European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2007:T117304.20070614 | ||||||||
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Date de la décision : | 14 Juin 2007 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1173/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96202475.8 | ||||||||
Classe de la CIB : | A23J 3/34 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Induction de la tolérance au lait de vache | ||||||||
Nom du demandeur : | SOCIETE DES PRODUITS NESTLE S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Friesland Brands B.V. | ||||||||
Chambre : | 3.3.09 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - oui (requête principale) Activité inventive - non - solution évidente (requête principale et requêtes auxiliaires 1 à 3) Requête auxiliaire 4 : déposée lors de la procédure orale - recevable (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen numéro 96 202 475.8 déposée le 6 septembre 1996 a donné lieu le 12 juin 2002 (Bulletin 2002/24) à la délivrance du brevet européen nº 0 827 697 sur la base de sept revendications. La titulaire du brevet est SOCIETE DES PRODUITS NESTLE S.A..
Le libellé de la seule revendication indépendante du brevet s'énonçait comme suit :
"1. Utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19% et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé, pour la fabrication d'une composition destinée à induire la tolérance orale chez des mammifères qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache."
Les revendications 2 à 7 étaient des revendications dépendantes.
II. La société Friesland Brands B.V. a fait opposition à ce brevet européen le 12 mars 2003. L'opposante a requis la révocation du brevet dans sa totalité, au titre des motifs énoncés à l'article 100a) CBE, en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive de toutes les revendications et en soutenant que les revendications 5 à 7 constituaient une méthode thérapeutique exclue de la brevetabilité au sens des articles 52(4) et 57 CBE, ainsi qu'au titre de l'article 100b) CBE car le brevet n'exposait pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme de métier puisse l'exécuter.
Les allégations de défaut de nouveauté et de manque d'activité inventive se fondaient, entre autres, sur les documents suivants :
D1: EP - A - 0 629 350 ;
D2: "Frisopep ; hypoallergene peptidevoeding voor zuigelingen en jonge kinderen." Voeding 54(3), 1993, page 22 et sa traduction en anglais ;
D3: Brochure commerciale "Frisopep. De volgende generatie peptidevoeding." Septembre 1992 et sa traduction en anglais ;
D4: A. D. Siemensma et al., "The importance of peptide lengths in hypoallergenic infant formulae." Trends in Food Science & Technology, January 1993, (vol. 4) pages 16 - 21 ;
D7: R. Frisché and M. Bonzon, "Determination of Cow Milk Formula Allergenicity in the Rat Model by in vitro Mast Cell Triggering and in vivo IgE Induction." Int. Arch. Allergy Appl. Immunol. 1990 ; 93 : pages 289 - 293 ;
D8: Déclaration de M. S. Paolicelli en date du 17 mai 2004 ; et
D9: Déclarations du Dr. C.M. van Beusekom et de M. Ir. C. Glas en date du 18 mai 2004.
III. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 29 juin 2004 et signifiée par voie postale le 12 juillet 2004 la division d'opposition a rejeté l'opposition.
Dans sa décision, la division d'opposition a considéré que le produit selon la revendication 1 n'était pas anticipé par D1, car ce document utilisait un petit lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique plus élevé. La division d'opposition a aussi reconnu la nouveauté par rapport à D4 car ce document ne décrivait pas l'utilisation du petit-lait pour l'induction de la tolérance orale.
Quant à l'activité inventive, la division d'opposition a considéré que le problème à résoudre par le brevet par rapport à l'état de la technique le plus proche, D1, résidait dans l'amélioration des petits laits selon D1.
La solution à ce problème a consisté à utiliser un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19% et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieur à celui d'un petit-lait non-hydrolysé. La division d'opposition était de l'avis que cette solution ne découlait pas d'une manière évidente de l'art antérieur cité.
La division d'opposition a aussi conclu que l'objet du brevet attaqué ne contrevenait pas aux dispositions des articles 83, et 52(4) CBE.
IV. Le 20 septembre 2004, l'opposante (requérante) a formé un recours à l'encontre de cette décision en acquittant en même temps la taxe prescrite. Elle a maintenu l'ensemble des arguments qui avaient été présentés dans le mémoire d'opposition, à savoir ceux basés sur les motifs selon les articles 54, 56, 83, 52(4) et 57 CBE.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 22 novembre 2004. Avec ce mémoire et les écritures du 13 décembre 2005, la requérante a soumis 13 nouveaux éléments de preuve y compris les documents :
D15: traduction en anglais du brevet JP - 3 181 681 ; et
D24: Déclaration de M. S. Paolicelli en date du 29 août 2005.
V. Dans ses écritures en réponse au mémoire de recours datées du 7 juin 2005, la propriétaire (intimée) a contesté l'argumentation de la requérante et demandé le rejet du recours.
Par lettre du 14 mai 2007 l'intimée a produit trois nouveaux jeux de revendications auxiliaires.
Le libellé de la revendication 1 de ces trois jeux de revendications est le suivant :
Requête auxiliaire 1 :
"1. Utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19% et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé, pour la fabrication d'une composition destinée à induire la tolérance orale chez des mammifères n'ayant pas été encore en contact avec des allergènes de lait de vache qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache."
Requête auxiliaire 2 :
1. Utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19%, un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé et capable de déclencher un niveau de libération de sérotonine **(3)H par des mastocytes, sensibilisés passivement par un antisérum anti-protéine de lait de vache, au moins 200 fois inférieur à celui obtenu par ces mêmes mastocytes avec un petit-lait non-hydrolysé, pour la fabrication d'une composition destinée à induire la tolérance orale chez des mammifères qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache."
Requête auxiliaire 3 :
1. Utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19%, un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé et capable de déclencher un niveau de libération de sérotonine **(3)H par des mastocytes, sensibilisés passivement par un antisérum anti-protéine de lait de vache, au moins 200 fois inférieur à celui obtenu par ces mêmes mastocytes avec un petit-lait non-hydrolysé, pour la fabrication d'une composition destinée à induire la tolérance orale chez des mammifères n'ayant pas été encore en contact avec des allergènes de lait de vache qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache."
VI. La procédure orale a eu lieu devant la Chambre le 14 juin 2007. Au cours de l'audience la requérante a retiré ses objections concernant les articles 52(4) et 83 CBE.
Ultérieurement lors des débats, alors que la Chambre avait rejeté toutes les requêtes de l'intimée, elle a déposé un nouveau jeu de six revendications à titre de requête subsidiaire supplémentaire (requête auxiliaire 4).
Le libellé de la revendication 1 de la quatrième requête auxiliaire est le suivant :
"1. Utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15-19% et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé, pour la fabrication d'une composition destinée à induire la tolérance orale chez des mammifères qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache telle que le niveau d'IgE anti-protéines allergisantes de vache, produit en réaction à une administration de protéines allergisantes de vache, est diminué d'au moins 100 fois."
VII. L'ensemble des arguments pertinents pour la présente décision présentés par la requérante tant dans ses écritures que lors de la procédure orale peuvent être résumés comme suit :
- L'invention telle que définie dans la revendication 1 manquait de nouveauté au vu des documents D1, D4, D7, et/ou D15 parce que ces documents décrivaient des hydrolysats qui recoupaient avec les hydrolysats selon la revendication 1 utilisés pour le même but. De plus, l'utilisation pour l'induction de la tolérance orale telle que revendiquée n'était pas une nouvelle utilisation mais seulement une explication du mécanisme de la prévention d'une réponse allergique aux produits laitiers.
- Concernant l'activité inventive, elle a souligné que l'objet des revendications du brevet litigieux n'impliquait pas d'activité inventive eu égard aux documents D15 et D4 en combinaison. Le document D15, qui représentait l'état de la technique le plus proche, décrivait l'utilisation d'hydrolysats très semblables pour l'induction de la tolérance orale.
Le problème technique à résoudre par l'invention par rapport à D15 était de produire des hydrolysats ayant un pouvoir allergisant plus réduit. La solution à ce problème en utilisant des hydrolysats présentant un degré d'hydrolyse de 15 à 19% n'impliquait pas une activité inventive, car il était bien connu de l'homme du métier qu'une hydrolyse plus forte détruisait des épitopes dans le lait. De plus, des produits avec ce degré d'hydrolyse étaient déjà connus de D4 et l'homme du métier les aurait aussi utilisés pour induire la tolérance orale.
- En ce qui concerne la recevabilité de la quatrième requête auxiliaire, cette requête ne serait pas recevable puisqu'elle visait à établir l'activité inventive par rapport à un document déjà présent à ce titre dans la procédure depuis le début de la procédure de recours. Il n'y avait donc pas de raison de la présenter si tard dans la procédure.
VIII. Les arguments de l'intimée présentés par écrit et développés au cours de la procédure orale peuvent en substance être résumés ainsi :
- Aucun des documents cités ne divulguait l'utilisation des hydrolysats revendiqués pour induire la tolérance orale. Les hydrolysats dans D1 présentaient un degré d'hydrolyse enzymatique au dessus de 19% et le degré d'hydrolyse des hydrolysats selon D15 n'était pas décrit dans le document. De plus la signification du terme "prophylaxie" utilisé dans D4 était complètement différente du phénomène de l'induction orale revendiquée. Finalement D7 décrivait une méthode de détection du pouvoir allergisant d'un petit-lait mais il ne décrivait pas son utilisation pour induire une tolérance orale.
- Concernant l'activité inventive, elle était de l'avis que les hydrolysats selon D15, même s'ils présentaient une certaine hypoallergenicité, ne seraient pas suffisamment efficaces parce que l'hypoallergenicité obtenue était seulement environ 10 fois inférieure à celle de la protéine beta-lactoglobuline native (voir les figures 2 et 3). L'utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse de 15 à 19% et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé pour l'induction de la tolérance orale était à son avis un enseignement qui ne découlait pas du tout de manière évidente de l'art antérieur cité par la requérante.
- La présentation pendant la procédure orale de la requête auxiliaire 4 était justifiée. Elle résultait d'un entretien avec l'inventeur sur le document D15 peu avant la procédure orale.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 0 827 697.
L'intimée a demandé le rejet du recours ou, à défaut, le maintien du brevet sur le fondement des revendications 1 à 6 des requêtes auxiliaires 1, 2, des revendications 1 à 5 de la requête auxiliaire 3, toutes trois déposées avec la lettre datée 14 mai 2007, ou enfin sur le fondement des revendications 1 à 6 de la requête auxiliaire 4 déposée lors de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
REQUÊTE PRINCIPALE
2. Nouveauté (article 54 CBE)
2.1 La revendication 1 est rédigée sous la forme d'une revendication visant à la protection de la "deuxième indication médicale". Elle porte pour l'essentiel sur l'utilisation d'un petit-lait :
(a) présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15 à 19% et
(b) un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieure à celui d'un petit-lait non-hydrolysé, pour
(c) induire la tolérance orale chez des mammifères qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache.
2.2 La requérante a contesté la nouveauté de l'objet de cette revendication sur la base des documents D1, D4, D7 et D15.
2.2.1 Le document D1 décrit des hydrolysats qui ne contiennent pas des protéines allergéniques pour la fabrication d'une composition destinée à induire une tolérance au lait de vache chez des enfants susceptibles de présenter une allergie au lait de vache (revendication 1).
Le degré d'hydrolyse effective des hydrolysats de lait utilisés dans D1 est de préférence dans l'intervalle de 20% à 32% (voir page 3, lignes 55 - 56 ; voir aussi exemples 1.7 et 7) et donc plus élevé que le degré d'hydrolyse requis par la revendication 1. En outre, le niveau de détection immunologique n'est pas mentionné dans D1.
La requérante a signalé que l'utilisation de l'élastase-2 pour obtenir les hydrolysats selon D1 fournit un produit avec un degré d'hydrolyse effective de 19% ou plus (voir page 3, lignes 40 - 41) en faisant un recoupement avec la définition correspondante dans la revendication 1. Toutefois, la phrase citée par la requérante donne le degré d'hydrolyse qui peut être obtenu avec l'élastase-2 ; elle ne se rapporte pas clairement et sans ambiguïté au degré d'hydrolyse des hydrolysats utilisés dans D1 lesquels sont obtenus en utilisant au moins deux enzymes (voir page 3, lignes 50 - 54 et exemples).
Par conséquent l'hydrolysat utilisé dans la revendication 1 du brevet litigieux présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15 à 19% est différent de l'hydrolysat utilisé dans D1 au moins par la caractéristique (a). L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à D1.
2.2.2 Les documents D4 et D7 décrivent des petits-laits présentant un degré d'hydrolyse enzymatique et un niveau de détection immunologique dans la plage de valeurs envisagées pour le petit-lait de la revendication 1 (caractéristiques (a) et (b)).
En effet, D4 mentionne l'utilisation du petit-lait 'Frisopep', un petit-lait ayant un degré d'hydrolyse de l'ordre de 15% à 20/21% (voir les déclarations D8 et D9) et un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieur à celui du petit-lait non hydrolysé (voir point 1 de la déclaration D24) et D7 décrit le petit-lait BEBA-HA® (voir page 289, colonne de droite deuxième paragraphe) ayant un degré d'hydrolyse de 18% et qui est aussi utilisé dans les exemples du brevet attaqué.
Cependant aucun des ces documents ne décrit l'utilisation du petit lait pour induire la tolérance orale chez des mammifères qui sont susceptibles d'être allergiques au lait de vache (caractéristique (c)).
D7 décrit une méthode de détection du pouvoir allergisant du lait (voir abrégé), mais il ne décrit pas son utilisation pour induire la tolérance orale. De la même manière D4 ne décrit pas l'utilisation du petit-lait pour induire la tolérance orale mais son utilisation pour prévenir une réponse allergique aux produits laitiers.
La Chambre ne peut pas partager l'opinion de la requérante lorsqu'elle prétend que la constatation à la page 17, colonne de gauche, lignes 27 - 29 de D4 ("Recently, 'third generation products containing less-degraded whey protein hydrolysates have become available, primarily for prophylactic use") implique une utilisation pour l'induction de la tolérance orale. La seule utilisation qui est mentionnée dans D4 (page 17, colonne de gauche, lignes 14 - 29) est l'utilisation pour éviter le pouvoir allergisant des protéines du lait en les convertissant en peptides par hydrolyse (lignes 14 - 17). Dans ce contexte l'utilisation "prophylactique" envisagé par D4 doit être celle de prévenir une réponse allergique en évitant le contact avec l'allergisant. L'utilisation des hydrolysats pour induire une tolérance orale n'est pas envisagée par D4.
Par conséquent les documents D4 et D7 ne peuvent pas anticiper l'objet de la revendication 1 du brevet.
2.2.3 Enfin, le manque de nouveauté de la revendication 1 a été aussi allégué par la requérante au vu du document D15 qui décrit des hydrolysats du lait capables d'induire une tolérance orale (caractéristique (c)).
D15 ne donne pas le degré d'hydrolyse des hydrolysats utilisés. Toutefois il est dit que les hydrolysats ont un poids moléculaire de moins de 20 000 Dalton, de préférence de moins de 10 000 Dalton (voir [0008] ; voir aussi revendication 1), ce qui indique une hydrolyse douce. Il est noté que même si il n'y a pas une corrélation exacte entre le poids moléculaire et le degré d'hydrolyse enzymatique, les hydrolysats décrits dans D15 ont nécessairement un degré d'hydrolyse qui se recoupe en partie avec le degré d'hydrolyse selon le brevet. Pour cette raison le degré d'hydrolyse n'est pas une caractéristique qui pourrait justifier la nouveauté de la revendication 1.
Toutefois, les hydrolysats de D15 présentent un niveau de hypoallergénicité plus élevé que les hydrolysats selon la revendication 1 (caractéristique (b)). La détection immunitaire des hydrolysats selon D15 par des anticorps anti-peptide-N-terminal-beta-lactoglobuline est environ 10 fois inférieure à celle de la protéine native (voir figures 2 et 3) et donc en dehors de l'objet de la revendication 1.
L'objet de la revendication 1 est par conséquent, aussi nouveau par rapport au document D15.
2.3 Pour ces raisons, les objections concernant l'absence de nouveauté sont dénuées de fondement.
3. Activité inventive (article 56 CBE).
3.1 L'état de la technique le plus proche.
3.1.1 L'état de la technique le plus proche est représenté par le document D15 qui, comme signalé ci-dessus (point 2.2.3) dans la discussion de la nouveauté, décrit des hydrolysats du lait ayant un poids moléculaire de moins de 20 000 Dalton et leur utilisation pour induire une tolérance orale. Ces hydrolysats présentent une hypoallergénicité de l'ordre de dix fois inférieure à celle d'une protéine non-hydrolysée.
3.1.2 Le brevet litigieux mentionne que les hydrolysats utilisés dans D15 ne sont pas conformes à la directive Européenne 96/4/EC laquelle stipule que dans un lait hypoallergénique les protéines allergiques doivent être au minimum 100 fois moins détectables que dans un lait non-hydrolysé (voir [0011] et [0007] du fascicule de brevet).
3.2 Problème et solution.
3.2.1 En conséquence, le problème technique à résoudre par le brevet en litige est de fournir d'autres hydrolysats de lait capables aussi d'induire la tolérance orale au lait de vache mais ayant un pouvoir hypoallergénique plus élevé (ou, autrement dit, un pouvoir allergisant réduit) par rapport à ceux de D15.
3.2.2 La solution proposée par le brevet consiste dans l'utilisation des hydrolysats selon la revendication 1. Tandis que D15 ne précise pas le degré d'hydrolyse des hydrolysats utilisés (les hydrolysats selon D15 ont un poids moléculaire de moins de 20 000 Dalton, ce qui comprend une large plage de valeurs de degré d'hydrolyse possibles), l'objet de la revendication 1 du brevet requiert l'utilisation des hydrolysats présentant un degré d'hydrolyse très spécifique, entre 15 et 19%. De plus, ces hydrolysats doivent avoir un niveau de détection immunologique des protéines allergènes au moins 100 fois inférieur à celui d'un petit-lait non-hydrolysé.
3.2.3 Selon les exemples du brevet litigieux l'utilisation des hydrolysats présentant ce degré d'hydrolyse enzymatique permet d'obtenir une tolérance orale comparable à celle obtenue avec un petit-lait natif, sans les inconvénients de déclenchement d'une allergie, (voir exemple 1).
De plus, les résultats dans l'exemple 4 du brevet indiquent que des hydrolysats ayant un degré d'hydrolyse enzymatique en dehors de la plage revendiquée ne résolvent pas le problème posé. En effet, les hydrolysats ayant un degré d'hydrolyse en dessous de 15%, n'ont pas un pouvoir allergisant réduit conforme à la directive Européenne 96/4/EC et si on pousse l'hydrolyse au dessus d'un degré de 20%, les niveaux d'induction d'une tolérance orale à la beta-lactoglobuline diminuent (voir aussi Figure 2).
3.2.4 Au vu des ces résultats la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 3.2.1) a bien été résolu par les hydrolysats selon la revendication 1 en litige. La requérante n'a pas formulé d'objections à cet égard.
3.3 Activité inventive.
3.3.1 Il reste à déterminer si cette solution découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.
Il ressort du document D15, qui vise aussi à préparer des hydrolysats capables d'induire la tolérance orale et ayant un pouvoir allergisant réduit (voir [0006]), qu'en poussant l'hydrolyse jusqu'à l'obtention de peptides de bas poids moléculaire on perd la possibilité d'atteindre une tolérance orale comparable à celle des protéines du lait non-dégradées (voir [0004]).
L'homme du métier sait aussi que les protéines intactes du lait sont à l'origine de la réponse allergique ayant pour conséquence qu'un degré d'hydrolyse trop faible qui ne les supprime pas suffisamment, n'élimine pas leur pouvoir allergisant.
3.3.2 Sur la base de ces connaissances, l'homme du métier confronté avec l'objectif de trouver, pour l'induction de la tolérance orale, d'autres hydrolysats ayant un pouvoir allergisant réduit, ne pourrait manquer d'envisager de faire varier le degré d'hydrolyse, pour atteindre ce but. En faisant varier ledit degré d'hydrolyse dans le cadre d'une série d'expériences de routine, l'homme du métier arrive sans effort inventif au degré d'hydrolyse approprié pour atteindre un pouvoir allergisant réduit en maintenant l'induction de la tolérance orale. En fait l'objet de la revendication 1 précise seulement l'enseignement général de D15 en trouvant le degré d'hydrolyse spécifique qui permet d'avoir un pouvoir allergisant réduit.
En conséquence, la revendication 1 ne remplit pas les conditions énoncées dans l'article 56 CBE au vu de l'enseignement selon le document D15.
3.3.3 Il a été signalé par l'intimée pendant la procédure orale que l'induction de la tolérance orale des hydrolysats selon D15 n'était pas suffisante. Les données dans la Figure 7 de D15 (voir aussi [0017] -[0018]) indiquent que la tolérance orale a été mesurée par rapport au niveau d'IgG (immunoglobuline G) anti-protéines allergisantes de vache. Par contre, dans le brevet l'induction à la tolérance est mesurée par rapport au niveau d'IgE (immunoglobuline E) anti-protéines allergisantes de vache (voir exemples). Même en admettant que cela soit exact, une telle différence n'a point de conséquence pour l'appréciation de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 laquelle ne distingue pas selon que l'induction de la tolérance est mesurée par rapport au niveau d'IgG ou d'IgE. Par conséquent cet argument ne peut pas justifier une activité inventive.
3.3.4 L'intimée a soutenu aussi que l'hydrolyse dans D15 était une hydrolyse douce, l'hydrolysat obtenu présentant un degré d'hydrolyse de l'ordre du 10% et ayant donc une hypoallergénicité réduite de façon insuffisante. À son avis l'homme du métier ne serait donc pas du tout motivé par l'enseignement de D15 pour utiliser des hydrolysats ayant un degré d'hydrolyse de 15 à 19%.
Cet argument n'apparait pas convaincant non plus. En effet, la question n'est pas de savoir s'il y a dans D15 une recommandation précise de la plage numérique concrète de 15 à 19%. De l'avis de la Chambre, la question à poser est plutôt de savoir si au vu du problème à résoudre par l'invention revendiquée, D15 donne des indications des caractéristiques nécessaires pour trouver la valeur idoine du degré d'hydrolyse. Cette question reçoit une réponse affirmative pour les raisons déjà indiquées plus haut (point 3.3.2) et en conséquence l'argument de l'intimée n'est pas de nature à renverser la conclusion négative tirée ci-dessus, c'est-à-dire qu'une activité inventive n'était pas nécessaire pour parvenir à l'invention revendiquée.
3.4 Au vu de l'analyse précédente, la Chambre conclut que l'objet de la revendication 1 du brevet contesté découle de façon évidente du contenu du document D15, en tenant compte des connaissances générales de l'homme du métier. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 ne satisfait pas aux exigences de l'article 56 CBE.
3.5 La requête principale n'est donc pas acceptable.
REQUETES AUXILIAIRES 1 À 3.
4. La requête auxiliaire 1 correspond à la requête principale restreinte à l'induction de la tolérance orale chez des mammifères "n'ayant pas été encore en contact avec des allergènes de lait de vache". Cette précision relative aux mammifères pour lesquels le petit-lait peut être utilisé n'ajoute aucun élément qui puisse être regardé comme inventif, comme l'intimée, elle-même, l'a reconnu pendant le cours de la procédure orale. Les conclusions exposées ci-dessus pour la requête principale s'appliquent à l'identique à la revendication 1 de la requête auxiliaire 1.
5. L'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire 2 précise que le petit-lait est "capable de déclencher un niveau de libération de sérotonine **(3)H par des mastocytes, sensibilisés passivement par un antisérum anti-protéine de lait de vache, au moins 200 fois inférieur à celui obtenu par ces mêmes mastocytes avec un petit-lait non-hydrolysé".
5.1 La capacité d'un petit-lait à déclencher un certain niveau de libération de sérotonine **(3)H par des mastocytes est une autre manière de mesurer son hypoallergénicité (voir [0029] du brevet ; voir aussi D7, abrégé).
5.2 Comme déjà signalé ci-dessus pour la requête principale, l'utilisation d'un petit-lait présentant un degré d'hydrolyse enzymatique de 15 à 19% et ayant une hypoallergénicité réduite découle d'une manière évidente du document D15. Le fait que l'hypoallergénicité est déterminée - en plus d'une mesure en fonction du niveau de détection immunologique des protéines allergènes (requête principale) - en fonction de sa capacité à déclencher un niveau de libération de sérotonine **(3)H par des mastocytes (requête auxiliaire 2) n'apporte aucune contribution technique qui puisse justifier la présence d'une activité inventive.
6. L'objet de la revendication 1 de la requête auxiliaire 3 qui combine l'objet de la revendication 1 des requêtes auxiliaires 1 et 2 manque d'activité inventive exactement pour les mêmes raisons.
REQUÊTE AUXILIAIRE 4.
7. À la fin de la procédure orale, l'intimée a introduit une quatrième requête auxiliaire. Selon cette requête, la tolérance orale est "telle que le niveau d'IgE anti-protéines allergisantes de vache, produit en réaction à une administration de protéines allergisantes de vache est diminué d'au moins 100 fois".
7.1 Cette requête reflète l'argumentation de l'intimée présentée pour la première fois lors de la procédure orale selon laquelle dans les hydrolysats de D15 le pouvoir allergisant était mesuré par le niveau d'IgG anti-protéines allergisantes. Par contre, la mesure du niveau d'IgE anti-protéines allergisantes selon la revendication 1 de cette requête donnerait une mesure plus exacte de l'hypoallergénicité des hydrolysats.
7.2 La requérante a soutenu que la requête était tardive et qu'elle n'était pas justifiée par une situation nouvelle apparue pour la première fois au cours de la procédure orale, car le document D15 était cité dans le brevet et faisait partie du dossier depuis le début de la procédure de recours.
7.3 La Chambre considère dans l'exercise de son pouvoir d'appréciation (article 10ter du Règlement de procédure des chambres de recours) qu'il n y a pas de justification pour le dépôt tardif de cette requête, laquelle aurait être pu présentée à l'avance pour permettre à la requérante et à la Chambre de se préparer. Dans le cas d'espèce cette situation est particulièrement indésirable et contraire au principe de l'économie de procédure visée à l'article 10ter du RPCR parce que la revendication 1 telle que proposée contient une nouvelle caractéristique dont l'impact sur l'appréciation de l'activité inventive ne ressort pas prima facie des arguments avancés jusqu'à présent.
7.4 La Chambre décide donc de ne pas admettre cette requête tardive. Par conséquent, la requête auxiliaire 4 soumise pendant la procédure orale par l'intimée n'est pas acceptée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision objet du recours est annulée.
2. La requête auxiliaire 4 est déclarée irrecevable.
3. Le brevet est révoqué.