T 0333/04 (Nanoémulsion/L'ORÉAL) of 17.10.2006

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2006:T033304.20061017
Date de la décision : 17 Octobre 2006
Numéro de l'affaire : T 0333/04
Numéro de la demande : 99402855.3
Classe de la CIB : B01F 17/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Nanoémulsion à base d'éthers gras éthoxylés ou esters gras éthoxylés, et ses utilisations dans les domaines cosmétiques, dermatologiques et/ou opthalmologiques
Nom du demandeur : L'ORÉAL
Nom de l'opposant : Beiersdorf Aktiengesellschaft
Cognis Deutschland GmbH & Co. KG
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123
European Patent Convention 1973 Art 100(b)
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Clarté
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Insuffisance de description (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les présents recours visent à contester la décision intermédiaire postée le 19 février 2004 par laquelle la division d'opposition avait maintenu le brevet européen nº 1016453 dans une forme modifiée. La décision était basée sur le jeu de revendications modifiées selon la requête principale déposée le 29 janvier 2004.

II. Au cours de la procédure d'opposition, les parties se sont notamment appuyées sur les documents suivants :

O1 = WO 96/28131

O8 = Information Cosmetic, Nr. VIII/95, Oct. 1995, pages 1 à 7, Henkel, Cospha, Düsseldorf

O10 = Fiche technique Eumulgin® B1, septembre 1994

O11 = Fiche technique "Eumulgin® B2 geschuppt", mai 1996

O12 = Fiche technique Emulgade SE, imprimée le 04.06.02

O14 = EP-A-0842652

O16 = EP-A-0728460

O17 = WO 98/51267

O20 = EP-A-0345586

O35 = WO 97/46258

O38d = Fiche technique "Cutina® MD", révisée le 02.02.2000

III. La décision contestée peut être résumée comme suit :

Dans le sens généralement admis du terme, les microémulsions n'ont pas la même structure que les nanoémulsions, les premières étant thermodynamiquement stables alors que les nanoémulsions ne le sont pas. En outre, les émulsions préparées par le procédé PIT ne sont pas forcément des nanoémulsions.

O1 n'est pas destructeur de nouveauté. Celui-ci mentionne en effet expressément des microémulsions et il n'y a pas de certitude que les produits décrits soient de même structure que les émulsions de la revendication 1 à la base de la décision contestée.

Il n'est pas évident a priori de combiner les documents O17, O20 et O35 avec les documents O14 et O16. La combinaison du document O1 avec O14 et O16 n'est envisageable qu'à posteriori. En outre, ces différents documents pris isolément ne conduisent également pas de manière directe à l'invention revendiquée.

IV. Les requérantes I et II (opposantes I et II) ont formé un recours contre cette décision. Dans son mémoire de recours, la requérante II a cité les deux nouveaux documents :

O40 : Parfumerie und Kosmetik, 77. Jahrgang, Nr. 4/96, p. 250-254

O41 : 3 pages imprimées le 04.02.2004 et tirées du site Internet : http://www.avestin.com/gaapplication.htm

V. En réponse aux mémoires de recours, l'intimée (titulaire du brevet) a déposé par lettre datée du 27 décembre 2004 un nouveau jeu de revendications à titre de requête subsidiaire ainsi que des essais comparatifs par rapport aux documents O16 et O14. Elle a en outre fourni une reproduction des exemples 7 et 9 du document O20.

VI. Dans une notification faxée le 26 juillet 2006, outre divers points abordés au titre des Articles 84 et 123(2) CBE, la chambre a notamment soulevé la question de savoir si la suppression du paragraphe [0013] de la description du brevet modifié satisfaisait aux dispositions de l'Article 123(2) et (3) CBE. Elle a informé les parties de son opinion provisoire concernant l'objection au titre de l'Article 100b CBE soulevée par la requérante I. Les questions de nouveauté, en particulier par référence à l'exemple 16 de O1, et d'activité inventive ont également été abordées.

VII. En réponse à la notification susmentionnée, l'intimée a par lettre datée du 15 septembre 2006 déposé quatre nouveaux documents ainsi que onze nouveaux jeux de revendications en tant que requêtes principale et subsidiaires 1 à 10 en remplacement des jeux précédents. En outre, elle a déposé une reproduction O46 de l'exemple 1 du document O35 ainsi que des essais comparatifs O47 par rapport aux documents O16 et O14, complétant ceux déposés avec sa lettre datée du 27 décembre 2004.

La revendication 1 de la requête principale présente le libellé suivant :

"Nanoémulsion comportant une phase huileuse dispersée dans une phase aqueuse et ayant des globules d'huile dont la taille moyenne en nombre est inférieure à 100 nm, caractérisée en ce qu'elle contient un tensioactif solide à une température égale à 45ºC, choisi parmi les éthers formés de 1 à 100 unités d'oxyde d'éthylène et d'au moins une chaîne d'alcool gras ayant de 16 à 22 atomes de carbone et les esters formés de 1 à 100 unités d'oxyde d'éthylène et d'au moins une chaîne choisie parmi les motifs stéarate, béhénate, arachidate, palmitate et leurs mélanges, et au moins une huile ayant un poids moléculaire supérieur à 400, et en ce que le rapport en poids de la quantité de phase huileuse (quantité totale des constituants de cette phase sans inclure la quantité de tensioactif) sur la quantité de tensioactif va de 2 à 10, la phase huileuse contenant au moins 40 % en poids d'huile(s) ayant un poids moléculaire supérieur à 400, par rapport au poids total de la phase huileuse, la quantité de phase huileuse allant de 2 à 40 % en poids par rapport au poids total de la nanoémulsion."

VIII. Une procédure orale a eu lieu le 17 octobre 2006. Les requérantes ont précisé qu'aucune objection de manque de nouveauté n'était soulevée à l'encontre de l'objet revendiqué. Suite à la discussion concernant la suppression du paragraphe [0013] en page 2 du brevet et sa conformité avec l'Article 123 CBE, l'intimée a indiqué qu'elle réintroduisait ledit paragraphe en page 2 du brevet. Elle a en outre demandé que certains des arguments présentés pour la première fois durant la procédure orale soient jugés irrecevables, à savoir ceux invoquant un manque d'activité inventive par rapport à l'exemple 16 de O1 ainsi que ceux invoquant le même motif sur la base de la composition à la Figure 7 de O40. En réponse, la requérante II a notamment soumis les fiches techniques des produits Eutanol® G 16 S et Eumulgin® B 3 (ci-après O48 et O49 respectivement). En outre, pour le cas où la chambre aurait jugé les nouveaux arguments basés sur ladite composition de O40 comme déterminants pour la validité du brevet, l'intimée a requis le renvoi de l'affaire à la première instance ainsi que la répartition des frais.

IX. Les requérantes ont demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet européen.

L'intimée a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base des revendications 1-24 selon la requête principale déposée par lettre du 15 septembre 2006 et de la description (pages 2 à 7) déposée pendant la procédure orale.

X. Les arguments des requérantes, pour autant qu'ils concernent la présente requête principale, peuvent être résumés comme suit :

La revendication 1 manque de clarté, le rapport en poids de la quantité de phase huileuse sur la quantité de tensioactif n'étant pas quantifiable, car ni les revendications modifiées ni la description du brevet ne permettent de différencier sans équivoque ces deux classes de produits. En outre, il ne ressort pas clairement du brevet si des actifs liposolubles qui apparaissent dans la phase huileuse des exemples sont à comptabiliser ou non dans la composition de la phase huileuse. La revendication 1 fait en outre une distinction entre d'une part, la quantité de phase huileuse (définie comme étant la quantité totale des constituants de cette phase sans inclure la quantité de tensioactif) et d'autre part, le poids total de la phase huileuse ; il en résulte un manque de clarté en ce sens que l'on ne sait pas si la quantité de tensioactif est ou non à comptabiliser dans le "poids total de la phase huileuse". Il ne ressort également pas clairement de la revendication 1 si le mot "tensioactif" inclut ou non des tensioactifs autres que celui solide à une température égale à 45ºC. L'absence de limite supérieure dans la revendication 1 en ce qui concerne d'une part, le poids moléculaire (> 400) et d'autre part, la quantité d'huile(s) (au moins 40%) ayant un poids moléculaire supérieur à 400, implique un manque de clarté ; en outre, il s'ensuit une insuffisance de description au titre de l'Article 83 CBE.

La réintroduction du paragraphe [0013] dans la description du brevet litigieux n'est pas conforme à l'exigence de fondement par la description selon l'Article 84 CBE, le contenu de ce paragraphe n'étant pas en accord avec l'objet de la revendication 1 selon la requête principale.

Le brevet ne satisfait pas aux exigences de l'Article 83 CBE, celui-ci ne contenant aucune information permettant de préparer de manière ciblée une nanoémulsion ayant les valeurs de turbidité NTU définies à la revendication 2, à savoir 60 à 600 NTU.

Du fait de leur taille de globules, qui se situe dans le domaine du nanomètre, les microémulsions ne sont rien d'autre qu'un mode spécifique de réalisation d'une nanoémulsion avec la caractéristique technique supplémentaire qu'elles sont thermodynamiquement stables. Une microémulsion détruirait donc la nouveauté d'une nanoémulsion.

L'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive au vu du document O1. L'exemple 16 de O1 décrit toutes les caractéristiques de la revendication 1 à l'exception du tensioactif de type éther ou ester gras éthoxylé solide à 45ºC. Un tensioactif solide à 45ºC y est décrit, à savoir l'isostéarate de glycérol (voir O38d). Le Ceteareth-15, qui fait partie de la famille des éthers d'alcools gras éthoxylés est liquide à 45ºC et représente l'unique caractéristique distinctive par rapport à la revendication 1. O1 décrivant en pages 11, 13, 14 et 17 certains tensioactifs du type éthers ou esters gras éthoxylés solides à 45ºC, la substitution du Ceteareth-15 de l'exemple 16 par l'un de ceux-ci est de la compétence de l'homme du métier.

O20 décrit des microémulsions possédant les caractéristiques des nanoémulsions telles que définies à la revendication 1 sans toutefois préciser la taille des globules d'huile. Partant de O20, le problème à résoudre par l'objet revendiqué serait de préparer des émulsions stables de fines particules dont la taille est inférieure à 100 nm. Ce problème étant déjà résolu par la méthode d'homogénéisation sous haute pression connue du document O16 (ou de O14), il serait évident pour l'homme du métier d'appliquer cette méthode aux émulsions du document O20. L'objet de la revendication 1 découle donc de manière évidente de la combinaison du contenu de O20 avec celui de l'un ou l'autre des documents O14 et O16.

L'objet selon la revendication 1 manque également d'activité inventive par rapport à l'enseignement du document O20 combiné avec celui du document O40, ou encore par rapport au contenu de O16 pris en combinaison avec celui de O35. Le problème à résoudre par rapport à O16 serait de fabriquer une nanoémulsion présentant un effet collant moindre. Selon la page 4 de O35, les émulsions à base de composés à structure béhényle tels que ceux revendiqués dans O35 présenteraient des propriétés sensorielles améliorées ; au vu de cet enseignement, l'homme du métier échangerait les émulsifiants décrits dans O16 par les susdits composés à structure behényle avec un bon espoir de réussite.

L'objet de la revendication 1 manque aussi d'activité inventive au vu de l'enseignement du document O40 pris isolément. La nanoémulsion revendiquée ne diffère de la composition de la Figure 7 de O40 que par la taille des globules d'huile de l'émulsion obtenue. Les émulsions renfermant de très fines gouttelettes d'huile étant très recherchées dans le domaine de la cosmétique, l'homme du métier confronté à ce problème serait incité à diminuer la taille des gouttelettes de la composition de la Figure 7 au vu de l'enseignement général de O40 qui décrit que des émulsions à très petites tailles de globules sont avantageuses.

Les données nécessaires à l'identification des composés correspondant aux noms commerciaux de la composition selon la Figure 7 de O40 sont décrites dans les documents O8 et O11 déjà dans la procédure. Les données concernant Eumulgin® B3 et Eutanol® G16S sont indiquées dans leurs fiches techniques respectives (O49 et O48).

XI. L'intimée a fait valoir en particulier les arguments suivants :

L'Article 84 CBE ne faisant pas partie des motifs d'opposition, des objections de manque de clarté basées sur cet article ne peuvent être soulevées à l'encontre de la revendication 1 modifiée qui est basée sur une combinaison des revendications 1, 9 et 10 déjà présentes dans le brevet opposé. L'objection de manque de support par la description (Article 84 CBE) ne peut également être invoquée à l'encontre de la réintroduction du paragraphe [0013] du brevet, celui-ci faisant partie intégrante du brevet délivré.

La phase huileuse est définie aux paragraphes [0017] à [0021] du brevet. Celle-ci doit donc être comprise comme n'incluant ni les tensioactifs, ni les composés actifs liposolubles et autres additifs, en particulier l'éthanol.

La quantité de tensioactif dans le rapport défini à la revendication 1 ne se limite pas au tensioactif solide à 45ºC, mais concerne les tensioactifs en général y compris le lipide amphiphile ionique. La signification des termes employés dans la revendication 1 est consistante en ce sens que les termes "quantité de phase huileuse" et "poids total de la phase huileuse" ont la même signification, à savoir qu'ils représentent tous deux la quantité totale des constituants de la phase huileuse sans inclure la quantité de tensioactif.

Les arguments concernant l'activité inventive présentés pour la première fois à la procédure orale et basés sur O1 et O40 enfreignent les dispositions de l'Article 10 bis, paragraphe 2 RPCR. Leur présentation tardive ne permet pas à l'intimée de préparer sa défense et en particulier de présenter, si nécessaire, des essais de reproduction de l'émulsion décrite à la Figure 7 de O40.

Le problème à résoudre par l'invention en partant de O16 serait de mettre à disposition des nanoémulsions présentant une stabilité améliorée. Les essais comparatifs O47 démontrent que les propriétés améliorées de stabilité au stockage proviennent du remplacement d'un agent tensioactif liquide à 45ºC par un agent tensioactif solide à 45ºC. Aucun des documents O20, O35 ou O40 n'oriente l'homme du métier à utiliser un tensioactif de type ester ou éther gras éthoxylé solide à 45ºC en vue d'améliorer la stabilité de nanoémulsions à base de gouttelettes d'huile de taille moyenne inférieure à 100 nm. O20 vise à résoudre un problème totalement différent. En outre, les essais de reproduction des exemples 7 et 9 selon O20 ont donné lieu à des émulsions opaques de taille de gouttelettes respectivement de 234 nm et 198 nm. O35 ne porte pas sur des nanoémulsions ; en outre des tensioactifs fonctionnant pour des émulsions classiques n'ont pas forcément les mêmes effets dans le cas particulier des nanoémulsions, celles-ci présentant une énergie libre importante liée à la finesse des gouttelettes d'huile. O40 décrit la technologie PIT, qui permet au mieux d'obtenir une émulsion dont la taille moyenne des globules d'huile est d'environ 104 nm. Avec la composition selon la Figure 7, une émulsion de taille moyenne de globules d'huile inférieure à 1 mym est obtenue en utilisant la technologie PIT. En définitive, O40 ne donne aucune information permettant d'obtenir une nanoémulsion présentant une taille moyenne de globules d'huile inférieure à 100 nm.

Motifs de la décision

1. Admissibilité des modifications - Article 123 CBE

L'admissibilité des revendications 1-24 selon la requête principale n'a pas été contestée. En particulier, la revendication 1 est basée sur les revendications 1, 6, 10, 11, ainsi que sur les passages en page 3, lignes 13-15 et 27-30 de la demande telle que déposée. Le passage réintroduit au paragraphe [0013] de la description est divulgué aux lignes 39-43 de la page 2 de la demande telle que déposée et au paragraphe [0013] du brevet tel que délivré. Les revendications n'ayant en outre pas été modifiées de façon à étendre la protection du brevet européen tel que délivré, les modifications répondent par conséquent aux dispositions de l'Article 123(2) et (3) CBE.

2. Fondement par la description (Article 84 CBE)

Concernant l'objection selon laquelle la revendication 1 de la présente requête ne se fonderait pas sur la description, du fait de la réintroduction du paragraphe [0013] dans la description qui ne serait pas en accord avec la revendication 1, la chambre observe que s'il y a discordance entre la revendication 1 actuelle et la description, celle-ci existait déjà entre les revendications et le paragraphe [0013] du brevet tel que délivré. Elle ne provient ni de la réintroduction dans la description dudit paragraphe, ni de l'introduction des caractéristiques des revendications 9 et 10 du brevet dans la revendication 1. Le manque de fondement sur la description (Article 84 CBE) n'étant pas un motif d'opposition, cette objection n'est, dans ces circonstances, pas prise en considération.

3. Clarté (Article 84 CBE)

Les caractéristiques de la revendication 1 selon la présente requête correspondent à la combinaison des caractéristiques issues des revendications indépendante 1 et dépendantes 9 et 10 du brevet, avec les caractéristiques desdites revendications 9 et 10 qui ont été intégralement reprises dans la revendication 1 selon la requête principale. Dans le brevet tel que délivré, la revendication 9 étant en outre dépendante - entre autres - de la revendication 1 et la revendication 10 dépendante - entre autres - de la revendication 9, la combinaison des caractéristiques selon la revendication 1 de la présente requête concerne par conséquent un objet spécifique qui, en soi, était déjà revendiqué dans le brevet tel que délivré. L'Article 100 CBE et la jurisprudence constante des chambres de recours n'autorisant pas les objections fondées sur l'Article 84 CBE, si elles n'ont pas leur origine dans les modifications effectuées, l'objection de manque de clarté (voir point X. ci-dessus) soulevée à l'encontre de la revendication 1 de la requête principale ne peut être prise en considération. En cas de doute quant à la signification de termes ambigus ou imprécis dans la revendication 1, celle-ci doit toutefois être interprétée sur la base des informations contenues dans la description du brevet, dans la mesure où une telle interprétation est nécessaire pour l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive.

4. Interprétation de la revendication 1 selon la requête principale

4.1 La caractéristique de la revendication 1 relative à la quantité d'huile(s) de poids moléculaire supérieur à 400 dans la phase huileuse est définie "par rapport au poids total de la phase huileuse" alors que pour la caractéristique concernant le rapport en poids de la quantité de phase huileuse sur la quantité de tensioactif, la quantité de phase huileuse est définie dans la revendication 1 comme étant la "quantité totale des constituants de cette phase sans inclure la quantité de tensioactif".

Concernant la question de savoir si l'expression "par rapport au poids total de la phase huileuse" inclut ou non la quantité de tensioactif, l'intimée a fait valoir que pour éviter des répétitions dans la revendication 1, la définition complète de la phase huileuse n'avait pas été reprise pour cette caractéristique mais qu'il s'agissait pour les deux caractéristiques en question de la même phase huileuse et que les différentes expressions utilisées étaient à interpréter de manière uniforme, à savoir que la phase huileuse n'inclut pas la quantité de tensioactif. La chambre ne voit aucune raison pour ne pas accepter ces arguments, le brevet ne contenant en effet aucune information permettant de conclure qu'une interprétation différente du terme "phase huileuse" devait être pratiquée pour les différentes caractéristiques de la revendication 1 se référant audit terme.

4.2 Comme avancé par les requérantes, il ne ressort toutefois pas clairement du libellé de la revendication 1 si l'expression "phase huileuse" englobe ou non les lipides amphiphiles ioniques, les actifs liposolubles ou encore d'autres additifs. Tel qu'indiqué par l'intimée, la phase huileuse est décrite aux paragraphes [0017] à [0021] du brevet en litige et à la lecture de ces derniers, il apparait que la phase huileuse contient non seulement au moins une huile de poids moléculaire supérieur à 400 (paragraphe [0018]) mais peut aussi contenir d'autres huiles, notamment des huiles de poids moléculaire inférieur à 400 (paragraphe [0019]) ainsi que des corps gras autres que les huiles susmentionnées (paragraphe [0020]). Rien ne permet toutefois de conclure du brevet contesté que des ingrédients autres que lesdites huiles et corps gras devraient être comptabilisés dans le calcul de la quantité de phase huileuse définie à la revendication 1. En outre, il ressort du brevet, notamment des paragraphes [0010], [0022], [0023], [0029] à [0033], et [0039] que les constituants de la nanoémulsion, tels que lipides amphiphiles ioniques, actifs liposolubles ou encore additifs pour améliorer la transparence, tel que l'éthanol, ne sont en fait pas nécessaires à la réalisation de la nanoémulsion. Ainsi, selon les paragraphes [0022] et [0023], l'utilisation des lipides amphiphiles ioniques représente une forme particulière de réalisation de l'invention et ils ne sont pas mentionnés aux paragraphes [0017] à [0021] qui définissent la phase huileuse. Ils sont en outre décrits au paragraphe [0029] comme pouvant être introduits dans l'une ou l'autre des phases huileuse ou aqueuse de la nanoémulsion. Dans ces circonstances, il n'y a aucune raison apparente de les comptabiliser dans le calcul de la quantité de phase huileuse. Eu égard aux additifs pour améliorer la transparence décrits aux paragraphes [0030] à [0033] ou encore aux actifs liposolubles décrits au paragraphe [0039], certains d'entre eux (tel que l'acétate de vitamine E et/ou l'éthanol) sont certes introduits dans la phase huileuse lors de la préparation des nanoémulsions selon les exemples 2 et 3 du brevet, mais il est clair pour l'homme du métier qu'en particulier l'acétate de vitamine E est un principe actif, donc nullement essentiel à la réalisation d'une nanoémulsion. L'éthanol, pour sa part, fait partie d'une liste d'additifs décrits dans le brevet pour améliorer la transparence de la formulation et qui n'est donc, tout comme les actifs liposolubles, pas essentiel à la réalisation de la nanoémulsion. Dans ces circonstances, il n'y a aucune raison de comptabiliser les susdits composés optionnels parmi les constituants de la phase huileuse et la quantité de phase huileuse est donc interprétée comme ne comprenant ni lipide amphiphile ionique, ni actif liposoluble, ni additif pour améliorer la transparence, tel que l'éthanol.

4.3 La question se pose également de savoir si l'expression "quantité de tensioactif" telle qu'utilisée dans la revendication 1 inclut ou non les lipides amphiphiles ioniques et des tensioactifs autres que celui solide à une température égale à 45ºC. La chambre note que les lipides amphiphiles ioniques ne sont présentés dans le brevet ni comme étant des co-tensioactifs devant être comptabilisés dans le rapport phase huileuse/tensioactif, ni comme étant essentiels à la réalisation de la nanoémulsion et que, d'après le paragraphe [0013] de la description, la nanoémulsion est exempte de tout tensioactif autre que les éthers gras éthoxylés et les esters gras éthoxylés. Toutefois, l'intimée a indiqué à la procédure orale que la "quantité de tensioactif" dans la revendication 1 était à interpréter comme contenant non seulement le tensioactif solide à 45ºC mais aussi les lipides amphiphiles ioniques et d'autres tensioactifs. La réponse à ladite question n'ayant cependant pas d'incidence sur l'issue de la présente décision, comme il ressort des points 5. à 7.8 ci-après, la chambre considère que cette question peut rester pendante.

5. Suffisance de description

5.1 Eu égard à l'objection d'insuffisance de description soulevée à l'encontre de la revendication dépendante 2, il avait été souligné dans la notification de la chambre que le brevet contenait trois exemples concrets de réalisation présentant différentes valeurs de turbidité tombant toutes trois dans l'intervalle de valeurs NTU défini dans la revendication 2 ; en outre, il était divulgué dans le brevet toute une liste d'additifs pour améliorer la transparence de la formulation et ceci laissait à supposer qu'il fût possible d'ajuster les valeurs NTU de turbidité de la nanoémulsion à l'aide de tels additifs. Pour ces mêmes raisons - qui n'ont pas été contestées - la chambre n'est pas convaincue que l'homme du métier n'arriverait pas à préparer des nanoémulsions présentant des valeurs de turbidité allant de 60 à 600 NTU.

5.2 Selon la requérante I, l'absence de limites supérieures dans la revendication 1, eu égard au poids moléculaire de l'huile (> 400) et à la quantité d'huile(s) (au moins 40%) ayant un poids moléculaire supérieur à 400, ne permettrait pas à l'homme du métier d'exécuter l'objet revendiqué sur toute l'étendue de la revendication. La chambre observe à ce sujet que cette objection n'a pas été motivée ni étayée d'aucune preuve permettant tout au moins de rendre plausible une telle allégation. Dans ces circonstances, et au vu des exemples du brevet ainsi que des informations complémentaires données au paragraphe [0018] quant aux types d'huile à poids moléculaire > 400 qui peuvent être utilisées, la chambre n'est pas convaincue de la prétendue insuffisance de description.

6. Nouveauté

Les requérantes n'ayant pas contesté la nouveauté des revendications selon la requête principale et la chambre n'ayant aucune raison de la mettre en doute, il n'est pas nécessaire de commenter plus avant ce point.

7. Activité inventive

7.1 Recevabilité de nouveaux arguments

S'appuyant sur l'Article 10 bis, paragraphe 2 RPCR, l'intimée a demandé que les arguments présentés pour la première fois à la procédure orale - à savoir ceux alléguant un manque d'activité inventive de l'objet revendiqué par rapport, d'une part, à l'exemple 16 de O1 en combinaison avec la divulgation plus générale de ce même document et, d'autre part, par rapport à la composition selon la Figure 7 de O40 - ne soient pas admis dans la procédure.

La chambre observe à ce titre que l'intimée a présenté des revendications modifiées en tant que requête principale le 15.09.2006, c'est-à-dire environ un mois avant la procédure orale. Il est bien évident qu'en réponse à la modification de la revendication 1, les requérantes (opposantes) peuvent également être amenées à modifier les arguments présentés dans leur mémoire de recours. Dans le cas de l'argumentation de la requérante 1 basée sur le document O1, en particulier l'exemple 16, la chambre observe que ce document a été longuement discuté pendant la procédure d'opposition, en particulier l'exemple 16, qui a également été mentionné dans la notification de la chambre. Les nouveaux arguments n'étant pas de nature à soulever des questions que la chambre ou les parties ne pouvaient raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit ajournée (Article 10 ter, paragraphes 2 et 3 RPCR), il n'y avait aucune raison de les considérer comme non recevables.

Quant à l'argumentation basée sur le document O40, il est à noter que celui-ci a été cité dans le mémoire de recours de la requérante II daté du 14.06.2004 pour supporter un manque d'activité inventive de l'objet revendiqué en combinaison avec le document O20. L'intimée a donc eu plus de deux ans pour prendre connaissance de ce document de cinq pages, qui contient sept formulations d'émulsions et qui a également été commenté dans la notification de la chambre. Bien que la formulation de la Figure 7 comprenne 9 produits désignés par leurs noms commerciaux, la requérante II a fourni pendant la procédure orale les fiches techniques O48 et O49 relatives à deux de ces produits et a fait référence aux documents O8 et O11 qui divulguent pour les 7 autres désignations commerciales les composés chimiques correspondants ainsi que les fonctions de ces composés dans des compositions spécifiques. La question de savoir si, dans ces circonstances particulières, les arguments basés sur la formulation de la Figure 7 de O40 devaient être considérés comme recevables ou non peut cependant rester ouverte, car même si ces arguments étaient pris en considération, ils ne changeraient pas l'issue de la présente décision, comme il ressort des points 7.2 à 7.8 ci-après.

7.2 Différence microémulsion-nanoémulsion

La revendication 1 étant relative à une nanoémulsion et certains des documents de l'art antérieur divulguant des émulsions, en particulier des microémulsions, à base de globules d'huile de très petite taille, voire de taille identique à celle revendiquée, la question s'est posée de savoir si, à la date de dépôt de la demande, le terme "nanoémulsion" avait pour l'homme du métier une signification technique permettant à elle seule de différencier une nanoémulsion desdites émulsions de l'art antérieur. La réponse à cette question n'étant toutefois pas en mesure de faire basculer la présente décision dans une direction opposée à celle indiquée ci-après, cette question peut également rester ouverte. En tout état de cause, il est à noter dans ce contexte que, comme indiqué précisément dans la revendication 1, l'émulsion revendiquée présente une taille moyenne en nombre des globules d'huile inférieure à 100 nm.

7.3 Combinaison des documents O16 et O35

La chambre considère que O16 représente l'état de la technique le plus proche, car il concerne des nanoémulsions ayant une taille moyenne des globules d'huile inférieure à 100 nm, de préférence de 30 à 75 nm et plus préférentiellement de 40 à 60 nm. O16 traite en outre du problème de stabilité au stockage des nanoémulsions à des températures entre 0 et 45ºC, c'est-à-dire le problème également évoqué dans le brevet contesté (voir O16, colonne 1, lignes 47-52 ; colonne 2, lignes 9-15 ; colonne 5, lignes 15-17). Dans O16, les nanoémulsions sont décrites comme étant des émulsions huile-dans-eau transparentes, celles-ci comprenant une phase lipidique amphiphile comprenant au moins un lipide amphiphile non-ionique liquide à une température ambiante inférieure à 45ºC et le rapport en poids de la quantité d'huile sur la quantité de phase lipidique amphiphile variant de 2 à 10 (revendication 1). Le lipide amphiphile non-ionique est préférentiellement choisi dans une liste de composés incluant les esters d'au moins un polyol choisi dans un groupe de composés incluant les polyéthylènes glycols comportant de 1 à 60 unités d'oxyde d'éthylène (revendication 2). Les nanoémulsions peuvent être obtenues en mélangeant la phase aqueuse et la phase huileuse, sous agitation vive, à une température ambiante inférieure à 45ºC, puis en effectuant une homogénéisation haute pression à une pression supérieure à 10**(8) Pa (colonne 5, lignes 27-32).

L'émulsion selon la revendication 1 de la présente requête diffère du contenu de O16 au moins par la mise en oeuvre d'un tensioactif choisi parmi les éthers ou esters gras éthoxylés tels que définis à la revendication 1, celui-ci devant être solide à 45ºC.

Partant de la nanoémulsion selon O16, le problème que se propose de résoudre l'objet revendiqué serait de mettre à disposition une nanoémulsion présentant une meilleure stabilité au stockage. Les essais comparatifs O47 présentés par l'intimée montrent que la substitution dans une nanoémulsion selon O16 du lipide amphiphile non-ionique liquide à 45ºC par un ester gras éthoxylé solide à 45ºC (stéarate de PEG-20) permet de ralentir la chute de viscosité de la nanoémulsion et donc d'en améliorer la stabilité au stockage. En l'absence de preuve du contraire, il est crédible que le problème indiqué ci-dessus a effectivement été résolu par les nanoémulsions définies dans la revendication 1. Ceci n'a pas été contesté par les requérantes. Cependant les requérantes étaient d'avis que le document O35 permettait d'arriver de manière évidente à l'objet revendiqué.

O35 (page 2, 1**(er) et 2**(ème) paragraphes) concerne des émulsions cosmétiques et/ou pharmaceutiques contenant des composés huileux et des émulsifiants choisis parmi les éthoxylates de béhényle, les esters de béhényle et/ou les esters d'acide béhénique. Ces émulsions se caractérisent par leur stabilité au stockage ainsi que par leur bonne tolérance dermatologique.

Les compositions d'émulsions décrites au Tableau 2 de O35 révèlent que celles-ci contiennent chacune 5% en poids d'un émulsifiant particulier, de l'eau en complément à 100% ainsi que 30% en poids d'une phase huileuse constituée de 50% en poids d'huiles de poids moléculaire > 400 (à savoir l'oléate de décyle et l'huile d'amandes), les 50% restants étant composés d'éther dicaprylylique (dont le poids moléculaire est inférieur à 400). La taille des gouttelettes d'huile des émulsions obtenues avec de telles compositions n'est pas mentionnée dans O35.

Bien que l'émulsifiant utilisé spécifiquement dans les compositions R1 et R2 répertoriées au Tableau 2 soit un alcool béhénylique oxyéthyléné comportant respectivement 10 et 20 molécules d'oxyde d'éthylène, c'est-à-dire - comme reconnu par les parties - un émulsifiant tombant sous le libellé du tensioactif solide à 45ºC défini à la revendication 1, l'homme du métier ne trouverait dans O35 aucune incitation particulière à choisir spécifiquement des tensioactifs solides à 45ºC, plutôt que des tensioactifs liquides, afin d'améliorer la stabilité au stockage de nanoémulsions dont les globules d'huile ont une taille moyenne inférieure à 100 nm, O35 ne faisant aucune distinction entre les tensioactifs solides à 45ºC et ceux liquides à 45ºC. L'absence de divulgation de la taille des gouttelettes d'huile des émulsions de O35 ne donne à l'homme du métier aucune indication quant à un hypothétique effet que pourraient avoir certains émulsifiants sur la stabilité d'émulsions à très petite taille de gouttelettes d'huile (< 100 nm). Comme révélé en outre par O46, l'homme du métier reproduisant par exemple l'émulsion R1 de O35 afin de constater la taille des globules d'huile, arriverait à une émulsion blanche dont la taille des globules d'huile est micronique (1 à 10 mym), ce qui ne l'encouragerait pas à combiner l'enseignement du document O35 avec celui de O16. En effet, rien dans O35 n'incite l'homme du métier à penser que les tensioactifs à structure béhényle décrits et plus précisément ceux solides à 45ºC permettraient de vaincre l'importante énergie libre développée par des gouttelettes d'huile de très petite taille et par conséquent d'élaborer une émulsion stable de globules d'huile d'une taille moyenne en nombre au moins dix fois inférieure à celle des globules d'huile de O35 et de résoudre le problème auquel il était confronté, à savoir l'amélioration de la stabilité des nanoémulsions de O16. Pour ces diverses raisons, la solution revendiquée ne peut par conséquent être considérée comme découlant de manière évidente de O35.

7.4 Activité inventive par rapport à O1 seul

O1 décrit des microémulsions transparentes ou translucides de type huile dans eau, comprenant une phase huileuse se composant principalement de composés peu volatils, et d'une phase aqueuse renfermant au moins un émulsifiant huile dans eau polyéthoxylé et/ou au moins un émulsifiant huile dans eau polypropoxylé et/ou au moins un émulsifiant huile dans eau polyéthoxylé et polypropoxylé. Ce type de microémulsions est obtenu en portant à une température supérieure à la plage de température d'inversion de phase ou tombant dans cette plage, un mélange comprenant la phase aqueuse, la phase huileuse et au moins un des émulsifiants huile dans eau cités ci-avant, puis en refroidissant ledit mélange à température ambiante (revendication 1). O1 (page 2, 5**(ème) paragraphe) décrit en outre que la taille de gouttelettes de microémulsions transparentes ou translucides se trouve dans un domaine allant d'environ 10 à 100 nm. Parmi les nombreux émulsifiants énumérés dans O1, sont en particulier cités l'isostéarate de glycérol et le caprate de glycérol (voir paragraphe chevauchant les pages 18 et 19).

Pour ce qui concerne la microémulsion selon l'Exemple 16, celle-ci est, en pourcentages massiques, constituée de :

2,400% d'isostéarate de glycérol

4,800% de Ceteareth-15

3,340% de triglycerides capryliques/capriques

3,000% de butylène glycol

0,100% de monocaprate de glycérol

6,660% de cyclomethicone

0,300% de farnesol

q.s. de parfum, conservateurs, colorants

ainsi que de l'eau à 100%.

Contrairement à ce qui a été affirmé par la requérante I, l'isostéarate de glycérol utilisé dans cet exemple est non pas solide, mais liquide à 45ºC (voir par exemple O26 (Extrait de "Emulsifiers & Detergents", page 122) où le produit identifié Nikkol MGIS est un liquide).

L'objet selon la revendication 1 diffère donc de la microémulsion de l'exemple 16 par au moins les deux caractéristiques suivantes :

i) le tensioactif de type éther ou ester gras éthoxylé est solide à 45ºC, contrairement au Ceteareth-15 qui est liquide à 45ºC ;

ii) la quantité d'huile de poids moléculaire > 400 est d'au moins 40% en poids au lieu de 33,4% (ceci découle du fait que la phase huileuse contienne 66,6% de cyclométhicone (poids moléculaire < 400) et 33,4% de triglycérides capryliques/ capriques de poids moléculaire > 400) ;

Partant de l'exemple 16 de O1, le problème à résoudre serait de fournir une autre émulsion à base de fines gouttelettes d'huile, stable et utilisable notamment en cosmétique.

Bien que O1 divulgue des tensioactifs de type éther ou ester gras éthoxylé tels que ceux définis à la revendication 1 de la requête actuelle, ceux-ci ne sont pas identifiés comme étant solides à 45ºC et sont en outre noyés dans des listes s'étendant sur pas moins de neuf pages de description (voir pages 11-19) et lesdites listes énumérant des familles très disparates d'émulsifiants indifféremment solides ou liquides. Même si, à la lecture de O1, l'homme du métier envisageait d'utiliser un de ces tensioactifs de type éther ou ester gras solide à 45 ºC, O1 ne lui donnerait cependant aucune incitation à augmenter la quantité d'huile de poids moléculaire > 400 afin d'obtenir une autre émulsion stable à globules d'huile de taille moyenne inférieure à 100 nm et qui soit utilisable en cosmétique. En conclusion, partant de O1 seul, l'homme du métier ne peut arriver à l'objet revendiqué que sur la base d'une analyse à posteriori, c'est-à-dire en ayant connaissance de l'invention.

7.5 Activité inventive par rapport à O40 seul

La requérante II a argué qu'en partant de la formulation selon la Figure 7 de ce document, l'homme du métier arriverait sans exercer d'activité inventive à l'objet de la revendication 1. D'après les données fournies à la procédure orale, ladite formulation contient les ingrédients suivants :

- 3,7% en poids de Cutina GMS, à savoir du stéarate de glycérol (voir O11, page 2), un émulsifiant solide à 45ºC ;

- 2,6% en poids de Lanette O, à savoir de l'alcool cétéarylique (voir O11, page 2), c'est-à-dire un émulsifiant ;

- 2,7% d'Eumulgin B3, à savoir le produit d'addition de l'alcool cetyl stéarylique avec 30 molécules d'oxyde d'éthylène, qui est un émulsifiant ayant un domaine de solidification allant de 43 à 46 ºC (voir fiche technique déposée à la procédure orale) ;

- 3,0% en poids de Myritol 318, à savoir des triglycérides d'acide caprique et caprylique (voir O8, page 7), une huile de poids moléculaire > 400 ;

- 7,0% en poids de Cetiol LC, à savoir du caprate/caprylate de coco (voir O8, page 4), d'après la requérante II un ester huileux de poids moléculaire < 400 ;

- 5,0% en poids d'Eutanol G 16 S, à savoir du stéarate d'hexyldécyle, un ester huileux de poids moléculaire d'environ 530 (voir fiche technique déposée à la procédure orale) ;

- respectivement 6,4% et 1,6% en poids de Neo-Heliopan 1000 et Neo-Heliopan BB, tous deux des filtres solaires UV (voir O8, page 6) ;

- 1% en poids de Copherol F 1300, à savoir du tocophérol (voir O11, page 2) ;

- 3% de glycérine ;

- 64% d'eau.

L'émulsion obtenue avec cette formulation présente donc en particulier les caractéristiques suivantes :

- quantité d'huiles de poids moléculaire > 400: 8% (3% + 5%),

- quantité totale d'huiles : 15% (3% + 5% + 7%),

- quantité d'huiles de poids moléculaire > 400 par rapport au poids total de la phase huileuse : 8/15 = 53%.

Outre cette formulation particulière choisie parmi 7 différentes compositions, O40 décrit la technologie dite PIT de préparation d'émulsions par inversion de phase. Tel qu'indiqué en colonne de droite de la page 251, cette technologie permet l'élaboration d'émulsions ayant une répartition de tailles de globules d'huile d'environ 0,1 mym à 1 mym. En opérant en particulier avec la composition selon la Figure 7, le procédé PIT donne lieu à une émulsion de taille moyenne de globules d'huile inférieure à 1 mym (voir passage au bas de la Figure 7).

L'objet de la revendication 1 diffère par conséquent de l'émulsion ci-dessus au moins par :

- une taille moyenne en nombre de globules d'huiles inférieure à 100 nm ;

- un tensioactif de type éther ou ester gras éthoxylé solide à 45ºC (le composé Eumulgin B3 étant défini comme indiqué ci-avant par une plage de températures de solidification allant de 43 à 46ºC, il n'est donc pas nécessairement solide à 45ºC).

Partant de la susdite émulsion, le problème à résoudre par l'objet revendiqué viserait à mettre à disposition une émulsion stable à gouttelettes d'huile plus fines et utilisable notamment en cosmétique.

Outre l'indication en page 251 que la technologie PIT permet l'élaboration d'émulsions contenant des globules d'huile avec une répartition de tailles allant d'environ 0.1 mym à 1 mym, les remarques relatives au Tableau 2 de O40 (voir page 252, 2**(ème) paragraphe de la colonne centrale) enseignent que dans le procédé PIT, la vitesse d'agitation et la vitesse de refroidissement n'ont pas d'influence significative sur la taille des globules d'huile. En fait, il est décisif pour la finesse des gouttelettes de la phase huileuse que l'étape d'émulsification soit effectuée dans le domaine PIT. Bien que O40 (voir paragraphe chevauchant les pages 251 et 252) évoque la possibilité de produire une émulsion de taille moyenne de gouttelettes d'huile d'environ 104 nm, ce document ne donne toutefois aucune indication à l'homme du métier lui permettant d'abaisser la taille moyenne des globules d'huile en-dessous de 100 nm.

En outre, parmi les tensioactifs à base d'ester(s) ou d'éther(s) gras éthoxylé(s) utilisés dans les compositions divulguées par O40, à savoir Eumulgin B1, Eumulgin B2, Eumulgin B3 et Emulgade SE, les deux premiers sont liquides à 45ºC (voir respectivement O10 et O11) et le troisième - comme indiqué plus haut - n'est pas nécessairement solide à 45ºC. Concernant Emulgade SE, son point de fusion n'est pas connu des documents déposés par les requérantes (voir en particulier O12). L'homme du métier ne trouve donc aucune information dans O40 lui suggérant qu'en utilisant spécifiquement un tensioactif du type éther ou ester gras éthoxylé solide à 45ºC, il pourrait préparer une émulsion stable ayant des gouttelettes d'huile de taille moyenne inférieure à celle divulguée dans O40.

Pour ces diverses raisons, la chambre est d'avis que l'enseignement de O40 ne peut également, à lui seul, mener de manière évidente à l'objet de la revendication 1 contestée.

7.6 O20 en combinaison avec O16 ou O14

O20 (page 2, lignes 26-53) décrit un procédé de préparation d'émulsions huile-dans-eau à viscosité réduite dans lequel un composant huileux à base de mono- et/ou diesters est émulsionné en présence d'un émulsifiant et de préférence d'un co-émulsifiant et de l'eau, l'émulsion étant chauffée à une température située dans les limites ou au-dessus de la plage de températures d'inversion de phase (ou l'émulsion étant préparée à cette température), puis refroidie à une température située en-dessous du domaine des températures d'inversion de phase. L'émulsifiant est un produit d'addition d'oxyde d'éthylène à des alcools gras comportant de 16 à 22 atomes de C ou à des esters partiels de polyols comprenant de 3 à 6 atomes de C et d'acides gras saturés comprenant de 14 à 22 atomes de C. Il présente en outre une valeur HLB de 11 à 12. Les émulsions ainsi préparées présentent une importante stabilité ainsi qu'une taille de gouttelettes réduite (page 3, lignes 1 à 3).

Dans les exemples 7 à 10, à titre d'émulsifiant est utilisé le produit d'addition de 10 molécules d'oxyde d'éthylène avec de l'alcool soit arachidique, soit béhénylique. Ces deux émulsifiants sont solides à 45ºC et sont utilisés à raison de 4% en poids par rapport au poids total de l'émulsion. A titre de coémulsifiant est utilisé l'alcool cétylstéarylique à raison de 3% en poids par rapport au poids total de l'émulsion. La phase huileuse des émulsions des susdits exemples contient 75% en poids (Exemple 10) ou 100% en poids (Exemples 7 à 9) d'huiles de poids moléculaire supérieur à 400 et correspond dans les 4 exemples à 20% en poids par rapport au poids total de l'émulsion.

L'objet selon la revendication 1 de la requête principale diffère du contenu de O20 par l'absence d'indication de la taille des gouttelettes d'huile de l'émulsion. L'intimée a reproduit en particulier les exemples 7 et 9 de O20 et a observé la formation d'une émulsion opaque et blanche de diamètre de gouttelettes d'huile respectivement de 234 nm et 198 nm. La chambre considère ces essais de reproduction comme pertinents car, tel que souligné par l'intimée, du fait de la non disponibilité sur le marché de l'alcool arachidique oxyéthyléné à 10 moles d'éthylène (utilisé à l'exemple 7), celui-ci a été remplacé par l'alcool béhénylique à 10 moles d'oxyde d'éthylène - cité comme similaire par la requérante II - disponible commercialement et répondant en outre à la définition de l'émulsifiant revendiqué dans O20. Le remplacement dans l'exemple 7 de l'huile d'amande par l'huile d'abricot ne modifie pour sa part pas la nature des compositions, s'agissant toujours d'une huile de poids moléculaire supérieur à 400 et les deux huiles étant au niveau de leur composition très proches l'une de l'autre.

Par rapport à O20, le problème à résoudre par l'objet revendiqué serait la mise à disposition d'émulsions stables à gouttelettes d'huile plus fines et utilisables notamment en cosmétique.

O20 utilisant de manière indifférente des émulsifiants qui sont soit solides à 45ºC (tels ceux utilisés dans les exemples 3 à 10), soit liquides à 45ºC (tels ceux utilisés dans les exemples 1, 2 et 11 à 16), l'homme du métier ne trouve pas d'incitation particulière à utiliser plus spécialement l'un ou l'autre de ces deux types d'émulsifiants. En outre, le procédé de préparation des émulsions selon O20 nécessite un chauffage à une température située dans les limites ou au-dessus de la plage de températures d'inversion de phase, c'est-à-dire dans le cas des exemples 7 à 10 à une température d'au moins 72 ºC (voir page 8, Tableau II) alors que le procédé de préparation selon O14 ou O16 est un procédé qui permet certes l'obtention d'émulsions à globules d'huile de taille moyenne inférieure à 100 nm, mais qui est complètement différent du procédé selon O20, puisqu'il requiert entre autres l'utilisation d'un lipide amphiphile non-ionique liquide à une température ambiante inférieure à 45ºC et la mise en oeuvre d'une température inférieure à 45ºC (voir O16, revendications 1 et 24 ; O14, revendication 1 et page 7, lignes 52-57), c'est-à-dire une température de procédé incompatible non seulement avec le procédé de préparation selon O20 mais aussi avec les émulsifiants utilisés dans les exemples 7 à 10 de O20, ceux-ci étant solides à 45ºC. Compte tenu de ces incompatibilités entre les procédés selon O20 et O16 et des différences entre les formulations de ces documents, l'homme du métier n'aurait pas été incité à choisir parmi les diverses formulations de O20 celles contenant un émulsifiant solide à 45ºC et à leur appliquer le procédé décrit dans O16 dans l'espoir de pouvoir résoudre le problème technique indiqué précédemment.

Dans ces circonstances, la chambre est d'avis que les conclusions des requérantes selon lesquelles l'objet de la revendication 1 découlerait de manière évidente de l'enseignement combiné des documents O20 et O16 (ou O14) procèdent d'une analyse ex post facto du cas qui exige une connaissance préalable de la solution revendiquée.

7.7 Combinaison 020 avec O40

Partant de O20 et visant à résoudre le problème mentionné au point 7.6 ci-dessus, l'homme du métier ne trouverait pas plus la solution dans O40 pour les raisons suivantes.

Comme indiqué précédemment, l'homme du métier ne trouve dans le document O40 aucune incitation particulière à choisir parmi les tensioactifs à base d'ester(s) ou d'éther(s) gras éthoxylé(s) ceux qui seraient solides à une température de 45ºC. O40 divulgue un procédé et des formulations d'émulsions qui permettent certes d'obtenir des émulsions ayant une taille moyenne de globules d'huile pouvant être inférieure à celle obtenue dans les exemples 7 et 9 de O20, la dimension des globules d'huile la plus faible indiquée dans O40 étant d'environ 104 nm ; cependant, O40 ne contient aucune information suggérant qu'il soit possible d'abaisser le diamètre moyen des globules d'huile en-dessous de 100 nm. En particulier, l'homme du métier n'y trouve aucune suggestion quant aux paramètres qu'il devrait modifier pour abaisser encore plus la dimension des globules d'huile dans les compositions de O40 ou encore dans celles du type décrit aux exemples 7 et 9 de O20.

Pour ces diverses raisons et étant donnée en outre la difficulté de stabiliser des émulsions de très petite taille de gouttelettes, celles-ci présentant une énergie libre importante, la chambre n'est pas convaincue que la nanoémulsion revendiquée découle de façon évidente de O20 et O40.

7.8 Les autres documents cités par les requérantes et publiés avant la date de priorité du brevet contesté ne contiennent aucune information supplémentaire susceptible de suggérer, en combinaison avec les documents précédents, la nanoémulsion revendiquée.

7.9 Pour les raisons invoquées ci-dessus, l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique.

L'activité inventive des revendications 2 à 24 de cette même requête découle de celle de la revendication 1 car :

- les revendications dépendantes 2 à 14 sont des modes de réalisation préférés de la nanoémulsion selon la revendication 1 ;

- les revendications indépendantes 15 à 17 visent soit une composition à usage topique, soit un support ophtalmique, soit une composition pharmaceutique, chacune contenant une nanoémulsion telle que revendiquée dans la revendication 1 ;

- les revendications 18 à 22 sont des utilisations ou un procédé cosmétique mettant en oeuvre la nanoémulsion selon la revendication 1 ;

- les revendications 23 et 24 sont relatives à un procédé de préparation de la nanoémulsion selon l'une des revendications 1 à 14.

Les conditions énoncées à l'Article 56 CBE sont par conséquent remplies pour toutes les revendications selon la requête principale.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base des documents suivants :

- Revendications 1 à 24 selon la requête principale déposée par lettre du 15 septembre 2006

- Description : pages 2 à 7 déposées pendant la procédure orale

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