European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2008:T049406.20081105 | ||||||||
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Date de la décision : | 05 Novembre 2008 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0494/06 | ||||||||
Numéro de la demande : | 00940464.1 | ||||||||
Classe de la CIB : | C08L 71/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Gel aqueux solide comprenant en gélifiant hydrophile et un polyéthylène glycol particulier, composition comprenant ce gel et utilisations | ||||||||
Nom du demandeur : | L'OREAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | HENKEL KGaA | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - (oui) Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen nº 00 940 464.1 au nom de L'OREAL, correspondant à la demande internationale publiée sous le nº WO 00/78868 et déposée le 8 juin 2000, pour laquelle a été revendiquée la priorité du dépôt antérieur FR 99/07766 (18 juin 1999) a donné lieu le 7 mai 2003 à la délivrance du brevet européen nº 1 112 325, sur la base de 25 revendications.
Les revendications indépendantes 1, 22, 23 et 25 s'énonçaient comme suit:
"1. Gel aqueux solide comprenant i) au moins un
gélifiant hydrophile et ii) au moins un polyéthylène glycol dont le nombre de moles d'oxyéthylène va de 12 à 180.
22. Composition solide à phase continue aqueuse, caractérisée en ce qu'elle comprend un gel tel que défini à l'une quelconque des revendications 1 à 21.
23. Produit de maquillage de la peau ou des fibres kératiniques, caractérisé en ce qu'il comprend un gel tel que défini à l'une quelconque des revendications 1 à 21 et/ou une composition telle que définie à la revendication 22.
25. Procédé de maquillage de la peau et/ou des fibres kératiniques, consistant à appliquer sur la peau et/ou les fibres kératiniques, un gel tel que défini à l'une quelconque des revendications 1 à 21 et/ou une composition telle que définie à la revendication 22 et/ou un produit tel que défini à l'une quelconque des revendications 23 ou 24."
Les revendications 2 à 21, et 24 étaient des revendications dépendantes.
II. Le 6 février 2004, une opposition a été formée à l'encontre du brevet européen précité dans laquelle la révocation du brevet était requise au titre de motifs énoncés à l'article 100a) CBE (manque de nouveauté et manque d'activité inventive).
En support de son opposition l'opposant a cité, entre autres, le document suivant:
D4: US-A-4 453 979.
III. L'opposition a été notifiée au propriétaire du brevet par courrier officiel daté du 17 février 2004.
Le propriétaire du brevet n'a pas fourni de réponse à la notification de l'opposition.
IV. La division d'opposition, dans une communication datée du 12 mai 2005 et accompagnant une citation à une procédure orale, a introduit le document
D5: EP-A-803 245. Selon la communication, ce document avait été cité dans le rapport de recherche et durant la phase d'examen de la demande ayant abouti à la délivrance du brevet en cause.
V. Par lettre du 19 mai 2005 le propriétaire du brevet a annoncé qu'il n'assisterait pas à la procédure orale.
VI. Par lettre du 6 septembre 2005 l'opposant a pris position sur D5 et à soumis au vu de D5 deux documents supplémentaires:
D6: "CTFA Cosmetic Ingredient Dictionary" 3. édition, 1973, 1977, 1982, pages ix, et 203; et
D7: Ensemble de documents:
- Information technique "Pluracare® E Grades", BASF, Avril 2002, pages 1-10;
- "Polyethylene Glycol 10,000", Hampton Research, daté du 1.06.2005 1 page (citation internet);
- "Polyethylene Glycol 8000", Hampton Research daté du 01.06.2005, 1 page (citation internet);
- Carbowax PEGs for Industrial Applications, Dow, daté du 01.06.2005, 2 pages (citation internet).
VII. Par décision en date du 16 novembre 2005 et notifiée le 20 février 2006, la division d'opposition a rejeté l'opposition.
a) La division d'opposition a décidé de ne pas tenir compte des documents D6 et D7, soumis tardivement (Art 114(2) CBE).
b) La nouveauté de l'objet des revendications 1 à 25 a été reconnue.
En particulier, selon la décision D4 décrivait des compositions de gommes hydrophiles exemptes de grumeaux. Un exemple de D4 (Table 1 et exemple III "old process") décrivait une composition gélifiée contenant une gomme de carraghénane (c'est à dire un gélifiant hydrophile selon le brevet opposé - voir paragraphe [0024] du brevet) et un polyéthylène glycol de poids moléculaire 1540 g/mol (environ 35 unités oxyéthylène). La division a cependant considéré que cette composition n'était pas un "gel aqueux solide" selon la revendication 1 du brevet en cause notamment parce que D4 décrivait des compositions trouvant une application en tant que pâte de dentifrice ou de mousse à raser et non en tant que bâton cosmétique comme dans le brevet en cause. Ceci indiquait, selon la division d'opposition, que les compositions gélifiées de D4 ne possédaient pas la solidité requise dans la revendication 1 du brevet opposé.
En plus, la solidité ou la dureté du gel de l'exemple III de D4 n'était décrite nulle part dans D4. Selon la décision, l'opposant avait admis lors de la procédure orale qu'aucune mesure de la dureté de ce gel, par exemple avec la méthode proposée dans le paragraphe [0020] du brevet ne venait confirmer son hypothèse.
En conséquence la division a conclu que l'exemple III de D4 ne constituait pas une description explicite et non équivoque d'un gel solide au sens du brevet opposé.
Par rapport à D5 la décision a constaté que D5 décrivait un gel aqueux solide comprenant un gélifiant hydrophile et un polyéthylène glycol. Le polyéthylène glycol utilisé dans les exemples de D5 était seulement désigné par "PEG 200" sans indication de la nature (nom commercial, données structurelles), de ce polymère qui eût permis de conclure qu'il puisse s'agir d'un polyéthylène glycol tel que défini dans le brevet en cause.
c) En ce qui concerne l'activité inventive, il a été considéré dans la décision que le brevet en cause portait sur des gels aqueux solides contenant un gélifiant hydrophile et qui étaient utilisés dans le domaine cosmétique.
L'état de la technique la plus proche était D5, qui était le seul document qui décrivait explicitement la préparation d'un gel aqueux solide pouvant servir dans les bâtons cosmétiques et dont les propriétés d'application étaient satisfaisantes.
La caractéristique distinguant l'objet des revendications 1-25 du brevet en cause des gels de D5 était l'utilisation d'un polyéthylène glycol ayant un nombre de moles d'oxyéthylène compris entre 12 et 180.
Il était proposé dans D5 une composition de gel aqueux solide possédant de bonnes propriétés mécaniques et des propriétés compatibles avec une utilisation dans les bâtons cosmétiques. Le même problème technique apparaissait donc avoir aussi été résolu par l'objet du brevet en cause. Considérant d'une part la ressemblance structurelle des polyéthylènes glycols comprenant - selon la décision - 200 unités oxyéthylène (D5) et 180 unités oxyéthylène (brevet) et d'autre part le fait que les gels du brevet ne solutionnaient aucun autre problème non connu de D5, le problème objectif était l'obtention d'un gel aqueux solide alternatif à ceux de D5.
Selon la décision, le lecteur de D5 ne trouvait aucune information concernant l'influence de la nature d'un polyéthylène glycol sur les propriétés mécaniques d'un gel aqueux solide. Par conséquent il n'était pas suggéré par D5 qu'un gel aqueux solide satisfaisant pouvait toujours être obtenu si la nature du polyéthylène glycol venait à être modifiée. Même si l'homme du métier devait être amené à remplacer le PEG 200 de D5 par un autre polyéthylène glycol, il ne disposait d'aucune indication le conduisant vers les polyéthylènes glycols contenant de 12 à 180 unités oxyéthylène. En outre, le brevet montrait par les exemples comparatifs que certains polyéthylènes glycols ayant un nombre de moles d'oxyéthylène de 8 ou de 115 000, c'est à dire non compris entre 12 et 180 ne permettaient pas d'obtenir un gel aqueux solide résolvant le problème technique objectif de façon satisfaisante. Comme l'opposant n'avait pas apporté la preuve que des polyéthylènes glycols à nombre d'unités oxyéthylène en dehors de 8 et 115000, c'est à dire par exemple d'autres polyoxyéthylènes glycols à nombre d'unités oxyéthylène compris entre 180 et 115000 permettaient d'obtenir des gels aqueux solides disposant des mêmes propriétés mécaniques, il ne pouvait pas être conclu, à la lumière des faits invoqués, que l'utilisation de polyéthylènes glycols possédant entre 12 et 180 unités oxyéthylène fût une solution évidente du problème technique objectif.
d) La division d'opposition est donc parvenue à la conclusion que l'opposition devait être rejetée.
VIII. Le 5 avril 2006 l'opposant a formé un recours à l'encontre de cette décision, la taxe de recours étant acquittée le même jour.
IX. Le mémoire de recours a été reçu le 20 juin 2006. Avec le mémoire de recours le requérant a soumis les trois documents supplémentaires suivants:
D8: Information technique "Lutrol® E Marken" (BASF Mai 1996);
D9: Schrader, K. "Grundlagen und Rezepturen der Kosmetika" (1989) pages 188, 189, 234, 235; et
D10: "International Cosmetic Ingredient Dictionary", sixth edition, 1995, Wenninger, J.A., McEwen, G.N. (éditeurs), pages 1252, 1253, 1338, 1339, 1374, 1375, 1402, 1403, 1458, 1459, 1628, 1629.
Dans son mémoire de recours, le requérant a présenté des arguments concernant la nouveauté et l'activité inventive qui peuvent être résumés de la façon suivante:
(i) Concernant la nouveauté:
(i.1) D5 était un document appartenant au domaine de la cosmétique et s'adressait donc à l'homme du métier correspondant.
(i.2) Cet homme du métier connaissait les conventions pour identifier les constituants des compositions cosmétiques comme celles définies selon la norme de la déclaration INCI. A ce sujet il était fait référence à D5 en combinaison avec le document D10.
(i.3) Il était donc évident que les composants des compositions utilisées dans les exemples décrits dans les colonnes 3 et 4 de D5 étaient exclusivement dénommés selon les noms INCI, donnés dans D10. Comme preuve de ceci, il était fait référence en particulier aux produits "Dimethicone Copolyol", "Hexylene glycol", "Lauroyl lysine" et "Phenoxyethanol" qui étaient tous dénommés dans D5 conformément aux noms INCI donnés dans D10.
(i.4) Il était donc évident que le produit désigné "PEG 200" dans D5 devait être défini selon la terminologie INCI et correspondait au produit désigné "PEG-200" selon D6 (page 203), et que ce produit avait 200 unités oxyéthylène.
(i.5) Concernant D4, le dentifrice pouvait être sous forme de gel. De plus la revendication 1 de D4 avait pour objet un procédé pour la formulation de gommes aqueuses alcooliques sans grumeaux. Les gommes étaient des systèmes de haute viscosité et pouvaient sans doute également être des gels. Selon la revendication 1, D4 propose l'utilisation de PEG solides à température ambiante.
(i.6) Concernant la question de savoir si les produits de D4 étaient solides, le requérant avait indiqué que des essais comparatifs en utilisant la méthode de mesure selon le brevet en cause étaient en cours de préparation.
(ii) Concernant l'activité inventive:
(ii.1) Comme indiqué dans la décision de la division d'opposition (voir VII.(c) ci-dessus, D5 représentait l'état de la technique le plus proche.
(ii.2) A partir de l'enseignement de D7, D8 et D9 l'homme du métier aurait appris que les PEG solides, par exemple ceux commercialisés sous le nom "Lutrol® E" (D8) pouvaient être utilisés pour influencer la consistance des compositions ("Konsistenzgeber").
(ii.3) Le même enseignement était prodigué par D9, pages 234 et 235, en particulier que les PEG solides étaient utilisés pour ajuster la viscosité d'émulsions.
(ii.4) Partant de la constation que les produits de D5 étaient trop solides, le problème technique serait d'en améliorer la consistance. L'homme du métier aurait su de par les documents D8 et D9 que l'on pouvait utiliser d'autres polyéthylènes glycols solides, par exemple ceux de type "Lutrol® E 1500" à "Lutrol® E 6000" pour résoudre ce problème.
X. Par une notification datée du 8 juillet 2008, la chambre a convoqué les parties à une procédure orale pour le 5 novembre 2008.
XI. Par lettre du 26 août 2008 l'intimé (propriétaire du brevet) a indiqué qu'il ne participerait pas à la procédure orale.
XII. La procédure orale a eu lieu le 5 novembre 2008 en présence du requérant et en l'absence de l'intimé (voir XI ci-dessus).
Lors de la procédure orale, le requérant a indiqué que, contrairement à ce qui avait été annoncé dans le mémoire de recours (voir IX.(i.6) ci-dessus), les essais comparatifs par rapport à D4 n'avaient pas été réalisés.
(i) Les arguments concernant la nouveauté présentés par le requérant lors de cette procédure orale peuvent être résumés de la façon suivante:
a) L'exemple III de D4 divulguait une composition contenant le carraghénane et le PEG avec un poids moléculaire de 1540. Cette composition était conforme aux compositions selon la revendication 1 du brevet en cause.
b) Concernant la présence de charges indiquée dans D4, celle-ci était également permise dans le brevet (voir [0039]-[0041] et revendications 8, 10 et 13 du brevet en cause).
c) Selon la Table 1 à la colonne 4 de D4 il était indiqué que certaines compositions contenant l'un ou autre des composants indiqués dans l'exemple III pouvaient être coulées ("pourable"). Cependant pour rendre la composition fluide, il fallait appliquer une force sur la composition. En l'absence d'une telle force, on pouvait conclure que la composition était dans un état non fluide - c'est à dire solide - comme par exemple le ketchup dans une bouteille.
d) Concernant D5, le requérant se rapportait aux arguments présentés dans la phase écrite du recours (voir IX.(i.1) - IX(i.4)) ci-dessus.
(ii) La chambre ayant noté que selon D9 il existait dans le domaine de la cosmétologie deux conventions pour dénommer les composés PEG dans les compositions cosmétiques:
une utilisant un trait entre le terme PEG et un nombre (c.a.d "PEG-200"), selon laquelle le nombre était celui d'unités oxyéthylène dans la molécule,
et une n'utilisant pas de trait entre le terme PEG et un nombre, selon laquelle le nombre correspondait à la masse moléculaire,
elle a observé que dans D5 il n'y avait pas de trait entre le terme PEG et le numéro.
(iii) Concernant l'activité inventive, les arguments présentés par le requérant peuvent être résumés de la façon suivante:
(iii.a) Le problème technique par rapport à D5 consistait en la production d'un gel alternatif.
(iii.b) Au vu de D9 l'homme du métier savait qu'on pouvait utiliser les PEG pour modifier la viscosité des émulsions.
(iii.c) Ayant constaté que le produit de D5 avait une viscosité insuffisante, il était évident pour l'homme du métier de résoudre ce problème en remplaçant le PEG utilisé selon les exemples de D5 par un PEG de poids moléculaire supérieur.
(iii.d) Cet argument impliquait que le terme "PEG 200" corresponde à un produit de poids moléculaire de 200 et non pas à un produit ayant 200 unités oxyéthylène (voir la discussion de nouveauté pendant la procédure orale - XII.(ii) ci-dessus.
(iii.e) D8 divulguait que les PEG solides, par exemple Lutrol® E 6000 (135 unités oxyéthylène) servaient comme régulateurs de consistance ("Konsistenzgeber") et étaient utilisés de plus dans les bâtons de rouge à lèvres - donc dans des produits solides.
(iii.f) Il était donc connu à partir de D5 et D8 qu'il était possible d'augmenter la solidité de produits contenant des PEG par augmentation du poids moléculaire du PEG. De plus l'existence de composés PEG alternatifs de poids moléculaire plus élevé était connue.
(iii.g) Deuxièmement et indépendamment de l'interprétation de la divulgation de D5 concernant "PEG 200" (soit poids moléculaire 200 ou 200 unités oxyéthylène), le produit utilisé selon l'exemple de D5 était proche de l'une des deux limites dans la revendication 1 du brevet en cause. En outre, le produit Lutrol® 6000 de D8 de masse moléculaire 6000 et ayant 135 unités oxyéthylène tombait sous la revendication 1 du brevet en cause. Le problème technique consistait en l'obtention d'un gel solide, et non pas d'un produit mou ou liquide. Par conséquent, l'homme du métier aurait uniquement sélectionné les produits Lutrol® solides comme alternatives aux produits divulgués dans D5, tous ces produits Lutrol® solides tombant sous la revendication 1 du brevet en cause.
XIII. Le requérant (opposant) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 1 112 325.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Art 54 CBE - Nouveauté
2.1 D4 concerne une dispersion d'une gomme hydrophile pour former des mélanges aqueux alcooliques exempts de grumeaux (Colonne 1 "Field of the Invention", colonne 2, "Summary of the Invention" et revendication 1). Selon l'exemple III, cité par le requérant, un polyoxyéthylène de poids moléculaire 1540, ayant donc 34,5 unités oxyéthylène par molécule, et le carraghénane (gélifiant hydrophile - voir revendication 3 du brevet en cause) sont mélangés pour produire un "liquid premix" (pré-mélange liquide). Ensuite on ajoute les composés abrasifs et d'autres composants du dentifrice.
Selon la Table 1 dans la colonne 4 de D4, citée par le requérant lors de la procédure orale, qui se rapporte aux autres compositions que celles de l'exemple III, les produits "liquides" sont désignés comme étant "pourable" (coulables - voir XII.(c) ci-dessus).
Selon le requérant cette propriété se manifeste seulement dans le cas où le composé est exposé à une sollicitation mécanique; cependant en absence d'une telle sollicitation le produit n'est pas coulable mais solide. A titre d'exemple d'une telle substance le requérant a fait référence au ketchup.
La chambre note tout d'abord qu'aucune preuve concernant la consistance du produit de l'exemple III de D4 n'a été soumise par le requérant, puisque, comme indiqué par le requérant lors de la procédure orale (voir XII ci-dessus) les essais comparatifs annoncés dans le mémoire de recours (voir IX.(i.6) ci-dessus) n'ont pas été fournis.
En outre, la chambre observe que, même si le produit de D4 avait les propriétés indiquées par le requérant - et il n'a pas apporté de preuve que ce soit le cas - la conséquence aurait été que ce produit soit toujours un liquide ayant une viscosité (très) élevée, mais non un solide.
La chambre ne peut donc arriver qu'à la conclusion que l'exemple III de D4 ne divulgue pas une composition solide.
2.2 Concernant D5, dans les exemples de ce document, on emploie, entre autres, le carraghénane (gélifiant hydrophile - voir revendication 3 du brevet en cause) et les produits désignés "PEG 200" (exemples des colonnes 3-5) et "PEG 400" (colonne 5).
La chambre observe cependant que D5 ne contient aucune information concernant la provenance de ces PEG (appellations commerciales, masse moléculaire, données structurelles).
Selon le requérant dans son mémoire de recours (voir IX.(i) ci-dessus) cette désignation se rapporte à des composés ayant 200 (PEG 200) ou 400 (PEG 400) unités oxyéthylène dans la molécule.
Selon le requérant les dénominations des produits utilisés dans D5 correspondent à la nomenclature de l'INCI (D6 et D10 - voir IX.(i.2) à IX.(i.4) ci-dessus). Le lecteur de D5 comprendrait donc que les noms des produits utilisés dans D5, notamment "PEG 200" sont exprimés en conformité avec ce standard.
Selon la chambre, cette interprétation de la divulgation de D5 n'est cependant pas convaincante pour les raisons suivantes:
Premièrement dans le cas de tous les composés indiqués dans le mémoire de recours par la requérante pour supporter son interprétation (c'est à dire par référence à D10 le "dimethicone copolyol", "l'hexylene glycol", la "lauroyl lysine", et le "phenoxyethanol") la chambre constate que selon D10 les noms commerciaux/chimiques et les noms INCI ("cosmétiques") sont identiques. Il s'en suit que la dénomination employée pour les composés utilisés dans D5 ne peut donner aucune information concernant la nomenclature effectivement utilisée dans ce document.
Deuxièmement il ressort de D9 qui est un traité général de cosmétologie, qu'il existe deux façons ou conventions pour désigner les produits PEG utilisés dans ce domaine. Selon la page 188 (voir référence au composé "Lutrol 9"), et la page 189 (voir composés du type "Lutrol E-Marken"), lorsque la dénomination du produit comporte un trait entre PEG et le numéro (par exemple "PEG-200"), le nombre correspond a celui des unités oxyéthylène dans la molécule. Cette information est en outre conforme avec la nomenclature indiquée à la page 203 de D6.
De plus, selon le chapitre "Polyethylenglykole (Polydiole)" commençant à la page 234 de D9, il ressort que, si la dénomination ne comporte pas de trait entre le terme PEG et le numéro (par exemple "PEG 200"), le nombre indique la masse moléculaire moyenne de la molécule. D9 met donc en évidence qu'il existe dans le domaine technique de la cosmétologie deux conventions pour désigner les produits de type polyéthylène glycol, dans lesquelles les numéros ont des significations différentes.
Au vu de ces considérations et des arguments du requérant (voir IX.(i) ci-dessus) la chambre arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de possibilité pour elle d'établir à partir de D5 laquelle des deux définitions possibles pour les composés PEG de D5 s'applique effectivement à ces composés, et que donc il existe une incertitude concernant l'identité chimique du produit nommé "PEG 200" utilisé dans D5.
De plus quelle que soit la définition adoptée, la chambre note que dans tous les cas le PEG utilisé dans les exemples de D5 ne tombe pas sous la revendication 1 du brevet en cause. En effet, si le numéro correspondait à la masse moléculaire les produits employés dans D5 auraient soit environ 4,1 (masse moléculaire 200) ou environ 8,7 (masse moléculaire 400) unités oxyéthylène, et s'il exprimait le nombre d'unités oxyéthylène (200 ou 400), il est donc évident que ces composés seraient en dehors du domaine de 12-180 défini dans la revendication.
En conclusion bien que l'information technique de D5 soit ambiguë, il est toutefois certain qu'aucune des deux interprétations possibles ne conduirait à une composition comprenant un polyoxyéthylène glycol selon la définition de la revendication 1 du brevet en cause.
2.3 Par conséquent, ni D4 ni D5 ne divulguent l'objet de la revendication 1. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à ces documents. L'objet de la revendication 1 étant nouveau, la même conclusion s'applique a fortiori pour celui des revendications dépendantes 2 à 21, ainsi que pour celui des revendications 22 à 25 qui se réfèrent directement au gel selon les revendications 1 à 21.
3. Art. 56 CBA - activité inventive
3.1 Le brevet en cause - le problème technique.
Selon les paragraphes [0001]-[0003] du brevet en cause l'invention concerne un gel aqueux solide pour utilisation dans les produits cosmétiques sous forme solide, par exemple les "sticks" ou bâtons de rouge à lèvres. Il est en particulier intéressant de disposer de produits sous forme de "sticks" car de tels produits sont pratiques à utiliser, sont facilement transportables et ne risquent pas de couler.
3.2 La solution proposée par le brevet en cause.
Selon le brevet en cause, en associant à un gélifiant hydrophile un polyéthylène glycol ayant un nombre de moles d'oxyéthylène de 12 à 180, il est possible de réaliser des gels aqueux solides homogènes et stables, présentant une excellente cohésion et pouvant se déliter facilement (paragraphe [0011] du brevet en cause).
Selon les exemples il ressort qu'une composition dont le polyéthylène glycol a 12 unités oxyéthylène donne des produits ayant des propriétés satisfaisantes, en particulier, une dureté de 19g mesuré selon la méthode décrite dans le paragraphe [0020] du brevet. Cependant, si le polyoxyéthylène glycol n'a que 8 unités d'oxyéthylène - c'est à dire en dehors de la revendication 1 du brevet - le produit a une texture trop caoutchouteuse (dureté de 13,1g) pour permettre un délitage satisfaisant (exemple 1, exemple comparatif 2). Il ressort également de l'exemple 3 et de l'exemple comparatif 4 du brevet qu'une composition dans laquelle le polyéthylène glycol a 180 unités oxyéthylène a des propriétés satisfaisantes (dureté de 20,7g) mais que l'utilisation d'un polyéthylène glycol ayant 115000 unités oxyéthylène conduit à un produit extrêmement mou, très collant, difficilement applicable sur la peau et dont la dureté ne peut pas être mesurée.
Il est donc apparent que l'objet de la revendication 1 apporte effectivement une solution au problème technique indiqué dans le brevet.
3.3 L'art antérieur le plus proche.
La division d'opposition dans sa décision ainsi que le requérant ont considéré le document D5 comme représentant l'état de la technique le plus proche. La chambre ne voit aucune raison de ne pas partager cette opinion. En effet D5 est le seul document cité dans la procédure d'opposition qui a pour objet les produits de maquillage solides utilisables en forme de bâtons ou "sticks" (voir D5, colonne 1 lignes 3 à 20).
D5 propose un gel consistant selon la revendication 1 en:
- de l'eau;
- des polysaccharides;
- des composés humectant; et
- une phase pulvérulente.
Selon D5 (colonne 2, lignes 23-37) les compositions de gels ont, entre autres les propriétés suivantes:
- elles sont solides - c'est à dire elles sont susceptibles d'être utilisées en forme de sticks;
- elles peuvent être facilement prélevées et appliquées.
Ces propriétés correspondent aux propriétés requises selon le brevet en cause (voir 3.1 ci-dessus).
Les exemples de D5 divulguent des compositions de gels solides contenant jusqu'à environ 20 composants différents, entre autres le carraghénane et les produits identifiés comme "PEG 200" et "PEG 400". Comme indiqué dans la section 2.2 ci-dessus, D5 ne donne cependant pas d'information précise concernant les propriétés des produits désignés "PEG 200" et "PEG 400".
En particulier, comme déjà indiqué concernant la nouveauté (section 2.2 ci-dessus) il existe une ambiguïté sur le poids moléculaire et le nombre d'unités oxyéthylène dans les produits PEG utilisés dans D5.
3.4 Problème technique objectif par rapport à D5.
Le requérant n'a fourni aucune preuve mettant en évidence des insuffisances quelconques de la composition de gel divulguée selon D5.
Dans cette situation il convient de formuler le problème technique comme étant d'optimiser les compositions de gel de D5 par rapport à leur utilisation dans les bâtons cosmétiques.
3.5 La solution proposée La solution proposée par le brevet en cause est de remplacer les produits de type "PEG" de D5 (de constitution inconnue - voir 2.2 et 3.3 ci-dessus) par un PEG ayant de 12 à 180 unités oxyéthylène.
3.6 Activité inventive
Comme indiqué ci-dessus le requérant n'a pas fourni de preuves concernant une insuffisance du produit selon D5. Par conséquent, il n'existait pas de motivation pour apporter des modifications quelconques aux produits de D5. En outre, même si une telle insuffisance avait existé, il n'a pas été démontré par référence à D5 ou à un des autres documents cités dans la procédure d'opposition et la procédure de recours que l'homme du métier aurait été incité à modifier spécifiquement le PEG et non pas un autre composant parmi la vingtaine de composants des compositions de D5 pour y remédier.
Comme indiqué dans les exemples du brevet en cause (voir section 3.2 ci-dessus) il a par contre été démontré de façon convaincante que l'utilisation du PEG comme défini dans la revendication 1 du brevet en cause, c'est à dire ayant un nombre de moles d'oxyéthylène allant de 12 à 180, permet d'optimiser la dureté du gel aqueux solide.
La sélection d'un tel produit polyéthylène glycol, n'est suggérée nulle part dans l'état de la technique cité.
3.7 Il ressort de ces considérations que pour l'homme du métier, l'objet de la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'art antérieur cité par le requérant, et que donc l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive (Art. 56 CBE).
3.8 Pour les mêmes raisons, la même considération s'applique a fortiori à l'objet des revendications 2 à 25.
4. Admissibilité des documents D6, D7 et D8 à D10.
Les documents D6, D7, et D8 à D10 ont été soumis après l'expiration du délai de 9 mois pour l'opposition (voir VI et IX ci-dessus).
Selon le requérant la raison pour présenter ces documents était l'introduction par la division d'opposition de D5 et, en particulier la nécessité d'expliquer ou clarifier certains termes utilisés dans D5 (mémoire de recours, pages 1 et 2).
Comme indiqué ci-dessus l'information contenue dans D5 n'est pas, en elle-même, susceptible d'une interprétation claire. Cette interprétation nécessite des informations complémentaires, qui sont justement apportées par les documents D6 à D10.
En d'autres termes, l'information contenue dans les documents D6 à D10 aide à l'interprétation et à la compréhension de D5.
Pour cette raison le chambre considère que les documents D6 et D7, soumis avec la lettre du 6 Septembre 2005 et D8, D9 et D10, soumis avec le mémoire de recours doivent être admis dans la procédure (Art. 114(2) CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.