T 0608/06 () of 25.9.2008

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2008:T060806.20080925
Date de la décision : 25 Septembre 2008
Numéro de l'affaire : T 0608/06
Numéro de la demande : 99936687.5
Classe de la CIB : F25J 3/04
F25J 3/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Installation de production d'électricité basse tension integrée à une unité de séparation des gaz de l'air
Nom du demandeur : L'AIR LIQUIDE, Société Anonyme pour l'Etude et l'Exploitation des Procédés Georges Claude
Nom de l'opposant : LINDE AKTIENGESELLSCHAFT
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 R 64(2)
Mot-clé : Recevabilité du recours (oui)
Validité de la priorité (non)
Activité inventive (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0002/98
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours, objet de la présente décision, est à l'encontre de la décision de la division d'opposition signifiée par voie postale le 20 février 2006 par laquelle le brevet européen No. EP-B-1102953 a été révoqué.

Dans cette décision, la division d'opposition a jugé que la date de priorité revendiquée n'était pas valide ce qui rendait le document EP-A-0932006 (E16) état de la technique selon l'Article 54(2)EPC. La division d'opposition était encore d'avis que les revendications délivrées ne remplissaient pas les conditions énoncées à l'Article 83 CBE et que l'objet des revendications indépendantes 1 et 12 selon la requête auxiliaire n'impliquait pas d'activité d'inventive au vu du document EP-A-0932006 (E16).

II. La titulaire (ci-après "la requérante") a formé recours et payé une partie de la taxe afférente le 21 avril 2006. La taxe a été réglée en entier le 31 mai 2006. Avec son mémoire de recours reçu le 27 juin 2006, elle a exposé les motifs de sa requête en annulation de la décision contestée et requis le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base de sa requête principale ou alternativement sa première ou deuxième requêtes auxiliaires jointes au mémoire de recours. Elle a aussi demandé le renvoi en première instance s'il venait à être décidé que la priorité fût valide ainsi qu'à titre auxiliaire la tenue d'une procédure orale.

L'intimée a demandé que le recours soit rejeté comme étant irrecevable. Et, si le recours venait à être admis, son rejet.

III. Dans l'opinion provisoire contenue dans une communication selon l'Article 15(1) RPCR annexée à la convocation à la procédure orale du 17 juin 2008, la Chambre a indiqué qu'elle estimait le recours recevable mais toutefois que le brevet contesté ne semblait pas pouvoir bénéficier de la priorité revendiquée.

Dans sa réponse du 18 juin 2008, l'intimée a de nouveau attaqué la recevabilité du recours et demandé que la Chambre explique les bases juridiques de son opinion provisoire avant la procédure orale.

Dans sa réponse du 14 août 2008 l'intimée a confirmé sa requête pour une recherche supplémentaire pour le cas où la Chambre n'aurait pas l'intention de révoquer le brevet sur la base de l'état de la technique déjà cité. Elle a aussi déposé les documents US-A-5291737 (E17), US-A-5490391 (E18) et US-A-5454227 (E19) pour le cas où la Chambre ne serait pas d'avis que la production d'une composante de l'air sous forme liquide comme produit final d'une installation de séparation d'air soit conventionnelle.

IV. La procédure orale s'est tenue le 25 septembre 2008. A la fin des débats la requérante a formé l'unique requête du maintien du brevet sous forme modifiée sur le fondement de sa requête principale déposée pendant la procédure orale et correspondant à la première requête auxiliaire du 27 juin 2006, accessoirement le renvoi à l'instance du premier degré suivant l'issue de débat sur la priorité. L'intimée a requis au principal le rejet du recours, accessoirement une recherche nouvelle ou la poursuite de la procédure par écrit si un sens particulier était donné à la caractéristique dite "éléctrique"

V. La revendication 1 de cette requête principale est libellée comme suit:

"1. Installation combinée comprenant: au moins une unité (2) consommatrice d'un fluide de l'air, dans laquelle se produit au moins une réaction, au moins un appareil (p) de production de fluide de l'air comprenant un appareil de séparation d'air (41) ayant un compresseur principal d'air (44) et au moins un surpresseur (70) d'air, des moyens (17,31,74,100) pour envoyer au moins un fluide de l'air de l'appareil de production à l'unité et au moins une turbine à vapeur(10,20,30,40) avec laquelle au moins une partie de vapeur d'eau dérivée de l'unité permet de produire de l'énergie mécanique,

(i) une première turbine à vapeur (40) entraîne au moins le compresseur d'air principal (44) et au moins un surpresseur (70) d'air, l'appareil de production comprend des moyens pour produire une composante de l'air sous forme liquide comme produit final de l'installation comprenant au moins des moyens (64,65) de soutirage de liquide d'une colonne d'un appareil de séparation et au moins le compresseur entrainé et la première turbine à vapeur entraînant le compresseur sont reliés, au niveau électrique, uniquement à des moyens de génération d'électricité basse tension et/ou uniquement à des moyens de consommation d'électricité basse tension et sont reliés à des moyens de génération et consommation d'électricité moyenne et/ou haute tension uniquement à travers des moyens de génération d'électricité basse tension et/ou des moyens de consommation d'électricité basse tension,

et eventuellement

(ii) une autre turbine à vapeur entraîne au moins un compresseur de cycle (34) de moyens de liquéfaction (3) d'un gaz provenant de l'appareil de séparation d'air (41) et eventuellement

(iii) une autre turbine à vapeur entraîne au moins un compresseur (24,154) d'un gaz issu de ou destiné à l'unité,

le compresseur d'air principal et le surpresseur étant entrainés uniquement par la première turbine à vapeur, et

toute l'énergie de compression de gaz de l'appareil de séparation d'air est fournie par la (les) turbine(s) à vapeur (10,20,30,40,150) de l'installation."

VI. Les arguments des parties peuvent être résumés comme suit:

a) Recevabilité du recours

L'intimée a prétendu que le recours ne contiendrait pas de requête selon la Règle 64(2) CBE (1973) indiquant la mesure dans laquelle la décision attaquée était entreprise.

La requérante a soutenu que la phrase "contre la décision de révocation du brevet" ne laisse guère de doute quant à la portée de sa requête puisqu'elle est titulaire requérante dont le brevet a été révoqué. Cette phrase ne peut avoir d'autre objet que d'annuler la décision en d'autre termes que l'opposition soit rejetée.

b) Clarté, Article 84 CBE

L'intimée acceptait la définition de "produit final" d'un produit quittant l'installation et qui n'est utilisé ni dans l'unité de séparation d'air ni dans celle de réaction. Cependant, elle était d'avis que la caractéristique selon laquelle l'installation délivre un produit final sous forme liquide, ne suffirait pas en elle même à distinguer l'installation du brevet contesté d'une autre quelconque, puisque n'importe quelle unité de séparation d'air est en soi capable de produire une composante de l'air sous forme liquide comme produit final. De plus, dans la description du brevet contesté au paragraphe [0076], il est dit que la production de liquide n'est pas nécessaire. Il n'y a donc pas de divulgation correspondante dans la description et par tant les conditions de l'Article 84 CBE ne sont pas remplies.

La requérante a estimé qu'afin d'extraire une composante de l'air sous forme liquide comme produit final d'une unité de séparation d'air, il faut fournir des moyens supplémentaires, tels que conduits, pompes et soupapes. Elle a concédé que le paragraphe [0076] devrait être supprimée.

L'intimée a fait valoir que la caractéristique:

"toute l'énergie de compression de gaz de l'appareil de séparation d'air est fournie par la (les) turbine(s) à vapeur (10,20,30,40,150) de l'installation."

introduite dans la revendication 1 relève plutôt d'une procédé que d'un appareil ce qui rend peu claire la catégorie de la revendication. De même n'est pas clair si l' "énergie de compression" consiste uniquement à celle utilisée pour comprimer l'air d'alimentation ou si elle comprend aussi l'énergie nécessaire à comprimer les produits gazeux.

La requérante considérait que cette caractéristique était suffisante pour permettre à l'homme du métier de distinguer le type de cette installation d'autres types. Le passage à la page 6, lignes 7 à 9 de la demande publiée indique en effet que "toute l'énergie de compression des gaz de l'appareil de distillation d'air (air d'alimentation ou produits gazeux ou cycle) peut être fournie par le (les) dispositif(s) de l'installation".

c) Article 123(2) CBE

L'intimée a fait valoir qu'il n'y avait pas de support dans la demande pour la caractéristique selon laquelle le compresseur d'air principal et le surpresseur sont entrainés uniquement par la première turbine à vapeur. Elle a fait valoir que le passage à la page 6, lignes 7 à 9 de la demande publiée prétendu par la requérante être la base pour les modifications apportées à la revendication 1, ne mentionne même pas une turbine à vapeur.

La requérante a répliqué que ce passage était à lire en combinaison avec la revendication 8 ainsi que la page 14, lignes 16 à 17 et 21 à 25 de la demande publiée qui précisent que "le gaz détendu dans au moins une turbine est de la vapeur d'eau" (c.f. revendication 8) et que le compresseur et surpresseur peuvent être entraînés par une seule de ces turbines" (c.f. page 14, lignes 23 et 24).

L'intimée a fait valoir que il n'y a pas de fondement dans la demande d'origine pour introduire la caractéristique:

"une composante de l'air sous forme liquide comme produit final de l'installation" dans la revendication 1. Les camions apparaissant sur la figure pourraient signifier que le liquide de l'installation de séparation d'air est transporté à l'unité de réaction.

Pour la requérante telle interprétation n'est pas réaliste. Au reste le paragraphe [0076] suggère que s'il y a des cas où il n'y a pas de produit liquide cela implique nécessairement aussi que normalement il y en a.

d) Article 123(3) CBE

L'intimée a formé l'objection que par la suppression du terme "caractérisé en ce que" dans la revendication 1 telle que délivrée, la locution adverbiale "et eventuellement" pourrait s'appliquer également à la caractéristique selon laquelle le compresseur d'air principal et le surpresseur sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur, rendant ainsi celle-ci optionnelle. Par conséquent, les conditions de l'Article 123(3) ne seraient pas remplies.

La requérante pour sa part soutenait que la revendication 1 ne pouvait en aucun cas être comprise de cette façon.

e) Article 100(b), Article 83 CBE

L'intimée a admis que la caractéristique dite "électrique" étant spécifiée dans la revendication 1 telle que délivrée ne peut être attaquée dans les termes de l'Article 84 CBE. En outre, il n'y a pas lieu d'en faire cas puisque sans importance; cependant, vu le manque d'éclaircissement dans le brevet contesté, il y aurait matière à telle objection de l'Article 83 CBE, si toutefois une importance quelconque jamais venait à lui être attribuée.

Pour la requérante cette caractéristique ne saurait être simplement négligée. Elle est suffisamment claire et exposée de façon telle qu'un homme du métier la puisse exécuter car elle spécifie simplement que la connexion électrique au compresseur est en basse tension - ce qui pour l'homme du métier n'est ni très compliqué à comprendre ni à mettre en oeuvre.

L'intimée était encore d'avis que le brevet contesté ne donne pas assez d'enseignements pour que l'homme du métier soit capable de faire fonctionner plus de deux compresseurs avec une seule turbine. Puisque la revendication 1 couvre désormais un nombre non limité de turbines les exigences de l'Article 83 ne sont pas remplies.

La requérante considérait pour sa part qu'il est banal de faire fonctionner plusieurs compresseurs avec une seule turbine.

f) Priorité

L'intimée a contesté que le document de priorité divulgue la caractéristique selon laquelle le compresseur et le surpresseur sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur.

La requérante était d'avis que cette caractéristique est divulguée par la combinaison des revendications 20 [variante i) et iii) ou iv)], 23, 25 et 27 du document de priorité.

g) Activité inventive

Les deux parties conviennent d'accord que le document EP-A-0932006 (E16) décrirait l'état de la technique le plus proche si la priorité venait à tomber.

Pour la requérante E16 ne divulgue pas:

i) que la vapeur d'eau qui entraîne la turbine T soit dérivée de l'unité F;

ii) la production de liquide comme produit final de l'installation;

iii) une connexion électrique entre le compresseur EC1, EC2 et la turbine T et des moyens de génération et/ou de consommation d'électricité basse tension;

iv) la fourniture de toute l'énergie de compression de gaz de l'appareil par une turbine à vapeur.

En particulier une partie de l'énergie de compression d'air de l'appareil selon E16 est fournie par l'élément qui entraîne la soufflante S, ce qui constitue une caractéristique essentielle de l'invention de E16 (voir revendication 1)

E16 ne suggère pas l'idée que de la vapeur puisse être utilisée pour fournir tous les besoins de compression dans un appareil de séparation d'air.

L'intimée a soutenu quant à elle que:

(i) la production d'une composante d'air sous forme liquide comme produit final d'une unité de séparation d'air est banale, comme indiqué notamment, dans les documents E17 à E19. L'aptitude de délivrer un produit sous forme liquide ne dépend que de la capacité disponible de frigorification;

(ii) l'entraînement des turbines par la vapeur d'eau issue des unités de réaction est bien connue dans l'art, comme démontré par exemple dans E5, en particulier la colonne 3, ligne 62 à colonne 4, ligne 6, déjà cité dans la procédure d'opposition;

(iii) la connexion basse tension ne peut être que triviale et aucun autre éclaircissement à cet égard n'a été donné par la requérante et n'est non plus à trouver dans le brevet contesté;

(iv) la fourniture de toute l'énergie de compression par une turbine à vapeur est une évidence si sur le site se trouvent des unités de réaction capable de produire un surplus de vapeur (ceci étant aussi dans E5.

L'objet de la revendication 1 n'implique donc pas d'activité inventive.

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours

La Chambre considère que la phrase dans l'acte de recours selon laquelle celui ci est formé "contre la décision de révocation du brevet" ne laisse pas de doute quant à la portée de la requête. Employée par une titulaire requérante qui a vu son brevet révoqué, telle phrase ne peut implicitement mais nécessairement qu'être considérée constitutive d'une demande d'annulation de la décision de révoquer le brevet, et non moins nécessairement donc de rejet de l'opposition.

Par ailleurs s'il est constant que la requérante n'a exécuté paiement de la taxe de recours qu'avec une insuffisance de 45 Euros, tel montant inférieur à 10% de la taxe alors exigible est négligeable (cf. J11/85 JO 86,1) et n'emporte point en soi irrecevabilité du recours, alors et surtout que le paiement a été complété dans les délais prescrits le 31 mai 2006.

Il s'en suit que d'une part les exigences de la règle 64 b) CBE 1973 en vigueur au moment du dépôt du recours, et le régissant donc, ont été respectées, et d'autre part que celles de l'Article 108 CBE 1973 ne le sont pas moins.

Le recours est donc recevable.

2. Clarté, Article 84 CBE

La Chambre comprend le terme "produit final" comme étant un produit quittant l'installation qui n'est utilisé ni dans l'unité de séparation d'air ni dans l'unité de réaction. La Chambre partage l'avis de la requérante selon lequel afin d'extraire une composante de l'air sous forme liquide comme produit final d'une unité de séparation d'air, il faut fournir des moyens spécifiques à cette tâche, tels que conduits, pompes et soupapes.

En ce qui concerne la caractéristique:

"toute l'énergie de compression de gaz de l'appareil de séparation d'air est fournie par la (les) turbine(s) à vapeur (10,20,30,40,150) de l'installation."

La Chambre estime que cette caractéristique n'est pas limitée à un procédé et est par nature suffisante à l'homme du métier pour qu'il puisse distinguer l'installation selon la revendication 1 d'avec d'autres d'un type différent. Comme indiqué à la page 6, lignes 7 à 9 de la demande publiée l'expression "toute l'énergie de compression de gaz" doit s'entendre d'inclure non seulement celle de l'air d'alimentation mais encore et aussi celle des produits gazeux du cycle.

L'objet de la revendication 1 remplit ainsi les exigences de clarté de l'Article 84 CBE.

3. Article 123(2) CBE

La Chambre considère que la page 14, lignes 16 à 17 et 21 à 25 de la demande d'origine dans sa version publiée forment une base suffisante pour spécifier dans la revendication 1 que le compresseur d'air principal et le surpresseur sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur.

En outre, la demande initiale dans sa version publiée à la page 11, lignes 3 à 6 mentionne au moins deux produits finaux sous forme liquide, c'est à dire LOX stocké dans la cuve 19 et LIN stocké dans la cuve 32, qui sont ensuite envoyés aux camion citernes (voir aussi la figure 1). La Chambre considère que l'idée de l'intimée selon laquelle les camions transporteraient ces produits liquides de l'unité de séparation d'air à l'unité de réaction est peu réaliste, et ne saurait être partagée.

La Chambre considère donc que le conditions énoncées à l'Article 123(2) CBE sont remplies.

4. Article 123(3) CBE

Pour la Chambre la suppression du terme "caractérisé en ce que" dans la revendication 1 telle que délivrée, ne veut pas dire que la locution adverbiale "et eventuellement" se rapporte également à la caractéristique selon laquelle le compresseur d'air principal et le surpresseur sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur. La syntaxe commande que cet adverbe "et eventuellement" se rapporte exclusivement au gérondif "comprenant" alors même que la caractéristique en question est assujettie au participe présent "étant".

Par conséquent, celle-ci ne peut être considérée optionnelle et les conditions de l'Article 123(3) demeurent remplies.

5. Article 100(b), Article 83 CBE

La Chambre considère que la caractéristique se rapportant à la connexion électrique basse tension est exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier la puisse exécuter. De telles connexions sont conventionnelles dans l'art aux fins d'alimenter l'éclairage et l'instrumentation. La Chambre estime qu'une telle connexion n'est compliquée ni à comprendre ni à mettre en oeuvre pour l'homme du métier. Sa banalité relèverait en tout cas de l'appréciation de l'activité inventive.

La Chambre considère encore que l'homme du métier n'a pas besoin d'instructions explicites pour savoir comment faire fonctionner plusieurs compresseurs avec une seule turbine. En effet ceci dépend de la puissance disponible pour faire tourner la turbine et de la mise en place de liaisons mécaniques classiques.

6. Priorité

Cette objection doit être vidée puisque l'intimée a appuyé son argumentation au sujet de l'activité inventive sur E16. Ce document a une date de publication de 28 juillet 1999 soit après la date de priorité du 6 août 1998 du brevet contesté mais avant sa date de dépôt du 4 août 1999.

Selon la décision de la Grande Chambre de Recours G 2/98, afin qu'une revendication dans un brevet Européen puisse bénéficier de la priorité d'une demande antérieure conformément à l'article 88 CBE, il faut que l'homme du métier, en faisant appel à ses connaissances générales, soit à même de déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure dans son ensemble.

Dans le cas de l'espèce, la requérante soutient que la caractéristique selon laquelle le compresseur et le surpresseur sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur est divulguée par la combinaison des revendications 20 (variante i) et iii) ou iv)), 23, 25 et 27 du document de priorité. Or les revendications 20 et 25 sont rédigées de façon telle qu'elles comportent une multiplicité d'options dont aucune n'est plus précisément décrite dans le titre de priorité. La Chambre estime donc que l'homme du métier ne pourrait en déduire directement et sans ambiguïté la caractéristique aujourd'hui revendiquée, puisqu'elle n'en est qu'une parmi pléthore d'autres possibilités. Il se peut certes que l'homme du métier puisse réussir à trouver une combinaison d'options qui mènent à la caractéristique revendiquée une fois qu'il a pris connaissance de sa nature. Cependant, la Chambre constate que l'exigence d'une telle information a posteriori de la combinaison revendiquée indique qu'elle n'était pas directement déductible ab initio de l'enseignement du titre de priorité.

Il est à noter que les passages de la demande d'origine à la page 14, lignes 16 à 17 et 21 à 25 dans sa version publiée que la Chambre considère former une base suffisante pour étayer la caractéristique contestée dans la revendication 1, sans enfreindre les dispositions de l'article 123(2), n'apparaissent pas dans le document de priorité.

La validité de la priorité ne peut donc être établie, ce qui fait que le document E16 appartient à l'état de la technique défini selon l'article 54(2) CBE.

7. Activité inventive

La Chambre se joignant en cela aux parties considère que le document EP-A-0932006 (E16) constitue l'état de la technique le plus proche.

Pour la Chambre E16 décrit:

une installation combinée comprenant: au moins une unité (f) consommatrice d'un fluide de l'air, dans laquelle se produit au moins une réaction, au moins un appareil (DC,CM) de production de fluide de l'air comprenant un appareil de séparation d'air (BP,MP) ayant un compresseur principal d'air (EC1,EC2) et au moins un surpresseur (c) d'air, des moyens (o) pour envoyer au moins un fluide de l'air de l'appareil de production (DC,CM) à l'unité (f) et au moins une turbine à vapeur (t);

(i) une première turbine à vapeur (t) entraîne au moins le compresseur d'air principal (EC1,EC2) et au moins un surpresseur (c) d'air,

- l'appareil de production comprend des moyens (DC) pour produire une composante de l'air sous forme liquide comprenant au moins des moyens (w) de soutirage de liquide d'une colonne (BP) d'un appareil de séparation; et dans laquelle

-le compresseur d'air principal (EC1,EC2) et le surpresseur (c) sont entraînés uniquement par la première turbine à vapeur.

L'objet de la revendication 1 se distingue de cette installation en ce que:

i) la vapeur d'eau qui entraîne la turbine est dérivée de l'unité ;

ii) la production de liquide constitue un produit final de l'installation;

iii) le compresseur entraîné et la turbine à vapeur sont reliés uniquement à des moyens de génération et/ou de consommation d'électricité de basse tension;

iv) la fourniture de toute l'énergie de compression de gaz de l'appareil est générée par turbine à vapeur.

Toutes ces caractéristiques (i),(ii) et (iv) sont liées de façon technique par le fait qu'ensemble elles exposent une façon d'utiliser un excès d'énergie de l'unité de réaction.

Le problème objectif à résoudre est donc de mettre en valeur l'aptitude de l'unité de réaction à produire la vapeur d'eau en surplus.

La Chambre constate que l'entraînement des turbines par la vapeur d'eau issue des unités de réaction est bien connue dans l'art, ce qui est démontré par exemple dans E5 (cité dans la décision attaquée), en particulier colonne 3, ligne 62 à colonne 4, ligne 6.

Il est encore connu qu'une unité de séparation d'air est d'autant apte à délivrer un produit sous forme liquide que la capacité de frigorification disponible est élevée et que les moyens propres à transporter et stocker un produit sous forme liquide sont plus variés et flexibles (par exemple route, rail, navire) et, à quantité égale, normalement moins coûteux que pour un produit gazeux. De ce fait il y a une incitation économique pour l'homme du métier à essayer d'obtenir un produit sous forme liquide si de l'énergie à bas prix est disponible sur le site.

Pour la Chambre c'est aussi une évidence de produire toute l'énergie de compression par turbine à vapeur s'il se trouve sur le site des unités de réaction capables de produire suffisant de vapeur puisque en tout cas il aurait fallu trouver un moyen autre d'utiliser l'excédent. L'option d'exploiter au maximum l'équipement disponible apparaît évident.

La requérante a fait valoir que dans l'installation selon E16, une partie de l'énergie de compression d'air est fournie par l'élément qui entraîne la soufflante S et qu'il ne serait pas évident de la faire tourner avec la turbine T. Cependant bien que selon la revendication toute la compression puisse s'opérer à partir d'une seule turbine à vapeur, d'autres turbines ne sont pas exclues. En effet E16 ne spécifie pas les moyens utilisés pour faire tourner la soufflante S. La Chambre est donc d'avis que s'il se trouve sur le site de la vapeur en surplus, l'homme du métier n'aurait pas besoin d'exercer une activité inventive afin de faire le choix de faire tourner la soufflante S avec une turbine à vapeur.

En ce qui concerne la caractéristique (iii), le brevet attaqué mentionne aux paragraphes [0014] à [0021] que l'utilisation de la basse tension permet l'élimination du coût du raccordement au réseau électrique des moteurs et des générateurs moyenne ou haute tension, alternativement l'élimination de celles-ci. Cependant, la description aux paragraphes [0019] et [0046] spécifie des connexions à une source moyenne ou haute tension au moyen d'un transformateur afin d'alimenter les pompes de fluides et autres accessoires.

La Chambre est d'avis que de telles connexions sont conventionnelles dans l'art afin d'adapter l'alimentation électrique à l'environnement de l'installation. La titulaire n'a présenté pendant la procédure d'opposition et ni pendant celle de recours aucun argument ou éclaircissement qui viendrait à l'encontre de cette considération.

L'objet de la revendication 1 de la seule requête n'implique ainsi pas d'activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

Le recours est rejeté.

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