European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2008:T049706.20080507 | ||||||||
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Date de la décision : | 07 Mai 2008 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0497/06 | ||||||||
Numéro de la demande : | 99401998.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/48 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Composition de maquillage ou de soin sans transfert contenant une silicone linéaire volatile | ||||||||
Nom du demandeur : | L'OREAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | HENKEL AG und Co KGaA | ||||||||
Chambre : | 3.3.10 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (non) : essais de routine ; espérance de réussite (oui) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Une opposition a été formée en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet européen nº 0 979 646 basé sur la demande de brevet Nº 99401998.2.
L'opposante a invoqué une insuffisance de description de l'invention ainsi qu'un défaut de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) et (b) CBE) en se basant, entre autres, sur le document
(3) WO-A-98/32418.
II. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 3 février 2006, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d'un jeu de 16 revendications soumis comme requête principale lors de la procédure orale du 14 décembre 2005 satisfaisait aux conditions de la CBE. La revendication 1 selon cette requête (présente requête principale) s'énonce comme suit:
" 1. Composition de maquillage ou de soin sans transfert, caractérisée par le fait qu'elle comprend, en tant que solvant volatil de la phase grasse, l'association du décaméthyltétrasiloxane linéaire (L4) et d'au moins un deuxième solvant volatil ayant une vitesse d'évaporation supérieure à celle du décaméthyltétrasiloxane linéaire, au moins égale à 0,70 mg/cm**(2)/minute et ne dépassant pas 7,0 mg/cm**(2)/minute, le rapport de la vitesse d'évaporation dudit deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane étant compris entre 2,2 et 3, et le décaméthyltétrasiloxane étant alors utilisé à raison de 15 à 40 % en poids, rapporté au poids total du mélange de solvants volatils, ou
le rapport de la vitesse d'évaporation dudit deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane étant compris entre 12,9 et 22,7, et le décaméthyltétrasiloxane étant alors utilisé à raison de 75 à 95 % en poids, rapporté au poids total du mélange de solvants volatils."
Selon la division d'opposition, l'invention était suffisamment décrite pour qu'un homme du métier la puisse exécuter. Les compositions revendiquées étaient nouvelles. Le problème technique à résoudre par rapport à l'état de la technique le plus proche de l'invention représenté par le document (3) était de remplacer la silicone volatile cyclométhicone dans des compositions de maquillage ou de soin sans transfert tout en conservant une vitesse d'évaporation suffisamment rapide et en évitant les phénomènes de cristallisation. Les compositions revendiquées se distinguaient de celles décrites dans le document (3) par le rapport de la vitesse d'évaporation du deuxième solvant volatil à celui de la silicone L4 qui, selon le brevet litigieux devait se situer entre 2,2 et 3 ou 12,9 et 22,7, alors qu'il était de 7,55 dans les compositions de l'art antérieur. Comme le document (3) n'incitait pas l'homme du métier à sélectionner le mélange de solvants tel que défini par la revendication 1 en litige pour résoudre le problème technique à la base du brevet litigieux, l'objet des revendications selon la requête principale impliquait une activité inventive.
III. L'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision. La propriétaire du brevet litigieux (intimée) qui avait également introduit un recours contre cette décision, sans soumettre cependant de mémoire en exposant les motifs, a retiré expressément son recours lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 7 mai 2008.
IV. Lors de la procédure orale devant la Chambre, l'intimée a déposé une requête auxiliaire 1 en remplacement de l'ensemble des requêtes auxiliaires déposées préalablement.
La revendication 1 de cette seule requête auxiliaire diffère de la revendication 1 selon la requête principale uniquement par la suppression de l'expression " ou de soin".
V. Selon la requérante, le document (3) qui représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention, suggérait déjà le remplacement des silicones cycliques par des silicones linéaires volatiles, en particulier par le mélange des silicones L2, L3 et L4 commercialisé sous la dénomination Dow Corning 2-1184 Fluid, pour améliorer les propriétés de non-transfert des compositions cosmétiques. Les compositions selon la revendication 1 en litige ne se distinguaient de celles divulguées par le document (3) que par le rapport des vitesses d'évaporation. Cependant, comme aucun effet particulier n'était lié à ce rapport, son choix était arbitraire ou au mieux ne pouvait découler que d'essais de routine. Les compositions de maquillage ou de soin définies par les revendications selon la requête principale n'impliquaient donc pas d'activité inventive. La limitation de la revendication 1 selon la requête subsidiaire aux seules compositions de maquillage ne modifiait en rien l'analyse de l'activité inventive puisque le problème technique du non transfert restait le même pour les compositions de maquillage et le document (3) ne perdait donc aucunement sa pertinence.
VI. Selon l'intimée, le document (3) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention telle que définie par les revendications de la requête principale. Le problème technique résolu par l'invention était d'obtenir des compositions cosmétiques présentant les mêmes propriétés de non-transfert et ayant un profil d'évaporation similaire à celui des compositions à base de cyclométhicone D4. Le brevet litigieux proposait comme solution à ce problème les compositions selon la revendication 1 à base de décaméthyltétrasiloxane linéaire L4 et d'un deuxième solvant qui devait répondre à trois caractéristiques, à savoir une certaine vitesse d'évaporation, un rapport défini de vitesse d'évaporation et une proportion pondérale particulière dudit solvant par rapport à la silicone L4. Parmi ces caractéristiques, seul le rapport de la vitesse d'évaporation du deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane L4 n'était pas divulgué par le document (3). L'homme du métier ne pouvait cependant déduire de ce document que le rapport particulier des vitesses d'évaporation en combinaison avec les autres caractéristiques de la revendication 1 litigieuse permît l'obtention d'un profil d'évaporation similaire à celui de la silicone D4. Même en effectuant des essais de routine pour trouver un tel profil d'évaporation l'homme du métier ne pouvait s'attendre à résoudre avec succès le problème technique à la base du brevet litigieux. Par conséquent, l'objet des revendications de la requête principale impliquait une activité inventive. La revendication 1 selon la requête subsidiaire était limitée aux seules compositions de maquillage. Le document (3) concernait des gels déodorants pour lesquels le problème du transfert n'était pas comparable à celui rencontré lors de l'utilisation de compositions de maquillage renfermant des pigments et une phase grasse importante. Le document (3) cessait donc d'être pertinent et les compositions de maquillage revendiquées impliquaient une activité inventive.
VII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
VIII. L'intimée a demandé au principal que le recours soit rejeté, ou subsidiairement le maintien du brevet sur le fondement de sa requête auxiliaire 1 déposée pendant la procédure orale devant la Chambre de recours.
IX. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. La conformité des modifications des revendications avec les exigences de l'Article 123 CBE ainsi que la nouveauté des compositions revendiquées selon la requête principale ont été reconnues par la division d'opposition et n'ont pas été contestées par la requérante lors de la procédure de recours. La revendication 1 selon la requête subsidiaire a été modifiée uniquement en supprimant l'expression "et de soin", restreignant son objet aux seules compositions de maquillage. Cette modification n'emporte pas d'objections sur la base de l'Article 123 CBE. La revendication ainsi restreinte définit un objet dont la nouveauté n'a pas été contesté. En outre, la requérante a retirée son objection d'insuffisance de description de l'invention lors de la procédure orale devant la Chambre. Ainsi, la seule question en suspens reste celle de l'activité inventive.
Activité inventive
3. Requête principale
Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB, l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à identifier le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a bien été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution revendiquée s'imposait à l'évidence à l'homme du métier au vu de l'état de la technique pertinent.
3.1 Le brevet litigieux concerne des compositions cosmétiques de soins ou de maquillage sans transfert, ne se déposant donc pas de façon notable sur les surfaces, par exemple les vêtements, avec lesquelles elles viennent en contact (colonne 2, lignes 30 et 31; colonne 1, lignes 23 à 25). Le document (3) concerne également des compositions cosmétiques, à savoir des gels déodorants ou anti-transpiration, et s'attache également à éliminer ou à réduire le transfert des compositions sur les vêtements (page 1, lignes 15 à 19; page 2, lignes 3 à 7). La Chambre considère, en accord en cela avec les parties et la division d'opposition, que ce document représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.
3.2 Il n'a pas été contesté que les compositions sans transfert décrites dans le document (3) contiennent en tant que solvant volatil une association de silicones volatiles linéaires comprenant le décaméthyltétrasiloxane linéaire L4 dans un montant situé dans la fourchette de 15 à 40% en poids requise par la première alternative selon revendication 1 en litige (voir exemple 1 à la page 8 dans lequel la diméthicone volatile est le mélange DC-2-1184 défini à la page 5, lignes 28 à 30, (DC-2-1184: formule de la ligne 14 avec n de 1 à environ 3, la silicone linéaire L4 correspondant à la formule dans laquelle n=2). D'autre part, il a également été reconnu par les deux parties que le mélange de silicones volatiles DC-2-1184 utilisé dans les compositions selon le document (3) contient en plus de la silicone L4, comme deuxième solvant volatile la silicone L3 (formule page 5, lignes 14 et 28 à 30 dans laquelle n=1), ce deuxième solvant volatil répondant également à l'exigence de vitesse d'évaporation d'au moins égale à 0,70 mg/cm**(2)/minute et ne dépassant pas 7,0 mg/cm**(2)/minute inscrite à la revendication 1 en litige.
3.3 Selon l'intimée le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions de maquillage ou de soins sans transfert ayant un profil d'évaporation similaire à celui des compositions à base de cyclométhicone D4. Ce problème technique est également défini à la colonne 2, lignes 8 à 13 du brevet litigieux.
3.4 La solution proposée par le brevet litigieux au problème technique défini ci-dessus comprend une composition selon la revendication 1, cette composition étant caractérisée par le fait que le rapport de la vitesse d'évaporation dudit deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane L4 est compris entre 2,2 et 3 (première des deux alternatives prévues par la revendication 1).
3.4.1 La Chambre admet que ce problème technique a effectivement été résolu par les compositions revendiquées au vu de l'exemple 2 du brevet litigieux qui décrit une composition sans transfert dans laquelle le rapport des vitesses d'évaporation des deux solvants est de 2,59 (0,803 (isododécane)/ 0,300 (L4 dans le produit DC 200 Fluid), la vitesse d'évaporation du mélange des deux solvants étant de 0,619 mg/cm**(2)/minute et donc similaire à celle de la cyclométhicone D4 qui est de 0,626 mg/cm**(2)/minute. Ceci n'a pas été contesté par les parties.
3.5 Par conséquent, la seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème posé découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier d'utiliser un rapport de la vitesse d'évaporation du deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane L4 compris entre 2,2 et 3 pour obtenir des compositions sans transfert ayant un profil d'évaporation similaire à celui des compositions à base de cyclométhicone D4.
3.5.1 En ce qui concerne le premier aspect du problème technique résolu, à savoir celui de proposer des compositions sans transfert, aucun effet particulier en terme de non transfert n'a été démontré ou même invoqué par l'intimée en relation avec le rapport des vitesses d'évaporation caractérisant les compositions revendiquées. Par conséquent, la fourchette de rapport entre 2,2 et 3 ne résulte que d'un choix arbitraire opéré au sein du document (3) qui n'enseigne aucune limite de rapport de vitesse d'évaporation pour l'obtention de compositions sans transfert. Il reste donc à examiner si une activité inventive peut résider dans le fait que cette fourchette particulière de rapport de vitesse d'évaporation permet de résoudre le deuxième aspect du problème technique à la base du brevet litigieux, à savoir celui d'obtenir des compositions ayant un profil d'évaporation similaire à celui de la cyclométhicone D4. Le document (3) divulgue en tant que solvants volatils, des silicones linéaires dont les vitesses d'évaporation sont connues ou peuvent être aisément déterminées. Il était ainsi évident pour l'homme du métier connaissant du document (3) que les solvants peuvent être introduits dans les compositions sans transfert et sachant en outre leur vitesse d'évaporation, d'aboutir par des essais de routine mettant en jeu ces solvants, à un mélange de solvants ayant un profil d'évaporation similaire à celui de la cyclométhicone D4 et de constater que dans un tel mélange le rapport de la vitesse d'évaporation du deuxième solvant volatil à celle du décaméthyltétrasiloxane L4 est compris entre 2,2 et 3. Par conséquent, aucune activité inventive ne peut résider dans l'établissement de la fourchette de rapport d'évaporation permettant un profil d'évaporation similaire à celui de la cyclométhicone D4.
3.5.2 Selon l'intimée une activité inventive devrait être reconnue puisque l'homme du métier ne pouvait être sûr de résoudre par des essais de routine le problème technique à la base du brevet litigieux. La Chambre ne saurait cependant suivre cette argumentation qui sous-entend que l'homme du métier ne se livre à des essais de routine que s'il est certain que ces derniers le conduiront nécessairement à la solution du problème technique alors que, selon la jurisprudence constante des Chambres de recours, il y a évidence dès lors que l'homme du métier peut raisonnablement escompter une réussite, ce qui n'écarte pas un éventuel échec (T 149/93, point 5.2; non publiée dans JO OEB). Dans le cas d'espèce, où il s'agit à la vue de l'enseignement du document (3) de déterminer au sein d'une liste de solvants volatils déjà décrits comme étant propres à une utilisation dans des compositions cosmétiques sans transfert, ceux ayant un profil d'évaporation particulier, l'homme du métier peut raisonnablement escompter une réussite en menant des opérations de routine puisqu'il sait déjà avant même d'entamer de tels essais que certains des solvants décrits ont un profil d'évaporation proche de celui recherché. Par conséquent, l'argument de l'intimée doit être écarté.
3.6 Ainsi, les compositions selon la revendication 1 n'impliquent pas d'activité inventive (Article 56 CBE). La requête principale doit donc être rejetée.
4. Requête subsidiaire
4.1 La revendication 1 selon la requête subsidiaire ne se distingue de celle selon la requête principale que par la suppression de l'expression "et de soins". Selon l'intimée l'objet revendiqué se trouvait restreint par cette modification aux seules compositions de maquillage comprenant une phase grasse importante et des pigments pour lesquelles le phénomène de transfert n'était pas comparable à celui des compositions de soins. Ainsi, selon l'intimée, le document (3) qui concernait un gel déodorant et donc une composition de soin, perdait sa pertinence et l'objet de la revendication 1 ainsi modifié devait impliquer une activité inventive.
4.2 La Chambre ne peut cependant suivre cette argumentation qui repose sur deux phénomènes de transfert de nature différente alors même que le brevet litigieux ne mentionne qu'un seul phénomène de transfert sans établir à cet égard de distinction entre les compositions de soins et celles de maquillage. Il apparaît ainsi que la différence de transfert entre les compositions de soins et de maquillage que fait valoir l'intimée ex post facto pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre, est une différence artificielle. Cette argumentation tendant à diminuer la pertinence de l'enseignement du document (3) doit donc être écarté.
Par conséquent, l'enseignement du document (3) reste aussi pertinent pour l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire qu'il l'est pour l'objet de la revendication 1 selon la requête principale. Ainsi, les conclusions négatives quant à l'activité inventive en relation avec les compositions selon la revendication 1 selon la requête principale s'appliquent, mutatis mutandis, à l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire (voir le point 3 ci-dessus).
En conclusion, les compositions selon la revendication 1 n'impliquent pas d'activité inventive (Article 56 CBE) et la requête subsidiaire doit donc également être rejetée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.