T 0732/03 () of 9.8.2007

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2007:T073203.20070809
Date de la décision : 09 Août 2007
Numéro de l'affaire : T 0732/03
Numéro de la demande : 96402248.7
Classe de la CIB : A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition pour le traitement des fibres kératiniques comprenant au moins un polymère fixant et au moins un composé de type céramide et procédés
Nom du demandeur : L'ORÉAL
Nom de l'opposant : KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 100(b)
European Patent Convention 1973 Art 104
European Patent Convention 1973 Art 111
European Patent Convention 1973 Art 123
European Patent Convention 1973 R 57a
Mot-clé : Modifications - recevables (oui)
Exposé insuffisant (non)
Manque de clarté - objection non recevable
Elément nouveau de preuve - nouveau document - tardif (oui)- pertinent (oui) - admission (oui)
Renvoi (oui)
Frais - autre répartition (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0023/86
T 0430/89
T 0496/89
T 0301/97
T 0245/98
T 0960/98
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été formé par l'opposante (ci-après, la requérante) contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, selon laquelle le brevet européen litigieux nº 0 774 248 et l'invention qui en constitue l'objet, telle que définie dans le jeu de revendications 1 à 21 soumis en tant que requête principale lors de la procédure orale en date du 7 mai 2003, satisfaisaient aux conditions de la CBE. Le libellé de la revendication 1 de ladite requête principale s´énonce ainsi :

"1. Composition cosmétique non détergente sous forme de lotion de mises en plis, de lotion pour le brushing, de composition de fixation ou de coiffage des cheveux, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un milieu cosmétiquement acceptable au moins un polymère fixant anionique, non ionique, zwittérionique ou amphotère et au moins un composé de type céramide, lesdites compositions ne contenant pas de polymère de vinylpyrrolidone et/ou de polymère cationique comportant des groupements amine primaires, secondaires, tertiaires ou ammonium quaternaire dans la chaîne principale ayant une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau inférieure à 15 mPa.s."

II. Une opposition avait été formée en vue d'obtenir la révocation dudit brevet européen dans son intégralité sur le fondement des articles 100a) et 100b) CBE, à savoir défaut de nouveauté, manque d'activité inventive et insuffisance de l'exposé. Durant la procédure d'opposition, référence a en particulier été faite aux documents suivants :

D1 : EP-A-0 647 617 ;

D3 : K. Schrader, Grundlagen und Rezepturen der Kosmetika, 2ème édition (1989), pages 939-941 ;

D4 : FR-A-2 679 770 ;

D5 : EP-A-0 680 743 ;

D6 : EP-A-0 739 620.

III. D'après la décision attaquée :

a) Les revendications modifiées selon la requête principale satisfaisaient aux exigences des articles 123, paragraphes (2) et (3), et 84 CBE.

b) L'exposé de l'invention était suffisamment clair et complet pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.

c) L'objet de la revendication 1 selon la requête principale était nouveau par rapport aux compositions décrites dans D1.

d) L'état de la technique le plus proche était décrit par D4, qui visait à des effets plus voisins de ceux du brevet en litige que D2. Le brevet en litige proposait de nouvelles compositions aptes à protéger les cheveux pendant le brushing, notamment pour empêcher la casse des cheveux. Il n'y avait aucune indication dans D4, ni dans les autres documents cités, pour arriver à la combinaison d'une céramide et d'un polymère fixant telle que revendiquée. L'objet tel que revendiqué impliquait donc aussi une activité inventive.

e) Par conséquent, la requête principale satisfaisait aux exigences de la CBE.

IV. L'opposante (requérante) a formé un recours contre ladite décision, reçu le 3 juillet 2003. Avec son mémoire de recours, reçu le 10 septembre 2003, la requérante a soumis un rapport d'essais comparatifs ("Trial report") ainsi qu'un nouveau document (D8 = DE 691 00 990 T2) à l'encontre de la nouveauté.

V. Dans une lettre datée du 1er juin 2004, la titulaire du brevet (intimée) a pris position sur les objections soulevées par la requérante dans le mémoire de recours.

En réponse à une communication de la Chambre pour la préparation de la procédure orale, l'intimée a déposé un jeu de 21 revendications en tant que requête principale et 7 jeux de (respectivement) 20, 21, 20, 21, 21, 19 et 13 revendications en tant que requêtes subsidiaires No 1 à 7 (lettre datée du 9 juillet 2007). Le libellé de la revendication 1 selon la requête principale s'énonce ainsi :

"1. Composition cosmétique non détergente sous forme de lotion de mises en plis, de lotion pour le brushing, de composition de fixation ou de coiffage des cheveux, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un milieu cosmétiquement acceptable au moins un polymère fixant anionique, non ionique, zwittérionique ou amphotère et au moins un composé de type céramide, lesdites compositions ne contenant pas de polymère de vinylpyrrolidone et/ou de polymère cationique comportant des groupements amine primaires, secondaires, tertiaires ou ammonium quaternaire dans la chaîne principale et ayant une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau inférieure à 15 mPa.s."

VI. La procédure orale a eu lieu le 9 août 2007. Après la clôture des débats, la décision a été annoncée.

VII. La requérante a essentiellement soutenu que :

Requête principale

b) Quant au motif d'insuffisance de l'exposé, l'homme du métier n'était pas à même de reproduire l'invention dans toute la portée de la revendication 1 en appel puisque la définition des polymères à exclure de la composition portait sur le respect d'une exigence physique, la viscosité, dont le mode de détermination n'était toutefois pas divulguée dans le brevet litigieux. Comme la mention d'une valeur de viscosité à atteindre n'avait aucun sens sans précision de la méthode de mesure, car la viscosité dépendait fortement de la température de mesure et/ou du cisaillement appliqué, l'homme du métier ne pouvait déterminer quel polymère devait être exclu. Par conséquent, l'exposé était insuffisant.

c) Quant à l'objection de manque de clarté, la définition des polymères à exclure de la composition faisant l'objet de la revendication 1 ne permettait pas de comprendre que l'exigence de viscosité ne s'appliquait qu'aux polymères cationiques, tel que soutenu par l'intimée. Cette définition n'était donc pas claire.

d) Concernant la tardiveté du dépôt de D8, il avait été effectué seulement au stade de recours à cause d'un changement de mandataire dans l'affaire. Quant à la pertinence, les compositions décrites dans D8 portaient sur le traitement des cheveux, comme le brevet litigieux. Ces compositions pouvaient contenir des ingrédients tels que définis dans la revendication 1 (en particulier, polymère fixant anionique de type GANTREZ ES 425, silicone et céramide). Donc, D8 portait atteinte à la nouveauté et, en tout cas, il montrait que l'objet revendiqué, si nouveau, n'impliquerait pas d'activité inventive. Par conséquent, D8 était assez pertinent pour être admis.

e) La requérante partageait l'exigence de respecter le droit à deux degrés de juridiction invoqué par l'intimée au vu de D8. Toutefois, D8 se trouvait dans les débats en recours depuis plusieurs années. Il s'agissait d'un document de l'intimée, laquelle avait eu suffisamment de temps pour l'étudier et pour réagir. Elle avait en fait présenté des requêtes subsidiaires, sans évoquer le renvoi à la première instance. Donc, une autre répartition des frais ne se justifiait pas non plus.

VIII. L'intimée a essentiellement soutenu que :

Requête principale

a) Sur le motif d'insuffisance de l'exposé, la requérante ne contestait pas que des compositions cosmétiques ne contenant que des polymères fixants et des céramides tels que définis étaient reproductibles. Elle ne contestait pas non plus que l'exemple 3 du brevet litigieux mentionnait un polymère cationique commercial (CELLQUAT L200) qui pouvait être utilisé et qui donc avait une viscosité supérieure à la valeur définie dans la revendication 1, ce qui incontestablement constituait un repère pour l'homme du métier. Enfin, la requérante ne contestait pas que la viscosité des polymères puisse être mesurée par une ou plusieurs méthodes. Le problème de la requérante découlait de l'incertitude sur le choix de la méthode de mesure à utiliser, donc sur la limite exacte du domaine exclu. Ce problème néanmoins ne pouvait étayer une insuffisance de l'exposé mais un éventuel manque de clarté, qui toutefois n'était pas un motif d'opposition. Pour soutenir cette position, l'intimée s'est référée aux décisions T 0960/98 du 9 avril 2003 et T 0245/98 du 11 octobre 2001 (lesquelles n'ont pas fait l'objet d'une publication dans le Journal Officiel OEB).

b) Quant à l'allégation de manque de clarté, le sens littéral (en français) de la caractéristique négative de la revendication 1 en appel ne laissait aucun doute que l'exigence de viscosité ne concernait que les polymères cationiques.

c) Sur la tardiveté du dépôt de D8, la requérante n'avait donné aucune justification. Quant à la pertinence, l'homme du métier devait faire des choix multiples pour arriver à une composition englobée par les termes de la revendication 1 en appel (entre autres parmi les exemples, les polymères fixants et la présence/absence de céramide). Par conséquent, D8 n'était pas pertinent et devait être écarté. Néanmoins, si la Chambre considérait que D8 était suffisamment pertinent pour être versé aux débats, donc à même de mettre à risque l'existence du brevet, un renvoi à la division d'opposition s'imposerait, afin de respecter le droit à deux degrés de juridiction.

d) En cas de renvoi, il faudrait aussi décider une autre répartition des frais encourus pour la tenue de la procédure orale du 9 août 2007. Ni la date à laquelle le document D8 avait été déposé, ni le fait que l'intimée avait argumenté sur D8 et même déposé des requêtes subsidiaires ne pouvaient remettre en cause le droit de l'intimée à deux degrés de juridiction. Le renvoi découlait de la conduite de la requérante, qui par conséquent devait en supporter les conséquences.

IX. La requérante demande l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet en litige.

X. L'intimée demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur base de la requête principale ou, alternativement, sur base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 7, toutes ces requêtes ayant été déposées par lettre du 9 juillet 2007.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Modifications

2.1 Par rapport à la revendication 1 telle que délivrée, la revendication 1 selon la requête principale comporte la modification suivante : "sous forme de lotion de mises en plis, de lotion pour le brushing, de composition de fixation ou de coiffage des cheveux". Cette modification remplace l'expression "destinée au traitement des fibres kératiniques telles que les cheveux" dans la revendication 1 telle que délivrée.

2.2 La modification se fonde sur un passage de la demande telle que déposée (Page 19, dernière phrase complète) et restreint la protection conférée.

2.3 Les autres revendications telles que délivrées n'ont pas été modifiées.

2.4 Par conséquent, les revendications de la requête principale ne vont pas à l'encontre des articles 123(2) et (3) CBE. Comme la modification susdite vise à surmonter un motif d'opposition, le défaut de nouveauté allégué au vu des compositions de D1, les exigences de la règle 57bis CBE sont aussi satisfaites.

3. Insuffisance de l'exposé (Article 100(b) CBE)

3.1 La revendication 1 selon la requête principale définit une composition cosmétique non détergente sous forme de lotion de mises en plis, de lotion pour le brushing, de composition de fixation ou de coiffage des cheveux, laquelle se caractérise par deux aspects, à savoir :

- Quant au premier aspect, elle contient dans un milieu cosmétiquement acceptable au moins un polymère fixant anionique, non ionique, zwittérionique ou amphotère et au moins un composé de type céramide.

- Quant au deuxième aspect, elle ne contient pas de polymère de vinylpyrrolidone et/ou de polymère cationique comportant des groupements amine primaires, secondaires, tertiaires ou ammonium quaternaire dans la chaîne principale et ayant une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau inférieure à 15 mPa.s.

Donc, la revendication 1 définit que les composants selon le premier aspect doivent être obligatoirement présents dans la composition, que les composants selon le deuxième aspect ne doivent pas être présents et, enfin, implicitement, que d'autres polymères non précisés, même cationiques, ne tombant pas sous le coup de l'exclusion selon le deuxième aspect, peuvent être présents.

3.2 Il s'ensuit que la revendication 1 englobe des compositions cosmétiques qui se composent, dans un milieu cosmétiquement acceptable, seulement d'au moins un polymère fixant anionique, non-ionique, zwittérionique ou amphotère et d'au moins un composé de type céramide.

3.3 Il n'est pas contesté que l'homme du métier, à la lumière de la description du brevet litigieux, en particulier des exemples, serait à même de préparer une composition cosmétique comprenant seulement au moins un polymère fixant et au moins un composé de type céramide. Au vu des nombreuses possibilités de choix du polymère fixant et de la céramide dans les classes telles que décrites dans la description du brevet litigieux et parmi les polymères commerciaux tels que mentionnés, un très grand nombre de compositions cosmétiques telles que revendiquées est reproductible. Par conséquent, le motif invoqué ne porte pas sur une manifeste impossibilité absolue de réaliser l'invention.

D'après le brevet litigieux (par exemple, revendication 13) d'autres polymères peuvent être utilisés dans la composition telle que revendiquée, même des polymères cationiques comportant des groupements amine primaires, secondaires, tertiaires ou ammonium quaternaire dans la chaîne principale et ayant une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau supérieure à 15 mPa.s. L'exemple 3 du brevet litigieux porte sur une lotion de brushing contenant une céramide, un polymère fixant anionique commercial (GANTREZ ES 425) et un polymère cationique commercial (CELQUAT L200). La requérante ne conteste pas que ce polymère cationique possède une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau supérieure à 15 mPa.s, ni que la composition exemplifiée soit reproductible.

En fait, la requérante ne conteste pas non plus que des compositions comportant un polymère fixant anionique, une céramide et un polymère cationique tel que défini dont la viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau est supérieure à 15 mPa.s puissent être préparées.

3.4 Le motif d'insuffisance se fonde sur l'allégation que, en ce qui concerne le cas particulier des polymères cationiques ayant une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau inférieure à 15 mPa.s exclus par la définition de la revendication 1 du brevet litigieux, l'homme du métier ne serait pas à même de déterminer avec certitude, dans des cas limites, tels que montrés dans le "Trial report", si un polymère cationique tombe ou non sous le coup de l'exclusion. La raison de cette incertitude était l'absence de toute précision sur les conditions de mesure de la viscosité dans la description, conditions telles que température et appareil qui influencent la valeur obtenue. Conséquemment, l'homme du métier ne saurait être à même de reproduire l'invention dans toute sa portée.

3.5 La demande telle que déposée ne spécifie pas de méthode de mesure de la viscosité des polymères exclus par la définition de la revendication 1. Aussi, la demande ne comporte aucune référence aux documents D5 et D6, qui d'après l'intimée comporteraient une description des polymères à exclure. Il est de connaissance générale que la viscosité, en particulier celle d'une solution de polymère, soit influencée par la méthode utilisée (en particulier température et cisaillement). En outre, en cosmétique, plusieurs méthodes de mesure de viscosité sont utilisées, telles que décrites par D3, qui donnent des résultats différents. La Chambre partage donc le point de vue de la requérante que le manque d'information des conditions utilisées dans la mesure de la viscosité des ingrédients de la composition cosmétique cause des difficultés. La difficulté à déterminer les limites de l'exclusion des polymères cationiques tels que définis, par ailleurs, nuit aussi à l'intimée.

3.6 Néanmoins, dans la présente affaire, ces difficultés ne peuvent constituer une impossibilité d'exécuter l'invention, pour les raisons suivantes :

- L'exigence de viscosité ne concerne pas la composition cosmétique telle qu'elle, à savoir telle que formulée, ni ne concerne-t-elle un ingrédient essentiel de la composition (céramide et polymère fixant anionique, non-ionique, zwittérionique ou amphotère). L'exigence de viscosité concerne en fait un ingrédient (polymère cationique) que le formulateur ne doit pas obligatoirement utiliser dans la composition.

Donc, la présente affaire diffère de celle faisant l'objet de la décision T 0960/98, supra, évoquée par l'intimée, qui portait sur la viscosité de la composition cosmétique formulée. En fait, la présente affaire porte sur un cas similaire à celui traité dans la décision T 0245/98, supra, elle aussi évoquée par l'intimée.

- Il n'est pas contesté qu'un très grand nombre de compositions telles que revendiquées, en particulier celles qui ne contiennent pas de polymères cationiques, puissent être reproduites (Point 3.3, supra), ni que le formulateur de la composition puisse employer des polymères cationiques commerciaux, tel que CELQUAT L200 de la société NATIONAL STARCH employé dans l'exemple 3 du brevet litigieux, la viscosité desquels est indiquée par le fournisseur.

- Même si les essais ("Trial Report") de la requérante montrent que pour des polymères cationiques modèles, l'utilisation de méthodes différentes choisies parmi celles connues conduit à des valeurs de viscosité discordantes pour le même polymère, et même si l'on peut imaginer que dans des cas limites de polymères cationiques le choix d'une température de mesure de viscosité pourrait conduire à des valeurs différentes, ce qui empêcherait de pouvoir décider si un tel polymère tombe dans l'exclusion telle que définie, cela ne saurait remettre en cause le fait que des compositions contenant ces polymères cationiques peuvent néanmoins être préparées. Et cette condition est la seule déterminante pour l'appréciation de la faisabilité de l'invention.

3.7 Il suit de ce qui précède que la requérante n'a pas démontré que les compositions telles que revendiquées ne puissent être réalisées par l'homme du métier. Par conséquent, l'exposé du brevet litigieux est suffisamment clair et complet pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.

4. Clarté (Article 84 CBE)

4.1 La possible difficulté à établir si une composition cosmétique contenant un polymère cationique tombe ou non sous le coup de la revendication 1 en appel concerne l'appréciation des limites de la protection, donc de la clarté de la revendication 1 au titre de l'article 84 CBE. Cependant, aucun motif d'opposition au titre de l'article 100 CBE ne peut se fonder sur l'article 84 CBE. Il s'ensuit que ce motif au titre de l'article 84 CBE invoqué par la requérante ne peut être considéré au stade de l'opposition ni du recours sur opposition.

4.2 La requérante a aussi soutenu que la définition de la revendication 1 n'était pas claire puisque la formulation de l'exigence d'une viscosité à 1% en poids de matière active dans de l'eau inférieure à 15 mPa.s ne permettait pas de conclure que l'exigence de viscosité ne s'appliquait qu'aux polymères cationiques, donc pas au polymère de PVP.

4.3 Toutefois, l'exigence de viscosité objectée par la requérante n'a pas été modifiée durant la procédure d'opposition, elle est définie telle quelle dans la revendication 1 telle que délivrée. La seule modification dans la revendication 1 (Points 2., supra) porte sur une autre caractéristique.

4.4 La clarté n'est pas un motif d'opposition (article 100 CBE), ce qui revient à dire que des objections de manque de clarté ne peuvent être soulevées à l'encontre des revendications telles que délivrées. Selon l'article 102(3) CBE, la clarté au titre de l'article 84 CBE doit être prise en considération en procédure d'opposition, et donc le cas échéant par analogie en procédure de recours sur opposition, chaque fois que le titulaire du brevet litigieux apporte des modifications (T 0023/86, JO 1987, 316). Toutefois, l'article 102(3) CBE ne permet pas de formuler des objections au titre de l'article 84 CBE si elles n'ont pas leur origine dans les modifications effectuées (T 0301/87, JO 1990, 335).

4.5 Comme l'objection envers la caractéristique de viscosité de la revendication 1 telle que soulevée par la requérante ne découle d'aucune modification, elle n'est pas recevable.

4.6 Néanmoins, en opposition, et a fortiori en procédure de recours sur opposition, si le sens littéral d'une caractéristique contenue dans une revendication n'est pas clair, la revendication doit être interprétée.

4.7 Au vu de la formulation (en français) utilisée dans la revendication 1, en particulier de la forme "polymère cationique comportant ... et ayant ...", la Chambre n'a pas de raison de s'écarter de l'interprétation littérale selon laquelle la limitation de viscosité ne concerne que les polymères cationiques.

5. Admissibilité du document D8 dans la procédure

5.1 D8 décrit des compositions cosmétiques pour le traitement des cheveux, telles que des compositions de mise en plis. Ces compositions peuvent comprendre un polymère anionique tel que Gantrez ES 425 (GAF), qui représente un polymère fixant dans le brevet en litige, une silicone et, possiblement, une céramide. Ces ingrédients sont aussi définis dans ou englobés par la revendication 1 en appel. En outre, D8 semble correspondre à la mention de l'art antérieur dans le brevet litigieux (paragraphe [0003]). La Chambre considère que D8 est suffisamment pertinent pour être admis dans la procédure.

5.2 D8 a été cité pour la première fois dans le mémoire de recours et est donc tardif. Selon la requérante, cette production tardive de document se justifierait par le changement de mandataire et par la décision négative de la division d'opposition, en particulier sur le document D1. Il découle de ce qui précède que D8 a été cité au tout premier stade de recours par un nouveau mandataire, que le retard de production de D8 ne semble pas être manifestement injustifiable (Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 5ème édition, 2006, VII.C.8.2.1c)), et donc qu'une tactique délibérée et/ou un abus de la procédure de recours ne sont pas apparents.

5.3 Par conséquent, D8 doit être versé aux débats.

6. Renvoi devant la première instance

6.1 L'introduction pour la première fois en instance de recours sur opposition d'un document suffisamment pertinent pour être pris en considération entraîne en principe, dans l'exercice du pouvoir conféré à la Chambre par l'article 111(1) CBE, le renvoi de l'affaire à la première instance pour que le document puisse être examiné par deux degrés de juridiction et afin d'éviter la perte d'une instance (Jurisprudence des Chambre de recours de l'OEB, VI.F.7.1).

6.2 Les parties ne contestent pas le respect du principe des deux degrés de juridiction dans la présente affaire.

6.3 Les raisons du renvoi sont donc, d'une part, l'utilisation au stade de recours d'un document suffisamment pertinent pour être considéré et, d'autre part, le respect du double degré de juridiction, reconnu par les parties.

6.4 Par conséquent, la Chambre décide de renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner (article 111(1) CBE).

7. Autre répartition des frais

7.1 Les circonstances susdites (Points 5 et 6, supra) sont les raisons pour lesquelles la Chambre n'a pu rendre de décision définitive à l'issue de la procédure orale du 9 août 2007.

7.2 La requête d'une autre répartition des frais présentée par l'intimée se fonde sur la production tardive du document D8 par la requérante et sur la décision de le verser aux débats prise par la Chambre.

7.3 D8 n'ayant jamais fait l'objet d'un débat contradictoire jusqu'à la procédure de recours, la prétention de la requérante à utiliser ce document au stade du recours va à l'encontre d'un déroulement rapide et complet de l'affaire devant les deux instances, et ce tant dans l'intérêt des parties que du public en général et de l'OEB. Même s'il ne s'agit pas d'une tactique délibérée de la part de l'opposante, le résultat en est le même quant au principe de loyauté gouvernant les procédures et s'imposant dans les relations tant entre les parties et l'OEB qu'entre les parties elles-mêmes (voir en ce sens les décisions T 0430/89, point 5.3, ou T 0496/89, point 2, lesquelles n'ont pas fait l'objet d'une publication dans le JO OEB).

7.4 Néanmoins, D8 a été produit en réaction à la décision de la division d'opposition, par un nouveau mandataire, au tout premier stade du recours, et ce document est donc versé aux débats depuis plusieurs années. En outre, D8 est un document de l'intimée, qui semble correspondre à la mention de l'art antérieur dans le brevet litigieux (paragraphe [0003]). L'intimée l'a commenté dans sa réponse au mémoire de recours, en argumentant qu'il ne serait pas pertinent et qu'il devrait donc être écarté, et elle a aussi déposé des requêtes subsidiaires en réponse à la communication de la Chambre en préparation de la procédure orale.

7.5 Aussi, la procédure orale du 9 août 2007 n'a pas été totalement inutile, car elle a permis de trancher les questions d'insuffisance de l'exposé et de manque de clarté (Points 3 et 4, supra).

7.6 Enfin, l'intimée n'avait, jusqu'à la procédure orale devant la Chambre, jamais présenté une requête de renvoi pour le cas où D8 serait considéré suffisamment pertinent pour être versé dans les débats. Donc, même la requête de renvoi est tardive et la Chambre ne peut voir non plus une justification à cette façon de faire.

7.7 Pour les raisons susdites, dans le présent cas, la requête en une autre répartition des frais présentée par l'intimée n'est pas fondée et il n'y sera pas fait droit.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance de premier degré pour suite à donner.

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