pas le problème susmentionné.

3.2 La chambre constate du test susmentionné qu'un alliage différent de celui exemplifié a pu être fabriqué par l'une des requérantes. Cette dernière ayant en outre précisé que les cathodes nécessaires à la fabrication de l'alliage de zinc et d'aluminium fabriqué étaient disponibles dans le commerce, la chambre en conclut que la fabrication d'autres alliages que celui exemplifié ne relève pas d'un effort excessif.

La chambre est d'ailleurs convaincue que l'homme du métier est à même de préparer une multitude d'autres alliages sous-oxydés, et ce, par de simples essais de routine impliquant par exemple la modification de la composition de l'alliage utilisé pour fabriquer le seul alliage sous-oxydé exemplifié (Ni80Cr20). C'est pourquoi, il est conclu que l'invention telle que revendiquée est exposée de manière suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

3.3 Que certains alliages sous-oxydés couverts par l'objet revendiqué ne soient pas en mesure de résoudre le problème à la base de l'invention - comme ceci est supposé avoir été démontré par le test susmentionné daté du 30 mars 2007 - n'est pas une question de suffisance d'exposé de l'invention, mais plutôt une question d'activité inventive, puisque l'une des conditions nécessaires à la reconnaissance d'une activité inventive est en particulier que le problème soit résolu sur toute la portée de la revendication en instance.

4. Requête principale - activité inventive

4.1 Le brevet contesté (paragraphes [0001], [0021] et [0022]) concerne un substrat transparent portant un revêtement comprenant au moins une couche métallique constituée d'argent ou d'alliage d'argent, chaque couche métallique étant en contact avec deux couches diélectriques transparentes non absorbantes, le substrat revêtu étant destiné à subir un traitement thermique de type trempe ou bombage, caractérisé en ce qu'avant ledit traitement thermique, chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé de deux métaux. La présence des sous-couches à base d'un alliage de deux métaux sous-oxydé protègent chaque couche métallique de l'empilement des dégradations engendrées par ledit traitement thermique.

4.2 Concernant l'état de la technique le plus proche, il y a consensus entre les parties sur le fait que celui-ci soit représenté par le document E6.

E6 décrit (colonne 1, lignes 9 à 14) en effet des verres revêtus par pulvérisation et destinés à subir un traitement thermique, lesdits verres présentant d'excellentes propriétés de transmission et de réflexion infrarouge de la lumière visible.

E6 (colonne 16, lignes 63 à 67) décrit en particulier un substrat de verre transparent revêtu de l'empilement de couches successives suivant :

- Si3N4 d'épaisseur environ 375 Å;

- NiCr d'épaisseur environ 45 Å;

- argent d'épaisseur environ 75 Å;

- NiCr d'épaisseur environ 15 Å;

- Si3N4 d'épaisseur environ 450 Å.

Bien que ne décrivant pas explicitement une couche de NiCr sous-oxydée, E6 (colonne 8, ligne 65 à colonne 9, ligne 1) décrit le terme "nichrome" (NiCr) comme désignant de manière générique une couche incluant diverses combinaisons de nickel et chrome, dont au moins une partie est présente dans son état métallique, bien que pouvant être oxydée. Le passage original se lit comme suit : "The term "nichrome" in like manner is used herein, in its generic sense to designate a layer which includes some combination of nickel and chromium, at least some of which is in its metallic state, although same may be oxidized".

4.3 Selon l'avis des requérantes, un alliage sous-oxydé à base de nickel et de chrome serait ainsi divulgué de manière directe et sans équivoque par E6.

La chambre observe qu'en colonne 12, lignes 59 à 65, E6 décrit en outre que le dépôt des couches métalliques 103 (80/20 nichrome), 105 (argent) et 107 (80/20 nichrome) est effectué sous atmosphère d'argon, mais que 5 à 10% d'oxygène peuvent être ajouté à cette dernière.

Au vu de cette information additionnelle, qui décrit de manière directe et sans équivoque la possibilité d'effectuer le dépôt de l'alliage à base de nickel et de chrome en présence d'oxygène, la chambre peut s'associer à l'avis des requérantes selon lequel une sous-couche d'alliage de nickel et de chrome sous-oxydé serait ainsi divulgué de manière directe et sans équivoque par E6.

L'intimée a rejeté cette interprétation sans toutefois produire aucune preuve à l'appui de ses allégations.

4.4 Il convient à présent de définir le problème à résoudre par l'objet revendiqué par rapport à la susdite divulgation du document E6.

4.4.1 La chambre note à cet égard que les verres revêtus selon E6 résolvent le même problème que celui du brevet contesté (voir point 4.1 ci-dessus), puisqu'ils sont supposés ne pas subir de dégradation de leurs propriétés optiques (couleur, émissivité, réflectance, transmittance, ...) lors d'un traitement thermique (voir E6, colonne 13, lignes 10 à 17).

4.4.2 L'intimée, se référant au paragraphe [0026] du brevet contesté, a prétendu que la sous-couche diélectrique d'oxyde de titane en contact avec la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé de deux métaux la plus proche du substrat - qui différencie l'objet de la revendication 2 du brevet contesté du contenu de E6 - servait de barrière à la migration du sodium depuis les couches superficielles du substrat et, ce faisant, contribuait de manière inattendue au maintien des propriétés optiques du revêtement lors du traitement thermique.

La chambre observe que le verre revêtu selon E6 (voir revendication 1) comprend de manière similaire une couche diélectrique à base de Si3N4 localisée à l'interface entre la couche de NiCr et le substrat en verre. Le matériau de la couche diélectrique est certes différent de celui à base d'oxyde de Ti mis en oeuvre dans la revendication 2 du brevet contesté, mais l'épaisseur de la sous-couche de Si3N4 du verre revêtu selon le document E6 présente une épaisseur d'environ 450 Å (45 nm) - voir en particulier le point 4.2 ci-dessus - c'est-à-dire une épaisseur au moins deux fois supérieure à celle de la couche de TiO2 selon les verres exemplifiés dans le brevet contesté (dont l'épaisseur varie de 11,5 à 23,0 nm), et il est incontestable pour la chambre qu'une telle épaisseur de Si3N4 agit nécessairement et dans une certaine mesure comme agent de blocage de la migration du sodium.

4.4.3 En l'absence de comparaison directe entre le verre revêtu selon E6 et celui selon la revendication 2 du brevet contesté, force est de constater qu'aucune amélioration en matière de protection contre la dégradation thermique des propriétés optiques ne peut être reconnue à l'objet revendiqué.

4.4.4 Dans de telles circonstances, il est d'usage de reformuler le problème à résoudre en des termes moins ambitieux, et dans le cas d'espèce, celui-ci réside en la mise à disposition d'un revêtement alternatif à celui de E6 et dont les propriétés optiques résistent de manière similaire à la dégradation lors d'un traitement thermique.

4.5 La solution proposée par le brevet contesté correspond au substrat transparent selon la revendication 2 de la requête principale, qui est en particulier caractérisé en ce que la sous-couche sous-jacente en contact avec la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé de deux métaux la plus proche du substrat est constituée d'oxyde de Ti.

4.6 Les exemples résumés dans les Tableaux A et C du brevet contesté montrent que la présence d'une telle sous-couche résout effectivement le problème susmentionné, les revêtements proposés par le brevet contesté ayant résisté à une dégradation de leurs propriétés optiques lors d'un traitement thermique de bombage (12 minutes à 635ºC) qui leur a été imposé (paragraphe [0051] du fascicule de brevet).

4.7 Il convient à présent d'apprécier si la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique, en particulier du document E34, comme soutenu par les requérantes.

4.7.1 E34 concerne un verre transparent revêtu bas-émissif (colonne 1, lignes 11 à 13), dont le revêtement préféré tel qu'exemplifié dans le Tableau 1 consiste en un empilement des couches successives suivantes :

verre/TiO2/NiCr/argent/NiCr/Si3N4.

Bien que silencieux sur l'état d'oxydation de la couche de NiCr, E34 explique que la mise en oeuvre d'une première sous-couche diélectrique constituée d'oxyde de titane a pour effet d'améliorer la transmission lumineuse du revêtement par comparaison avec une même sous-couche diélectrique à base de Si3N4 (E34, colonne 3, lignes 40 à 43).

4.7.2 La chambre est d'avis que, fort de cet enseignement sur l'avantage que produit la substitution du Si3N4 par TiO2 dans la sous-couche diélectrique, l'homme du métier en charge du problème susmentionné - à savoir trouver une composition de verre revêtu alternative à celle connue de E6 - a ainsi de bonnes raisons de remplacer la sous-couche de Si3N4 selon E6 par une couche d'oxyde de titane, tel que suggéré par E34.

4.7.3 L'intimée a argumenté que l'enseignement de E34 ne serait pas combinable avec celui de E6, du fait de l'absence d'information concernant la possibilité de faire subir un traitement thermique aux verres revêtus selon E34. Cet argument n'a pas convaincu la chambre car tel qu'indiqué ci-avant, l'homme du métier sait des informations disponibles du document E6 que l'efficacité de la couche de NiCr en matière de protection contre la dégradation des propriétés optiques de la couche d'argent est la même selon que NiCr soit sous une forme métallique ou sous une forme sous-oxydée. Il peut donc aisément anticiper ces propriétés de cet enseignement, et ce, quel que soit le matériau de la sous-couche diélectrique. La raison en est que ce sont les couches protectrices immédiatement voisines de la couche d'argent qui jouent un rôle primordial lors du traitement thermique et non la sous-couche diélectrique la plus proche du verre.

4.7.4 De ces diverses considérations, la chambre conclut que l'objet selon la revendication 2 découle de manière évidente de l'état de la technique et ne satisfait pas aux exigences de l'Article 56 CBE. La requête principale est par conséquent à rejeter.

5. Requêtes subsidiaires 1 et 2 - activité inventive

5.1.1 L'objet des revendications 2 selon ces deux requêtes est identique et diffère de celui selon la requête principale en ce que l'alliage de métaux sous-oxydé est défini comme étant à base de Ni et de Cr et en ce que le dépôt de cet alliage est réalisé sous une atmosphère d'oxygène et d'argon, avec la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr située au-dessus de la au moins une couche métallique étant déposée sous une atmosphère plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique.

5.2 La chambre partage l'avis des requérantes selon lequel les caractéristiques de procédé rajoutées - à savoir les caractéristiques définissant l'atmosphère dans laquelle sont déposées les couches sous-oxydées et métallique - à la revendication 1, qui est une revendication de produit, n'ont pas de caractère restrictif pour l'objet de la protection recherchée et ne conduisent en aucun cas à la production de couches de composition différentes de celles des couches correspondantes définies à la revendication 2 selon la requête principale, de portée par ailleurs plus large que les revendications 2 en question. Cet argument n'a pas été contesté par l'intimée, celle-ci ayant en outre expliqué que lesdites caractéristiques avaient été introduites pour surmonter les objections de défaut de description de l'invention soulevées par les requérantes.

5.3 Attendu qu'en outre l'alliage NiCr mis en oeuvre dans les documents E6 et E34 est "à base de Ni et de Cr", et que E1 décrit aussi la possibilité de mettre en oeuvre les éléments Ni et Cr comme constituants de l'alliage métallique sous-oxydé constitutif des couches de protection de la couche d'argent, l'argumentaire relatif à l'objet de la revendication 2 selon la requête principale s'applique de la même manière à l'objet de la revendication 2 selon les première et seconde requêtes subsidiaires, qui de ce fait ne sont également pas acceptables au titre de l'article 56 CBE.

6. Troisième requête subsidiaire

6.1 Modifications (Règle 80 CBE)

L'une des requérantes a demandé que la chambre juge irrecevable la troisième requête subsidiaire, car la modification selon laquelle la sous-couche à base d'un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr située au-dessus de la au moins une couche métallique était "déposée sous une atmosphère d'oxygène et d'argon plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique" (revendications 1 et 2) ne répondrait à aucun motif d'opposition et serait donc contraire aux exigences de la Règle 80 CBE.

La requérante a déclaré que cette modification avait été introduite dans l'optique de répondre au motif d'opposition selon l'Article 100(b) CBE invoqué à l'encontre des revendications telles que maintenues.

La chambre constate que ladite modification a été déposée suite à la formulation de diverses objections, et bien que ne limitant pas substantiellement la portée de la revendication concernée, la chambre ne voit pas de raison particulière de douter de l'argumentation présentée par l'intimée. C'est pourquoi, elle juge ladite modification recevable au regard de la règle 80 CBE.

6.2 Modifications (Article 123 CBE)

6.2.1 Les requérantes ont fait valoir que les caractéristiques relatives à l'atmosphère de dépôt de la couche métallique et des couches d'alliage sous-oxydé provenaient des exemples. Puisque celles-ci avaient en outre été isolées des autres caractéristiques avec lesquelles elles y étaient décrites en combinaison, le brevet aurait ainsi été modifié de sorte que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle que déposée, ce qui était contraire aux dispositions de l'Article 123(2) CBE.

6.2.2 La chambre ne peut suivre cet argument, car s'il est vrai que lesdites caractéristiques sont divulguées sous le chapitre intitulé "EXEMPLES" (pages 8 et 9 de la demande telle que déposée), celles-ci concernent tous les échantillons de verre revêtus dont la couche métallique à base d'argent est en contact avec au moins une sous-couche sous-jacente d´un oxyde de Ti, et dont chacune des couches diélectriques comprend une sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr avec la sous-couche à base d´un alliage sous-oxydé à base de Ni et de Cr la plus proche du substrat étant en outre en contact avec une sous-couche sous-jacente d´oxyde de Ti. Elles sont donc décrites directement et sans équivoque dans la demande telle que déposée en combinaison avec les caractéristiques selon la revendication 1 en question. Lesdites caractéristiques ayant été reprises dans la revendication 1 telles que décrites dans le passage allant de la page 8, ligne 30 à la page 9, ligne 3, à savoir en conservant leur caractère générique - les autres conditions opératoires, telles que pression, température ou encore concentration des gaz mis en oeuvre ne sont également pas divulguées dans ce passage - elles ne peuvent être considérés comme une généralisation non divulguée dans la demande telle que déposée. C'est pourquoi la chambre conclut que les caractéristiques proposées à titre de modification de la revendication 1 en instance ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

6.2.3 Les revendications dépendantes trouvent leur base comme suit dans la demande telle que déposée :

- revendications 2 à 9 : respectivement revendications 6 à 13;

- revendication 10 : revendications 13 et 1 à 5; page 8, ligne 26 à page 9, ligne 3;

- revendications 11 à 21 : respectivement revendications 14 à 24.

6.2.4 De ce qui précède, la chambre conclut que le jeu de revendications selon la 3**(ème)requête subsidiaire ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée et répond par conséquent aux exigences de l'Article 123(2) CBE.

6.2.5 L'objet revendiqué ayant en outre été restreint par rapport à l'objet tel que revendiqué dans le brevet contesté, la protection conférée par le brevet n'a pas été étendu et les conditions énoncées à l'Article 123(3) sont par conséquent remplies.

6.3 Clarté de la revendication 1 (Article 84 CBE)

6.3.1 L'une des requérantes a fait valoir un défaut de clarté à l'encontre de l'expression : "déposée sous une atmosphère plus oxydante que celle utilisée pour déposer la au moins une couche métallique", argumentant en particulier que la puissance d'une oxydation était non seulement dépendante de l'atmosphère mais aussi du matériau à oxyder. Elle a en particulier avancé le fait que l'argent était moins facilement oxydé que par exemple le nickel ou le chrome.

6.3.2 La chambre ne peut accepter cet argument car le libellé de la revendication est tel qu'il ne peut y avoir d'ambiguïté quant à sa signification. En effet, c'est l'atmosphère, et non la réaction en tant que telle - comme le laissait sous-entendre la requérante - qui doit être plus oxydante, et l'homme du métier connaît parfaitement les variables - en particulier la concentration des gaz, ou encore leur température ou leur pression - susceptibles de rendre l'atmosphère "plus oxydante".

C'est pourquoi la chambre juge que les conditions de l'Article 84 CBE sont satisfaites.

6.4 Nouveauté

L'objet des revendications en instance n'a plus été attaqué pour défaut de nouveauté au cours de la procédure orale.

Nonobstant, la chambre observe que l'objet de la revendication 1 se distingue en particulier du contenu des documents E1 et E34 - qui avaient été cités à l'encontre de la nouveauté des jeux de revendications précédentes - en ce que la couche métallique à base d'argent est en contact avec au moins une sous-couche sous-jacente d´un oxyde de Ti.

Aucun des autres documents dans la procédure ne divulguant en outre la combinaison des caractéristiques selon la revendication 1 en instance, celle-ci satisfait par conséquent au critère de nouveauté établi à l'Article 54(1)(2) CBE, tout comme par ailleurs les revendications 2 à 23, dépendantes de ladite revendication 1.

6.5 Activité inventive

6.5.1 Concernant l'évaluation de l'activité inventive de l'objet revendiqué, le raisonnement développé aux points 4.1 et 4.3 s'appliquent de manière identique aux revendications selon la requête en instance.

6.5.2 Eu égard à la définition du problème à résoudre, les requérantes soutiennent qu'au vu de l'état de la technique le plus proche, celui-ci consisterait en la simple mise à disposition d'un revêtement alternatif à celui selon E6.

La chambre ne peut accepter cette approche car, tel qu'indiqué par l'intimée et décrit au paragraphe [0025] du brevet contesté, la mise en oeuvre sous la couche métallique à base d'argent d'une sous-couche sous-jacente composée d'un oxyde notamment de titane favorise la recristallisation de l'argent durant le traitement thermique selon un mode tel que substantiellement aucun voile visible n'apparaisse dans le produit fini.

L'argument des requérantes selon lequel les produits selon E6 seraient commercialisés et ne présenteraient également aucun voile ne peut être retenu par la chambre, car aucune preuve n'a été présentée à l'appui de ces allégations.

Attendu que E6 n'aborde pas le problème du voile pouvant apparaître lors du traitement thermique mais que les verres revêtus selon E6 sont néanmoins supposés résister à la dégradation de leurs propriétés optiques (couleur, émissivité, réflectance, transmittance) par traitement thermique, le problème à résoudre par rapport à ce document réside en fait en la mise à disposition d'un substrat revêtu capable de supporter un traitement thermique de type trempe ou bombage sans dégradation de ses propriétés optiques et sans apparition d'un voile conséquent dans le produit revêtu.

6.5.3 La solution proposée par le brevet contesté consiste en le substrat transparent, objet de la revendication 1 selon la 3**(ème)requête subsidiaire, caractérisé en particulier en ce que la couche métallique à base d'argent est en contact avec au moins une sous-couche sous-jacente d´un oxyde de Ti.

6.5.4 Les exemples résumés dans les Tableaux A et C du brevet contesté montrent que la présence d'une telle sous-couche en combinaison avec les autres couches du revêtement revendiqué résout le problème susmentionné, les revêtements proposés par le brevet contesté ayant résisté à une dégradation de leurs propriétés optiques lors d'un traitement thermique de bombage (12 minutes à 635ºC) et ce, sans apparition conséquente d'un voile. L'une des requérantes a en outre précisé que pour être commercialisé un verre devait présenter un niveau de voile inférieur à 0,5% et on notera à cet égard que les échantillons produits selon l'invention présentent tous, après traitement thermique, un voile répondant à ce critère (voir Tableaux A et C).

6.5.5 Il convient à présent d'apprécier si la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique.

6.5.6 Les requérantes ont affirmé que l'objet selon la revendication 1 était évident au vu du contenu du document E6 pris en combinaison avec en particulier l'enseignement du document E5.

E5 (revendication 1) concerne un substrat revêtu susceptible d'être traité thermiquement et présentant une transmittance élevée et une faible émissivité comprenant :

- un substrat transparent;

- une première couche transparente anti-réflective d'un oxyde de métal comprenant du zinc déposée sur ledit substrat;

- une couche transparente métallique réfléchissant l'infrarouge déposée sur la couche d'oxyde;

- une couche primaire à base d'un métal choisi parmi le titane, le zirconium, le chrome, un alliage de zinc et d'étain, et leurs mélanges, déposée sur ladite couche métallique;

- une seconde couche transparente anti-réfléchissante d'un oxyde comprenant du zinc déposée sur ladite couche primaire.

Selon le mode de réalisation particulier décrit en la revendication 6, l'empilement de couches comprend une couche primaire additionnelle insérée entre la première couche anti-réflective d'un oxyde de métal comprenant du zinc et la couche métallique réfléchissant l'infrarouge.

Dans le mode de réalisation préféré décrit en colonne 6, lignes 20 à 54 (E5), les couches transparentes anti-réfléchissantes sont à base d'un alliage d'oxyde mixte de zinc et d'étain et les couches primaires à base d'oxyde de titane.

Selon E5 (colonne 5, lignes 45 à 56 jusqu'à colonne 6, ligne 8), les couches primaires ont pour but d'améliorer l'adhésion des couches à base d'oxyde de zinc avec la couche métallique, qui est en règle générale à base d'argent. Elles permettent en outre au verre revêtu de pouvoir subir un traitement thermique du type trempe, bombage, laminage ou encore recuit.

6.5.7 La chambre observe que E5 ne traite ni du problème de la résistance à la dégradation des propriétés optiques, ni de celui du voile pouvant résulter de l'application d'un traitement thermique d'un verre revêtu. En effet, le problème illustré dans E5 est tout autre, puisqu'il concerne l'amélioration de l'adhésion entre les couches, et donc l'homme du métier en charge du problème indiqué au paragraphe 6.5.2 ne peut trouver dans cet état de la technique d'incitation à utiliser la sous-couche d'oxyde de titane pour limiter l'apparition d'un voile au cours du traitement thermique du produit revêtu connu du document E6.

De ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que la combinaison du contenu de E6 avec l'enseignement de E5 ne peut mener à l'objet revendiqué.

6.5.8 Les autres documents cités par les requérantes ne contiennent pas plus d'information susceptible de suggérer, en combinaison avec le document E6, le substrat transparent revêtu selon la revendication 1.

6.5.9 Il s'ensuit que l'objection de défaut d'activité inventive procède manifestement d'une analyse a posteriori supposant une connaissance préalable de la solution telle que revendiquée. En conséquence de quoi, il y a lieu de conclure que l'objet de la revendication 1 satisfait aux exigences de l'Article 56 CBE.

6.5.10 Les revendications 2 à 21 dérivent leur brevetabilité de l'objet de la revendication 1, dont elles dépendent.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la première instance avec l'ordre de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 21 selon la 3**(ème)requête subsidiaire déposée au cours de la procédure orale, une description demeurant à y adapter.

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