European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2007:T143304.20070712 | ||||||||
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Date de la décision : | 12 Juillet 2007 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1433/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96401391.6 | ||||||||
Classe de la CIB : | B60T 13/74 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Système de frein de stationnement pour véhicule automobile | ||||||||
Nom du demandeur : | AUTOMOBILES PEUGEOT, et al | ||||||||
Nom de l'opposant : | Siemens AG | ||||||||
Chambre : | 3.2.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté (oui) Activité inventive (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen nº 0 754 610 sous forme modifiée au vu de l'état de la technique représenté entre autres par le document suivant :
D2 : US-A-4 629 043
La division d'opposition a notamment estimé que :
- l'objet de la revendication 1 modifiée ne s'étendait pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée ;
- l'objet de la revendication 1 modifiée était nouveau par rapport à l'état de la technique décrit dans le document D2 et ne découlait nullement à l'évidence du contenu du document D2.
II. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 12 juillet 2007.
La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet européen en cause.
L'intimée a sollicité l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base du jeu de revendications selon la requête principale soumise lors de la procédure orale ou sur la base des jeux de revendications subsidiaires 1 à 7 produits par lettre en date du 30 mai 2007.
III. Le libellé de la revendication 1 selon la requête principale est le suivant :
"Système de frein de stationnement pour véhicule automobile, comportant un moyen de détection (31) de l'état du véhicule, par exemple arrêt ou roulage, un moyen de commande électrique (32) actionné manuellement pour sélectivement activer ou désactiver au moins un moteur électrique (11) apte à appliquer un effort de tension (T1, T2) sur au moins un câble (4) relié à des récepteurs de frein (5) engendrant un couple de freinage sur les roues du véhicule, et des moyens de régulation de la tension du ou des câbles (4), les moyens de régulation agissant sur l'alimentation électrique du moteur en fonction de l'état du véhicule détecté par les moyens de détection (31), lorsque le moteur est activé par les moyens de commande électrique (32), et exercent une première tension (T1) non-nulle prédéterminée lorsque le véhicule roule et une deuxième tension prédéterminée plus forte que la première tension (T1) lorsque le véhicule est à l'arrêt."
IV. Au soutien de son action, la requérante (opposante) a développé pour l'essentiel les arguments suivants :
Les modifications effectuées dans la revendication 1 du brevet au cours de la procédure d'opposition ne remplissent pas les exigences de l'article 123(2) de la CBE. Plus particulièrement, la caractéristique selon laquelle le moyen de commande électrique est "actionné manuellement" ne découle pas de la demande telle que déposée. La division d'opposition a estimé que la caractéristique en question était supportée par le passage de la demande initiale correspondant au paragraphe [0084] du brevet. Ce passage ne divulgue ni de manière explicite ni de manière implicite que l'interrupteur puisse être actionné manuellement. De nombreux véhicules du commerce présentent une multitude d'interrupteurs situés à la hauteur du tableau de bord, par exemple sous la forme de relais ou d'interrupteurs commandés à distance par des signaux électriques, sans que ces derniers soient actionnés manuellement. Nulle part dans la description de la demande telle que déposée n'est précisé que l'interrupteur est actionné manuellement par le conducteur. Il faut donc en conclure que cette caractéristique s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
L'objet de la revendication 1 selon la requête principale n'est pas nouveau par rapport à l'état de la technique décrit dans le document D2 ou, tout au moins, n'implique pas une activité inventive par rapport au contenu de ce document. Il s'agit uniquement d'examiner si les caractéristiques litigieuses e) "les moyens de régulation exercent une première tension (T1) non-nulle prédéterminée lorsque le véhicule roule" et f) "les moyens de régulation exercent une deuxième tension prédéterminée plus forte que de la première tension (T1) lorsque le véhicule est à l'arrêt" sont connues ou dérivables à l'évidence du système de frein de stationnement divulgué dans D2, puisqu'il n'a pas été contesté que les autres caractéristiques de la revendication, comme l'a estimé à juste titre la division d'opposition, sont divulguées dans D2.
L'organigramme des figures 3A et 3B de D2 montre que, dans un premier cas de figure, lorsque le moteur électrique 6 (voir figure 1) est activé par l'interrupteur à commande manuelle 22 (S7 : manual switch "actuated", yes), une première tension non-nulle prédéterminée (étape S8) s'exerce sur le câble 5 lorsque le véhicule roule (caractéristique (e)). Cette tension s'applique soit dans le cas d'une défaillance du système de freinage principal (étape S1 "Main brake failure" : yes ; colonne 5, lignes 16-27)) soit dans le cas où le véhicule roule à une vitesse inférieure à V km/h (étape S2) et les capteurs de fonctionnement signalent un état normal du véhicule (S3 : no ; S4 : on ; S5 : yes ; S6 : yes). Bien qu'il ne soit pas explicitement mentionné dans D2 que cette première tension est prédéterminée et non nulle, il est évident pour l'homme du métier qu'elle doit être prévue pour exercer une force de freinage suffisante pour garantir un arrêt du véhicule en toute sécurité et en conformité avec les spécifications légales requises pour le véhicule.
Dans un autre cas de figure correspondant à une activation du moteur 6 pour laquelle l'interrupteur à commande manuelle 22 est en position neutre (figure 3A, étape S9: no) et un interrupteur du mode d'actionnement automatique est engagé (figure 3B, S12 : on ; colonne 5, lignes 33-52), les moyens de régulation exercent, lorsque le véhicule est à l'arrêt (voir figure 3B, S13 "vehicle speed 0 km/h" : yes), une tension de câble prédéterminée qui est une fonction de la pente de la route (colonne 5, ligne 53 à colonne 6, ligne 2 ; figures 4 et 6). Si le véhicule doit être arrêté sur une pente très forte, cette deuxième tension est alors plus forte que la première tension citée dans le premier cas de figure. La caractéristique f) est donc également connue de D2.
Les arguments de l'intimée concernant l'incompatibilité entre les modes manuel et automatique selon D2 ne sont pas convaincants car les termes de la revendication "activer ou désactiver... un moteur..." sont d'une ambigüité telle que toutes les caractéristiques de la revendication peuvent être reconnues dans D2. Selon ce document, l'activation du moteur électrique 6 est uniquement dépendante de moyens de commande (manual switch, automatic switch) actionnés manuellement. De plus, si l'on désirait simplifier le système selon D2, ce ne serait pas faire preuve d'activité inventive que de procéder par élimination et de sélectionner, parmi les possibilités de régulation de la tension de câble divulguées dans D2, les deux tensions qui sont définies dans la revendication 1.
V. L'intimée (titulaire du brevet) a réfuté les arguments de la requérante en faisant valoir pour l'essentiel ce qui suit :
Les caractéristiques introduites dans la revendication 1 ressortent au moins de manière implicite de la description et des figures telles que déposées.
L'argumentation de la requérante quant au défaut de nouveauté repose sur la combinaison de résultats obtenus dans des circonstances qui s'excluent les unes des autres. Or, la revendication stipule bien que l'activation et la désactivation du moteur électrique se fait au moyen d'une commande électrique manuelle activant ou désactivant sélectivement le moteur. La combinaison citée par la requérante est obtenue en choisissant une caractéristique obtenue dans la position "automatique" avec une caractéristique obtenue dans la position "manuelle", positions qui sont incompatibles puisqu'elles ne peuvent être sélectionnées simultanément en raison de leur exclusivité mutuelle. Une telle argumentation ne peut être prise en compte pour une attaque de la nouveauté.
L'objet de la revendication 1 modifiée implique également une activité inventive puisqu'aucun des modes de fonctionnement du système divulgué dans D2 n'est comparable à celui tel que revendiqué.
Motifs de la décision
1. De l'admissibilité des modifications effectuées dans la revendication 1
1.1 La requérante soutient que la caractéristique (i) "actionné manuellement", qui a été ajoutée dans la revendication 1 modifiée au cours de la procédure d'opposition, ne découlerait pas de la demande telle que déposée.
Bien que cette expression ne se retrouve pas de manière explicite dans la demande telle que déposée, la Chambre ne partage pas l'avis de la requérante. Le contexte général de la demande est celui du remplacement de la commande d'un frein à main conventionnel par un moyen de commande électrique (voir la partie introductive de la description dans la demande telle que déposée). Il est stipulé dans la demande telle que déposée que "la commande du système... peut être constituée d'un interrupteur ayant la forme d'un mini-frein à main au niveau du tableau de bord de la cabine du véhicule" (voir page 14, lignes 17 à 21) et que "lorsque la commande 32 du frein à main est actionnée, le circuit électrique actionnant le moteur électrique 11 est mis sous tension" (page 14, lignes 23 à 27). Comme le terme lui-même l'indique déjà, il est bien connu qu'un "frein à main" est actionné manuellement par le conducteur du véhicule et à sa propre volonté. De manière usuelle, l'actionnement s'opère par le levier du frein à main (page 1, lignes 4 à 19 de la demande telle que déposée). Dans le langage courant, un tel levier est aussi qualifié de "frein à main". Par conséquent, si l'homme du métier devait encore se demander comment une commande de "frein à main" constituée d'un "interrupteur ayant la forme d'un mini-frein à main au niveau du tableau de bord de la cabine du véhicule" puisse être "actionnée", la lecture de ces passages dans le contexte de la demande ne peut conduire qu'à la conclusion que l'actionnement de l'interrupteur se fait directement, à la volonté du conducteur, et manuellement. Par conséquent, l'ajout de la caractéristique "actionné manuellement" n'enfreint pas l'article 123(2) de la CBE.
1.2 La caractéristique rajoutée dans la revendication 1 lors de la procédure orale devant la Chambre de recours et selon laquelle la deuxième tension prédéterminée (T2) est plus forte que la première tension (T1) trouve son expression à la page 11, lignes 27 à 30 et ressort de tous les modes de réalisation représentés aux figures 4A à 4E ainsi qu'à la figure 5 de la demande telle que déposée.
1.3 Les limitations apportées au libellé de la revendication 1 ne font que limiter la protection conférée par le brevet tel que délivré.
1.4 La Chambre conclut de ce qui précède que les modifications effectuées dans la revendication 1 ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée et sont conformes aux dispositions de l'article 123 (2) et (3) de la CBE.
2. Nouveauté
2.1 La requérante a invoqué le défaut de nouveauté sur la base du document D2. L'organigramme des figures 3A et 3B de D2 montre effectivement que, lorsque le moteur électrique est activé par l'interrupteur à commande manuelle 22, une première tension non-nulle prédéterminée s'exerce sur le câble lorsque le véhicule roule. Cette tension s'applique soit dans le cas d'une défaillance du système de freinage principal (étape S1 ; colonne 5, lignes 16-27), soit dans le cas où le véhicule roule à une vitesse inférieure à V km/h et les capteurs de fonctionnement signalent un état normal du véhicule (étapes S2 à S6). La Chambre s'accorde avec la requérante pour considérer que cette première tension est prédéterminée et non nulle. En effet, il semble évident pour l'homme du métier de régler cette tension de telle sorte qu'une force de freinage garantissant un arrêt du véhicule dans toutes les circonstances, en particulier sur la pente la plus forte et avec un véhicule à pleine charge, soit appliquée. Dans le cas pour lequel l'interrupteur à commande manuelle 22 est en position neutre (figure 3A, étape S9 : no) et l'interrupteur du mode automatique est engagé (figure 3B, S12 ; colonne 5, lignes 33-52), les moyens de commande électriques n'exercent aucune tension tant que le véhicule roule (voir figure 3B, S13) et, lorsque le véhicule est à l'arrêt et d'autres conditions sont remplies (étapes S13 à S15), exercent une tension prédéterminée qui est une fonction de la pente de la route (colonne 5, ligne 53 à colonne 6, ligne 2 ; figures 4 et 6). Même si le véhicule était arrêté sur la pente la plus forte, il n'y a aucune raison pour que cette deuxième tension en mode automatique soit plus forte que la première tension citée auparavant en liaison avec le mode d'activation manuel. Le libellé des deux dernières caractéristiques de la revendication 1 exige, par contre, que des moyens de régulation exercent une première tension non-nulle prédéterminée lorsque le véhicule roule et une deuxième tension prédéterminée plus forte que la première tension lorsque le véhicule est à l'arrêt. La caractéristique f) citée par la requérante n'est donc pas divulguée dans D2.
2.2 Le mode de fonctionnement automatique correspondant au deuxième cas de figure mentionné par la requérante ne peut, de l'avis de la Chambre, être considéré comme un moyen de commande électrique actionné manuellement pour sélectivement activer ou désactiver le moteur électrique apte à appliquer les efforts de tension sur le ou les câbles. Dans le contexte du brevet, le terme "activer ou désactiver sélectivement" implique la notion de volonté de la part du conducteur (voir point 2.1). Dans le mode automatique décrit dans D2, l'activation du moteur 6 est conditionnée par des critères autres que ceux de l'actionnement sélectif du moyen de commande, ces critères étant par exemple le relâchement de la pédale d'accélérateur et l'application de la pédale de frein (voir figure 3B, étape S14 "acceleration pedal depression" : no et étape S15 "brake pedal depression" : yes). De plus, ce même mode automatique décide à lui seul et indépendamment de la volonté du conducteur, non seulement de l'activation mais aussi de la désactivation du frein de stationnement (étape S14: yes, puis étapes S22 à S24). Il n'est donc pas sélectif au sens de la revendication.
2.3 L'argumentation de la requérante quant au défaut de nouveauté repose sur une combinaison obtenue en choisissant de manière arbitraire un résultat obtenu dans des circonstances particulières (véhicule roule à une vitesse inférieure à la vitesse limite V ou défaillance du système de freinage principal) de la position d'activation en mode manuel avec un autre résultat obtenu dans des circonstances particulières (véhicule à l'arrêt sur une pente maximale) dans le mode automatique. Or, les modes automatique et manuel sont sélectivement incompatibles puisqu'ils ne peuvent être sélectionnées simultanément. Un tel mode opératoire diffère de celui du système revendiqué pour lequel la régulation de la tension s'opère lorsque la commande électrique manuelle se trouve toujours dans la position sélective d'activation du moteur.
2.4 La Chambre conclut de ce qui précède que l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport au contenu du document D2.
3. Activité inventive
Comme l'a présenté l'intimée au cours de la procédure orale, il ressort implicitement du contenu du brevet que le problème technique résolu par l'invention est celui d'éviter, lors d'un actionnement inopiné de la commande électrique du frein à main, par exemple par un enfant, que les roues arrière du véhicule ne se bloquent alors que ce dernier se déplace à une vitesse élevée avec le risque d'une embardée, tout en garantissant un maintien du véhicule à l'arrêt avec poids total en charge dans une pente d'environ 30% (paragraphe [0026] du brevet).
Ce problème est résolu par une commande très simple fonctionnant sur un mode binaire et limitant la tension des câbles à la première valeur T1 en roulage (par exemple, décélération de 2 m/s**(2)) et à la valeur T2 plus forte que T1 lorsque le véhicule est à l'arrêt.
Un tel principe ne découle pas à l'évidence du document D2. Lors de l'actionnement de la commande manuelle d'application du frein à main du système selon D2, indifféremment du fait que le système opère dans le mode de défaillance du système de freinage principal (étape S1) et à une vitesse élevée ou dans les conditions normales de fonctionnement et à une vitesse faible ou à l'arrêt (étapes S2 à S6), c'est toujours la même tension qui est appliquée sur le ou les câbles de frein. Ce principe ne se retrouve pas non plus dans le mode d'actionnement automatique du dispositif selon D2 qui opère de manière bien plus complexe.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 présente l'activité inventive requise (Article 56 de la CBE).
Cette conclusion s'étend également aux revendications 2 à 19 qui concernent des modes particuliers de réalisation du système selon la revendication 1.
La description a été adaptée à la nouvelle rédaction de la revendication 1.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié dans la version suivante :
- revendication 1 soumise lors de la procédure orale ;
- revendications 2 à 19 du fascicule de brevet ;
- description modifiée telle qu'acceptée par la division d'opposition ;
- figures du fascicule de brevet.