European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2009:T006007.20090519 | ||||||||
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Date de la décision : | 19 Mai 2009 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0060/07 | ||||||||
Numéro de la demande : | 02004995.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | B60K 41/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Véhicule à super-condensateur de récupération d'énergie au freinage | ||||||||
Nom du demandeur : | MICHELIN Recherche et Technique S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | MAN Nutzfahrzeuge Aktiengesellschaft | ||||||||
Chambre : | 3.2.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive - requêtes principale et subsidiaires (non) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet nº 1 241 041. La division d'opposition avait notamment estimé que l'objet de la revendication 1 du brevet ne découlait pas à l'évidence de l'état de la technique tel qu'il est divulgué, entre autres, par les documents suivants:
E1: DE-A-44 30 670,
E2: DE-A-199 23 277.
II. Dans le mémoire exposant les motifs du recours la requérante maintient que l'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive. Elle s'appuie dans son argumentation sur le document E1 et cite de plus les documents suivants:
E6: "Kurbelwellenstartgenerator (KSG) - Basis für zukünftige Fahrzeugkonzepte: Integration elektrischer Maschinen in PKW - Antriebsstrang / Alfred Krappel; zweite, erweiterte Auflage, Expertverlag, 2000, ISBN 3-8169-1868-9", pages 204-213;
E7: "Der Autarke Hybrid - Optimierung des Antriebsstrangs hinsichtlich Energieverbrauch und Bestimmung des Einsparpotenzials"; Stefan Kerschl; Lehrstuhl für Maschinenelemente, Technische Universität München, 1998, ISBN 3-9806462-3-8, pages 4-7.
III. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 19 mai 2009.
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen en cause.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours (requête principale) ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet européen sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 4 selon la première requête subsidiaire ou des revendications 1 à 4 selon la deuxième requête subsidiaire, l'ensemble de ces requêtes ayant été déposées par lettre en date du 17 avril 2009.
IV. Le libellé de la revendication 1 telle que délivrée (requête principale) est le suivant (subdivision par caractéristiques M1 à M10 telle que proposée par la division d'opposition):
"(Ml) Chaîne de traction électrique pour véhicule, ladite chaîne de traction comprenant:
(M2)- une commande CA d'accélération et décélération à disposition du conducteur du véhicule;
(M3)- une unité de traitement (211 ,212) de la commande CA permettant de repérer et d'évaluer le couple moteur souhaité et de repérer et d'évaluer le couple freineur souhaité;
(M4)- au moins une machine électrique (231,112) reliée à au moins une roue motrice, et couplée à une ligne électrique reliant la source d'énergie électrique et la machine électrique, ladite machine électrique étant capable de fonctionner en moteur en absorbant de l'énergie électrique disponible sur la ligne électrique et en transmettant à ladite roue motrice un couple moteur, ladite machine électrique étant capable de fonctionner en génératrice en transmettant à ladite roue motrice un couple freineur et en restituant de l'énergie électrique sur la ligne électrique;
(M5)- un dispositif de stockage (41,42) d'énergie électrique branché sur ladite ligne électrique, le dispositif de stockage d'énergie électrique consistant en un ou plusieurs super-condensateurs;
(M6)- une source d'énergie électrique, disponible pour la traction du véhicule, autre que le dispositif de stockage d'énergie électrique;
(M7)- un dispositif de gestion du mode de fonctionnement sélectionnant un mode en récupération ou un mode en restitution d'énergie;
(M8)- une unité de pilotage (21,22) du couple appliqué à la roue du véhicule, permettant de
o en cas de demande de couple moteur, faire fonctionner la machine électrique en moteur en consommant l'énergie électrique stockée dans le dispositif de stockage d'énergie électrique tant que la charge du dispositif de stockage d'énergie électrique n'est pas minimale,
o en cas de demande de couple freineur, faire fonctionner la machine électrique en générateur en utilisant l'énergie électrique produite pour recharger le dispositif de stockage d'énergie électrique tant que la charge du dispositif de stockage d'énergie électrique n'est pas maximale, caractérisée en ce que
(M9)- l'unité de pilotage (21,22) du couple appliqué à la roue du véhicule utilise le dispositif de stockage d'énergie électrique autre que la source d'énergie électrique en priorité par rapport à l'utilisation de l'autre source d'énergie électrique, pour fournir l'énergie nécessaire à la traction du véhicule en cas de demande de couple moteur, et
(Ml0)- l'unité de pilotage (21,22) du couple appliqué à la roue du véhicule rechargera en priorité le dispositif de stockage de l'énergie électrique en priorité par rapport à l'utilisation de tout autre dispositif de freinage en cas de demande de freinage."
Le libellé de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire est identique à celui de la revendication 1 selon la requête principale.
Dans le libellé de la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire la caractéristique M6 de la revendication 1 selon la requête principale est remplacée par la caractéristique suivante:
"une source d'énergie électrique, disponible pour la traction du véhicule, autre que le dispositif de stockage d'énergie électrique, ladite source d'énergie électrique étant constituée par un moteur thermique, essence ou diesel, entraînant un alternateur et n'étant pas lié mécaniquement aux roues motrices du véhicule ou par une pile à combustible ou par une batterie électrochimique".
V. Au soutien de son action la requérante développe pour l'essentiel l'argumentation suivante:
L'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive au vu de la combinaison des documents E7, E6 et E1. Partant de la chaîne de traction connue du document E7, il est évident pour l'homme du métier, aussi bien d'un point de vue économique que d'un point de vue écologique, de récupérer autant que possible (jusqu'à la limite de surcharge) l'énergie cinétique du véhicule dans le dispositif de stockage lors d'une phase de décélération, en particulier lors du freinage (E1: colonne 7, lignes 50 et suivantes). De même, lors d'une phase d'accélération, il est également évident d'utiliser autant que possible (jusqu'à la limite à la décharge) l'énergie stockée dans le dispositif de stockage (E1: colonne 7, ligne 4 et suivantes). L'application de ce principe à la chaîne de traction connue du document E7 et munie d'un super-condensateur comme dispositif de stockage (voir aussi E6) conduit de manière évidente à l'objet du brevet mis en cause.
VI. L'intimée a réfuté l'argumentation de la requérante en faisant valoir pour l'essentiel ce qui suit:
La démarche présentée par la requérante dans son mémoire exposant les motifs du recours et reprise, à titre provisoire, par la Chambre dans son annexe à la convocation à la procédure orale, qui consiste, à partir du document D7, à parvenir de manière prétendument évidente au dispositif revendiqué est artificielle et repose sur la connaissance ex post facto de l'invention. En particulier, le problème technique défini dans l'opinion provisoire de la Chambre ("optimiser le rendement pour des trajets urbains comportant une fréquence élevée de phases d'accélération/freinage") n'est pas le problème objectif et sa définition relève d'un raisonnement a posteriori. Comme décrit à la fin du paragraphe [14] du brevet (colonne 5), le véhicule visé par l'invention reste un véhicule polyvalent destiné à rouler aussi bien en campagne qu'en ville, en plaine qu'en montagne. Le problème résolu par l'invention est donc plus générique en réalité et consiste à utiliser dans les meilleures conditions de rendement global possible l'énergie récupérée lors des freinages. Face à ce problème complexe, une multitude de conditions de fonctionnement de la source d'énergie autre que le dispositif de stockage, en l'occurrence le moteur thermique qui entraîne l'alternateur de la figure 1-1 de E7d, s'offre à l'homme du métier. Cette multitude de conditions de fonctionnement associée aux variations de rendement de l'autre source d'énergie aboutit à une quasi-infinité de profils possibles du rendement de cette autre source d'énergie. Devant ce nombre énorme de profils de rendement, une quasi-infinité de solutions d'utilisation de l'énergie stockée dans le dispositif de stockage s'offre à l'homme du métier qui cherche à optimiser la consommation d'énergie. Par exemple, le document E7 lui-même, comme d'ailleurs les documents E1 et E2, propose d'exploiter l'énergie du dispositif de stockage électrique dans un mode "booster" lors de fortes accélérations (page 7, deuxième partie de l'avant dernier paragraphe). Au demeurant, les références au cycle urbain ou à la circulation du véhicule dans une zone "zéro émission" invoquées par la requérante et citées dans E6 ou E7 ne peuvent en aucun cas permettre à l'homme du métier d'en déduire les règles de priorité de la revendication 1 (caractéristiques M9 et M10). Les inventeurs du brevet en cause ont fait preuve d'activité inventive en proposant une solution simple, basée sur une approche quantitative, consistant à utiliser immédiatement et systématiquement l'énergie gratuite issue de la récupération au freinage et en faisant abstraction des critères usuels réglant l'opportunité de l'utilisation de cette énergie. Force est de constater qu'aucun des documents cités par la requérante ne divulgue, ni ne suggère d'utiliser l'énergie issue de la récupération conformément aux règles de priorité divulguées dans la revendication (caractéristiques M9 et M10).
En conclusion, le dispositif selon la revendication 1 doit être tenu comme brevetable car nouveau et impliquant une activité inventive.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable
2. Requête principale; activité inventive
2.1 Comme l'a reconnu l'intimée au bas de la page 2 de sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours ainsi qu'au cours de la procédure orale, l'état de la technique le plus proche pour juger de l'activité inventive est la chaîne de traction pour véhicule hybride divulguée dans la section du document E7 intitulée "Serieller Hybridantrieb" (pages 4-5).
L'intimée a également estimé que l'ensemble des caractéristiques constitutives de la chaîne de traction de la revendication 1 telle que délivrée ainsi que ses caractéristiques fonctionnelles se retrouvent dans la chaîne de traction du document E7. En effet, on reconnait dans la figure 1.1 de la page 5 de E7 une machine électrique (E-Motor-Generator), un dispositif de stockage d'énergie électrique (Batterie) et une source d'énergie électrique disponible pour la traction du véhicule autre que le dispositif de stockage d'énergie électrique (Generator). Le document E7 précise de plus que le dispositif de stockage d'énergie électrique (voir page 5, premier paragraphe:"Energiespeicher") peut se présenter sous la forme d'une batterie ou de super-condensateurs ("Supercaps").
2.2 Par conséquent, comme l'a également reconnu l'intimée, la chaîne de traction selon la revendication 1 telle que délivrée ne se distingue de cet état de la technique que par les règles de priorité pour la gestion du dispositif de stockage qui font l'objet des caractéristiques M9 et M10 de la revendication.
2.3 La Chambre s'accorde avec l'intimée pour considérer que le problème résolu par l'invention est celui de récupérer et stocker dans les meilleurs conditions de rendement global possible l'énergie récupérée lors des freinages (colonne 1, paragraphe 4 du brevet).
La question qui se pose est donc de savoir si ces règles de gestion découlent à l'évidence de l'état de la technique pour un homme du métier qui désirerait optimiser le rendement énergétique du véhicule.
2.4 Le document E7 précise (voir page 5, premier paragraphe) que le dispositif de stockage d'énergie permet de récupérer l'énergie à la décélération ("Nutzung der Schubenergie durch Rekuperation"). La mise en oeuvre d'un tel mode de récupération est bien connu de l'homme du métier. Comme le montre le document E1 (voir en particulier colonne 1, lignes 27-35 et colonne 2, lignes 26-32), il s'agit, lors d'une demande de freinage, de charger autant que possible et de manière prioritaire le dispositif de stockage d'énergie électrique en faisant fonctionner la machine électrique en générateur, ceci tant que le dispositif de stockage n'a pas atteint sa charge maximale. Par conséquent, la caractéristique M10 ne peut impliquer une activité inventive.
2.5 De même qu'il est évident pour l'homme du métier de récupérer autant que possible l'énergie cinétique du véhicule dans le dispositif de stockage lors d'une phase de décélération, il est également évident d'utiliser autant que possible l'énergie stockée dans le dispositif de stockage lors d'une phase d'accélération. Les seules limites à ce principe sont d'éviter de dépasser un niveau de charge maximale (surcharge) ou un niveau de charge minimale (sur-décharge) du dispositif de stockage. Une telle approche "quantitative" a déjà été suggérée par le document E1: voir colonne 2, lignes 9-25; colonne 7, lignes 4 et suivantes ainsi que lignes 50 et suivantes.
2.6 En liaison avec des dispositifs de stockage d'énergie électrique, le document E6 se rapporte au développement d'une nouvelle génération de super-condensateurs ainsi que de leur possibilité d'applications dans le domaine de la traction des véhicules automobiles (pages 204 à 213). Plus particulièrement, E6 met l'accent sur des avantages spécifiques de ces super-condensateurs, avantages que les dispositifs de stockage conventionnels tels que des batteries électrochimiques ne pouvaient jusqu'alors procurer, à savoir de supporter un nombre très élevé de cycles charge/décharge sans pertes de puissance (page 204, cinquième paragraphe; page 209: "Ultracapacitor characteristics") et d'avoir une capacité de stockage énergétique (123 KJoules) pour une utilisation qui soit certes, de courte durée, mais idéalement utilisable dans des cycles décélération/accélération d'un véhicule automobile (pages 212, dernier paragraphe et page 213). En particulier, l'avant-dernier paragraphe de la page 213 propose de stocker dans une telle unité de stockage l'énergie issue du freinage pour la réutiliser lors de la prochaine accélération ("store 123 KJoules ...which could be used on the next acceleration").
2.7 Compte-tenu de ces indications dans l'état de la technique, la Chambre juge que le mode de gestion selon la caractéristique M9, qui consiste à utiliser immédiatement et en priorité, c'est-à-dire dès qu'une demande en couple moteur pour effectuer une accélération se manifeste, l'énergie préalablement stockée dans les super-condensateurs lors du freinage, est évidente pour l'homme du métier qui désire maximiser le rendement et réduire la consommation de carburant du moteur thermique.
2.8 Au cours de la procédure orale, l'intimée a affirmé que le mode de gestion par priorité tel qu'il est revendiqué (caractéristiques M9-M10) serait un mode unique qui serait utilisé systématiquement pendant toute la durée de vie du véhicule. La chaîne de traction selon l'invention n'a cependant pas été divulguée comme telle. Selon les indications du paragraphe [0028] de la description du brevet en cause, la chaîne de traction peut basculer entre plusieurs modes de gestion, en particulier un mode "booster". Ces indications relativisent, quant à sa constance en fonction du temps, la signification du terme "en priorité" et confèrent à la revendication une portée plus large que ne l'estime l'intimée.
2.9 D'après les indications de l'état de la technique (voir E6), il est clair que le super-condensateur est un élément intéressant pour le stockage de l'énergie électrique embarquée comme source pour une demande de fortes puissances pendant un temps relativement court. La Chambre juge que l'homme du métier ne manquera pas faire le lien entre ces propriétés et leur utilisation potentielle immédiate dès qu'une demande en accélération survient, une telle demande alternant toujours, tôt ou tard en condition de circulation, avec des phases de freinage.
2.10 La Chambre conclut de ce qui précède que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée n'implique pas une activité inventive.
3. Cette conclusion s'applique également à l'objet de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire puisque cette revendication est identique à celle de la requête principale.
4. La revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire précise simplement que la source d'énergie électrique, disponible pour la traction du véhicule, autre que le dispositif de stockage d'énergie électrique, peut être constituée par un moteur thermique, essence ou diesel, entraînant un alternateur et n'est pas lié mécaniquement aux roues motrices. Une telle caractéristique est connue du document E7 (voir figure 1.1, page 5). Les modifications effectuées dans la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire ne permettent pas, par conséquent, à l'objet revendiqué de remplir la condition d'activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.