T 1393/04 (Composition/L'ORÉAL) of 12.12.2007

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2007:T139304.20071212
Date de la décision : 12 Décembre 2007
Numéro de l'affaire : T 1393/04
Numéro de la demande : 96402888.0
Classe de la CIB : A61K 7/48
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition gélifiée stable contenant un électrolyte, un agent actif et de la cétylhydroxyéthylcellulose
Nom du demandeur : L'ORÉAL
Nom de l'opposant : BEIERSDORF AG
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
Mot-clé : Preuves tardives (non admises) - défaut de pertinence
Activité inventive (non) - alternative évidente - absence de préjugé technique ou de dissuasion dans l'art antérieur
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0019/81
T 0119/82
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (opposant) a introduit un recours le 6 décembre 2004 contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, signifiée par voie postale le 22 octobre 2004 selon laquelle le brevet européen nº 786249 amendé sur la base d'un jeu de 8 revendications satisfaisait aux conditions de la CBE. Un deuxième recours contre cette décision, formé par le propriétaire du brevet le 20 décembre 2004, a été retiré par lettre datée du 11 février 2005.

II. Une opposition avait été formée par le requérant en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) CBE) et d'insuffisance d'exposé de l'invention (Article 100 (b) CBE), se fondant notamment sur les documents suivants :

(1) J.J. de Bruin, "Hydrophobically modified Cellulose Ether for personal Care", Seifen, Öle, Fette, Wachse-Journal, vol. 120, no. 15, (1994), pages 944 à 947,

(2) US-A-5100658,

(3) WO-A-93/16683 et

(14) WO-A-95/00111.

III. La division d'opposition avait décidé entre autres que l'objet de la revendication 1 modifiée au cours de la procédure d'opposition impliquait une activité inventive (Article 56 CBE). Selon la division d'opposition, le document (1) représentait l'art antérieur le plus proche et aucun des autres documents cités, seuls ou en combinaison avec le document (1), ne suggérait l'objet revendiqué comme étant une solution au problème de fournir des émulsions cosmétiques non-grumeleuses ayant une forte teneur en sels.

IV. Par une notification accompagnant la citation à la procédure orale, la chambre a indiqué que le document

(17) EP-A-654270

mentionné au paragraphe [0006] du brevet pour définir le problème technique à la base de l'invention pourrait représenter l'art antérieur le plus proche.

V. Au cours de la procédure orale tenue devant la Chambre le 12 décembre 2007, l'intimé (propriétaire du brevet) a défendu le maintien du brevet en litige sur la base d'une requête principale et d'une seule requête auxiliaire, déposées l'une et l'autre pendant la procédure orale.

La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :

"1. Composition topique de type émulsion huile-dans-eau ou eau-dans-huile, gélifiée comprenant au moins un actif cosmétique et/ou dermatologique, au moins un électrolyte,.

et comme gélifiant la cétylhydroxyéthylcellulose, l'actif étant choisi parmi les vitamines, les alpha-hydroxy-acides, les beta-hydroxy-acides, les alpha-céto-acides, les beta -céto-acides, les rétinoïdes, les anthralines, les anthranoïdes, les peroxydes, la vitamine D et ses dérivés, et l'électrolyte étant présent en une concentration allant de 0,5 a 40 % en poids par rapport au poids total de la composition et choisi parmi le nitrate de calcium, de magnésium ou de strontium, le borate de calcium ou de magnésium, le chlorure de calcium, de magnésium, de sodium, de strontium, de néodyme ou de manganèse, le sulfate de magnésium ou de calcium, l'acétate de calcium ou de magnésium, et leurs mélanges."

L'énoncé de la revendication 1 de la requête auxiliaire diffère de celui de la requête principale uniquement en ce que l'actif est choisi parmi "l'acide citrique, l'acide malique, l'acide glycolique, l'acide tartrique, l'acide mandélique, l'acide lactique, l'acide salicylique et ses dérivés".

VI. Le requérant a contesté les conclusions de la division d'opposition en argumentant entre autres que l'objet des revendications manquait d'activité inventive. Le document (17) représentait l'art antérieur le plus proche, en particulier l'exemple 3 qui divulguait un gel comprenant des électrolytes et de l'acide salicylique. Le problème technique était la mise à disposition d'une composition alternative. Le document (14) divulguait des émulsions de type huile-dans-eau ayant de bonnes propriétés cosmétiques qui contenaient de la cétylhydroxyéthylcellulose. L'homme du métier aurait trouvé dans le document (14) la solution revendiquée d'une composition sous la forme d'une émulsion contenant de la cétylhydroxyéthylcellulose d'autant plus que le document (1) indiquait que la cétylhydroxyéthylcellulose avait une bonne compatibilité avec les sels et que le document (17) préconisait déjà d'ajouter de la lanoline au gel afin de donner une sensation douce à la peau. Les essais comparatifs du 4 décembre 2007 étaient tardifs, manquaient de pertinence et n'étaient pas reproductibles et donc devaient être écartés de la procédure. Aucune explication n'était donnée ni sur le mode de préparation des compositions, ni sur leur évaluation. Le fait qu'il faille avoir recours à un panel de personnes pour juger les propriétés d'une compositions impliquait une part de subjectivité dans les résultats et indiquait que les différences observées n'étaient pas significatives.

VII. L'intimé a réfuté l'argumentation du requérant. Le document (17) représentait bien l'art antérieur le plus proche. Les tests comparatifs du 4 décembre 2007 étaient pertinents et démontraient une amélioration des propriétés de cosméticité des compositions revendiquées reflétées par leur aspect visuel de moindre granulosité par rapport à celles du document (17). De plus, l'amélioration de la cosméticité déterminée par une analyse de l'aspect visuel des échantillons par un panel de neuf personnes était significative. Les compositions sous forme d'émulsion selon l'invention avaient été jugées comme possédant une granulosité améliorée par rapport à celle sous forme de gel de l'exemple 3 du document (17). Le dépôt tardif des essais était dû à l'inertie nécessaire pour la mise en oeuvre de ces essais après la notification de la Chambre reçue fin mai 2007 indiquant que le document (17) pourrait être considéré comme représentant l'art antérieur le plus proche. Ce document n'avait été considéré ni dans la procédure de délivrance du brevet, ni au cours de la procédure d'opposition devant la première instance. D'autre part, le requérant, n'ayant pas réagi à l'absence malencontreuse des essais comparatifs dans la lettre du 12 novembre 2007 les commentant extensivement avait ainsi montré son manque d'intention de vouloir les reproduire.

Il y avait un préjugé technique émergeant de l'enseignement des documents (1), (2), (3) et (14) à l'obtention d'émulsions gélifiées contenant une forte teneur en sels. Le document (1) divulguait soit des compositions monophasiques contenant des sels, soit des émulsions ne contenant pas de sels, ce qui devait être à interpréter comme étant un préjugé à la formation d'émulsions gélifiées contenant des sels. Ce préjugé ressortait également du document (2) en colonne 8, 2**(ème) paragraphe complet, qui enseignait de ne pas utiliser de tensioactifs ioniques dans un système gélifié pour ne pas casser la rhéologie de la composition, des émulsions divulguées dans le document (3) qui devaient préférentiellement ne pas contenir de tampons (composés ioniques) pour ne pas nuire à la stabilité chimique et physique de l'émulsion, et de la liste des adjuvants optionnels des émulsions divulguées dans document (14) qui n'incluait aucun composé ionique (page 13, premier paragraphe). En outre, le résultat de l'addition de la cétylhydroxyéthylcellulose dans une émulsion contenant des électrolytes était complètement imprévisible, il n'était voire même pas certain d'obtenir un effet gélifiant.

VIII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimé a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale, ou subsidiairement, le maintien du brevet sur la base de sa requête auxiliaire, déposées l'une et l'autre pendant la procédure orale.

IX. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Recevabilité des preuves tardives (Article 114(2) CBE)

2.1 Le 4 décembre 2007, soit huit jours avant la date de la procédure orale devant la chambre, en cours de la procédure écrite, l'intimé a présenté des essais comparatifs. Ils sont donc indiscutablement tardifs. Le requérant ayant contesté la recevabilité de ces nouveaux moyens de preuves dans la procédure en raison de cette tardivité, il convient de répondre au moyen.

2.2 L'article 114(2) CBE dispose à cet égard que l'OEB peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n'ont pas produites en temps utile. Les Chambres de Recours usant du pouvoir discrétionnaire que leur confère cette disposition en vue de garantir un déroulement rapide et équitable de la procédure, sont dès lors en droit de refuser d'en tenir compte.

Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, la pertinence des preuves produites tardivement constitue un critère décisif de leur recevabilité, d'autres restant néanmoins déterminants, tels l'ampleur du retard, la question de savoir si la production de preuves aussi tardives constitue un abus de procédure, ou le retard à l'excès de la procédure du fait de leur admission.

2.3 Selon l'intimé, les essais comparatifs tardifs du 4 décembre 2007 démontrent une amélioration des propriétés de cosméticité des compositions revendiquées, reflétées par leur aspect visuel de moindre granulosité, par rapport à celles du document (17).

2.3.1 Ces essais ne font pas état d'une comparaison de la stabilité des compositions et ne sont en rien pertinents pour la partie du problème technique se rapportant à l'amélioration de la stabilité (voir point 5.2 dessous).

2.3.2 La revendication 1 est une revendication de produit en tant que tel. Les émulsions y revendiquées sont uniquement définies par leur compositions chimiques. Leur méthode de mise en oeuvre ne fait pas partie de l'objet revendiqué. Or, l'aspect visuel d'une composition, comme la granulosité, est nécessairement influencé par les conditions de sa mise en oeuvre, c'est-à-dire par les actions physiques exercées lors de sa préparation telle l'homogénéisation, ou par la température de sa préparation. Les essais ne sont donc pas prima facie pertinents dans la mesure où ils n'apparaissent pas pouvoir démontrer qu'une caractéristique de la composition tel que définie dans la revendication 1 soit nécessairement à l'origine de l'amélioration de la granulosité.

2.3.3 La seule raison invoquée par l'intimé pour justifier du dépôt tardif de ces essais a été l'inertie nécessaire pour la mise en oeuvre de ces essais après la notification de la Chambre reçue fin mai 2007 indiquant que le document (17) cité dans le brevet litigieux pourrait être considéré comme représentant l'art antérieur le plus proche. D'autre part, n'ayant pas réagi à l'absence des essais comparatifs de la lettre du 12 novembre 2007 de l'intimé, le requérant aurait ainsi montré son manque d'intérêt à les reproduire.

2.3.4 L'intimé ne saurait invoquer le manque de réaction du requérant à sa lettre du 12 novembre 2007 pour justifier d'un quelconque retard d'essais présentés avec un délai excédant de six mois la notification de la Chambre. En effet, chaque Partie est maîtresse de sa procédure et comme telle n'est pas soumise à la réaction nécessairement incertaine d'une autre Partie pour défendre son cas. En outre, le dépôt de ces essais à huit jours de la procédure orale équivaut à placer le requérant dans l'incapacité de les vérifier ou d'y répondre sans un ajournement nécessaire de la procédure orale pour les fins du respect du principe du débat contradictoire.

2.4 Par conséquent, la Chambre n'admet pas les essais comparatifs du 4 décembre 2007 dans la procédure de recours en raison de leur dépôt tardif et de leur manque de pertinence prima facie.

Requête principale

3. Amendements (Article 123 (2), (3) CBE)

La revendication 1 objet de la requête principale résulte de la combinaison des revendications 1 et 3 initiales, de la restriction de l'actif à des définitions présentes dans les listes des revendications 8 et 10 initiales, étant en outre requis que la composition soit du type émulsion huile-dans-eau ou eau-dans-huile selon la page 2, ligne 30 et 31 de la demande telle que déposée.

Ces modifications limitent la protection conférée par le brevet tel que délivré.

La revendication 1 satisfait donc aux exigences de forme de l'article 123 de la CBE.

4. Nouveauté

Bien que la nouveauté soit un motif d'opposition, le requérant n'a pas lors de la procédure orale devant la Chambre maintenu cette objection, la division d'opposition ayant rejeté ce motif. La Chambre n'a aucune raison d'adopter une autre position sur ce point. Aussi, n'est-il pas nécessaire de donner de raisons plus détaillées au soutien de la nouveauté désormais non contestée des revendications.

5. Activité inventive

En suivant l'approche problème/solution appliquée de manière constante par les Chambres de recours en vue d'apprécier l'activité inventive sur une base objective, il est nécessaire de procéder en premier lieu à l'identification de l'art antérieur le plus proche qui permettra ensuite de déterminer le problème technique pouvant être considéré comme résolu vis-à-vis de cet art antérieur le plus proche et finalement d'apprécier l'évidence de la solution proposée, reflétée par les caractéristiques techniques de la revendication, à la lumière de l'état de la technique.

5.1 Le brevet en litige concerne des compositions cosmétiques de type émulsion huile-dans-eau ou eau-dans-huile. Ces compositions sont définies comme contenant au moins un actif cosmétique et/ou dermatologique et un électrolyte.

En accord avec les Parties, la Chambre considère que le document (17), mentionné au paragraphe [0006] du brevet litigieux pour définir le problème technique à la base de l'invention, représente l'art antérieur le plus proche. Il décrit une composition topique comprenant une solution aqueuse d'un mélange de sels (électrolytes) représentant de 1 à 30% en poids de la composition et conformes au brevet (page 3, lignes 26 à 42, exemple 1, revendication 2). La composition peut en outre contenir des actifs thérapeutiques conventionnels comme l'acide salicylique (pages 5, lignes 12, exemple 3). La composition est appliquée sur la peau sous diverse formes, par exemple sous la forme d'un gel, d'un onguent, d'une pommade, d'un shampoing ou d'un savon solide ou liquide (page 4, ligne 43; exemples 1, 2). Les gels sont, par exemple, préparés en ajoutant à la composition de 0,5 à 3% en poids d'un dérivé de cellulose tel l'hydroxyethylcellulose auquel peut être additionné jusqu'à 30% en poids de lanoline (page 4, lignes 47 à 53, exemples 1 et 3). Une émulsion gélifiée de type huile-dans-eau ou eau-dans-huile n'est pas expressément divulguée dans ce document.

5.2 L'intimé a soumis que le problème technique à résoudre au regard du document (17) était la mise à disposition de compositions cosmétiques présentant une cosméticité adéquate présentant une amélioration de la granulosité et une amélioration de la stabilité.

5.3 La solution proposée est la composition, objet de la revendication 1 du brevet en litige, caractérisée par le choix d'un agent gélifiant particulier, la cétylhydroxyéthylcellulose, et en ce que la composition se trouve sous la forme d'une émulsion de type eau-dans-huile ou huile-dans-eau. Ce fait a été accepté par toute les Parties.

5.4 Les exemples du brevet n'établissent pas de comparaison par rapport aux compositions selon le document (17) et en cela même ne peuvent démontrer une quelconque amélioration des propriétés des compositions revendiquées par rapport à celles du document (17). Les essais comparatifs du 4 décembre 2007 n'étant pas admis dans la procédure (voir point 2.4 dessus), il n'y a donc aucun élément dans la procédure permettant de conclure à l'amélioration de la granulosité ou de la stabilité des compositions revendiquées par rapport à celles du document (17).

5.5 Une reformulation du problème technique à résoudre est donc nécessaire. Comme l'intimé n'a fait valoir aucun autre effet technique susceptible d'être pris en considération, le problème technique à résoudre au vu du document (17) ne peut être vu qu'en la simple mise à disposition de compositions cosmétiques topiques alternatives.

5.6 Il reste enfin à déterminer si la solution proposée à ce problème technique objectif découle de manière évidente de l'état de la technique.

5.6.1 Pour résoudre le problème posé, il est indéniable que l'homme du métier se tournera vers un art antérieur proposant d'autres compositions cosmétiques topiques. Il portera par conséquent son attention sur le document (14) qui décrit des compositions topiques qui sont entre autres sous la forme d'émulsions gélifiées de type huile-dans-eau possédant de bonnes propriétés cosmétiques (voir page 2, dernier paragraphe). Les émulsions décrites dans ce document sont notamment épaissies à l'aide de cellulose modifié ou non, par exemple avec la cétylhydroxyéthylcellulose (page 13, dernier paragraphe et exemples 2, 5, 8 à 10).

De ce qui précède, il ressort qu'il était évident pour l'homme du métier partant de la composition de l'exemple 3 du document (17) et confronté au problème technique posé, de fournir des compositions cosmétiques topiques alternatives, de le résoudre en substituant à la forme de gel de la composition une autre forme de support cosmétique tel une émulsion de type huile-dans-eau gélifiée à l'aide de la cétylhydroxyéthylcellulose comme enseignée dans le document (14). Et, par tant, qu'il arriverait à la solution proposée sans ingénuité inventive.

5.7 L'intimé fait valoir que l'homme du métier n'aurait pas envisagé de composition sous forme d'émulsion en raison d'un préjugé technique tenant à la possibilité de la formation d'une émulsion gélifiée stable comportant une forte teneur en électrolytes.

S'il est vrai qu'il serait concevable de prouver l'existence d'une activité inventive en démontrant qu'il a fallu surmonter un préjugé technique établi, encore faut-il que tel préjugé soit clairement établi et d'une validité universelle. D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, c'est au titulaire du brevet (intimé) qu'incombe la tâche de démontrer l'existence du préjugé prétendu (T 119/82, JO OEB 1984, 217, point 14 des raisons).

Dans le cas présent, l'intimé s'est fondé sur trois documents particuliers, pour prouver ce préjugé technique. Or un préjugé est un avis ou une idée préconçu, universellement répandu parmi les experts du domaine concerné, mais néanmoins inexact à propos d'un fait technique. Un fait technique tiré de documents isolés de l'art antérieur ne peut donc pas prouver l'existence d'un préjugé universel, étant donné que les informations techniques y contenues peuvent être fondées sur des conditions particulières ou sur l'avis personnel de l'auteur (T 19/81, JO OEB 1982, 51).

Par conséquent, l'intimé bien qu'en charge de la preuve n'a pas établi l'existence d'un quelconque préjugé. En conséquence, son argumentation sur le préjugé prétendu doit être écartée.

5.8 La chambre a néanmoins considéré les passages cités par l'intimé, en particulier celui du document (14), afin de déterminer s'ils pouvaient constituer, à défaut d'un préjugé technique, du moins une dissuasion pour l'homme du métier de combiner le document (17) avec le document (14).

Le premier paragraphe de la page 13 du document (14), cité par l'intimé, est une liste d'adjuvants cosmétiques pouvant être en outre compris dans la composition cosmétique selon le document (14). La liste incluant tout ingrédient habituellement utilisé en cosmétique mentionne tout particulièrement parmi d'autres adjuvants les épaississants non ioniques, les tensioactifs non ioniques et les polymères non ioniques.

L'intimé interprète ce passage en ce que la présence de certains adjuvants non expressément cités, c'est-à-dire les tensioactifs ioniques ou les polymères ioniques, est interdite dans la composition pour des raisons de stabilité, et généralise cette interdiction à tous types de composés ioniques, et donc en particulier aux électrolytes, pour finalement conclure que ce passage enseigne que les émulsions gélifiées contenant des électrolytes ne sont pas suffisamment stables pour être envisagées.

Le point de départ du raisonnement de l'intimé est déjà une pure spéculation dans la mesure où aucune explication n'est donnée dans ce passage quant à la présence ou l'absence de la mention explicite d'un ingrédient particulier. D'autre part, le document n'enseigne pas d'exclure un ingrédient spécifique, en particulier les tensioactifs ioniques et les polymères ioniques qui sont des ingrédients habituellement utilisés en cosmétique.

De même, il n'y a aucun enseignement dans les autres documents cités par l'intimé, c'est-à-dire dans les documents (1), (2) et (3), selon lequel la stabilité d'une émulsion gélifiée contenant des électrolyte serait insuffisante, et de nature à dissuader l'homme de métier à envisager telle émulsion.

Par conséquent, l'argument se rapportant à une quelconque dissuasion de combiner le document (17) avec le document (14) à raison d'une stabilité insuffisante de l'émulsion gélifiée résultante n'est pas fondé en fait et par tant doit en droit également être écarté.

5.9 Selon l'intimé, l'homme du métier n'était pas non plus à même de prévoir le comportement de la cétylhydroxyéthylcellulose dans une émulsion comprenant des électrolytes, et notamment si elle conserverait ses propriétés épaississantes.

Cependant, lors de l'évaluation de l'activité inventive, il n'est pas nécessaire que se puisse prédire avec certitude le succès d'une solution envisagée au problème technique, mais il suffit pour rendre une solution évidente d'établir que l'homme du métier aurait suivi l'enseignement de l'art antérieur avec des chances raisonnables de succès.

De plus dans le cas présent, l'incertitude sur les chances de succès, alléguée par l'intimé sur la base de l'incompatibilité d'un sel particulier, à savoir le sulfite de sodium, et de la cétylhydroxyéthylcellulose mentionnée à la figure 14 du document (1) n'est pas fondée en fait, car précisément ce document enseigne dans le même paragraphe que la cétylhydroxyéthylcellulose est généralement compatible avec les sels, tout en soulignant simplement l'exception ponctuelle du sulfite de sodium (voir paragraphe intitulé "compatibility" à cheval sur les pages 946 et 947, dont figure 14).

Par conséquent, cet argument doit également être écarté.

5.10 En conséquence, pour les raisons énoncées au point 5.6 dessus, la requête principale n'est pas fondée pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE)

Requête auxiliaire

6. Modifications (Article 123 (2), (3) CBE)

La revendication 1 modifiée diffère de la revendication 1 de la requête principale uniquement en ce que l'actif est précisé selon la liste de la revendication 11 initiale. Cet amendement, qui constitue d'autre part une restriction, satisfait donc aux exigences de forme de l'article 123 (2), (3) de la CBE.

6.1 Les actifs décrits de façon générale dans la revendication 1 de la requête principale ont été amendés de façon à être choisi dans une liste de composés particuliers, dont l'acide salicylique. Etant donné que l'acide salicylique est spécifiquement mentionné dans les compositions cosmétiques du document (17) (page 4, ligne 12, exemple 3), l'amendement a pour résultat l'ajout d'une caractéristique déjà présente dans l'enseignement du document le plus proche et reste donc sans effet sur l'évaluation de l'activité inventive des compositions revendiquées développée au point 5 dessus. L'intimé n'a d'ailleurs pas contesté que tel amendement n'apportait aucune contribution inventive par rapport à la revendication 1 de la requête principale au regard du document (17).

6.2 En conséquence, la requête auxiliaire partage le même sort que la requête principale, à savoir qu'elle n'est pas admissible pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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