T 0571/04 () of 18.5.2006

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2006:T057104.20060518
Date de la décision : 18 Mai 2006
Numéro de l'affaire : T 0571/04
Numéro de la demande : 94420260.5
Classe de la CIB : A01M 1/20
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Dispositif pour effectuer des traitements insecticides, et leur utilisation dans les habitations
Nom du demandeur : OMS INVESTMENTS, Inc.
Nom de l'opposant : S.C. Johnson & Son, Inc.
Chambre : 3.2.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 100(a)
European Patent Convention 1973 Art 100(b)
European Patent Convention 1973 Art 113(1)
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal R 10a(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal R 10b(1)
Mot-clé : Recevabilité d'une requête en modification déposée postérieurement à la réponse au mémoire de recours (oui)
Introduction d'un nouveau motif d'opposition au stade du recours (non considéré, le titulaire du brevet n'ayant pas donné son accord)
Activité inventive (oui)
Manque de clarté (non considéré)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0010/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Dans sa décision signifiée le 18 février 2004, la division d'opposition est arrivée à la conclusion, que compte-tenu des modifications apportées (selon la deuxième requête auxiliaire) par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en constitue l'objet satisfont aux conditions énoncées dans la CBE.

Le 28 avril 2004 la requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe de recours ce même jour.

Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 24 juin 2004.

II. L'opposition était fondée sur les motifs énoncés à l'article 100(a) CBE et plus particulièrement sur le fait que l'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau au sens de l'article 54 CBE ou n'impliquait pas une activité inventive au sens de l'article 56 CBE. Par ailleurs, des objections au titre de l'article 123(2) CBE ont été formulées à l'encontre des modifications apportées à la revendication 1 et à la description selon la deuxième requête auxiliaire.

III. Les documents suivants ont joué un rôle dans la procédure de recours :

D1 : EP-A-0 019 010

D2 : US-A-4 849 606

D9 : US-A-2 809 863

D10 : US-A-3 424 380

D11 : Usage public antérieur "Raid Tarme"

D16 : Déclaration de M. François Mermoud

IV. Par lettre du 13 avril 2006, l'intimée a introduit un nouveau jeu de revendications à titre de requête principale.

Les nouvelles revendications 1 de dispositif et 16 d'utilisation se lisent comme suit :

"1. Dispositif utilisable dans la lutte contre les insectes comprenant :

- un récipient (1) en matière plastique transparente en forme d'une cuvette dont la face ouverte a un rebord plat,

- une feuille (3) en matière plastique imperméable aux liquides et perméable aux vapeurs d'huiles essentielles à température ambiante, cette feuille étant fixée au rebord plat du récipient transparent et adhérant à ce récipient transparent d'une manière à ne pas pouvoir être saisie à la main ou être détachée du rebord plat en tirant à la main,

- une feuille (4) protectrice de couverture en matière plastique collant également disposée sur la face du récipient transparent munie de rebords plats, cette feuille adhérant à la précédente feuille perméable par collage et étant susceptible d'être saisie à la main ou être détachée du rebord plat en tirant à la main,

- une composition (2) insecticide, et/ou répulsive à l'égard des insectes, cette composition étant liquide capable de s'évaporer totalement à température ambiante et ayant une activité insecticide et/ou répulsive à l'état de vapeur et comprenant une huile essentielle ainsi qu'un adjuvant de diffusion, la quantité d'huile essentielle étant de 20 à 85% et la quantité d'adjuvant de diffusion étant de 15% à 80%,

- éventuellement des moyens d'accrochage et/ou de suspension du dispositif et/ou du récipient transparent,

- un emballage en carton (5) replié en deux, de manière à contenir en son intérieur les bords plats et les deux feuilles, perméables et protectrices, la cuvette transparente étant visible et transparente en dehors de cet emballage carton."

"16. Utilisation du dispositif selon l'une des revendications précédentes pour la protection des textiles dans des espaces confinés, notamment la protection des vêtements dans les meubles de lieux d'habitation."

V. Une procédure orale a eu lieu le 18 mai 2006.

La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet, de plus elle a demandé que la requête en modification de l'intimée reçue par lettre du 13 avril 2006 soit déclarée irrecevable.

Elle a principalement argumenté de la façon suivante :

L'article 10bis(2) du Règlement de Procédure des Chambres de Recours (RPCR) prévoit que la réponse au mémoire exposant les motifs du recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par l'intimée. L'objection au titre de l'article 123(2) CBE avait déjà été soulevée durant la procédure d'opposition. De ce fait, la requête de l'intimée visant à modifier les revendications pour surmonter l'objection sus-mentionnée doit être rejetée comme étant produite tardivement, puisqu'elle a été déposée postérieurement à la réponse de l'intimée au mémoire de recours.

De plus, les modifications apportées à la revendication 1 introduisent un manque de clarté tel qu'un homme du métier n'est plus à même d'exécuter l'invention revendiquée.

D'autre part, l'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive par rapport à l'usage public antérieur D11, D16 en combinaison avec D1 ou D2 et D9 ou D10, ainsi que par rapport à D1 en tenant compte des connaissances générales d'un homme du métier.

L'intimée (titulaire) a contesté les conclusions de la requérante et a essentiellement fait valoir ce qui suit :

La requête en modification est recevable car elle répond à la notification de la Chambre indiquant que l'objection au titre de l'article 123(2) CBE restait à discuter, alors que la division d'opposition avait considéré que cette objection n'était pas fondée.

La description et les revendications sont claires pour un homme du métier. Même si certaines huiles essentielles contiennent des substances pouvant être considérées comme étant des adjuvants de diffusion, le terme "adjuvant de diffusion" ainsi que les proportions indiquées dans les revendications concernent uniquement le produit qui est rajouté à l'huile essentielle et non les produits naturellement présents dans cette huile.

Aucun des documents cités par la requérante ne divulgue qu'un effet insecticide est obtenu par une composition comportant une huile essentielle et un adjuvant de diffusion dans les quantités revendiquées. En conséquence, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive.

L'intimée a demandé que la décision attaqué soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base des revendications déposées par lettre en date du 13 avril 2006, de la description telle que modifiée durant la procédure orale devant la Chambre de Recours et des figures du fascicule de brevet.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Recevabilité de la requête de l'intimée - Objection fondée sur l'article 123(2) CBE - Clarté :

2.1 Un nouveau jeu de revendications a été déposé à titre de requête principale par lettre du 13 avril 2006.

Contrairement aux dispositions de l'article 10bis(2) RPCR, cette requête a été déposée postérieurement à la réponse au mémoire exposant les motifs du recours. La requérante a par conséquent estimé que cette requête aurait dû être rejetée comme produite tardivement. Selon l'article 10ter(1) du RPCR l'admission et l'examen de toute modification présentée par une partie après que celle-ci a déposé sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours sont laissés à l'appréciation de la chambre.

La chambre a exercé son pouvoir d'appréciation en tenant compte des critères suivants :

i) les modifications apportées visent à surmonter l'objection au titre de l'article 123(2) CBE, soulevée par la requérante et reprise par la Chambre dans sa notification annexée à la convocation à la procédure orale ;

ii) ces modifications sont minimes et ne nécessitent pas une étude approfondie et

iii) le délai de un mois fixé par la chambre dans sa notification pour l'introduction de nouvelles requêtes a été respecté.

Au surplus, refuser cette requête en modification reviendrait à priver l'intimée de la possibilité de répondre à une objection au titre de l'article 123(2) CBE en modifiant ses revendications et à la priver ainsi de son droit d'être entendu (article 113(1) CBE).

Compte tenu de ces circonstances, la chambre a décidé d'admettre cette nouvelle requête principale de l'intimée.

2.2 Etant donné que la nouvelle revendication 1 précise maintenant à la fois la quantité d'huile essentielle (20 à 85%) et la quantité d'adjuvant de diffusion (15% à 80%) et que ces valeurs sont divulguées dans la description telle que déposée, page 4, lignes 1 à 4 et par la revendication 4 telle que déposée, les exigences de l'article 123(2) sont respectées.

2.3 La requérante a considéré que les modifications apportées à la revendication 1 ne satisfaisait pas à l'exigence de clarté de l'article 84 CBE. Le manque de clarté n'est cependant pas un motif d'opposition. Cette objection ne peut être soulevée qu'en cas de modification des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant la procédure d'opposition ou de recours. Il convient dans ce cas d'examiner si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE, c'est-à-dire également avec l'exigence de clarté (G 10/91, JO OEB 1993, 420). Dans le cas d'espèce, la revendication 1 modifiée correspond à la revendication 4 telle que délivrée, privée de la caractéristique suivante "et éventuellement de 2 à 40% d'un composant aromatique". Cette caractéristique est cependant facultative car introduite par "éventuellement".

De ce fait, la revendication 1 concerne pour l'essentiel un objet qui était revendiqué dans le brevet tel que délivré, de sorte que le manque de clarté ne porte pas sur des modifications effectuées pendant la procédure d'opposition. En conséquence, l'objection de manque de clarté ne saurait être soulevée à l'encontre de la revendication 1.

3. Insuffisance de description (article 100(b) CBE) :

La requérante a considéré que le manque de clarté était tel qu'un homme du métier ne serait plus en mesure de réaliser l'invention telle qu'exposée dans le brevet qui ne satisferait pas par conséquent aux conditions de l'article 100(b) CBE. Ce motif d'opposition n'ayant pas été invoqué au stade de la procédure d'opposition, conformément à l'avis G 10/91 JO OEB 1993, 420, un nouveau motif d'opposition ne peut pas être pris en considération au stade de la procédure de recours qu'avec le consentement du titulaire du brevet. Ce consentement n'ayant pas été donné, le motif d'opposition basé sur l'article 100(b) CBE n'est pas introduit dans la procédure.

4. Nouveauté :

La nouveauté de l'objet des revendications 1 et 16 n'a plus été contestée durant la procédure de recours.

5. Activité inventive :

5.1 Bien que l'appartenance à l'état de la technique opposable de l'usage public antérieur basé sur D11 et D16 ait été contestée par l'intimée, la Chambre estime préférable de déterminer tout d'abord, avant même d'aborder ce sujet, si l'objet de la revendication 1 du brevet contesté implique ou non une activité inventive par rapport à cet usage antérieur public allégué.

5.2 D11 (déclaration, annexes B, C) divulgue un dispositif utilisable dans la lutte contre les insectes comprenant :

- un récipient en matière plastique transparente en forme d'une cuvette dont la face ouverte a un rebord plat,

- une feuille en matière plastique imperméable aux liquides et perméable aux vapeurs d'huiles essentielles à température ambiante, cette feuille étant fixée au rebord plat du récipient transparent et adhérant à ce récipient transparent d'une manière à ne pas pouvoir être saisie à la main ou être détachée du rebord plat en tirant à la main,

- une feuille protectrice de couverture en aluminium également disposée sur la face du récipient transparent munie de rebords plats, cette feuille étant susceptible d'être saisie à la main ou être détachée du rebord plat en tirant à la main,

- une composition insecticide, et/ou répulsive à l'égard des insectes, cette composition étant liquide capable de s'évaporer totalement à température ambiante et ayant une activité insecticide et/ou répulsive à l'état de vapeur.

L'annexe B de D11 indique que la composition utilisée comporte une préparation appelée "Lavande PL 38.318".

Selon D16 cette préparation comporte elle-même 12% d'huile essentielle de lavande et 60% d'adjuvants de diffusion, ces adjuvants de diffusion étant de l'acétate de linalyle, de l'acétate de benzyle et du limonène, tous trois figurant dans la liste des adjuvants de diffusion divulguée dans le brevet contesté.

Il est donc clair que la composition selon D11 contient également une huile essentielle et un adjuvant de diffusion, la quantité d'adjuvant étant comprise dans l'intervalle revendiqué.

5.3 Le dispositif selon la revendication 1 se distingue de celui divulgué par D11 en ce que :

- la feuille protectrice de couverture est en matière plastique et adhère à la précédente feuille perméable par collage

- la quantité d'huile essentielle comprise dans la composition insecticide est de 20 à 85%,

- il comporte un emballage en carton replié en deux, de manière à contenir en son intérieur les bords plats et les deux feuilles, perméables et protectrices, la cuvette transparente étant visible et transparente en dehors de cet emballage carton.

Le problème à résoudre peut être vu dans la mise à disposition d'un dispositif utilisable dans la lutte contre les insectes, facilement contrôlable et adapté à l'utilisation dans un espace confiné (fascicule de brevet, colonne 2, lignes 19 à 27).

L'utilisation d'une feuille protectrice de couverture en matière plastique adhérant par collage est connue de D1, page 7, lignes 5 à 9 et 14, 15. Un emballage en carton replié en deux est connu par exemple de D9 ou D10 (figures). Ces caractéristiques n'impliquent donc pas une activité inventive.

5.4 La requérante a tenté de faire valoir que l'invention portait sur l'emballage proprement dit et non pas sur la composition insecticide et/ou répulsive. Un tel raisonnement ne saurait être suivi étant donné que les exemples 1 à 4 du brevet montrent que l'essence de l'invention réside dans la composition. L'idée à la base de la présente invention est de mettre en oeuvre des agents d'évaporation ou de diffusion de façon à accélérer le taux de diffusion d'une huile essentielle à travers une feuille en matière plastique imperméable aux liquides et perméable aux vapeurs et à permettre l'obtention d'une composition qui à l'état vapeur est remarquable par son efficacité insecticide et/ou répulsive en milieu confiné. Cet effet est illustré par l'exemple 1 du brevet en cause où l'essence de bois de cèdre est utilisée à titre d'huile essentielle en présence d'agents d'évaporation ou de diffusion ayant une vitesse d'évaporation plus de trois fois supérieure à celle de l'essence de bois de cèdre. Au bout de trois mois, il est constaté que 9g du mélange d'essence de bois de cèdre et d'agent d'évaporation ou de diffusion ont été évaporés, alors que dans le cas où le mélange contient de l'essence de bois de cèdre sans adjuvant de diffusion, seulement 0,8g du mélange ont été évaporés. Il est indiqué que des résultats similaires ont été obtenus par des compositions décrites aux exemples 2, 3 et 4. L'efficacité insecticide et/ou répulsive de la composition qui est destinée à diffuser à travers une membrane perméable aux vapeurs est démontrée dans les deux derniers paragraphes de l'exemple 1 : des vêtements sont suspendus dans un espace confiné en présence d'un dispositif contenant une composition décrite dans les exemples, puis on dépose des larves de mites à trois endroits distincts des vêtements suspendus. A la fin des trois mois on observe que :

- il n'y a aucun dommage causé aux vêtements,

- les larves sont mortes,

- il n'y a aucune chrysalide, ni aucune autre forme de l'insecte à aucune forme de développement du cycle de la vie des mites.

La composition selon D11 (voir annexe B) contient le produit "permetrina tecnica" (permethrine), qui est un puissant insecticide comme il ressort de l'encyclopédie "Encyclopedia of Chemical Technology", troisième édition, volume 13, page 457, 1978. De ce fait, D11 ne divulgue, ni ne suggère que la composition "Lavande PL 38.318" puisse à elle-seule constituer une composition remarquable par son efficacité insecticide et/ou répulsive en milieu confiné.

5.5 La requérante a tenté de faire valoir que la revendication 1 n'excluait pas la présence d'un insecticide en plus des composants indiqués.

Ce point de vue ne peut être partagé par la Chambre. La revendication 1 porte sur un "Dispositif utilisable dans la lutte contre les insectes … comprenant … une composition (2) insecticide, et/ou répulsive … comprenant …". Il est, de ce fait, clair pour un homme du métier que la composition telle que revendiquée doit suffire à obtenir l'effet recherché, et que cet effet ne peut dépendre de l'adjonction d'un composant supplémentaire non spécifié.

5.6 La requérante a également avancé que l'effet répulsif de certaines huiles essentielles telles que le lavandin était bien connu et qu'il était évident pour un homme du métier d'augmenter la teneur en huile essentielle afin d'accroitre cet effet.

Un tel raisonnement ne peut être suivi dans son ensemble :

Il est clairement indiqué dans D11 annexe B que le parfum lavande PL 38.318 est un excipient et non le principe actif; celui-ci est clairement identifié comme étant un insecticide (permethrine). De plus, D16 qualifie le produit "lavande PL 38.318" de "Lavender scent preparation" c'est-à-dire de parfum.

De ce fait, un homme du métier n'a aucune raison d'augmenter la proportion d'huile essentielle de la composition pour la faire passer de 12% à une proportion tombant dans la gamme revendiquée allant de 20 à 85%, dans le but d'améliorer ses qualités insecticides et/ou répulsives en milieu confiné, puisque cet effet est obtenu par une autre substance entrant dans la composition. A cet égard, il faut rappeler que la question n'est pas de savoir si un homme du métier aurait pu arriver à une composition telle que revendiquée, mais de savoir s'il l'aurait fait dans le but d'apporter une solution au problème technique posé, c'est-à-dire s'il y avait dans l'état de la technique une quelconque indication suggérant d'augmenter la proportion d'huile essentielle de manière à atteindre l'effet technique désiré.

5.7 La requérante a également allégué que le brevet n'apportait pas la preuve que les quantités d'huile essentielle produisaient effectivement l'effet technique recherché sur tout l'intervalle revendiqué et que ces quantités ne devaient, de ce fait, pas être prises en considération lors de l'examen de l'activité inventive.

Conformément à la jurisprudence des Chambres de Recours chaque partie supporte la charge de la preuve des faits qu'elle allègue. Dans le cas présent, le brevet en cause comporte plusieurs exemples de composition qui indiquent les composants utilisés et leur proportion respective qui permettent d'atteindre l'effet recherché à savoir, une accélération du taux de diffusion d'une huile essentielle à travers une membrane en matière plastique perméable aux vapeurs et l'obtention d'une composition qui à l'état vapeur est remarquable par son efficacité insecticide et/ou répulsive dans un milieu confiné (voir les exemples 1 à 4 du brevet en cause).

Si la requérante voulait contester l'obtention de ce double effet pour certaines compositions entrant dans les intervalles revendiqués, c'était à elle d'en apporter la preuve.

5.8 La requérante a également suivi une deuxième ligne d'attaque en partant de D1.

Le dispositif selon la revendication 1 se distingue entre autre de celui selon D1 en ce que :

- la composition contient une de 20 à 85% d'huile essentielle et de 15 à 80% d'adjuvant de diffusion,

- il comporte un emballage en carton replié en deux, de manière à contenir en son intérieur les bords plats et les deux feuilles, perméables et protectrices, la cuvette transparente étant visible et transparente en dehors de cet emballage carton.

D1 ne fait pas référence à la présence d'un adjuvant de diffusion. Il est exact que la description du brevet en cause énonce "L'agent d'évaporation (ou adjuvant de diffusion) mis en oeuvre dans l'invention peut être l'un des constituants de l'huile essentielle". Il ressort cependant de l'ensemble de la description que, même si certaines huiles essentielles peuvent contenir des produits pouvant être considérés comme des adjuvants de diffusion, le terme "adjuvant de diffusion" ainsi que les proportions indiquées dans les revendications concernent uniquement le produit qui est rajouté à l'huile essentielle et non les produits naturellement présents dans cette huile essentielle. D1 ne contient donc pas d'adjuvant de diffusion au sens du brevet en cause.

Le dispositif selon D1 peut servir à diffuser une huile essentielle ou une substance insecticide (page 9, ligne 33 à page 10, ligne 10). Mais D1 ne divulgue, ni ne suggère l'utilisation d'une composition comportant à la fois une huile essentielle et un adjuvant de diffusion, et encore moins une composition contenant une de 20 à 85% d'huile essentielle et de 15 à 80% d'adjuvant de diffusion, une telle composition permettant d'obtenir le double effet recherché, celui d'une accélération du taux de diffusion de l'huile essentielle à travers la membrane en matière plastique perméable aux vapeurs et celui aussi d'une composition qui à l'état vapeur est remarquable par son efficacité insecticide et/ou répulsive dans un milieu confiné, ainsi que le montrent les exemples 1 à 4 du brevet en cause.

De ce fait, même en admettant que le pouvoir répulsif de certaines huiles essentielles telles que le lavandin soit bien connu, l'enseignement du document D1 ne permet en aucune façon d'arriver à un dispositif comportant la composition revendiquée.

Ainsi ni D1, ni D11, ni aucun autre document ou moyen de preuve avancé par la requérante ne divulgue ni ne suggère une composition contenant une huile essentielle et un adjuvant de diffusion dans les proportions revendiquées permettant d'atteindre le double effet recherché, ci-dessus défini.

5.9 Il s'ensuit qu'un dispositif comportant une composition telle que définie à la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique. De ce fait, l'objet de la revendication 1 du brevet en cause implique une activité inventive par rapport aux moyens de preuve avancés par la requérante.

Il importe donc peu que l'usage antérieur fondé sur D11 et D16 fasse partie ou non de l'état de la technique selon l'article 54(2) CBE.

Cette conclusion s'étend également à la revendication 16 d'utilisation qui met en oeuvre un dispositif selon la revendication 1 pour la protection des textiles dans des espaces confinés.

6. Adaptation de la description :

La requérante a considéré que le passage, paragraphe [0021] qui s'énonce "L'agent d'évaporation (ou adjuvant de diffusion) mis en oeuvre dans l'invention peut être l'un des constituants de l'huile essentielle" était en contradiction avec la revendication 1, du fait que celle-ci faisait référence aux quantités "d'huile essentielle" et "d'adjuvant de diffusion" sans préciser comment prendre en compte l'adjuvant de diffusion qui faisait déjà partie de l'huile essentielle.

La description du brevet contesté fait en permanence référence à deux constituants principaux de la composition qui sont l'huile essentielle et l'adjuvant de diffusion. Elle donne au paragraphe [0020] une liste des huiles essentielles possibles et au paragraphe [0022] une liste des adjuvants de diffusion possibles. Il est de ce fait clair pour un homme du métier que, même si certaines huiles essentielles peuvent contenir de façon naturelle des produits du type adjuvants de diffusion, le terme "adjuvant de diffusion" au sens du brevet contesté, ainsi que les proportions indiquées dans les revendications, concernent uniquement l'adjuvant de diffusion qui est rajouté à l'huile essentielle et non les adjuvants de diffusion qui étaient déjà naturellement présents dans cette huile essentielle.

Une adaptation du paragraphe [0021] de la description ne s'avère donc pas nécessaire.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sous une forme modifiée sur la base des documents suivants :

Description :

colonnes 1 à 4 déposées à la procédure orale

colonnes 5 et 6 du fascicule de brevet

Revendications :

1 à 17 déposées par lettre du 13 avril 2006

Dessins :

figures 1 à 5 du fascicule de brevet

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