T 1916/06 () of 26.11.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T191606.20091126
Date de la décision : 26 Novembre 2009
Numéro de l'affaire : T 1916/06
Numéro de la demande : 99109163.8
Classe de la CIB : C14C 15/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Tonneau de foulonnage, teinture et tannage
Nom du demandeur : Erretre S.p.A.
Nom de l'opposant : Italprogetti Engineering S.r.l.
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 111(1)
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Usage antérieur public (non)
Renvoi à la première instance (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (titulaire du brevet) a introduit un recours le 21 décembre 2006 contre la décision de la division d'opposition signifiée par voie postale le 26 octobre 2006 de révoquer le brevet européen nº 0 960 948. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :

"1. Tonneau de foulonnage, teinture et tannage, alimenté par trois moyens d'alimentation distincts, à savoir des moyens d'alimentation en air (2), des moyens d'alimentation en eau (3) et des moyens d'alimentation en produits chimiques (4), les moyens d'alimentations en air (2) comprenant un ventilateur (6), un dépoussiéreur (7) et une batterie de chauffage (8), les moyens d'alimentation en eau (3) et en produits chimiques (4) comprenant des buses de pulvérisation (16, 17) respectives, propres à introduire l'eau et les produits chimiques sous forme nébulisée dans le tonneau, caractérisé en ce que, d'une part, les buses (16) de pulvérisation d'eau et, d'autre part, les buses (17) de pulvérisation de produits chimiques sont prévues sur deux parois opposées du tonneau (1)."

II. Une opposition avait été formée en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de défaut de nouveauté et d'activité inventive (article 100 a) CBE) eu égard à plusieurs usages antérieurs publics comprenant la vente de tonneaux de foulonnage par l'opposante (intimée), c'est à dire la société Italprogetti Engineering Srl (ci-après Italprogetti) aux sociétés Cofinpel Srl (ci-après Cofinpel), La Domani SpA Conceria (ci-après La Domani) et Otanka SA (ci-après Otanka). A l'appui de leurs prétentions quant aux usages antérieurs publics allégués, l'opposante et la titulaire avaient présenté :

a) Pour la vente d'un tonneau à Cofinpel les documents suivants :

(1) Facture d'Italprogetti à Cofinpel datée du 27 février 1997, portant le nº 26/I

(2) Bon de livraison d'Italprogetti à Cofinpel daté du 04 février 1997, portant le nº 317

(3) Bon de livraison d'Italprogetti à Cofinpel daté du 05 février 1997, portant le nº 337

(4) Bon de livraison d'Italprogetti à Cofinpel daté du 10 février 1997, portant le nº 374

(5) Bon de livraison d'Italprogetti à Cofinpel daté du 28 février 1997, portant le nº 564,

(6) Extrait du registre des tonneaux fabriqués par Italprogetti,

(7) Déclaration de M. Serrini, président d'Italprogetti, datée du 16 avril 2007

(21) Déclaration de M. Donati, Président de Cofinpel, datée du 21 février 2005

ainsi qu'une série de photographies C1 à C10.

b) Pour la vente d'un tonneau à La Domani, outre les documents (6) et (7) précités, le document :

(9) Facture d'Italprogetti à La Domani datée du 28 février 1997, portant le nº 45/I

c) Pour la vente d'un tonneau à La Domani, par la suite revendu à la société Conceria Helena, les documents suivants :

(l7) Facture d'Italprogetti à La Domani datée du 15 janvier 1997, portant le nº 7/D

(l8) Facture de La Domani à la société Conceria Helena datée du 31 mai 2001, portant le nº 501

(l9) Déclaration de M. Ghizzani, Président de la société Conceria Helena, datée du 21 février 2005

(20) Déclaration de M. Caponi, Ex-président de La Domani, datée du 21 février 2005

ainsi qu'une série de photographies R3 à R7.

d) Pour la vente de tonneaux à Otanka, revendus par la suite à la société "Dongsung Co. Ltd", outre les documents (6) et (7) précités les documents :

(10) Facture d'Italprogetti à Ontaka datée du 12 juin 1997, portant le nº 119/I

(12) Déclaration de la société Ontaka datée du 30 août 2004

(13) Courrier électronique de M. Se Kyun Shin de la société PT Samwoo Indonesia daté du 04 septembre 2004

ainsi que des photographies P2.1 à P2.5.

III. Selon les motifs de la décision contestée, la vente par l'opposante d'un tonneau de foulonnage à Cofinpel et celle d'un autre tonneau de foulonnage à La Domani, avant que ce dernier ne soit revendu à la société Conceria Helena, constituaient des usages antérieurs publics préjudiciables à la nouveauté de l'objet de la revendication 1 dont la définition n'excluait pas une configuration des tonneaux dans laquelle une buse de pulvérisation se trouvait située sur chaque côté opposé, ces deux buses servant à introduire l'eau et/ou les produits chimiques. Les tonneaux vendus comprenaient selon les expressions employées dans la décision "des buses de pulvérisation présentes sur les (deux) parois opposées du tonneau". Le fait que les tonneaux vendus à Otanka ne contenaient pas "de buses de chaque côté du tonneau" (sic) ne permettait pas pour autant de mettre en doute les autres usages antérieurs publics invoqués.

IV. Une revendication 1 amendée formant la base de la requête principale de la requérante a été soumise par télécopie du 26 février 2007 avec le mémoire exposant les motifs du recours. Cette revendication modifiée visait selon les dires de la requérante à clarifier la revendication 1 telle que délivrée en définissant que les tonneaux possédaient au moins une buse sur chaque face opposée, ce qui selon la requérante avait été l'intention du titulaire lors du dépôt de la demande de brevet. La requérante a fourni de plus avec le mémoire exposant les motifs du recours une déclaration de M. Galugi datée du 23 février 2007 (ci-après document (22)).

V. En réponse à la notification de la Chambre datée du 20 juillet 2009 accompagnant la citation à la procédure orale, dans laquelle il était indiqué que contrairement à la déclaration de la demanderesse datée du 18 décembre 2002 le texte de la demande du brevet en cause telle que déposée n'était pas une traduction intégrale de la demande Italienne VI98A000107 dont la priorité était revendiquée, la requérante a fourni par courrier du 21 septembre 2009 une traduction certifiée en Français du document de priorité.

VI. Lors de la procédure orale devant la Chambre tenue le 26 novembre 2009 la requérante a retiré en réaction aux objections formulées par la Chambre dans sa notification du 20 juillet 2009, et réitérées lors de l'audience, la requête comprenant la revendication 1 amendée. La requérante et l'intimée ont explicitement reconnu lors de l'audience que la revendication 1 du brevet litigieux requérait plusieurs buses de pulvérisation d'eau disposées sur deux parois opposées du tonneau, ainsi qu'en sus plusieurs buses de pulvérisation de produits chimiques également situées sur lesdites parois opposées, ce qui impliquait la présence d'une pluralité de buses sur chacune des deux parois opposées du tonneau. Il en découlait également selon l'intimée que la revendication 1 telle que délivrée ne couvrait pas les tonneaux pour lesquels différents usages antérieurs publics avaient été invoqués et que la nouveauté de l'objet revendiqué était par conséquent établie. La requérante a demandé à la Chambre lors de l'audience de statuer sur l'activité inventive, alors que l'intimée a demandé le renvoi à l'instance du premier degré s'il était fait droit au recours. La requérante n'a cependant pas su répondre aux questions de la Chambre visant à comprendre quelle était la signification exacte à attribuer à la description de l'état de la technique donnée aux paragraphes [0006] et [0007] du brevet litigieux.

VII. Concernant les usages antérieurs publics invoqués, les arguments présentés par la requérante qui sont pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

e) Les factures et bons de livraison reproduits dans les documents (1) à (5) prouvaient uniquement qu'Italprogetti avait vendu à Cofinpel un tonneau de foulonnage comprenant un système de chauffage, ainsi que des moyens de filtration, de régulation de la température et du degré d'humidité. Ils n'indiquaient cependant ni le nombre, ni la disposition des buses de pulvérisation. Ces factures et bons de livraison ne pouvaient également pas être reliés sans équivoque aux photographies C1 à C10. Il ne pouvait également pas être certain que toutes les photographies correspondent au même appareil, ce qui ne permettait pas de relier avec certitude les caractéristiques montrées individuellement par chaque photographie avec d'une part la plaque portée par l'appareil et d'autre part les factures et bons de livraison produits. La déclaration de M. Donati (document (21)) se cantonnait à déclarer que le tonneau vendu correspondait à celui montré sur les photographies C1 à C10 et mentionné sur les documents (1) à (5), mais n'en indiquait pas la structure, en particulier le nombre de buses de pulvérisation et leur disposition.

f) Similairement, les factures reproduites dans les documents (17) et (18) n'indiquaient pas la présence de buses de pulvérisation dans le tonneau de foulonnage vendu à La Domani, et a fortiori leur nombre et leur disposition mutuelle. De plus, il n'était pas possible de relier avec certitude l'ensemble des photographies R3 à R7, ce qui ne permettait pas de s'assurer que les caractéristiques montrées individuellement par chaque photographie appartiennent à un seul et même tonneau. L'existence d'un lien entre les caractéristiques montrées par ces photographies et les factures produites ne pouvait donc pas être établie. De plus, ces photographies ne montraient pas si les buses représentées étaient installées de manière à ce qu'elles puissent fonctionner simultanément. Ceci n'était également pas indiqué dans les déclarations de M. Caponi et M. Ghizzani (documents (19) et (20)) qui n'expliquaient par ailleurs pas la configuration des tonneaux.

VIII. Concernant les usages antérieurs publics invoqués, les arguments présentés par l'intimée qui sont pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

a) Le tonneau de foulonnage livré à Cofinpel possédait, tel que montré par les photographies C1 à C10, des moyens d'alimentation en air comprenant un ventilateur, un dépoussiéreur et une batterie de chauffage, des moyens d'alimentation en eau et/ou en produits chimiques comprenant deux buses de pulvérisation disposées sur les faces opposées du tonneau. De plus, selon la déclaration de M. Donati (document (21)), les photographies C1 à C10, bien que prises ultérieurement, montraient le tonneau tel qu'installé à l'origine. La déclaration de M. Serrini (document (7)) confirmait la structure dudit tonneau. De par la structure de l'appareil il n'était pas possible de montrer sur une seule photographie toutes les caractéristiques techniques du tonneau. Que le drapé du cuir présent dans le tonneau soit le même sur les différentes photographies C1 à C10 prouvait que ces photographies montraient un seul et même tonneau. De plus, selon la déclaration de M. Serrini (document (7)) les buses de pulvérisation des moyens d'alimentation en produits chimiques et en eau étaient disposées sur les deux faces opposées du tonneau dans une zone centrale de celui-ci.

b) Le tonneau de foulonnage livré à La Domani et revendu à la société Conceria Helena possédait également, tel que montré par les photographies R3 à R7, des moyens d'alimentation en air comprenant un ventilateur, un dépoussiéreur et une batterie de chauffage, des moyens d'alimentation en eau et/ou en produits chimiques comprenant deux buses de pulvérisation disposées sur les faces opposées du tonneau. La vente du tonneau par l'opposante était montrée par les factures des documents (17) et (18), ainsi que par les déclarations de M. Caponi et M. Ghizzani (documents (19) et (20)), selon lesquelles la configuration du tonneau n'avait pas été changée depuis son installation initiale. La déclaration de M. Serrini (document (7)) confirmait la structure dudit tonneau. Elle montrait que le tonneau possédait des moyens d'alimentation en produits chimiques et en eau comprenant des buses de pulvérisation disposées sur les deux faces opposées du tonneau dans une zone centrale de celui-ci.

IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré.

X. L'intimée a demandé le rejet du recours.

XI. La décision a été prononcée à l'issue de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Signification de la revendication 1

2. Devant la division d'opposition et jusqu'à l'audience devant la Chambre les parties avaient unanimement considéré que la revendication 1 du brevet litigieux pouvait couvrir, bien qu'elle ne l'énonce pas, un mode de réalisation dans lequel le tonneau de foulonnage possèderait une buse de pulvérisation d'eau sur une première paroi et une buse de pulvérisation de produits chimiques sur la paroi opposée, ou un mode de réalisation dans lequel le tonneau de foulonnage aurait une buse sur chaque côté servant à introduire l'eau et les produits chimiques. Quels que soient les motifs des parties pouvant les mener à une telle lecture de la revendication 1 en litige, qu'il s'agisse de rechercher la révocation du brevet litigieux pour défaut de nouveauté au vu d'usages antérieurs allégués, ou d'obtenir la protection la plus large possible pour le brevet litigieux, il aurait appartenu à la division d'opposition en vertu de l'article 114 (1) CBE d'examiner en dépit de l'opinion unanime des parties sur cette question la signification de la revendication 1, d'arriver à la lumière de leurs arguments à une conclusion et d'en donner les raisons dans les motifs de la décision. Le raisonnement ayant conduit la division d'opposition à accepter la lecture faite par les parties de la revendication 1 du brevet litigieux relève de la pure conjecture. Les motifs de la décision contestée ne contiennent ni une analyse des termes de la revendication 1 du brevet litigieux, ni une explication permettant à la Chambre de comprendre pourquoi une telle interprétation était nécessaire. Le fait que les parties elles-mêmes n'aient pas avancé d'arguments en faveur d'une telle interprétation ne dispensait pas la division d'opposition de fournir un raisonnement à l'appui de celle-ci.

3. Le texte de la revendication 1 requiert la présence de "trois moyens d'alimentation distincts, à savoir des moyens d'alimentation en air (2), des moyens d'alimentation en eau (3) et des moyens d'alimentation en produits chimiques (4)". La première partie de la revendication 1 énonce donc que ces trois moyens d'alimentation sont distincts, ce qui implique nécessairement que les moyens d'alimentation en eau et ceux en produits chimiques le sont. La revendication 1 énonce par la suite "les moyens d'alimentation en eau (3) et en produits chimiques (4) comprenant des buses de pulvérisation (16, 17) respectives, propres à introduire l'eau et les produits chimiques sous forme nébulisée dans le tonneau", ce qui signifie sans ambiguïté aucune que les moyens d'alimentation en eau (3) et ceux en produits chimiques (4) comprennent chacun des buses de pulvérisation. Les buses de pulvérisation (16) et les buses de pulvérisation (17) appartenant respectivement aux moyens d'alimentation en eau (3) et aux moyens d'alimentation en produits chimiques (4) qui sont distincts (voir ci-dessus), il est exclu que les buses (16) ou (17) puissent appartenir à la fois aux moyens d'alimentation en eau (3) et à ceux en produits chimiques (4). Par conséquent, la première partie de la revendication 1 définit sans ambiguïté que le tonneau comprend des buses (16) destinées à la pulvérisation d'eau et en sus des buses (17) pour la pulvérisation de produits chimiques. L'existence d'une pluralité de buses (16), en supplément d'une pluralité de buses (17) est confirmée à la lecture de la deuxième partie de la revendication 1 par l'utilisation des expressions "d'une part" et "d'autre part". Par conséquent, le nombre de buses (16) étant supérieur à 1 et celui des buses (17) présentes en sus des buses (16) étant également supérieur à 1, il est exclu que la revendication 1 présente couvre des modes de réalisation dans lesquels les tonneaux de foulonnage possèderaient deux buses au total disposées sur les parois opposées.

4. Aucun des passages du brevet litigieux ne contredit le sens naturel donné ci-dessus aux termes de la revendication 1, ni ne permet de douter qu'un nombre différent de buses ait pu être envisagé. Les paragraphes [0009] et [0022], ainsi que la figure 1 du brevet ne font que confirmer la lecture devant être faite de la revendication 1. L'argument qu'une autre signification de la revendication 1 pourrait être envisagée au vu du paragraphe [0010] qui s'énonce "Une forme préférentielle, mais non limitative, de disposition prévoit que les buses, aussi bien pour l'introduction de l'eau que pour l'introduction des produits chimiques, soient disposées en regard les unes des autres et positionnées sensiblement au niveau de l'axe de rotation du tonneau" ne saurait convaincre. Cet argument repose uniquement sur une interprétation du paragraphe [0010] qui ne pourrait émerger qu'à partir d'une lecture peu naturelle et de plus isolée, ce paragraphe étant pris hors de son contexte, c'est à dire en ignorant le paragraphe précédant définissant le cadre général englobant la forme préférentielle dont il est question dans le paragraphe [0010]. Par conséquent, le lecteur du brevet litigieux ne saurait trouver matière à donner aux termes clairs et précis de la revendication 1, dont le sens manifeste ne conduit à aucune incohérence, une autre signification. Dans ces circonstances et en vertu du principe selon lequel il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interprétation, énoncé par l'adage in claris non fit interpretatio, la Chambre conclut contrairement à la division d'opposition que l'objet du brevet litigieux ne peut pas porter sur des tonneaux de foulonnage comprenant en tout deux buses de pulvérisation situées sur les côtés opposés. Par conséquent, la revendication 1 requiert la présence de plusieurs buses (16) de pulvérisation d'eau, ainsi qu'en supplément plusieurs buses (17) de pulvérisation de produits chimiques, les buses (16) ainsi que les buses (17) étant disposées sur deux parois opposées du tonneau.

Nouveauté

5. Bien qu'il puisse d'ore et déjà être conclu que l'objet du brevet litigieux ne peut être anticipé par les usages antérieurs publics invoqués qui concernent selon les dires de l'intimée des tonneaux de foulonnage comprenant en tout deux buses de pulvérisation disposées sur deux parois opposées, il y a toutefois lieu d'examiner si ces usages antérieurs peuvent être considérés comme établis et représenter un état de la technique aux termes de l'article 54(2) CBE dont il pourrait être tenu compte pour l'évaluation de l'activité inventive.

Analyse des usages antérieurs publics allégués

6. Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours, il est nécessaire avant de conclure qu'un usage est compris dans l'état de la technique de s'assurer que les preuves produites permettent d'emporter la conviction de l'instance ayant à rendre la décision. Elles doivent permettre de constater avec une conviction pratiquement absolue, en d'autres termes avec une certitude allant au-delà de tout doute raisonnable, qu'un tel usage a bien eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux. Les moyens de preuve invoqués par l'intimée reposent sur différentes déclarations émanant des sociétés impliquées dans les usages antérieurs publics allégués, ainsi que sur deux séries de photographies. Outre le fait que la décision contestée se base sur une interprétation de la revendication 1 qui n'était pas nécessaire et pour laquelle la division d'opposition n'a point fourni de justification (voir point 4 supra), il ne ressort pas de la décision contestée que les déclarations et éventuellement les autres moyens de preuves sensés corroborer ces déclarations aient fait l'objet d'un examen rigoureux, ni même que la division d'opposition en ait tout du moins apprécié la fiabilité. Lorsque les preuves invoquées font intervenir des déclarations décrivant des faits passés, le principe de la "libre appréciation des moyens de preuve" signifie qu'il y a lieu d'apprécier la fiabilité de celles-ci, c'est-à-dire d'examiner si ces déclarations reflètent ce qui s'est exactement produit en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, et notamment de l'existence d'autres preuves indépendantes les corroborant (voir La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'Office européen des brevets, 5**(ème) édition, 2006, VI.K.4).

7. Les allégations d'usages antérieurs avancées par l'intimée concernent des ventes de tonneaux par Italprogetti aux sociétés Cofinpel et La Domani. Un de ces tonneaux vendu dans un premier temps à la société La Domani fut selon l'intimée vendu par la suite à la société Conceria Helena Srl.

Document (7)

8. Bien que le document (7) soit une déclaration du président de la société fabriquant les tonneaux dont la commercialisation est invoquée, ce document n'indique pas de quelle manière son auteur, à la date de la déclaration, c'est à dire 7 ans après les ventes invoquées, avait connaissance des informations présentées. Il ne peut être déduit de cette déclaration qu'il ait été personnellement impliqué dans la livraison des tonneaux et leur installation dans les locaux des clients.

9. Concernant les faits relatés, il y a lieu de porter attention sur les points (1) et (2) de cette déclaration. Selon le point (1), des tonneaux de foulonnage tels que montrés sur les photographies 1 à 8 jointes à la déclaration (c'est à dire C1 à C8) ont été dans la période couvrant 1996 à avril 1998 livrés à 5 sociétés différentes, notamment Cofinpel, La Domani, et Otanka tel que montré respectivement par les factures nº 26/I du 27 février 1997, nº 45/I du 28 février 1997 et nº119/I du 12 juin 1997, c'est-à-dire les documents (1), (9) et (10). Le point (2) de la déclaration comporte une description commune des tonneaux vendus aux sociétés mentionnées ci-dessus. Ils sont décrits posséder a) des moyens d'alimentation en air comprenant un ventilateur, un dépoussiéreur et une batterie de chauffage, b) des moyens d'alimentation en eau comprenant des buses de pulvérisation montées dans une zone centrale sur les deux parois opposées du tonneau et c) des moyens d'alimentation en produits chimiques comprenant des buses de pulvérisation montées dans une zone centrale sur les deux parois opposées du tonneau. Contrairement à la déclaration, les photographies 1 à 8 mentionnées ne montrent pas les tonneaux correspondant aux ventes indiquées, mais seulement, ainsi qu'il ressort du mémoire d'opposition et de la position de l'intimée lors de la procédure de recours, celui qui aurait été livré à Cofinpel. Une comparaison d'une part des photographies C5 et C6 sensées représenter le tonneau vendu à Cofinpel et d'autre part de la photographie R3 sensée montrer le tonneau vendu à La Domani, montre par exemple que la structure des parois comprenant les buses de pulvérisation n'est pas la même pour les deux tonneaux. Des différences concernant la taille du renforcement dans lequel la buse est placée ainsi que l'emplacement et le nombre de perforations dans les parois opposées sont en particulier évidentes. De plus, l'argument présenté par la requérante sur la base des documents (12) et (13) et de la photographies P2.1, selon lequel le tonneau livré à Otanka par Italprogetti (c'est à dire l'opposante et intimée) ne contenait qu'une seule buse de pulvérisation, a été accepté par l'intimée au cours de la procédure d'opposition comme il ressort du point 3.2. b) de sa lettre datée du 22 mars 2005. Il en découle que la déclaration soumise faisant l'objet du document (7) contient principalement des indications d'ordre purement général qui ne peuvent à l'évidence couvrir les différents usages antérieurs publics allégués et dont résulte des imprécisions ou contradictions apparentes.

10. De plus, la description des tonneaux sous les points (2)a), (2)b) et (2)c) de cette déclaration présente de nombreuses similitudes avec l'énoncé de la revendication 1 litigieuse, aussi bien par le choix du vocabulaire, que par la séparation entre la description des moyens d'alimentation en eau et en produits chimiques. Si l'énoncé des caractéristiques des tonneaux dont la vente est alléguée ne reflétait pas les souvenirs de son auteur tels qu'il entendait les exposer, mais devait avoir été influencé par la formulation des revendications du brevet litigieux, la force probante de cette déclaration en serait amoindrie. Si tel n'est pas le cas, la déclaration sous les points (2)b) et (2)c) ne peut qu'indiquer que les tonneaux comprenaient plusieurs buses de pulvérisation d'eau en sus des buses de pulvérisation pour les produits chimiques. Or de toute évidence, les tonneaux montrés sur les photographies concernant trois des ventes invoquées dans cette déclaration (Cofinpel, La Domani et Otanka) ne comprennent tout au plus que deux, voire une seule buse de pulvérisation.

11. Par conséquent, outre le fait qu'il n'a pas été indiqué si l'auteur de la déclaration fut personnellement impliqué dans la livraison et l'installation des tonneaux dont la vente est alléguée, les nombreuses imprécisions et contradictions contenues dans la déclaration sont suffisantes pour douter de sa fiabilité. Il ne peut donc y être attaché une quelconque force probante, si ce n'est que des tonneaux dont la référence apparaît à la fois dans cette déclaration et les factures (1), (9) et (10) ont été livrés aux sociétés mentionnées.

Documents (19) à (21)

12. Les usages antérieurs invoqués se basent également sur trois déclaration signées respectivement par M. Donati, président de Cofinpel, datée du 21 février 2005 (document (21)), par M. Caponi, ex-président de La Domani, datée du 21 février 2005 (document (20)) et par M. Ghizzani, président de la société Conceria Helena, datée du 21 février 2005 (document (19)). Leur but est de démontrer qu'Italprogetti avait vendu un tonneau de foulonnage possédant en tout deux buses de pulvérisation placées sur les parois latérales opposées, à la fois à Cofinpel et à La Domani, cette dernière l'ayant revendu à la société Conceria Helena. Le fait que ces déclarations possèdent de nombreuses similitudes, tant par le style et la taille des caractères d'imprimerie choisis, que par la mise en page et surtout le choix des formules utilisées, alors que ces déclarations proviennent de personnes indépendantes n'appartenant pas à la même entreprise, permet de douter qu'elles aient pu être effectuées indépendamment les unes des autres. De plus, ces déclarations n'indiquent également pas de quelle manière leurs signataires respectifs ont eu connaissance de l'information présentée. La Chambre ne saurait donc attribuer à ces déclarations la fiabilité nécessaire pour leur conférer une quelconque force probante.

Structure des tonneaux

13. Les allégations d'usages antérieurs publics se basent également sur deux séries de photographies (C1 à C10 pour la vente à Cofinpel et R3 à R7 pour la vente à La Domani) qui conformément à l'information donnée par l'intimée au cours de l'audience furent prises postérieurement à la date de priorité invoquée. Ces photographies sont sensées prouver les allégations de l'intimée concernant les moyens d'alimentation en eau et les moyens d'alimentation en produits chimiques, en particulier le nombre de buses de pulvérisation et leur emplacement dans les tonneaux. Il n'est cependant pas possible de déterminer de manière objective si l'ensemble des photographies de chaque série correspond à un seul et même tonneau, en particulier si les parois latérales montrées appartiennent au même tonneau. Il n'est également pas possible d'affirmer que la plaque montrée sur les photographies C9 et C10 (respectivement sur la photographie R7) qui porte les références du tonneau appartient effectivement au tonneau dont la structure est sensée être représentée par l'ensemble des photographies C1 à C8 (respectivement par l'ensemble des photographies R3 à R6). Il en résulte qu'il ne peut être effectué un lien certain d'une part entre l'appareil sensé être montré par les photographies C1 à C8 ou les photographies R3 à R6 et d'autre part les factures, bons de livraison et extraits du registre des tonneaux soumis pour prouver la vente des tonneaux concernés. L'intimée n'a pas présenté de dessins industriels ayant servi à la construction des tonneaux en question, qui tout en permettant un lien avec les factures soumises auraient pu révéler les caractéristiques des tonneaux dont l'usage antérieur est allégué.

14. De plus, mis à part les déclarations des documents (7), (19), (20) et (21) dont la fiabilité n'a pas été démontrée comme il ressort des points précédents, aucun autre élément de preuve n'a été soumis pour démontrer que les caractéristiques sensées être mises en évidence par les photographies n'étaient pas le résultat de modifications intervenues après la date de priorité revendiquée.

Considérations additionnelles

15. Le document (18) est une facture concernant selon l'intimée l'usage antérieur en relation avec le tonneau représenté par l'ensemble des photographies R3 à R7. Cette facture sensée démontrer la vente par La Domani à la société Conceria Helena du tonneau de foulonnage précédemment acheté à Italprogetti mentionne seulement la vente d'un tonneau de foulonnage d'occasion, mais n'indique aucun numéro d'immatriculation ou autre référence qui puisse permettre de relier le document (18) aux autres documents soumis pour démontrer l'usage antérieur invoqué. Il ne peut donc lui être attribué une quelconque force probante.

16. Mis à part le document (7), dont la force probante n'a pas été démontrée, l'intimée n'a soumis aucun autre élément de preuve indiquant la structure du tonneau dont la vente à La Domani est alléguée.

Conclusions

17. Dans la procédure devant l'OEB, chaque partie à la procédure supporte séparément la charge de la preuve des faits qu'elle allègue et si un fait présentant une importance pour la décision n'est pas prouvé, la décision est prise au détriment de la partie qui a la charge de la preuve (voir La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'Office européen des brevets, supra, VI.K.5.1). Les documents soumis par l'intimée, en particulier les déclarations des documents (7) et (19) à (21), ainsi que les deux séries de photographies C1 à C10 et R3 à R7, maillons essentiels de la chaîne d'arguments présentée par l'intimée, ne peuvent lorsqu'ils sont appréciés à leur juste valeur démontrer avec une certitude allant au-delà de tout doute raisonnable quelle était la structure des tonneaux de foulonnage dont la commercialisation est invoquée. Par conséquent, la Chambre conclut, contrairement à la division d'opposition, que les preuves invoquées par l'intimée ne permettent pas d'établir les usages antérieurs publics invoqués et en particulier de démontrer quel en était leur objet.

18. Il découle donc de ce qui précède que l'objection formulée par l'intimée au titre de l'article 100 a) CBE pour un manque de nouveauté vis-à-vis des usages antérieurs publics allégués impliquant la commercialisation de tonneaux de foulonnage comprenant en tout deux buses de pulvérisation ne peut aboutir, non seulement au vu de la lecture devant être faite de la revendication 1 du brevet litigieux qui ne porte pas sur de tels tonneaux, ce qui fut explicitement reconnu par les parties lors de la procédure orale devant la Chambre, mais également au vu du fait que les preuves fournies ne permettent pas d'établir que de tels tonneaux aient fait l'objet d'une vente avant la date de priorité ou de dépôt du brevet en cause. En l'absence d'un autre état de la technique cité par l'intimée en soutien de son objection, force est donc de constater que l'objection de manque de nouveauté n'est pas fondée.

Renvoi pour suite à donner

19. Concernant l'activité inventive, la requérante a demandé à la Chambre de trancher elle-même cette question, alors que l'intimée a demandé le renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré pour suite à donner. Aux termes de l'article 111(1) CBE il est du seul pouvoir d'appréciation de la Chambre, soit de statuer sur le fond entier du recours, soit de renvoyer l'affaire à la première instance pour suite à donner, en exerçant son pouvoir discrétionnaire compte tenu des circonstances déterminantes de l'espèce. Dans le cas présent, la question de l'activité inventive n'a pas été abordée par la division d'opposition et la Chambre a donné à la revendication 1 du brevet litigieux une signification différente de celle considérée dans la décision contestée. De plus, la requérante (titulaire) n'a pas été en mesure lors de la procédure orale devant la Chambre de donner de plus amples informations sur l'état de la technique décrit au paragraphe [0006] du brevet litigieux duquel elle semble être partie pour réaliser l'objet breveté. Dans ces circonstances, la Chambre estime qu'il est approprié de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré pour suite à donner. Au vu des paragraphes [0006] et [0007] du brevet litigieux, du document (14) cité dans la procédure d'opposition (facture de Erretre portant le nº 121 datée du 12 mars 1999), de la déclaration de la titulaire dans sa lettre du 15 octobre 2004 (voir en particulier le premier paragraphe complet de la page 3) concernant la signification de la terminologie "double injection" et de la déclaration de M. Calugi datée du 23 février 2007 (document (22)), un expert cité par la titulaire, il reviendra à la division d'opposition dans le cadre de l'analyse de l'activité inventive de s'enquérir auprès de la titulaire de la nature exacte des tonneaux dont il est question dans les paragraphes [0006] et [0007] du brevet litigieux et de celle des tonneaux dont il est question dans les documents (14) et (22). Il pourrait également s'avérer nécessaire dans le cadre de l'analyse de l'activité inventive de déterminer suivant la pertinence des documents (14) et (22) si la priorité invoquée est valide.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré pour suite à donner.

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