European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2006:T102004.20061009 | ||||||||
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Date de la décision : | 09 Octobre 2006 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1020/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96400304.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | A01J 25/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
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Titre de la demande : | Procédé de préparation en continu d'un fromage ou d'une spécialité fromagère, installations pour la mise en oeuvre du procédé et produit obtenu par le procédé | ||||||||
Nom du demandeur : | BONGRAIN S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Friesland Brands B.V. | ||||||||
Chambre : | 3.2.04 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Exposé suffisant de l'invention (non) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requérante (opposante) a formé un recours, reçu le 6 août 2004, contre la décision de la Division d'opposition du 27 mai 2004 de rejeter l'opposition.
La taxe de recours a été acquittée le 6 août 2004.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 5 octobre 2004.
II. L'opposition était fondée sur les motifs énoncés à l'article 100(a) et (b) CBE. Sans prendre position sur les essais fournis par l'opposante, la Division d'opposition a estimé dans sa décision que l'invention revendiquée était décrite de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
III. Les revendications 1 et 8 du brevet contesté se lisent comme suit :
"1. Procédé de fabrication en continu d'un fromage ou d'une spécialité fromagère à partir d'un caillé et/ou d'un retentat issu de l'ultrafiltration du lait, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes :
a) Introduction des matières premières comprenant au moins du caillé broyé et/ou du retentat dans un extrudeur à vis (10) dans une première zone (a), comprenant deux vis (12) sensiblement identiques s'engrenant l'une dans l'autre et entraînées en rotation dans un même sens de rotation à l'intérieur d'un fourreau allongé (11) ;
b) transfert des matières premières de l'amont vers l'aval du fourreau (11), la configuration des vis (12) et la température à l'intérieur du fourreau (11) de l'amont vers l'aval étant adaptées pour faire subir aux matières premières successivement une étape de compression, de malaxage et de chauffage dans une deuxième zone (B, C, D), jusqu'à une température de 120ºC environ, une étape de cisaillement et de malaxage dans une troisième zone (e), suivie d'une étape de décompression dans une quatrième zone (f), à une température comprise entre 55º et 120ºC suivant le produit, une étape de compression, de malaxage et de chauffage dans une cinquième zone (g), à une température comprise entre 55º et 120ºC, et une étape de cisaillement, de malaxage et de transfert dans une sixième zone (H, I, J) du produit dans la filière (20) à une température comprise entre 50º et 120ºC ;
c) extrusion du produit obtenu à l'extrémité aval (11b) du fourreau (11) à travers une filière (20) adaptée à texturer, à mettre en forme et à refroidir le produit ; et
d) découpe du fromage (50), ou de la spécialité fromagère, extrudé à une longueur désirée."
"8. Installation de fabrication pour la mise en oeuvre du procédé conforme à l'une des revendications 1 à 7, comprenant un extrudeur à vis (10) comportant deux vis (12) sensiblement identiques s'engrenant l'une dans l'autre et entraînées en rotation dans un même sens de rotation à l'intérieur d'un fourreau allongé (11), un orifice d'alimentation (13) disposé à une extrémité amont (11a) du fourreau, une filière d'extrusion (20) située à l'extrémité aval (11b) dudit fourreau et un dispositif de découpe (30) disposé à la sortie de la filière d'extrusion (20), caractérisée en ce qu'elle comprend un dispositif de dosage (40) et d'introduction dans l'orifice d'alimentation (13) du caillé broyé, et/ou du retentat issu de l'ultrafiltration du lait, à un débit prédéterminé, des moyens thermiques (14) et une section non refroidie (21) adaptés à réguler la température à l'intérieur du fourreau (11) et de la filière d'extrusion (20), ledit fourreau (11) comprenant d'amont vers l'aval une première zone (a) d'alimentation en matières premières, une deuxième zone (B, C, D) de compression, de malaxage et de chauffage jusqu'à une température de 120ºC environ, une troisième zone (e) de cisaillement et de malaxage, une quatrième zone (f) de décompression, la température étant comprise entre 55º et 120ºC, une cinquième zone (g) de compression, de malaxage et de chauffage à une température entre 55º et 120ºC, et une sixième zone (H, I, J) de cisaillement, de malaxage et de transfert, la configuration des vis (12) notamment le positionnement des filets les uns par rapport aux autres, du fourreau (11) et de la filière d'extrusion (20) étant adaptée au profil thermique de manière à fabriquer en continu un fromage ou spécialité fromagère à partir au moins du caillé broyé, et/ou du retentat issu de l'ultrafiltration du lait, la filière d'extrusion étant adaptée à texturer, à mettre en forme et à refroidir le produit."
IV. Une procédure orale devant la chambre a eu lieu le 9 octobre 2006.
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Elle a principalement argumenté de la façon suivante : Il n'est pas contesté que la mise en oeuvre d'un procédé de cuisson-extrusion en continu d'un fromage est complexe et délicate. Il est d'autant plus indispensable de fournir de façon détaillée toutes les données nécessaires à cette mise en oeuvre. Dans le cas présent de nombreux paramètres sont indéterminés, ou sont présentés comme dépendants du produit final à obtenir. De plus, la description n'indique ni un exemple précis de réalisation, ni un type précis de produit final qui puisse être obtenu par le procédé revendiqué. Il en découle, comme le démontrent également les essais réalisés par la requérante, qu'un homme du métier n'est pas à même, sur la base des informations contenues dans le brevet, même en tenant compte de son savoir faire, d'aboutir à un produit final du type fromage.
L'intimée (titulaire) a contesté les arguments avancés par la requérante et a pour l'essentiel fait valoir ce qui suit : Un homme du métier dans le domaine de la fabrication en continu d'un fromage par extrusion est en mesure sur la base des informations divulguées dans le brevet contesté et en tenant compte de ses connaissances générales de base, de mettre en oeuvre le procédé selon l'invention. Les données non définies dans la description peuvent être déduites des figures, qui bien que schématiques permettent de définir les proportions des éléments représentés. Vu la complexité d'une technologie telle que la "cuisson extrusion", où le résultat final dépend de l'habileté et de l'expérience de l'homme du métier ainsi que de la qualité du produit de départ, il est normal qu'un homme du métier procède à quelques essais avant d'aboutir au résultat escompté. Du fait qu'un homme du métier connaît les procédés et les matières premières nécessaires à l'obtention d'un fromage donné et que la technique de cuisson-extrusion en continu bien que délicate soit néanmoins connue et bien maitrisée, il est à même, par de simples mesures d'exécution, d'ajuster les paramètres en fonction du produit qu'il veut obtenir.
L'intimée a demandé que le recours soit rejeté.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Faisabilité de l'invention :
2.1 Aux termes des articles 83 et 100(b) CBE, l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
2.2 Dans le cas présent toutes les données nécessaires à la mise en oeuvre du procédé ne sont pas explicitement indiquées. En effet la description n'indique pas :
- le diamètre des vis de l'extrudeur,
- l'épaisseur des filets de vis et le pas de vis dans la zone F, la longueur de cette zone,
- le débit de matière dans le dispositif,
- le temps de séjour dans les différentes zones,
- le diamètre de la filière.
2.3 L'intimé a tenté de faire valoir que les dessins fournissaient les indications concernant le pas de la vis dans la zone F, la longueur de cette zone et le diamètre de la filière.
Bien que les dessins fassent partie de la divulgation de l'invention au même titre que la description et les revendications, des dimensions spécifiques ne peuvent pas être déduites d'une représentation schématique. Il n'est cependant pas à exclure que certaines proportions puissent être déduites des figures.
Dans le cas présent, la partie inférieure de la figure 1 représente une vue de dessus du dispositif montré de face et en coupe à la partie supérieure de la figure 1. Il est à constater que le dispositif présente en vue de face une hauteur qui est identique à sa largeur en vue de dessus. Or selon la description, le dispositif comporte deux vis (voir paragraphe [0014]). Le dispositif devrait donc être près de deux fois plus large que haut. Il en découle que les représentations schématiques des figures ne respectent pas les proportions et celles-ci ne peuvent pas par conséquent être déduites des figures.
2.4 L'intimée a également fait valoir que le temps de séjour dans une zone est indiqué au paragraphe [0044] du brevet. Ce paragraphe mentionne que le temps de séjour est "de quelque minutes seulement". Cette indication est cependant trop vague pour être considérée comme une instruction permettant la mise en oeuvre d'une étape d'un procédé.
2.5 De plus, le débit de matière et le temps de séjour dépendent du diamètre des vis, du pas des vis et de la vitesse de rotation des vis. Toute variation d'un de ces paramètres fait varier le débit et le temps de séjour. Or le diamètre des vis n'est pas indiqué, la vitesse de rotation peut varier entre 100 et 250 tours par minute (paragraphe [0044] du brevet) et le pas de la vis dans la zone "F" n'est pas défini. Ceci implique que le débit et le temps de séjour ne peuvent être établis qu'au prix d'une multitude d'essais approfondis.
2.6 L'intimée a également présenté une déclaration de M. F. Zuber en date du 9 septembre 2006 qui déclare, en tant qu'expert, que l'adaptation du profil des vis et des paramètres dimensionnels, l'ajustement des températures dans les différentes zones et dans la filière, le diamètre des vis et le débit, peuvent être aisément calculés par un manufacturier.
La question est de savoir si une telle déclaration suffit à prouver qu'un homme du métier serait à même de déterminer ces paramètres en se référant à ses connaissances générales.
Par homme du métier il faut entendre l'homme du métier de compétence moyenne normalement qualifié disposant des connaissances générales de base dans le domaine technique considéré, comme ce qui se trouve dans les livres scolaires, opuscules techniques standard dans le domaine donné ou dans des ouvrages de référence usuels. En revanche les informations qui ne sont accessibles qu'après un travail d'investigation ne font pas partie des connaissances générales de base.
Les connaissances générales de base d'un homme du métier dans le domaine de la cuisson extrusion ne sont donc pas assimilables à celles d'un expert ayant effectué (à l'instar de M. Zuber) une recherche doctorale et soutenu une thèse sur le sujet. Il s'ensuit que la déclaration en question n'est pas probante en ce qui concerne les connaissances générales de base de l'homme du métier dans le domaine de la cuisson extrusion en continu d'un fromage.
2.7 L'intimée a également fait valoir qu'un échec isolé ne suffisait pas pour prouver que la divulgation était insuffisante.
A ce sujet, il est à noter que la requérante a fourni des rapports détaillés portant sur une série d'essais (18 essais dans un premier rapport en date du 23 octobre 2003 et 9 essais supplémentaires dans un rapport en date du 23 décembre 2003). L'intimée a fait parvenir un compte-rendu relatif à des essais effectués en 1997 avec un extrudeur du type BC 45. Le profil des vis de cet extrudeur ne correspond pas au profil décrit dans la description du brevet contesté en ce qui concerne la longueur totale, la longueur de chacune des zones et le pas de vis. La description du brevet contesté ne comporte pas non plus d'exemple de réalisation conforme à l'invention, ni de description du type de produit final obtenu.
La requérante a donc fait parvenir des rapports concernant deux séries d'essais dans lesquels elle a tenté de reproduire sans succès le procédé de l'invention, tandis que l'intimée n'a fourni aucun compte rendu d'essais couronnés de succès, reproduisant fidèlement le procédé revendiqué.
2.8 L'exposé de l'invention ne comporte donc pas l'ensemble des données nécessaires à la mise en oeuvre du procédé. L'homme du métier usant de ses connaissances techniques et générales n'était pas en mesure à la date de dépôt de compléter les indications manquantes sans procéder à des essais approfondis supplémentaires. Du fait que la modification d'un paramètre (diamètre de vis, vitesse de rotation, pas de vis, débit de matière, temps de séjour, diamètre de la filière ) a une influence directe sur d'autres paramètres, le grand nombre d'essais nécessaires pour déterminer les paramètres manquants ou indéfinis ne pouvaient pas être réalisés par l'homme du métier sans exiger des efforts déraisonnables de sa part.
L'exposé de l'invention est donc insuffisant au sens des articles 83 et 100(b) CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.