European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:T051706.20100721 | ||||||||
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Date de la décision : | 21 Juillet 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0517/06 | ||||||||
Numéro de la demande : | 99929417.6 | ||||||||
Classe de la CIB : | C01F 7/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Nouvel hydrate d'aluminium dispersible, son procédé de préparation et son utilisation pour la préparation de catalyseurs | ||||||||
Nom du demandeur : | Institut Français du Pétrole | ||||||||
Nom de l'opposant : | Akzo Nobel N.V. | ||||||||
Chambre : | 3.3.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Exposé de l'invention suffisamment clair et complet: oui Renvoi: oui |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été introduit contre la décision de la division d'opposition par laquelle le brevet européen nº 1 098 848 a été révoqué.
II. L'opposition formée contre le brevet en cause était basée sur des objections au titre des articles 100(a) et 100(b) CBE.
Dans la décision contestée, la division d'opposition a notamment considéré les documents suivants cités par l'opposante:
D3: Copie d'une première attestation de Germain Martino datée 5 juin 2003, déposée auprès de l'USPTO durant l'examen de la demande de brevet U.S. Patent Application Serial No. 09/743270, et
D8: US 4 313 923 A.
III. La division d'opposition a conclu que l'invention telle que définie dans la revendication 5 du brevet délivré ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
Plus particulièrement, la division d'opposition a considéré que "les documents cités D3 et D8 montrent l'un et l'autre et de façon différente que la mise en oeuvre du procédé selon la revendication 5 est très aléatoire, sinon impossible, sur la base des informations fournies dans le brevet".
Concernant une deuxième requête subsidiaire du titulaire déposée lors de la procédure orale du 23 janvier 2006, la division d'opposition a conclu qu'au moins au vu de D3, cette requête ne satisfaisait pas non plus aux exigences des articles 100(b) et 83 CBE.
La revendication indépendante 1 selon ladite requête subsidiaire est identique à la revendication 1 du brevet tel que délivré. Ces revendications ont le libellé suivant :
"1. Procédé de préparation d´un hydrate d´aluminium présentant une dispersibilité d´au moins 80% en poids pour un diamètre inférieur ou égal a 0,3 mym, caractérisé en ce que l´on met en oeuvre les étapes suivantes :
1 - mélange d´une source acide d'aluminium et d'une base ou d'une source basique d'aluminium et d´un acide de manière à précipiter un monohydrate d'alumine,
2 - mûrissement,
3 - filtration,
4 - lavage, et
5 - séchage,
le mélange de l'étape 1 étant réalisé sans rétromélange."
La revendication indépendante 5 selon ladite requête subsidiaire a le libellé suivant (les modifications de la revendication 5 telle que délivrée consistent en l'ajout des caractéristiques mises en exergue par la chambre):
"5. Procédé de préparation d'un hydrate d´aluminium présentant une dispersibilité d´au moins 80% en poids pour un diamètre inférieur ou égal a 0,3 mym, caractérisé en ce que l'on met en oeuvre les étapes suivantes :
1´ - mélange dans un réacteur agité avec rétromélange de sulfate d'aluminium et d'une base, ces réactifs étant utilisés sous forme de solutions aqueuses, à pH compris entre 6 et 8,5 et à une température comprise entre 50 et 95ºC, pour former de l'hydrate d´aluminium en dispersion,
2´ - mûrissement à pH compris entre 9 et 11 et à une température comprise entre 60 et 90ºC, la dispersion étant agitée au cours du mûrissement,
3´ - filtration,
4´ - lavage, et
5´ - séchage."
IV. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant (titulaire du brevet) a (re-)déposé ladite deuxième requête subsidiaire précitée, cette fois-ci comme nouvelle requête principale, en contestant le bien-fondé de la décision au sujet de cette requête. Elle a en outre produit le document
D12: Copie d'une deuxième attestation de Mr Martino datée 22 mai 2006, lettre de transmission et accusé de réception de l'USPTO.
Selon le requérant, ni les documents D3/D12, ni le document D8 permettaient de conclure que le brevet ne satisfaisait pas aux exigences de l'Article 100(b) CBE.
Le requérant a aussi demandé le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition pour ce qui concerne l'examen des autres motifs d'opposition.
V. Dans sa réponse, l'intimée (opposante) a soulevé pour la première fois des objections au titre de l'article
123(2) CBE à l'encontre des modifications apportées à la revendication 5. Elle a aussi maintenu son objection, basée sur la première attestation D3, à l'encontre de la revendication 5 au titre de l'article 100(b) CBE, tout en prenant aussi en compte la deuxième attestation D12. Selon un deuxième raisonnement, elle s'est appuyée sur le document D8 pour prouver la prétendue insuffisance de l'exposé de l'invention. Finalement, elle a argumenté que l'objet de la revendication 5 n'était ni nouveau ni inventif au vu de D8, et en particulier de l'exemple 2 de D8.
VI. Dans sa communication du 26 mai 2010 en préparation de la procédure orale, la chambre a entre autres attiré l'attention des parties sur certains points à prendre en compte lors de l'évaluation des objections au titre de l'article 100(b) CBE. Elle a aussi indiqué qu'elle envisageait - le cas échéant - le renvoi de l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner.
VII. En annexe de son courrier du 6 juillet 2010, le requérant a déposé trois jeux de revendications respectivement désignées comme "requête principale", "1º requête auxiliaire" et "2º requête auxiliaire".
VIII. Une procédure orale s'est tenue le 21 juillet 2010, durant laquelle le requérant à soumis une nouvelle requête subsidiaire 1 sous forme d'un jeu de revendications intitulé "1º requête auxiliaire", cette requête comprenant une correction au niveau de la revendication dépendante 7.
IX. Les arguments des parties présentés par écrit et/ou durant la procédure orale, dans la mesure où ils étaient à considérer dans la prise de la présente décision, peuvent être résumés comme suit:
Le requérant a argumenté que la requête principale avait déjà été déposée avec son mémoire de recours, et que les requêtes auxiliaires 1 et 2 ne comprenaient pas de modifications surprenantes et ne demandaient aucun effort d'analyse particulier. Toutes les requêtes étaient donc recevables.
Selon le requérant, les modifications apportées aux revendications du brevet étaient toutes basées sur le contenu de la demande telle que déposée à l'origine.
L'insuffisance de description du procédé selon la revendication 1 n'était que prétendue par l'intimée qui n'avait fourni aucune explication scientifique ou preuve à base d'expériments à ce sujet.
Concernant la prétendue insuffisance de description au vu de l'exemple 7 décrit dans l'attestation D3, le requérant a fait valoir que celle-ci comprenait manifestement une erreur qui ne pouvait qu'affecter que la valeur du pH indiquée. Selon la deuxième attestation D12 transmise au USPTO, cette valeur devait se lire comme étant supérieure à 8.5, et non pas comme étant égale à 7. Le document D3 ne permettait donc pas d'affirmer que le procédé selon la revendication 5 n'était pas reproductible en ce sens qu'il conduirait, dans certaines conditions, à des produits n'ayant pas les propriétés recherchées.
Concernant la prétendue insuffisance au vu du document D8, et en particulier de l'exemple 2 de D8, le requérant a fait valoir qu'il n'y avait pas de lien direct entre la dispersibilité telle que mesurée selon le brevet et le "Peptization Index (PI)" mentionné dans D8 et que l'intimée n'avait pas démontré une telle corrélation. Néanmoins l'intimée n'avait pas reproduit un ou plusieurs des essais de l'exemple 2, ni mesuré les dispersibilités obtenues. Les procédés divulgués dans D8 comprenaient un mûrissement sans agitation. Par contre selon la revendication 5, la dispersion était agitée au cours du mûrissement, c'est-à-dire durant toute la durée de l'étape du mûrissement. Ceci était illustré par les exemples du brevet, qui d'ailleurs ne suggérait pas de procéder autrement. En outre, les résultats présentés dans le tableau 1 de D8 généraient des doutes quant à leur exactitude. L'intimée ne pouvait donc pas prétendre que le document D8 décrivait un procédé selon la revendication 5 conduisant à un produit n'ayant pas les propriétés requises.
L'intimée a contesté de façon générale la recevabilité des requêtes du requérant au vu de leur présentation tardive.
Elle a soulevé des objections au titre de l'article 123(2) CBE à l'encontre des modifications apportées à la revendication 5.
Concernant la prétendue insuffisance de l'exposé de l'invention, l'intimée a fait valoir durant la procédure orale que la revendication 1 (selon toutes les requêtes) était "trop large".
Quant à la revendication 5, l'intimée a présenté deux argumentaires indépendants, le premier étant essentiellement basé sur le contenu de l'attestation D3 et le deuxième sur les informations contenues dans le document D8.
Vu la nature du document D3, celui-ci était d'une forte valeur probante. L'exemple 7 décrit dans D3 montrait qu'en mettant en oeuvre un procédé avec toutes les étapes selon la revendication 5, l'on n'obtenait pas forcément un produit aux propriétés souhaitées. D3 ne comprenait pas forcément une erreur puisque le produit obtenu selon l'exemple 7 n'était pas conforme à l'invention. En outre, il n'était pas du tout apparent qu'une telle erreur devait nécessairement se situer au niveau de la valeur du pH indiquée. L'attestation D12 ne contenait pas de faits supplémentaires, mais seulement des assertions vagues, non logiques et basées sur des considérations ex post facto. Ce document était donc d'une valeur probante faible.
Selon l'intimée, l'exemple 2 de D8 décrivait un procédé ayant toutes les caractéristiques de procédé de la revendication 5 du brevet en cause, et comprenant notamment une première étape de mûrissement avec agitation. Le paramètre "Peptization Index PI" de D8 était comparable à la dispersibilité selon le brevet en cause. Les résultats expérimentaux présentés dans le tableau 1 montraient qu'un procédé comprenant toutes les étapes de la revendication 5 pouvait conduire à des produits ayant une dispersibilité relativement forte ou relativement faible. La revendication 5 était donc trop large puisqu'elle ne comprenait pas toutes les caractéristiques nécessaires pour obtenir de façon fiable un produit ayant la dispersibilité requise. Les résultats présentés dans le tableau 1 de D8 montraient que le PI et donc la dispersibilité des produits obtenus variait en fonction du pH prévalant durant les mûrissements, contrairement à ce qui était dit dans D12, à savoir que la dispersibilité était fonction du pH de réaction.
X. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications déposé comme requête principale avec son courrier du 6 juillet 2010 ou, alternativement, sur la base d'un des deux jeux de revendications déposés comme requêtes auxiliaires 1 et 2 avec le même courrier.
L'intimée a demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Recevabilité des requêtes du requérant
1.1 Lors de la procédure orale, l'intimée n'a pas avancé de raisons particulières pour lesquelles elle se serait vue privée de l'opportunité de traiter une question soulevée par les modifications en question (cf. Article 13(3) RPCR).
1.2 Concernant lesdites requêtes il convient cependant de noter
- que le jeu de revendications selon la présente requête principale est le même que celui selon la deuxième requête subsidiaire à la base de la décision contestée, et que ce jeu avait déjà été (re-)déposé avec le mémoire de recours;
- que le jeu de revendications selon la requête auxiliaire 1 ne diffère de ce jeu uniquement en ce que la plage de pH indiquée dans la revendication 5 a été restreinte à une valeur maximale mentionnée dans la revendication 8 du brevet tel que délivré; et
- que dans le jeu de revendications restreint selon la requête auxiliaire 2 certaines revendications ont été carrément supprimées.
1.3 Lesdites requêtes ne soulèvent pas de questions que la chambre ou l'intimée ne pouvaient raisonnablement traiter sans le renvoi de la procédure orale à une autre date (cf. Article 13(1)(3) RPCR). Par conséquent, en exerçant son pouvoir discrétionnaire, la chambre a considéré les requêtes du requérant comme recevables.
Requête principale
2. Admissibilité des modifications des revendications
2.1 Les modifications apportées aux revendications du brevet tel que délivré consistent en l'incorporation dans la revendication 5 de caractéristiques additionnelles.
2.1.1 Ces modifications sont de nature à restreindre la portée de la revendication 5 et sont basées sur les passages suivants de la demande telle que déposée (cf. la demande publiée WO 00/01617 A1):
i) réactifs utilisés sous forme de solutions aqueuses : voir page 6, ligne 4;
ii) pour former de l'hydrate d'aluminium en dispersion : voir page 6, ligne 20; et
iii) la dispersion étant agitée au cours du mûrissement : page 6, ligne 27.
2.1.2 En particulier, la chambre accepte qu'il ressort de la demande (page 5, ligne 23 à page 6, ligne 12) que sous les conditions opératoires précisées dans la revendication 5, il se forme de l'hydrate d'aluminium précipité qui est implicitement sous forme d'une suspension. Cette suspension obtenue est désignée par le terme plus générique de dispersion à la page 6, ligne 20. Or, une suspension représente un cas particulier d'une dispersion au sens le plus large (comprenant une phase continue et une phase dispersée). En l'absence de preuves convaincantes à ce propos, la chambre n'accepte cependant pas que les termes suspension et dispersion impliqueraient une distinction au niveau de la taille des particules dispersées, tel que ceci a été invoqué par l'intimée pour la première fois durant la procédure orale.
En conclusion, ni l'incorporation du terme dispersion ni l'omission du terme suspension (propriété implicite) dans la revendication 5 ne sauraient conduire à une extension indue du contenu de la demande telle que déposée.
2.1.3 Lesdites modifications satisfont donc toutes aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE.
2.2 Par ailleurs, la chambre est satisfaite que lesdites modifications ne soulèvent pas de problèmes au titre de l'article 84 CBE (clarté, concision et support par la description). L'intimée n'a d'ailleurs pas soulevé d'objections à ce titre.
3. Exposé de l'invention (Articles 83 et 100(b) CBE)
3.1 Alternative de procédé selon la revendication 1
3.1.1 L'intimée a fait valoir de façon générale que la revendication 1 ne satisfaisait pas à l'exigence de suffisance de l'exposé de l'invention. Interrogée à ce sujet durant la procédure orale, l'intimée n'a cependant pas développé son argumentaire au delà de la simple allégation que la revendication était "trop large".
3.1.2 Or, le brevet en cause contient un exemple d'exécution (exemple 1) décrivant un procédé - qui comprend toutes les étapes selon la revendication 1, et en particulier une étape de réaction sans rétromélange, et
- qui conduit à un hydrate d'aluminium ayant une dispersibilité telle que requise par la revendication 1.
Selon le brevet en cause (paragraphe [0015]) les étapes du procédé revendiqué sont des "étapes habituelles de la préparation d'un hydrate d'aluminium par précipitation acido-basique" à l'exception de l'étape de réaction effectuée sans rétromélange. En outre, la description du brevet en cause (paragraphes [0016] à [0021])contient des informations techniques supplémentaires concernant des réactifs, des types de réacteur et des conditions de réaction applicables.
3.1.3 En l'absence de preuves du contraire, la chambre n'a donc aucune raison de supposer que l'homme du métier armé des connaissances générales dans le domaine concerné et prenant en compte toutes les instructions données dans le brevet, y compris l'exemple 1, ne serait pas en mesure d'exécuter l'invention revendiquée, à savoir de préparer un hydrate d'aluminium ayant la dispersibilité requise au moyen d'un procédé aux étapes revendiquées.
3.1.4 Etant donné que l'intimée ne s'est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait, la chambre conclut que l'invention qui faisant l'objet des revendications 1 à 4 satisfait à l'exigence de suffisance de description de l'invention énoncée à l'article 83 CBE.
3.2 Alternative de procédé selon la revendication 5
Argumentaire basé sur les attestations D3 et D12
3.2.1 Le brevet contesté contient deux exemples 5 et 6 ("selon l'invention") illustrant le procédé selon la revendication 5 amendée et conduisant tous les deux à des hydrates d'aluminium ayant la dispersibilité requise "d'au moins 80% en poids pour un diamètre inférieur ou égal à 0,3 mym" (exemple 5: 81%; exemple 6: 82%).
3.2.2 Il est expressément indiqué dans la description du brevet en cause que les hydrates d'aluminium ayant les propriétés désirées sont obtenus grâce au choix du sulfate d'aluminium comme source d'aluminium ainsi qu'au maintien des valeurs du pH et de la température dans certaines plages numériques lors de la précipitation et lors du mûrissement (cf. page 4 du brevet en cause, lignes 26 à 28, 32 à 33, 35 à 36, et 42 à 45). Par ailleurs (cf. page 4, lignes 48 à 49, du brevet en cause) les étapes de filtration, lavage et séchage du procédé revendiqué sont "réalisées selon les méthodes classiquement connues par l'homme du métier". En outre, l'homme du métier trouve dans la description du brevet en cause des informations techniques supplémentaires concernant des conditions de réaction et de mûrissement préférentielles (cf. paragraphes [0024] et [0025]: réactifs, réacteurs, températures et pHs préférentiels, durée du mûrissement d'au moins 10 minutes avec agitation).
3.2.3 L'attestation D3 a été déposée par le requérant auprès du USPTO au cours de la procédure d'examen de la demande nationale dérivée de la demande PCT/FR99/01632 (publiée comme WO 00/01617 A1), cette dernière ayant aussi conduit à la délivrance du brevet européen en cause et ayant été désignée comme "demande telle que déposée" dans la présente décision.
D3 décrit un exemple intitulé "Example 7 (not in accordance with the invention"). Cependant, la description du procédé selon cet exemple ne se distingue de la description du procédé selon l'exemple 5 (selon l'invention) du brevet en cause uniquement en ce que les valeurs absolues des débits des réactifs (eau, solution d'aluminate de sodium et solution de sulfate d'aluminium) sont quatre fois plus grandes, les proportions relatives des réactifs étant cependant les mêmes dans les deux exemples.
3.2.4 Or, les propriétés physico-chimiques de l'hydrate d'aluminium obtenu selon ledit exemple 7, telles que rapportées dans D3, se distinguent nettement de celles de l'exemple 5 du brevet. En particulier, la dispersibilité du produit selon ledit exemple 7 n'est que de 60%, tandis que le produit selon l'exemple 5 a une dispersibilité de 81%.
3.2.5 Le produit selon ledit exemple 7 ne possède donc pas la dispersibilité d'au moins 80% présentée comme essentielle dans la demande telle que déposée (cf. revendication 1), qui est à l'origine des brevets US et européen délivrés. De ce point de vue, il est donc compréhensible que l'exemple 7 soit désigné dans D3 comme non-conforme à l'invention.
3.2.6 Or, la demande telle que déposée (cf. page 5, ligne 36 à page 6, ligne 27) indique aussi les conditions de procédé (déjà énumérées au point 3.2.2 supra) considérées comme essentielles dans le cadre d'un procédé avec rétromélange lors de la précipitation.
3.2.7 L'exemple 7 est donc intitulé dans D3 comme non-conforme à l'invention malgré le fait que toutes lesdites conditions de procédé déjà présentées comme essentielles dans la demande d'origine se trouvent respectées. Aux yeux de la chambre, cette contradiction apparente ne peut que générer des doutes quant à la véracité des valeurs numériques indiquées dans D3. Le fait qu'il s'agit d'une attestation déposée auprès de l'USPTO ("declaration under Rule 37 C.F.R. §1.132") n'exclut pas la possibilité de telles erreurs.
3.2.8 Les arguments avancés par le requérant à ce propos ne sont pas susceptibles d'écarter lesdits doutes.
Plus particulièrement, la chambre n'est pas convaincue qu'une éventuelle erreur dans D3 se situerait forcément au niveau du pH indiqué. Une telle erreur pourrait tout aussi bien se situer au niveau d'une ou de plusieurs des autres données et résultats de mesure numériques.
La deuxième attestation D12 de Mr Martino, rédigée presque trois ans après sa première attestation D3, ne contient ni un nouveau rapport expérimental ni une référence à un journal de laboratoire qui pourrait éventuellement modifier la perception du contenu de D3. Au fait, D12 ne contient qu'une interprétation du contenu de D3 conduisant Mr Martino à conclure que la valeur du pH dans l'exemple 7 devait être supérieur à 8,5 et probablement (cf. "I believe") se situer entre 9 et 9,5.
3.2.9 Par conséquent, la chambre estime d'une part qu'au vu desdits doutes, l'attestation D3 n'a pas la valeur probante nécessaire pour mettre en doute les résultats obtenus selon l'exemple 5 du brevet en cause et/ou la reproductibilité de cet exemple.
3.2.10 D'autre part, la chambre considère qu'au vu des doutes générés par ladite contradiction dans D3, ce document ne permet pas non plus de conclure qu'au vu de l'information totale contenu dans le brevet en cause, et particulièrement des exemples 5 et 6 et des indications aux paragraphes [0024] et [0025], l'homme du métier ne parviendrait pas à obtenir des hydrates d'aluminium aux propriétés requises en mettant en oeuvre un procédé comprenant les étapes spécifiques et respectant les conditions opératoires de la revendication 5.
3.2.11 La chambre note que l'intimée n'a pas présenté d'autres preuves convaincantes susceptibles de démontrer l'impossibilité de mettre en oeuvre l'invention, par exemple au moyen d'une reproduction expérimentale de l'exemple 5 ou 6 aboutissant à un produit n'ayant pas la dispersibilité requise, ou au moyen d'un exemple de procédé respectant les conditions opératoires énoncées dans la présente revendication 5 mais n'aboutissant pas au produit souhaité. Durant la procédure orale, il a aussi été noté que la reproductibilité de l'exemple 6, qui lui aussi illustrait le procédé selon la revendication 5, n'avait jamais été mise en cause.
3.3 Alternative de procédé selon la revendication 5
Argumentaire basé sur le document D8
3.3.1 Le document D8 (cf. claim 1) concerne la préparation de pseudoboehmites ayant des propriétés physico-chimiques spécifiques ("Peptization Index PI" et "Type No.") par réaction en milieu aqueux d'une source cationique et d'une source anionique d'aluminium.
Selon l'exemple 2 de D8 (cf. colonne 2, lignes 16 à 45) invoqué par l'intimée, une solution d'aluminate de sodium et une solution de sulfate d'aluminium sont ajoutées simultanément à de l'eau à des débits tels qu'un pH de réaction de 7,5 soit maintenu. La température de réaction est maintenue à 65ºC. Lorsque la concentration voulue en Al2O3 est atteinte, l'ajout de la solution de sulfate est interrompue et l'ajout de la solution aluminate de sodium continue jusqu'à ce qu'un pH final ("terminal pH") plus élevé soit atteint. Ensuite, la suspension ("slurry") est encore agitée pendant dix à 15 minutes. L'étape suivante, désignée comme étape de mûrissement, est effectuée à une température de 65ºC pour une durée de 70 heures. Finalement, les produits obtenus sont filtrés, lavés et séchés.
Le tableau 1 de l'exemple 2 de D8 résume six essais, dont trois seulement ("samples" 2, 3 et 6) comprennent une étape de mûrissement ("aging") à des pHs maintenus strictement dans la plage numérique ("entre 9 et 11") selon la revendication 5 du brevet en cause (cf. D8, tableau 1, colonnes intitulées "pH at the start of aging" et "pH at the end of aging"). Ces trois essais montrent que les produits obtenus en opérant ainsi ont, respectivement, une taille des cristallites de 28 Å ou 36 Å et un PI de >60, 75 et 9 (tableau 2, colonnes "Cryst. Size Å" et "PI/min").
3.3.2 La dispersibilité des produits au sens du brevet contesté n'est pas indiquée dans D8. La chambre n'exclut pas qu'il y ait un certain rapport entre, d'une part, la dispersibilité exprimée par la granulométrie du produit telle que mesurée selon le brevet en cause (cf. paragraphes [0010] à [0012]), et, d'autre part, l'indice de peptisation PI tel que mesuré selon D8, à savoir le temps nécessaire pour que la pseudoboehmite peptisée à l'acide formique atteigne une certaine viscosité (cf. D8, colonne 6, lignes 41 to 57). Bien que les deux méthodes de mesure impliquent une certaine désagglomération de l'hydrate d'aluminium, le requérant a contesté qu'il y avait un lien direct entre ces deux paramètres. Puisque l'intimée n'a pas fourni de preuve corroborant son allégation que les deux paramètres étaient "étroitement liés", la chambre ne prend pas cette allégation en considération. De toute façon, une comparaison, même semi-quantitative, entre les valeurs de dispersibilité selon le brevet en cause et l'indice de peptisation PI selon D8 n'est pas possible sur la base des informations figurant au dossier. Par conséquent, il n'est pas possible de déduire du tableau 1 si aucune, certaines ou toutes les valeurs du PI qui y sont indiquées correspondent ou non à des valeurs de dispersibilité d'au moins 80%.
3.3.3 En ce qui concerne le procédé décrit dans l'exemple 2 de D8, il convient de noter qu'après la montée du pH due à la discontinuation de l'ajout de sulfate d'aluminium, le mélange est encore agité pendant dix à quinze minutes après avoir atteint la valeur "finale" du pH. L'intimée a fait valoir que cette phase pourrait parfaitement être considérée comme une première phase d'un mûrissement, même si dans la terminologie de D8, le mûrissement ne commençait qu'après cette phase. Or, D8 préconise de façon générale un mûrissement sans agitation (cf. colonne 2, lignes 20 à 21), ce qui permet de conclure qu'après l'agitation pendant dix à quinze minutes susmentionnée, le mûrissement d'une durée de 70 heures est effectué sans agitation.
Ceci est contraire à la présente revendication 5, selon laquelle la dispersion doit être "agitée au cours du mûrissement". Dans ce contexte, force est de constater que dans la description du brevet en cause, il n'est pas littéralement dit que la dispersion est agitée durant toute la durée du mûrissement. La chambre considère néanmoins qu'au vu du contenu des exemples du brevet en cause (cf. page 5, lignes 25 à 28: mûrissement dans un "réacteur agité") et en l'absence d'indications au contraire, la revendication 5 est à interpréter dans le sens que l'agitation de la dispersion a lieu pendant essentiellement toute la durée du mûrissement. Cette différence sur le plan de conditions de mûrissement réduit davantage la pertinence de l'exemple 2 de D8 dans l'évaluation de la suffisance de description du brevet en cause.
3.3.4 La chambre note également une certaine ambigüité au niveau des résultats présentés dans ledit exemple 2 de D8. En particulier, le produit de l'essai 3 a un PI de 75 (> 60 et donc non satisfaisant selon D8), tandis que celui de l'essai 6 a un PI de 9, et ceci malgré le fait que dans le cadre des deux essais, le mûrissement est effectué à des pHs nettement supérieurs à 9,5. Or, d'après le passage de D8 (colonne 4, lignes 5 à 10) expliquant les résultats des essais selon l'exemple 2, des pHs supérieurs à 9,5 devraient (a contrario) conduire aux valeurs souhaitées (<60) du PI. L'homme du métier s'attendrait donc plutôt à une valeur inférieure à 60 dans le cas de l'essai 3. Cette ambigüité jette un doute sur l'exactitude des valeurs indiquées dans le tableau 1 de D8.
3.3.5 Au vu de la totalité des aspects mentionnés aux points 3.3.2 à 3.3.4 supra, la chambre conclut que les informations contenues dans l'exemple 2 de D8 ne sont pas non plus susceptibles de démontrer qu'au vu de l'information totale contenu dans le brevet en cause, et particulièrement des exemples 5 et 6 et des instructions aux paragraphes [0024] et [0025], l'homme du métier pourrait se retrouver dans l'impossibilité d'obtenir des hydrates d'aluminium aux propriétés requises en mettant en oeuvre un procédé comprenant les étapes spécifiques et respectant les conditions opératoires de la revendication 5.
3.4 Etant donné que, au vu de ce qui précède, l'intimée ne s'est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait, la chambre conclut que les revendications ne s'étendent qu'à des éléments qui, après lecture de la description, sont accessibles à l'homme du métier.
L'objet des revendications 5 à 14 satisfait à l'exigence de suffisance de description de l'invention énoncée aux articles 83 et 100(b) CBE.
4. Renvoi de l'affaire
Au cours de la procédure d'opposition plusieurs objections de manque de nouveauté et/ou d'activité inventive ont été soulevées. La division d'opposition n'a pas pris position sur ces objections, qui n'ont pas été discutées lors de la procédure orale en première instance. Or, lesdites objections ne peuvent pas être considérées comme non-pertinentes à priori quant à la brevetabilité des revendications actuelles. Par conséquent, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation (Article 111(1) CBE), la chambre considère comme opportun de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition.
5. Au vu de cette issue de la procédure de recours, une évaluation plus approfondie des requêtes auxiliaires du requérant n'est pas nécessaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant l'organe de première instance pour examen de la nouveauté et de l'activité inventive sur la base des revendications 1 à 14 selon la requête principale déposée avec le courrier du 6 juillet 2010.