T 0852/05 () of 30.5.2007

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2007:T085205.20070530
Date de la décision : 30 Mai 2007
Numéro de l'affaire : T 0852/05
Numéro de la demande : 97420133.7
Classe de la CIB : D03C 3/24
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Procédé et dispositif de sélection des crochets mobiles d'un mécanisme de formation de la foule et métier à tisser du type jacquard
Nom du demandeur : STAUBLI LYON
Nom de l'opposant : N.V. Michel van de Wiele
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Modifications - étendue de l'objet (non)
Exposé - suffisance (oui)
Clarté (oui)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Par décision intermédiaire remise à la poste le 4 mai 2005, la division d'opposition a maintenu le brevet européen n(0 823 501, délivré sur la base de la demande de brevet européen nº97 420 133.7, sous une forme modifiée.

II. Le libellé des revendications indépendantes du brevet modifié est le suivant :

"1. Procédé de sélection des crochets mobiles d'un mécanisme de formation de la foule (7) d'un métier à tisser de type Jacquard (j) comprenant au moins un crochet (9) déplacé par un couteau (10) entre une position de point mort haut, dans ou à proximité de laquelle ledit crochet peut être immobilisé par un dispositif de sélection (15, 16), et une position de point mort bas, caractérisé en ce qu'il consiste à exercer individuellement sur ledit crochet, lors de chaque passage dudit crochet dans sa position de point mort haut ou à proximité de celle-ci, un effort (F3) tendant à ramener ledit crochet vers sa position de point mort bas, ledit effort étant exercé sur ledit crochet uniquement au voisinage de sa position de point mort haut".

"3. Dispositif de sélection des crochets mobiles d'un mécanisme de formation de la foule (7) d'un métier à tisser de type Jacquard (j) comprenant au moins un crochet (9) déplacé par un couteau (10) entre une position de point mort haut, dans ou à proximité de laquelle ledit crochet peut être immobilisé par un dispositif de sélection (15, 16), et une position de point mort bas, caractérisé en ce qu'il comprend des moyens de butée élastique (20-23, 40, 41) dudit crochet dans sa position de point mort haut, lesdits moyens étant aptes à exercer individuellement sur ledit crochet, lors de chaque passage dudit crochet dans sa position de point mort haut ou à proximité de celle-ci et uniquement au voisinage de cette position, un effort (F3) tendant à pousser ledit crochet vers sa position de point mort bas".

III. Dans sa décision intermédiaire, la Division d'opposition a considéré que les revendication modifiées remplissaient les conditions de l'article 123(2) et (3) et de l'article 84 CBE, et que l'objet revendiqué était nouveau et impliquait une activité inventive par rapport aux antériorités citées, notamment les documents

D1 : DE-A-35 24 569 ;

D2 : DE-A-37 24 686 ;

D5 : EP-A-408 076 ;

D6 : EP-A-374279.

IV. Le requérant (opposant) a formé le 30 juin 2005 un recours contre cette décision et a acquitté le même jour la taxe de recours. Avec le mémoire exposant les motifs du recours, déposé le 19 août 2005, le requérant a déposé le nouveau document

D10 : US-A-3 938 560.

V. Une procédure orale, à l'issue de laquelle la Chambre a rendu sa décision, a eu lieu le 30 mai 2007.

Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.

L'intimé (titulaire) a demandé le maintien du brevet sur la base des pièces jointes à la décision de la Division d'Opposition en date du 4 mai 2005.

VI. Dans l'annexe à la convocation à la procédure orale, la Chambre a exprimé un avis provisoire selon lequel le document D1 ne portait pas atteinte à la nouveauté du procédé selon la revendication 1. En effet, bien que D1 divulguait un procédé de sélection des éléments de retenue mobiles d'un mécanisme de formation de la foule d'un métier à tisser de type Jacquard, ces éléments de retenue n'étaient pas des crochets déplacés par un couteau. Même s'il s'agissait là de caractéristiques de dispositif et non d'étapes de procédé, ces caractéristiques entraient en jeu lors de la mise en oeuvre des étapes du procédé revendiqué.

VII. Au soutien de ses requêtes, le requérant a développé pour l'essentiel l'argumentation suivante :

La caractéristique des revendications 1 et 3 selon laquelle l'effort F3 était exercé « individuellement » sur chaque crochet n'avait pas de base dans la demande telle que déposée (Article 123(2) CBE). Cette dernière ne décrivant en détail le dispositif que par rapport à une seule lisse du métier Jacquard, on ne pouvait pas en déduire clairement et sans ambigüités que les crochets associés à des autres lisses du mécanisme de formation de la foule du métier étaient commandés individuellement.

Le remplacement de l'expression « destiné à compenser » par « sensiblement égal à » dans la revendication 2 introduisait un manque de clarté (Article 84 CBE). Étant donné que la résultante des forces de frottement et d'inertie était variable, il n'était pas clair si l'effort F3, exercé par un ressort dans les modes de réalisation divulgués, devait être « sensiblement égal » à cette résultante pour toute la durée de son application ou seulement pour une période limitée. En outre, la détermination de la résultante des forces de frottement et d'inertie était difficile à faire en pratique. L'homme du métier n'était donc pas capable d'exécuter l'invention telle que définie par la revendication 2 (Article 83 CBE).

Bien que déposé seulement avec le mémoire de recours, le document D10 était de prime abord éminemment pertinent en ce qu'il divulguait un dispositif de sélection des crochets mobiles d'un mécanisme de formation de la foule, comprenant un ressort exerçant individuellement sur chaque crochet, lors de chaque passage dudit crochet dans sa position de point mort haut ou à proximité de celle-ci, un effort tendant à ramener ledit crochet vers sa position de point mort bas, ledit effort étant exercé sur ledit crochet uniquement au voisinage de sa position de point mort haut. Les plaques qui servaient à déplacer les crochets de ce dispositif pouvaient être considérés comme des couteaux, car il était indéniable qu'elles en exerçaient la fonction.

En outre l'objet de la revendication 1 n'impliquait pas une activité inventive. En partant du document D1, l'homme du métier voulant simplifier et rendre plus compact le dispositif de D1 aurait évidemment considéré d'y transférer le mécanisme de déplacement des crochets divulgué par D2, comprenant des couteaux, en arrivant ainsi de manière évidente à l'objet de la revendication 1. Alternativement, il y serait arrivé en partant du document D2. L'homme du métier aurait remarqué qu'il était souhaitable que chaque crochet se déplace avec les couteaux dès le début de sa course descendante. Afin d'arriver à ce but, il aurait modifié les pistons (18) du dispositif de sélection des crochets de D2 en les prenant plus longs. Les pistons, poussés vers le bas par des ressorts, pouvaient ainsi exercer un effort vers le bas sur le crochet au voisinage de sa position de point mort haut. Une telle modification était aussi évidente au vu de D1, qui divulguait des éléments de retenue des crochet exerçant un effort vers le bas sur les crochets (par l'intermédiaire de ressorts 46), ledit effort étant exercé sur ledit crochet uniquement au voisinage de sa position de point mort haut. Une autre possibilité d'arriver à l'objet revendiqué consistait à modifier le dispositif connu du document D6 dans le but de réduire l'énergie dissipée lors du déplacement des crochets. En effet, le document D6 divulguait un dispositif de sélection des crochets dans lequel des ressorts (11) exerçaient un effort tout le long du déplacement des crochets. L'homme du métier aurait remarqué que l'effort exercé par ces ressorts n'était nécessaire que lorsque le crochet était en haut ; il aurait donc considéré de réduire l'énergie dissipé en modifiant le dispositif de sorte que la force ne soit exercé qu'au voisinage de la position de point mort haut, en arrivant ainsi à l'objet revendiqué. En outre, le problème d'éviter une dissipation d'énergie se retrouvait dans D5, lequel document divulguait précisément de n'appliquer un effort sur les crochets que dans la partie haute de leur déplacement.

VIII. L'intimé a argumenté en substance comme suit :

Le fait que l'effort tendant à ramener le crochet vers sa position de point mort bas était exercé individuellement se déduisait directement et sans ambigüités de la description de la demande telle que déposée.

Il était clair pour l'homme du métier que la mise en oeuvre du procédé selon la revendication 2 n'impliquait pas un calcul théorique de l'évolution dans le temps de la résultante des forces de frottement exercées sur le crochet et des forces d'inertie. En effet l'enseignement de la revendication 2 consistait à fournir une indication de l'intensité de l'effort à appliquer utile en pratique, p.ex. pour choisir la constante de raideur du ressort devant exercer ledit effort, comme expliqué dans la description du brevet en cause.

Le document D10, qui avait été produit tardivement, n'était pas plus pertinent que ceux pris en compte par la Division d'Opposition et ne devait donc pas être introduit dans la procédure. En effet, D10 concernait un dispositif de commande mécanique de guide-fils dans lequel les guide-fils étaient déplacés verticalement par des moyens de commande comprenant chacun deux plaques horizontales de verrouillage qui n'étaient pas des couteaux déplacés verticalement. En outre, les guide-fils de D10 n'étaient pas des crochets mais des tiges munies de tétons de blocage.

L'état de la technique le plus proche était représenté par le document D6 dans la mesure où il correspondait à un type de matériel globalement de même nature que celui mis en oeuvre avec le brevet en cause. Dans ce type de matériel, des crochets étaient prévus pour être déplacés en appui sur des couteaux, de sorte que se posait alors le problème technique de la gestion de la fin de course de ces crochets au voisinage du point mort de leur trajectoire. Ce problème technique ne se posait pas dans le document D1, qui divulguait un mécanisme de formation de la foule dans lequel il était prévu ni couteau, ni crochet mobile. L'enseignement technique de D1 se rapportait en effet à un dispositif de sélection dans lequel des poinçons venaient en appui contre des électroaimants, alors que des ressorts étaient prévus pour vaincre les efforts magnétiques rémanents en fin de phase de démagnétisation de l'électroaimant, lors de la séparation des poinçons des électroaimants. Le document D2 était incompatible avec l'invention car il était impossible d'exercer sur la tête d'un élément de levage dans sa position soulevée un effort tel que celui de l'invention, lors de chaque passage de cet élément au voisinage de sa position de point mort haut. En outre, ni D6, ni D5, contenaient des indications utiles à identifier le problème technique à la base de l'invention.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Modifications

2.1 Article 123(2) et (3) CBE

Les revendications indépendantes 1 et 3 diffèrent des revendications 1 et 3 telles que délivrées (qui se basent sur les revendications 1 et 3 et la description de la demande telle que déposée, voir en particulier page 3, lignes 17 à 25 ; page 6, lignes 36 à page 7, lignes 29 et page 8, lignes 20 à 24) par l'introduction de l'expression « individuellement ». La Chambre partage l'avis de la Division d'opposition (point 3.3. de la décision contestée) que l'expression "individuellement" doit être interprétée dans le sens qu'elle a habituellement dans le cadre restrictif d'un dispositif Jacquard tel que décrit dans le brevet, signifiant notamment que l'effort est exercé sur chaque crochet indépendamment des autres. Cela n'a d'ailleurs pas été contesté par le requérant. Le requérant a toutefois contesté que cette caractéristique se déduit de la demande telle que déposée, cette dernière ne décrivant en détail le dispositif qu'en rapport à une seule lisse du métier Jacquard.

En se référant à la figure 2 de la demande telle que déposé, dans laquelle l'effort tendant à ramener le crochet vers sa position de point mort bas est exercé par un levier 20 (voir page 7, lignes 23 à 25 de la demande telle que déposée), il est toutefois clair que pour les lisses autres que la lisse 6 des dispositifs semblables à celui de la figure 2 doivent être prévus, chacun ayant un levier identique et de conséquence un moyen permettant d'exercer un effort individuellement sur chaque crochet.

Dans la revendication 2, le texte "destiné à compenser" est remplacé par "sensiblement égal". De par cette modification la revendication 2 devient identique à la revendication 2 de la demande telle que déposée.

Les revendications 4 à 9 sont identiques à celle du brevet tel que délivré.

Les modifications apportées à la description n'ont pas été contestées par le requérant et la Chambre n'y voit aucune objection.

Les revendications 1 et 3 sont, du fait de la modification subie, plus limitées que les revendications 1 et 3 délivrées.

Par conséquent les modifications n'étendent pas l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (article 123(2)CBE), pas plus que la protection accordée (article 123(3) CBE).

2.2 Clarté (article 84 CBE) et suffisance de l'exposé (article 83 CBE)

La requérante a soulevé des objections au titre de l'article 84 et 83 CBE à l'encontre de la revendication 2 modifiée.

De l'avis de la Chambre, l'homme du métier, qui comme l'a justement remarqué la Division d'opposition (voir point 4.3 de la décision contestée) est le spécialiste des mécaniques Jacquard, comprendrait immédiatement que l'enseignement selon la revendication 1 n'implique pas le calcul théorique de l'évolution de la résultante des forces de frottement agissant sur les crochets et des forces d'inertie. En effet, un tel calcul théorique est compliqué et la mise en oeuvre d'un système de compensation de ladite résultante variable dans le temps pratiquement impossible avec des simples moyens mécaniques comme ceux qu'on peut raisonnablement concevoir dans un mécanisme de formation de la foule d'un métier à tisser de type Jacquard. En fait, le sens pratique de l'homme du métier lui ferait immédiatement comprendre que le calcul de ladite résultante ne peut qu'être un calcul d'une valeur lui permettant d'évaluer approximativement l'effort à exercer et de dimensionner en conséquence les moyens pour exercer ledit effort. Une telle interprétation trouve d'ailleurs son support dans la description du brevet en cause, dans lequel il est dit (voir en particulier le par. [0027] mais voir aussi le paragraphe [0010]) que « par un choix judicieux de la constante de raideur du ressort … on peut réaliser un dispositif dans lequel l'effort F3 est sensiblement égal à la résultante des forces de frottement F1 et F2 et des forces d'inertie, ce qui permet d'annuler cette résultante.». Là aussi, il est clair que l'effort exercé par le ressort, qui est directement proportionnel à l'élongation du ressort, ne peut à tout instant annuler ladite résultante, qui est proportionnelle aux forces normales à la trajectoire du crochet, à la vitesse et à l'accélération du crochet, tout au long du domaine d'application dudit effort. Toutefois, l'effort exercé par le ressort devra être choisi de manière à correspondre approximativement à ladite résultante.

Il s'en suit que la revendication 2 définit de manière suffisamment claire l'objet de la protection demandée et que la mise en oeuvre du procédé selon la revendication 2 ne pose pas de difficultés pour l'homme du métier. Les modifications de la revendication 2 remplissent donc les conditions des articles 83 et 84 CBE.

3. Le document D10, déposé tardivement

Le document D10 a été mentionné pour la première fois dans le mémoire de recours et doit donc être considéré comme déposé tardivement. En accord avec la jurisprudence constante des Chambres de recours, un tel document ne peut être admis qu'à titre tout à fait exceptionnel, s'il se révèle de prime abord éminemment pertinent en ce sens qu'ils risque fort de faire obstacle au maintien du brevet européen. De l'avis de la Chambre cette condition n'est pas remplie. En effet, D10 décrit un dispositif de sélection des tiges (21 ou 22) d'un mécanisme de formation de la foule d'un métier à tisser, lesdites tiges ayant des oeillets dans lesquels passent les fils (16, 17) de la nappe de chaîne. Ces tiges ne sont pas déplacées par des couteaux agissant sur des crochets, mais par l'intermédiaire de plaques de verrouillage (A1, A2, B1, B2) agissant sur des ergots rectangulaires (61, 62, 71, 72) des tiges et animées de mouvements verticaux et transversaux. Il s'agit donc d'un dispositif d'un type sensiblement différent par rapport à celui faisant l'objet du brevet en cause. En outre, bien que des ressorts (91 ou 92) sont prévus qui effectivement exercent sur les tiges, lors de chaque passage de ladite tige dans sa position de point mort haut, un effort tendant à ramener ladite tige vers sa position de point mort bas, la fonction du ressort dans D10 n'est pas de vaincre les efforts initiaux lors du mouvement de descente, comme dans le brevet en cause, mais de simple ressort de rappel (voir col. 3, lignes 58 à 63).

Le document D10 déposé tardivement n'étant pas de prime abord éminemment pertinent il n'est pas pris en considération en application de l'article 114(2) CBE.

4. Nouveauté

Avec son mémoire de recours le requérant avait contesté la nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu du document D1. Comme il a été dit ci-dessus au point VI, la Chambre avait exprimé, dans l'annexe à la convocation à la procédure orale, un avis provisoire selon lequel le document D1 ne portait pas atteinte à la nouveauté du procédé selon la revendication 1. Etant donné que cet avis n'a pas été contesté lors de la procédure orale, la Chambre ne voit pas de raisons de le remettre en cause. En effet, le document D1 (voir figures 1 à 3) a trait à un procédé pour soulever sélectivement les lisses (2 à 8) d'un métier à tisser au moyen de poinçons mobiles (22, 23) qui peuvent être déplacés entre une position de point mort haut, dans ou à proximité de laquelle ledit poinçon peut être immobilisé par un dispositif de sélection magnétique (36, 37), et une position de point mort bas (voir col. 5, lignes 32 à 61). Ces poinçons ne sont pas des crochets. En outre, ils ne sont pas déplacés par des couteaux, mais par des plaques (19, 20 ; voir col. 5, lignes 1 à 4). L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à D1.

Etant donné que le requérant n'a pas contesté la nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu d'autres documents cités en première instance et que la Chambre de recours n'a pas non plus de raison de contester celle-ci, des explications détaillées au regard d'autres documents s'avèrent superflues.

5. Activité inventive

5.1 Le procédé faisant l'objet de la revendication 1 a trait à la sélection des crochets mobiles d'un mécanisme de formation de la foule d'un métier à tisser de type Jacquard comprenant au moins un crochet déplacé par un couteau. Le problème technique à la base du brevet en cause est de simplifier et d'alléger la construction du métier à tisser et du harnais (voir par. [0007] et [0009] du brevet en cause).

5.2 Comme expliqué ci-dessus (point 4), le procédé divulgué par D1 s'applique à un dispositif différent, dans lequel il n'y a pas de crochets déplacés par un couteau.

D2 a trait à un procédé pour soulever sélectivement les lisses d'un métier à tisser au moyen de tiges (1, 2), qu'on peut considérer comme des crochets, déplacées par des couteaux (3,4) entre une position de point mort haut, dans ou à proximité de laquelle chaque tige peut être immobilisée par un dispositif de sélection (28,29), et une position de point mort bas. Les tiges sont immobilisées par des crochets élastiques (« Federhaken » 24, 25) faisant prise sur les têtes (32, 33) des tiges. Pour libérer les tiges et les faire descendre vers le bas, il est prévu des pistons (18, 19) qui, grâce à l'action de ressorts (36, 37), et lorsqu'ils sont libérés de la position haute dans laquelle ils sont maintenus par des aimants (16, 17), se déplacent vers le bas et agissent sur les crochets élastiques en les écartant les uns des autres. La Chambre accepte l'avis de l'intimée que le document D2 est incompatible avec le procédé revendiqué. En effet, la fonction des pistons (18, 19) n'est aucunement celle d'appliquer une force sur les tiges (1, 2), mais uniquement celle d'écarter les crochets élastiques. Une modification du dispositif du document D2 comme suggéré par le requérant, consistant à rallonger les pistons 18, 19 pour qu'ils exercent une force sur les tiges, est donc fondée sur une analyse a posteriori du contenu de D2.

Dès lors la Chambre juge que ni le document D1 ni le document D2 constituent un point de départ approprié pour arriver à l'objet revendiqué. Par contre, en accord avec la position de la Division d'opposition (voir page 8 de la décision contestée), le document D6 peut bien être considéré comme représentatif de l'état de la technique le plus proche.

En utilisant les termes de la revendication 1 du brevet en cause, ce document décrit (voir Fig. 1) un procédé de sélection des crochets mobiles (4) d'un mécanisme de formation de la foule d'un métier à tisser de type Jacquard comprenant au moins un crochet (4) déplacé par un couteau (le couteau n'est pas décrit mais il est clair pour un homme du métier qu'un couteau est présent, étant donné la forme du crochet 4) entre une position de point mort haut, dans ou à proximité de laquelle ledit crochet peut être immobilisé par un dispositif de sélection (voir col. 3, lignes 15 à 19 et 25 à 30), et une position de point mort bas, consistant à exercer individuellement sur ledit crochet, lors de chaque passage dudit crochet dans sa position de point mort haut ou à proximité de celle-ci, un effort (F2, exercé par le ressort 11, voir colonne 4, lignes 7 à 9) tendant à ramener ledit crochet vers sa position de point mort bas.

L'objet de la revendication 1 se distingue de D6 en ce que ledit effort est exercé sur le crochet uniquement au voisinage de sa position de point mort. En effet, le ressort 11 exerce un effort de manière continue sur le crochet lors du déplacement de celui-ci.

5.3 Cette caractéristique distinctive permet de résoudre le problème technique du brevet en cause, car il n'est plus nécessaire que le harnais exerce sur les crochets une force nécessaire à vaincre l'effort du ressort 11, en plus de l'effort exercé par le ressort 3, pour toute la durée du déplacement du crochet. Ceci permet effectivement de simplifier et d'alléger la construction du métier à tisser et du harnais.

5.4 La solution du problème technique telle que définie par la revendication 1 n'est pas évidente, car il n'y a aucune indication dans l'état de la technique disponible suggérant à l'homme du métier de modifier le mécanisme connu de D6 de manière à exercer un effort tendant à ramener le crochet vers sa position de point mort bas uniquement au voisinage de sa position de point mort haut.

En effet, selon l'enseignement de D6 (voir col. 3, ligne 47 à la ligne 23 de la col. 4) il est essentiel que le ressort 11 sert à déplacer le crochet 4 vers le bas, tandis que le ressort 3 sert exclusivement à déplacer le fil de chaîne 1 (voir col. 4, lignes 7 à 23). Il serait contraire à cet enseignement essentiel de D6 de faire en sorte que le ressort 11 exerce une force seulement au voisinage de la position de point mort haut, parce que dans ce cas la force du ressort 3 ne serait plus suffisante pour faire descendre complètement le ressort et donc, le fil de chaîne.

D1 décrit de prévoir un ressort (46) à l'intérieur du poinçon (22, 23, voir Fig. 4) qui, effectivement, exerce individuellement sur chaque poinçon un effort tendant à ramener ledit poinçon vers sa position de point mort bas, ledit effort étant exercé sur ledit poinçon uniquement au voisinage de sa position de point mort haut (voir col. 6, lignes 29 à 39). Toutefois, la fonction du ressort 46 est selon l'enseignement de D1 exclusivement celle d'assister le décollement du poinçon en fin de phase de démagnétisation de l'électroaimant (36), en ce qu'elle sert à vaincre les efforts magnétiques rémanents (voir col. 6, lignes 22 à 24 et 38, 39). Etant donné que dans D6 il y a des crochets et (par conséquence) pas de dispositif de sélection magnétique, il n'y a aucune raison pour un homme du métier de prévoir des moyens correspondant au ressort 46 dans le dispositif de D6, comme l'a justement remarqué la Division d'opposition dans la décision contestée (voir page 9, deuxième paragraphe).

Les autres documents disponibles, y compris le document D5 cité par le requérant dans la procédure de recours uniquement au cours de la procédure orale, ne divulguent ni ne suggèrent l'application d'un effort tendant à ramener le crochet vers sa position de point mort bas uniquement au voisinage de sa position de point mort haut.

5.5 Le requérant a fait valoir que l'homme du métier aurait remarqué qu'il était inutile que le ressort 11 exerce un effort tout le long du déplacement des crochets et qu'il aurait par conséquence modifié le dispositif selon D6 de sorte que l'effort ne soit exercé qu'au voisinage de la position de point mort haut, en arrivant ainsi à l'objet revendiqué.

Cet argument ne peut être suivi parce que, comme expliqué ci-dessus (point 5.4) si le ressort 11 devait exercer une force seulement au voisinage de la position de point mort haut, la force du ressort 3 ne serait plus suffisante pour faire descendre complètement le ressort et donc, le fil de chaîne.

En outre le requérant soutenait que l'homme du métier aurait considéré de remplacer les tiges (22, 23) ainsi que les plaques (19, 20) du dispositif selon D1 avec des crochets et des couteaux selon l'enseignement de D6. Selon l'avis de la Chambre cette approche repose purement sur une analyse ex-post facto de l'invention. En effet, la modification proposée par le requérant constitue un changement radical du dispositif selon D1, car elle implique non seulement l'abandon des tiges et des plaques, mais aussi l'abandon du dispositif magnétique d'immobilisation (qui n'a plus de sens d'être si on utilise des crochets selon D6), donc pratiquement l'abandon complet du système de D1. Dans un tel cas, le ressort 46 dont la présence se justifie à cause des efforts magnétiques rémanents (voir point 5.4 ci-dessus) devrait aussi être abandonné. Il est toutefois remarqué que, si l'homme du métier devait considérer que le système de D1 est compliqué et n'est pas compact, au lieu de penser à le modifier d'une telle manière radicale, une approche pratique lui ferait penser à utiliser directement le système de D6.

Finalement, la Chambre remarque aussi que la combinaison de D2 avec D1 mentionnée par le requérant repose sur une analyse ex-post facto de l'invention, car il n'y a aucun motif de transposer le ressort 46 (voir Fig. 4) servant à assister le décollement du poinçon du dispositif de D1, dans le dispositif de D2, étant donné que dans ce dernier (voir la figure unique) il y a déjà des ressorts 36, 37 qui non seulement poussent les pistons 18, 19 vers le bas mais aussi permettent de vaincre les efforts magnétiques rémanents des aimants 14 et 15.

5.6 L'objet de la revendication 1 implique donc une activité inventive.

Pour les mêmes raisons, l'objet de la revendication 3, qui porte sur un dispositif spécialement conçu pour la mise on oeuvre du procédé de la revendication 1, et comprenant toutes les caractéristiques qui entrent en jeu lors de la mise en oeuvre de ce procédé, implique aussi une activité inventive.

6. Dans ces conditions, la décision de la Division d'opposition était correcte en tous points et doit être confirmée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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