European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2006:T043604.20060921 | ||||||||
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Date de la décision : | 21 Septembre 2006 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0436/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 97901668.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | C22C 21/10 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Produits épais en alliage AlZnMgCu à propriétés améliorées | ||||||||
Nom du demandeur : | PECHINEY RHENALU | ||||||||
Nom de l'opposant : | Alcoa Manufacturing (GB) Limited Corus Aluminium Walzprodukte GmbH |
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Chambre : | 3.2.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (non) | ||||||||
Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen nº 0 876 514 a été contesté dans son intégralité par les opposants OI : Alcoa Manufacturing (GB) Limited et OII : Corus Aluminium Walzprodukte GmbH sur la base de l'article 100a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive).
La division d'opposition a décidé, par décision intermédiaire signifiée par voie postale le 28 janvier 2004, de maintenir le brevet sous une forme modifiée.
II. Les opposants (requérants) OI et OII ont chacun formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours le 26 mars 2004. Les mémoires exposant les motifs du recours ont été déposés respectivement le 25 mai 2004 et le 4 juin 2004.
III. Une procédure orale s'est tenue le 21 septembre 2006, au cours de laquelle les parties ont cité les documents suivants :
BD7: J. T. Staley: "Microstructure and Toughness of High-Strength Aluminum Alloys", Properties Related to Fracture Toughness, ASTM STP 605, American Society for Testing and Materials, 1976, pages 71 à 103
BD13: M. A. Reynolds et al., "Presentation of Properties of a New High-Strength Aluminium Alloy Designated 7010", Proceedings of a Symposium held in Turin on 1-2 Octobre 1976, Aluminium Alloys in the Aircraft Industries, pages 115 à 124
BD14: L. Schra et W. G. J. 't Hart : "Engineering Property Comparisons of 7050-T73651, 7010-T7651 and 7010-T73651 Aluminium Alloy Plate", Engineering Fracture Mechanics, 1983, volume 17, No. 6, pages 493 à 507
BD17: Spécification pour les alliages 7010/7050-T7651 Plate 6 mm<a<=160 mm, BAEM1218, octobre 1993, pages 1 à 15
BD19: Spécification (Norme A.E.C.M.A.) pour l'alliage AL-P7010-T7451 Plate 6 mm<a<=160 mm, EN2687, janvier 1993
BD24: Certificat de contrôle pour livraison de tôles en alliage 7010-T7651 à Apollo Metals (UK) Ltd., 4 juillet 1994, numéro de commande 00047623/0003 par le client A12448
BD24.1: Ordre d'achat par Apollo Metals (UK) Ltd. de tôles en alliage 7010-T7651 daté du 24 février 1994, pour le compte client A12448
BD24.2: Confirmation de commande datée du 28 février 1994 par le client A12448
BD24.3: Consigne de transport No B31478 du 7/7/94, pour livraison à Apollo Metals
CD12: L. Schra and W. G. J.'t Hart : Long-term outdoor stress corrosion testing of overaged 7000 series aluminium alloys, NLR technical report TR 88012U, completed January 1988, pages 1 à 42
CD13: G. Lapasset et C. Renon : "Influence de facteurs métallurgiques sur la ténacité des alliages d'aluminium 7010 et 7050", Recherche Aérospatiale nº 1982-5, pages 313 à 326
CD20A: Bon No 0270077 de livraison et de contrôle de tôles du 7 février 1990 par Hoogovens Aluminium GmbH à Messerschmitt-Bölkow-Blohm GmbH
CD20B: Bon No 0570529 de livraison et de contrôle de tôles du 11 mai 1990 par Hoogovens Aluminium GmbH à Messerschmitt-Bölkow-Blohm GmbH
CD20C: Bon No 0670011 de livraison et de contrôle de tôles du 6 juin 1990 par Hoogovens Aluminium GmbH à Messerschmitt-Bölkow-Blohm GmbH
CD20D: Bon No 1277659 de livraison et de contrôle de tôles par Hoogovens Aluminium GmbH à VAW FRANCE SARL
A1: Norme française et européenne NF EN 515, Aluminium et alliages d'aluminium, Produits corroyés, AFNOR Octobre 1993, 22 pages
IV. A la fin de la procédure orale, les requêtes des parties étaient les suivantes :
les requérants (opposants OI et OII) ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet nº 0 876 514.
L'intimé (titulaire du brevet) a demandé que le recours soit rejeté ou, alternativement, que
- la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base
- soit de la requête auxiliaire No. 1 déposée avec la lettre reçue le 21 août 2006,
- soit de la requête auxiliaire No. 2 déposée lors de la procédure orale.
V. La revendication 1 du brevet maintenu par la division d'opposition dans la forme modifiée se lit comme suit :
"1. Produit laminé, filé ou forgé d'épaisseur supérieure à 60 mm en alliage d'aluminium AlZnMgCu de composition en % en poids :
5,9 < Zn < 8,7
1,7 < Mg < 2,15
1,4 < Cu < 2,0
Fe < 0,14
Si < 0,11
0,05 < Zr < 0,15
Mn < 0,02
Cr < 0,02
avec Mg + Cu < 4,0
autres éléments <0,05 chacun et <0,10 au total,
reste aluminium,
traité, après mise en forme, par mise en solution, trempe et revenu à l'état T7451 ou T7452, et présentant, quel que soit le degré de recristallisation, les propriétés suivantes :
a) une limite élastique R0,2 mesurée à quart-épaisseur > 400 MPa en sens L et TL,
b) une ténacité en déformation plane sens S-L, mesurée à mi-épaisseur, selon la norme ASTM E399 > 26 MPa m**(0,5)et sens L-T, mesurée à quart épaisseur, > 74 - 0,08e - 0,07 R0,2(l) MPa m**(0,5)où e = épaisseur en mm,
c) un seuil de corrosion sous tension selon ASTM G 44-75 > 240 MPa."
La modification apportée à la revendication 1 selon la première requête auxiliaire se borne à remplacer "d'épaisseur supérieure à 60 mm" par "d'épaisseur supérieure à 125 mm".
La revendication 1 selon la deuxième requête auxiliaire se lit comme suit :
"1. Produit laminé, filé ou forgé d'épaisseur supérieure à 125 mm en alliage d'aluminium AlZnMgCu de composition en % en poids :
5,9 < Zn < 8,7
1,7 < Mg < 2,15
1,4 < Cu < 2,0
Fe < 0,14
Si < 0,11
0,05 < Zr < 0,15
Mn < 0,02
Cr < 0,02
avec Mg + Cu < 4,0
autres éléments <0,05 chacun et <0,10 au total,
reste aluminium,
traité, après mise en forme, par mise en solution, trempe et revenu par un traitement de type bipalier avec un premier palier entre 115ºC et 120ºC, et un deuxième palier autour de 170ºC, ce traitement de type bipalier étant caractérisé par un temps équivalent t(eq) entre 950 heures et 1580 heures, donné par l'équation
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
où T (en Kelvin) signifie la température du traitement thermique qui évolue avec le temps t (en heures), et Tref est 393K,
à l'état T7451 of T7452, et présentant, quel que soit le degré de recristallisation, les propriétés suivantes :
a) une limite élastique R0,2 mesurée à quart-épaisseur > 400 MPa en sens L et TL,
b) une ténacité en déformation plane sens S-L, mesurée à mi-épaisseur, selon la norme ASTM E399 > 26 MPa m**(0,5)et sens L-T, mesurée à quart épaisseur, > 74 - 0,08e - 0,07 R0,2(l) MPa m**(0,5)où e = épaisseur en mm,
c) un seuil de corrosion sous tension selon ASTM G 44-75 > 240 MPa."
VI. Les requérants ont présenté les arguments suivants :
La composition de l'alliage d'aluminium revendiqué a une partie commune avec la composition de l'alliage standard 7010 qui est livré soit à l'état T7451, soit à l'état T7651, sous forme de tôles pouvant avoir jusqu'à 160 mm d'épaisseur. C'est ce qui ressort notamment des documents BD13 et BD19. Par exemple les tôles livrées, mentionnées dans les documents BD24 et CD20A-D, présentent pour l'essentiel les propriétés des tôles revendiquées. Notamment la composition citée dans le document BD24 pour l'alliage 7010-T7651 s'inscrit entièrement dans l'intervalle revendiqué dans le brevet et affiche les valeurs limites inférieures exigées dans la revendication 1. Il en va de même pour les tôles livrées selon le document CD20A-D et réalisées à partir de l'alliage 7010-T7451, même si leur teneur en Mg se situe en dehors de l'intervalle revendiqué.
Concernant l'augmentation de la ténacité de telles tôles (à résistance à la rupture égale), il est par exemple connu du document BD7 que le choix d'une teneur aussi faible que possible en Mg dans les alliages de la série 7000 permet de réduire la précipitation de phases indésirables et d'améliorer la ténacité de l'alliage. L'enseignement de ce document doit être considéré comme faisant partie des connaissances de base de l'homme du métier spécialiste des alliages d'aluminium à haute résistance, et il a bien été pris en considération par le titulaire du brevet. On peut également se demander quel effet technique produit la limitation de la teneur en magnésium lorsque celle-ci est inférieure à 2,15%. Même l'exemple E du brevet n'est pas en mesure de démontrer l'existence d'un tel effet vu qu'il ne contient pas de zirconium et n'est par conséquent pas couvert par la revendication 1.
Par conséquent, le domaine revendiqué pour l'alliage AlZnMgCuZr était évident pour l'homme du métier.
VII. L'intimé a présenté les arguments suivants :
Pour déterminer l'état de la technique le plus proche, il n'est pas permis de partir de l'alliage d'aluminium cité dans le document BD24 et faisant l'objet d'une utilisation antérieure, comme ont tenté de le faire les opposants. Cette approche équivaut à un raisonnement "ex post facto". On ne voit en effet pas pourquoi l'homme du métier choisirait précisément l'alliage cité dans le document BD24 pour obtenir les propriétés revendiquées. Les documents BD13 ou BD14 pourraient tout aussi bien être retenus comme état de la technique le plus proche étant donné qu'ils portent sur l'alliage 7010 à l'état T7451.
La composition de l'alliage revendiquée permet pour la première fois d'obtenir un compromis optimal, jusqu'ici non disponible, entre les différentes propriétés requises pour les tôles de plus de 60 et de plus de 125 mm d'épaisseur. La composition revendiquée permet notamment de réduire sensiblement ou même d'éviter les inconvénients et les problèmes liés à l'épaisseur croissante des tôles en alliages AlZnMgCuZr. Ainsi, elle permet d'augmenter la résistance et la ténacité des tôles épaisses, de réduire la sensibilité à la trempe et d'obtenir des propriétés pour l'essentiel homogènes en surface et au coeur de la tôle. En outre, elle n'altère en rien la résistance à la corrosion sous tension. L'obtention d'une telle combinaison de propriétés s'avère impossible sur des tôles épaisses réalisées à partir de l'alliage 7010-T7451.
Le brevet en litige y parvient, d'une part, en utilisant par rapport à l'alliage 7010 une teneur en Mg réduite à moins de 2,15% et, d'autre part, en appliquant d'autres vitesses de refroidissement. Les états T7451 et 7452 s'avèrent eux aussi déterminants. En effet, même si la tôle fabriquée selon l'enseignement du document BD24 présente la même composition, c'est néanmoins l'état T7651 qui a été retenu. Or cet état ne permet pas d'obtenir les propriétés souhaitées comme le montrent les indications fournies dans le document BD24. Les alliages cités dans les documents CD20A-D ne relèvent pas de la composition revendiquée et n'atteignent pas, eux non plus, le compromis recherché dans le brevet entre les propriétés mécaniques et les propriétés anticorrosives.
Il n'était pas évident pour l'homme du métier de réduire la teneur en magnésium à des valeurs comprises entre 1,7 et 2,15% par rapport à celles de l'alliage 7010, comprises entre 2,1 et 2,6%, pour résoudre le problème posé dans le brevet, à savoir obtenir un compromis optimal entre les propriétés requises. Les tôles en alliage 7010 contiennent en général environ 2,35% de Mg, et il n'y avait donc pas lieu de choisir une teneur en Mg proche de 2,1% Mg ou plus faible. La composition mentionnée dans BD24 ne saurait être considérée autrement que comme une "aberration" fortuite tombant juste dans l'intervalle admissible pour l'alliage 7010.
Bien que le document BD7 recommande de réduire au plus bas niveau possible la teneur en magnésium pour améliorer la ténacité des alliages de la série 7000, il préconise en même temps et dans le même but un "peak aging" T6 et non pas un survieillissement (p.ex. T7451), tel que revendiqué dans le brevet. L'enseignement de BD7 ne conduit donc pas non plus directement à la composition de l'alliage revendiquée. Il y a donc bien présence d'activité inventive.
L'exemple E (E') du brevet illustre l'excellente performance de l'alliage revendiqué. La résistance et la ténacité sont plus élevées que pour les alliages obtenus selon l'état de la technique et le taux de recristallisation n'a lui non plus aucun effet sur le compromis ténacité/limite élastique. L'exemple E est bien "conforme à l'invention" et contient pour cette raison également du Zirconium, même si cela n'est pas explicitement mentionné.
Motifs de la décision
1. Recevabilité des requêtes :
1.1 La requête principale comprend les revendications 1 à 5 de la décision intermédiaire par laquelle le brevet a été maintenu sous une forme modifiée.
La limitation énoncée dans la revendication 1 de la première requête auxiliaire et concernant les tôles de plus de 125 mm d'épaisseur est supportée par le paragraphe [0022] du fascicule du brevet, comme représentant un mode de réalisation préféré de l'invention.
Par conséquent, aucune objection d'ordre formel n'a été formulée et la Chambre ne voit aucune raison de formuler une telle objection à l'encontre des revendications selon la requête principale et la première requête auxiliaire.
1.2 En ce qui concerne la deuxième requête auxiliaire déposée au cours de la procédure orale, formulant une nouvelle revendication 1 à partir de caractéristiques prises dans différentes parties du brevet ou de la demande telle que déposée, la Chambre fait observer que l'intimé a constitué ainsi une nouvelle combinaison de caractéristiques dont le fondement est très contestable et, qui plus est, n'a jamais été examinée en première instance. Cette requête tardive n'est donc pas admissible à ce stade de la procédure et doit être rejetée.
2. Objet du brevet :
Les tôles revendiquées de plus de 60 mm et de plus de 125 mm d'épaisseur, par exemple utilisées dans l'industrie aéronautique, sont fabriquées à partir d'un alliage AlZnMgCuZr dont la composition se rapproche beaucoup de celle des alliages AA7010 et AA7050 couramment utilisés pour la même application (voir à ce sujet les paragraphes [0032] et [0033] du brevet). Compte tenu des exigences élevées de l'industrie aéronautique en matière de sécurité, de telles tôles font l'objet de contrôles sévères tant au niveau de leur composition chimique qu'au niveau des paramètres de fabrication afin d'obtenir les propriétés mécaniques, chimiques et anticorrosive requises. Parmi celles-ci, on peut notamment citer :
- une résistance mécanique Rm élevée,
- une limite élastique R0,2 suffisante dans les sens L et TL
- une ténacité suffisante KIc(LT) et KIC(TL),
- une bonne résistance à la fatigue,
- une résistance suffisante à la corrosion sous tension,
- une sensibilité réduite à la trempe.
Le lieu du prélèvement de l'échantillon dans la tôle (milieu de la tôle ou 1/4 de l'épaisseur de la tôle), est lui aussi généralement prescrit. Les produits en alliage AA7010 et AA7050 sont livrés soit à l'état (revenu) T7651, soit à l'état T7451 (voir à ce sujet p.ex. le paragraphe [0029] du brevet en litige). Il s'agit dans les deux cas d'un état sur-revenu (voir p.ex. le document A1, Norme française, figure 2 et tableau 4, définition).
Les parties sont d'accord pour reconnaître que c'est l'alliage AA7010 qui se rapproche le plus de l'alliage d'aluminium revendiqué. Il s'ensuit que les documents portant sur l'alliage AA7010 et plus particulièrement sur le revenu T7451 doivent être considérés comme représentant l'état de la technique le plus proche. On trouve p.ex. dans les documents BD13, BD14, BD19 et CD13 une description sur la fabrication de tôles épaisses en alliage 7010-T7451 et leurs propriétés. Les documents BD24 et CD20D (usage antérieur) font également état de tôles épaisses (150 mm) fabriquées à partir d'un alliage 7010-T7651 et 7010-T7451. L'intimé est lui aussi parti de ce type d'alliage, comme on peut le constater à la lecture, p.ex., du paragraphe [0033] du brevet.
Dans le tableau suivant qui compare l'alliage revendiqué avec ceux de l'état de la technique précité, le document BD19, qui fixe les standards (minimums) pour l'alliage AA7010-T7451 servant à la fabrication de tôles épaisses (6 à 160 mm) destinées aux applications aéronautiques et spatiales, peut être retenu de préférence pour illustrer l'état de la technique le plus proche :
alliage du AA7010 AA7010
brevet (BD19) (BD24)
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épaisseur: >60mm,(>125mm) >6-160mm 95 mm
revenu: T7451, T7452 T7451 T7651
Zn >5,9 - <8,7 5,7-6,7 6,03
Mg >1,7 - <2,15 2,1-2,6 2,12
Cu >1,4 - <2,0 1,5-2,0 1,56
Cu+Mg <4,0 3,6-4-6 3,68
Fe <0,14 <=0,15 0,05
Si <0,11 <=0,12 0,04
Mn <0,02 <=0,10 0,00
- Cr <0,02 <=0,05 0,00
Zr >0,05 - <0,15 0,10-0,16 0,13
autres < 0,05 chacun, <=0,05 0,037 Ti,
autres < 0,10 au total <=0,15
Al reste, reste reste
Le document BD19 donne dans le premier tableau, ligne 6, une description abrégé du traitement thermique pour l'alliage AA7010, nécessaire pour atteindre l'état T7451, à savoir :
mise en solution 470ºC <=theta <=485ºC/ trempe en eau theta <= 40ºC,
+ 1,5% <= détensionnement contrôlé par déformation <= 3%,
+ 110ºC <= theta <= 120ºC/4h <= t <= 16 h
+ 167ºC <=theta<= 177ºC /8h <= t <= 18 h (revenu bi-palier).
Un tel traitement thermique est également appliqué aux tôles revendiquées dans le brevet en litige, comme le montre l'exemple 3 :
mise en solution à 480ºC,
+ trempe par immersion dans l'eau froide,
+ traction contrôlée avec un taux de déformation de 2%,
+ revenu bi-palier 115ºC - 120ºC suivi de 170ºC.
On notera dans ce contexte que le brevet en litige met l'accent non pas tant sur le traitement thermique (revenu classique) que sur la composition de l'alliage AlZnMgCuZr, laquelle s'avère déterminante pour l'obtention des propriétés énumérées dans la revendication 1 pour les tôles épaisses. Ainsi, le brevet souligne à plusieurs endroits qu'il est essentiel de définir un domaine de composition pour l'alliage 7000 qui permette, sans diminution drastique des impuretés Fe et Si, d'améliorer un grand nombre de propriétés (telles que le contrôle de la recristallisation, la réduction de la sensibilité à la trempe, etc.), sans pour autant détériorer les autres propriétés (bonne ténacité, résistance à la corrosion sous tension, etc.) (voir p.ex. les paragraphes [0032], [0044], [0048], [0050] du brevet). Par conséquent, la comparaison entre l'objet du brevet et l'état de la technique se concentre sur le domaine étroit de la composition de l'alliage revendiqué.
3. Nouveauté :
La nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon les différentes requêtes n'a pas été contestée. Comme aucun des documents cités ne divulgue l'ensemble des caractéristiques revendiquées, la nouveauté est acquise.
4. Activité inventive (requête principale)
4.1 Partant de la composition connue de l'alliage AA7010-T7451, le problème à l'origine du brevet est de déterminer un domaine étroit de composition d'alliage permettant d'obtenir le compromis optimal défini ci-dessus, entre les nombreuses propriétés présentées aux paragraphes [0004], [0020] [0021] et [0032] du brevet.
La solution de ce problème consiste à fournir un alliage d'aluminium modifié qui se distingue de l'alliage AA7010 par sa teneur réduite en Mg comprise entre 1,7 et 2,15% et dont la teneur en Mg+Cu est par conséquent limitée à moins de 4,0% (voir paragraphes [0033] et [0044], première phrase).
4.2 Toutes les parties s'accordent pour reconnaître que l'alliage d'aluminium revendiqué se distingue de l'alliage AA7010 de l'état de la technique uniquement par sa teneur réduite en magnésium. Le traitement thermique appliqué pour atteindre une trempe T7451 étant classique, (voir p.ex. le document BD19), les propriétés mécaniques et anticorrosives mentionnées dans la revendication 1 du brevet découlent naturellement de la composition de l'alliage revendiquée pour un domaine restreint, comme mentionné à plusieurs reprises dans le brevet. Les propriétés physico-chimiques très détaillées contenues dans la revendication 1 représentent de ce fait des caractéristiques techniques interdépendantes. Pour apprécier l'activité inventive, il y a donc lieu de déterminer si une réduction de la teneur en Mg de l'alliage AA7010 permet d'améliorer certaines propriétés.
4.3 L'homme du métier en l'occurrence le spécialiste des alliages d'aluminium connaît l'effet qu'aura une réduction de la teneur en Mg sur les propriétés de l'alliage de la série 7000. Dans ce contexte la Chambre se réfère à la publication de Staley (document BD7) qui étudie en détails, outre les alliages de la série AA2000, également les alliages d'aluminium de la série 7000. En particulier, le document BD7 mentionne page 89, dernier paragraphe, que des teneurs en magnésium plus élevées dans les alliages 7000 conduisent, à résistance à la rupture égale, à une ténacité réduite (ou, inversement, que les faibles teneurs en Mg permettent d'augmenter la ténacité des alliages de la série 7000). En résumé, la page 93 du document BD7 indique à l'homme du métier 10 directives pour augmenter la ténacité des alliages des séries 2000 et 7000. Par exemple, le point 9 de la page 93 recommande pour augmenter la ténacité de réduire la teneur en magnésium dans les alliages 7000 à la valeur la plus basse compatible avec la résistance souhaitée, c.-à-d. pour obtenir une combinaison de propriétés comparable à celle recherchée dans le paragraphe [0020] du brevet, même si ladite combinaison incorpore des propriétés supplémentaires. C'est pourquoi le fait de choisir de faibles teneurs en Mg situées à la limite inférieure (2,1%) du domaine admissible pour augmenter la ténacité des alliages de la série AA7010, comme cela est le cas dans le document BD24, ou même de choisir une valeur située encore en dessous dans la mesure où elle est compatible avec la résistance requise et les autres propriétés, doit être considéré comme une démarche évidente de l'homme du métier. Par conséquent, la réduction de la teneur en magnésium dans les alliages du type 7010 dans le but d'obtenir la combinaison des propriétés indiquée ci-dessus (résistance égale ou légèrement plus faible - ténacité améliorée) n'implique aucune activité inventive.
L'observation de l'intimé, selon laquelle le document BD7 suggère au point 8 de la page 93 de faire subir à l'alliage 7000 faiblement allié un vieillissement (peak aging)à l'état T6 et d'éviter un survieillissement, ne peut pas remettre en question l'enseignement principal de BD7 concernant la production de l'alliage, d'autant plus que le vieillissement joue un rôle secondaire d'après le brevet lui-même.
4.4 Comme le montre le tableau présenté au point 2 ci-dessus, l'intervalle de la teneur en Mg de l'alliage AA7010 (2,1 à 2,6%) et celui de l'alliage revendiqué (1,7 à 2,15%) se chevauchent. Ainsi, si l'homme du métier choisissait une teneur en Mg proche de la limite inférieure de l'intervalle connu, c'est-à-dire égale à environ 2.1%, il produirait un alliage selon le brevet. Le document BD24 divulgue un exemple de réalisation de l'alliage AA7010 (voir le tableau comparatif ci-dessus), tombant entièrement dans les fourchettes revendiqués pour le brevet, à savoir 6,03% de Zn, 2,12% de Mg, 1,56% de Cu et 0,13% de Zr (Mg + Cu = 3,68%) Cet alliage atteint également une résistance R0.2 (LT) de 479 MPa et une résistance R0,2(l) de 474 MPa. Il en résulte que des tôles de 95 mm d'épaisseur fabriquées à partir d'un alliage 7010 à faible teneur en Mg (environ 2.1%) sont non seulement théoriquement possibles, mais en outre elles ont été fabriquées réellement et vendues publiquement, comme le démontre le document BD24.
Le fait que ces tôles aient été vendues à l'état T7651 (et non T7451 comme revendiqué) ne saurait fonder la présence d'une activité inventive. L'homme du métier sait qu'il s'agit dans les deux cas d'un état survieilli et comment un survieillissement additionnel passant de l'état T7651 à l'état T7451 va modifier les propriétés de l'alliage 7010. Le document A1 reproduisant les Normes française et européenne, FR-EN515, en particulier la Figure 1 (point 7.33), confirme que ces informations font partie des connaissances de l'homme du métier : par exemple, lors du passage d'une trempe de l'état T76 à T74, il faut s'attendre à une augmentation de la ténacité et de la résistance à la corrosion sous contrainte avec baisse simultanée de la résistance à la traction, soit une combinaison de propriétés mécaniques également recherchée dans le brevet en litige. Dans la partie supérieure du domaine revendiqué pour Mg, compris entre 2,1 et 2,15%, l'alliage d'aluminium revendiqué ne constitue qu'une forme de réalisation de l'alliage connu AA7010, comme le prouve l'exemple de réalisation selon le document BD24.
4.5 Le jugement ci-dessus de la Chambre ne saurait être modifié par l'argument de l'intimé, selon lequel on choisit normalement une teneur en Mg d'environ 2,35% (soit une valeur située à peu près au milieu du domaine Mg) pour les tôles épaisses en alliage AA7010, comme le prouvent de nombreux documents.
Ce fait n'est pas contesté mais doit toutefois être apprécié à la lumière des explications du brevet, selon lesquelles le compromis entre les propriétés recherchées était initialement obtenu par des teneurs en Mg nettement plus élevées pouvant aller jusqu'à 2,5%. Le brevet en litige est cependant muet sur l'effet technique supposé obtenu par une teneur en Mg à la limite supérieure de 2,15%. Est également douteuse la référence de l'intimé aux exemples 3 et 4 du brevet, selon lesquels le taux de recristallisation de ces alliages n'aurait plus aucune influence sur le compromis ténacité/limite élastique. Il n'est pas du tout clair d'une part si l'alliage E (E') contient ou non du Zr en tant qu'élément anti-recristallisant et, si oui, en quelle quantité, et d'autre part si l'alliage selon ces exemples se trouve réellement à l'état T7451. Comme l'exemple E du brevet, contrairement à l'avis de l'intimé, n'est pas couvert avec certitude par l'objet de la revendication 1, il n'est pas à même d'étayer les affirmations du titulaire du brevet, même si l'alliage E (E') est désigné abusivement dans le brevet comme étant conforme à l'invention.
Par conséquent, la revendication 1 de la requête principale n'est pas acceptable car son objet n'implique pas d'activité inventive.
5. Première requête auxiliaire
La revendication 1 selon la première requête auxiliaire se rapporte à des tôles laminées d'épaisseur de plus de 125 mm. Or, il ressort du document BD19 que des tôles allant jusqu'à 160 mm ont été fabriquées à partir de l'alliage AA7010-T7451. Des informations similaires figurent également dans le document BD13, page 116, tableau 3 et colonne de droite, paragraphe 2, selon lequel des tôles fabriquées à partir de l'alliage AA7010-T7451 et ayant une épaisseur comprise entre 6 et 140 mm ont fait l'objet d'essais. Par conséquent, la caractéristique consistant en une épaisseur supérieure à 125 mm ne saurait conférer une activité inventive à l'objet de la revendication 1 selon la première requête auxiliaire.
6. Autres arguments
Concernant les requêtes principale et auxilaire, le titulaire du brevet a allégué que l'alliage 7010, et plus particulièrement l'alliage à l'état T7651 cité dans le document BD24 ne permettait pas, notamment pour les tôles épaisses, d'obtenir les propriétés mécaniques et anticorrosives revendiquées.
6.1 Il est vrai que les documents BD19 et BD24 ne contiennent pas toutes les propriétés techniques telles que revendiquées, ce qui aurait permis d'établir une comparaison correcte. Le document BD19 fait cependant état de valeurs minimales, d'une résistance Rp0,2(L, TL) supérieure ou égale à 390 MPa (voir paragraphe 13) pour les tôles ayant une épaisseur comprise entre 125 et 160 mm et d'une ténacité(sens S-L) supérieure ou égale à 23 MPa m**(0,5)(voir tableau 40) pour la plage d'épaisseur allant de 100 à 160 mm. L'hypothèse selon laquelle ces valeurs minimales seraient largement dépassées est donc justifiée en pratique. En outre, on est en droit de penser qu'il serait possible d'obtenir les mêmes propriétés en utilisant la même composition d'alliage (alliage 7010 avec une teneur en Mg située en bas de la fourchette, c.-à-d. environ 2,1%) et le même traitement thermique (revenu bi-palier classique). L'objection de l'intimé, selon laquelle les vitesses de refroidissement appliquées dans le brevet influenceraient elles aussi les propriétés de l'alliage, n'est pas convaincante car il ne ressort aucunement du brevet que ces vitesses peuvent avoir quelque influence et en outre ce paramètre n'est pas revendiqué. A supposer que les affirmations de l'intimé soient exactes, cela signifierait encore que la revendication 1 ne comporte pas toutes les caractéristiques essentielles de l'invention.
6.2 Les informations contenues par exemple dans le document CD20D (usage antérieur) vont encore à l'encontre de l'opinion de l'intimé. Dans ce document, les tôles épaisses (150 mm) fabriquées à partir de l'alliage 7010-T7451 (6,26% de Zn, 2,28% de Mg, 1,77% de Cu, (Mg+Cu = 4,05%), 0,087% de Fe, 0,043% de Si, 0,107% de Zr, 0,014% de Mn, 0,005% de Cr, reste d'Al) remplissent, en dépit d'une teneur en Mg légèrement plus élevée de 2,28%, au moins une partie des propriétés exigées dans la revendication 1 :
Rp0,2(TL),1/4 = 453 MPa,
KIC(S-L) = 27,5 MPa m**(0,5).
Il en résulte que les tôles fabriquées selon l'état de la technique à partir de l'alliage 7010-T7451 dans une épaisseur de 150 mm présentent elles aussi les valeurs revendiquées de ténacité KIC(L-T) et de résistance à la corrosion sous tension.
7. Comme aucune des revendications principales selon les requêtes principale et auxiliaire ne possède de caractéristiques techniques impliquant une activité inventive, le brevet doit être révoqué.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.