European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2006:T068703.20061107 | ||||||||
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Date de la décision : | 07 Novembre 2006 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0687/03 | ||||||||
Numéro de la demande : | 95400547.6 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/42 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Compositions cosmétiques filtrantes contenant un agent hydrophile acide et utilisation | ||||||||
Nom du demandeur : | L'ORÉAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | Beiersdorf Aktiengesellschaft | ||||||||
Chambre : | 3.3.10 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (non) - Approche problème - solution - amélioration non rendue crédible faute d'essais comparatifs pertinents - reformulation du problème technique - solution évidente - choix arbitraire | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant (opposant) a introduit un recours le 25 juin 2003 contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, signifiée par voie postale le 30 avril 2003 selon laquelle le brevet européen nº 678 292 amendé sur la base d'un jeu de 45 revendications satisfaisait aux conditions de la CBE.
II. Une opposition avait été formée par le requérant en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), en se basant notamment sur le document
(1) US-A-4 822 600.
III. La division d'opposition avait décidé, entre autres, que l'objet de la revendication 1 modifiée au cours de la procédure d'opposition impliquait une activité inventive (Article 56 CBE). La division d'opposition était arrivée à la conclusion que, compte tenu de l'enseignement du document (1) qui concernait l'utilisation de la silice pyrogénée pour intercepter une partie du rayonnement infrarouge, l'homme du métier, désirant améliorer la résistance à l'eau de compositions cosmétiques filtrantes du type émulsion huile-dans-eau, n'était pas incité à substituer l'agent hydrophile anti-UV comportant un radical carboxylique utilisé dans le cas particulier de l'exemple 5 du document (1) par un agent hydrophile anti-UV comportant au moins un radical sulfonique afin d'aboutir aux compositions cosmétiques filtrantes revendiquées. La division d'opposition était arrivée à cette conclusion en considérant que les essais comparatifs fournis démontraient que le problème exposé dans la description du brevet était en fait résolu.
IV. Au cours de la procédure orale devant la Chambre, tenue le 7 novembre 2006, l'intimé a supprimé sa requête auxiliaire 2 qui avait été soumise avec sa lettre datée du 5 octobre 2006 et a défendu le maintien du brevet en litige sur la base d'une requête principale et d'une seule requête auxiliaire, déposées l'une et l'autre avec cette même lettre.
La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :
"1. Composition cosmétique filtrante, caractérisée par le fait qu'elle contient, dans un support cosmétiquement acceptable du type émulsion huile-dans-eau, (i) au moins un agent hydrophile filtrant le rayonnement ultraviolet et comportant au moins un radical acide sulfonique -SO3H., éventuellement neutralisé, et (ii) au moins une charge insoluble inerte et adsorbante à l'égard dudit agent, qui ne présente pas en tant que telle de caractère photoprotecteur vis-à-vis des UV".
L'énoncé de la revendication 1 de la requête auxiliaire diffère de celui de la requête principale uniquement en ce que la charge insoluble inerte et adsorbante à l'égard dudit agent a été caractérisée comme étant "une silice pyrogénée, précipitée ou un gel de silice".
V. Le requérant a contesté les conclusions de la division d'opposition. Les essais comparatifs n'étaient pas significatifs car les résultats faisaient apparaître un facteur de protection solaire après bain de grandeur comparable pour la composition cosmétique filtrante contenant de la silice pyrogénée comme pour celle n'en contenant pas. De plus, le document (1) divulguait que les compositions contenant un agent bloquant le rayonnement ultraviolet, tel l'acide 2-phénylbenzimidazole-5-sulfonique ou l'acide 2-hydroxy 4-méthoxybenzophénone-5-sulfonique, étaient chimiquement stables et résistantes à la photodégradation et à l'absorption par la peau.
VI. L'intimé a réfuté l'argumentation du requérant. Les essais comparatifs montraient clairement une amélioration de la rémanence à l'eau pour la composition comprenant de la silice pyrogénée par rapport à celle n'en contenant pas. Les données des essais comparatifs reflétaient les valeurs moyennes obtenues à partir de 10 modèles humains et les résultats étaient significatifs. La composition comprenant la silice pyrogénée conservait en moyenne 84,5% de sa protection après bain, alors que celle n'en contenant pas, seulement 50,9%. Les essais comparatifs ont été conduits en comparant deux compositions ne différant l'une de l'autre que par la présence/absence de silice pyrogénée en vue de montrer l'effet sur la rémanence à l'eau de la présence d'une charge inerte, telle la silice pyrogénée, dans une composition filtrante de type émulsion huile-dans-eau.
D'autre part, le document (1) cherchait à résoudre un autre problème celui de la protection de la peau contre le rayonnement infrarouge, qui contribuait au vieillissement et à la carcinogenèse en amplifiant les dommages provoqués par les rayons ultraviolets. Ce document n'évoquait pas le problème de l'amélioration de la résistance à l'eau des compositions cosmétiques filtrantes de type émulsion huile-dans-eau contenant un filtre hydrophile comportant au moins un groupe acide sulfonique. Il n'y avait dans ce document aucune allusion à ce que les compositions filtrantes devaient résister à l'eau. Les compositions filtrantes selon le document (1) étaient aussi bien des huiles que des émulsions huile-dans-eau, des lotions hydro-alcooliques ou oléo-alcooliques et les filtres UV utilisés pouvaient être aussi bien hydrophiles que lipophiles. Rien de l'enseignement du document (1) n'était de nature à inciter l'homme du métier à utiliser une charge inerte adsorbante telle qu'une silice pyrogénée pour résoudre le problème de l'amélioration de la résistance à l'eau de compositions cosmétiques filtrantes du type émulsion huile-dans-eau contenant un filtre UV hydrophile comportant au moins un radical acide sulfonique.
VII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimé a demandé le maintien du brevet sur la base de la requête principale, ou subsidiairement, le maintien du brevet sur la base de sa requête auxiliaire, déposées l'une et l'autre avec sa lettre datée su 5 octobre 2006.
VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Requête principale
2. Amendements (Article 123 (2), (3) CBE)
La revendication 1 objet de la requête principale diffère de la revendication 1 du brevet délivré en ce que le radical acide de l'agent hydrophile est restreint au radical acide sulfonique selon la page 3, ligne 36 de la demande telle que déposée et en ce que la charge insoluble inerte et adsorbante à l'égard dudit agent a été caractérisée comme ne présentant pas en tant que telle de caractère photoprotecteur vis-à-vis des UV selon le passage de la page 3, lignes 44 à 46 de la demande telle que déposée.
Ces modifications limitent la protection conférée par le brevet tel que délivré.
La revendication 1 satisfait donc aux exigences de forme de l'Article 123 de la CBE, ce qui d'ailleurs n'est pas contesté.
3. Activité inventive
En suivant l'approche problème/solution appliquée de manière constante par les Chambres de recours en vue d'apprécier l'activité inventive sur une base objective, il est nécessaire de procéder en premier lieu à l'identification de l'art antérieur le plus proche qui permettra ensuite de déterminer le problème technique pouvant être considéré comme résolu vis-à-vis de cet art antérieur le plus proche et finalement d'apprécier l'évidence de la solution proposée, reflétée par les caractéristiques techniques de la revendication, à la lumière de l'état de la technique.
3.1 Le brevet en litige concerne des compositions cosmétiques filtrantes de type émulsion huile-dans-eau. Ces compositions sont définies comme contenant au moins un agent hydrophile particulier filtrant le rayonnement ultraviolet et une charge insoluble inerte.
Le document (1) concerne des compositions cosmétiques pour application topique comprenant obligatoirement de la silice pyrogénée (revendication 1), et plus particulièrement des compositions cosmétiques filtrantes contenant également des agents filtrant le rayonnement UV (voir colonne 4, lignes 6 à 9 et lignes 61 à 66, revendications 4 à 8). La composition cosmétique filtrante peut se trouver sous diverses formes, par exemple sous forme d'émulsion, crème, gel, lotion ou huile (revendication 2, colonne 5, lignes 57 à 60). La composition de l'exemple 5 est spécifiquement une émulsion huile-dans-eau, ce qui a été reconnu par l'intimé. Parmi les agents filtrant le rayonnement ultraviolet cités dans ce document sont mentionnés l'acide 2-phénylbenzimidazole-5-sulfonique et l'acide 2-hydroxy 4-méthoxybenzophénone-5-sulfonique (colonne 6, lignes 13 à 16) qui sont des agents préférés du brevet litigieux. Les silices pyrogénées exemplifiées comprennent la silice vendue sous la dénomination commerciale Aerosil R 972 par la société Degussa qui constitue une des charges insolubles inertes adsorbantes préférées de l'invention et qui est utilisée dans la majorité des exemples du brevet en litige.
Une composition cosmétique filtrante de type émulsion huile-dans-eau, contenant un agent filtrant le rayonnement ultraviolet et une silice pyrogénée est divulguée spécifiquement dans l'exemple 5 du document (1).
Ce document représente l'art antérieur le plus proche, ce qui n'a pas été contesté, ni par l'intimé, ni par le requérant. Par ailleurs, la Chambre observe que le document (1) a été également considéré par la Division d'Opposition comme étant l'art antérieur le plus proche.
3.2 L'intimé a soumis que le problème technique à résoudre vis-à-vis du document (1) était la mise à disposition de compositions cosmétiques filtrantes de type émulsion huile-dans-eau présentant une amélioration de la rémanence à l'eau et s'est référé aux résultats des essais comparatifs de rémanence à l'eau de l'annexe 1 de la lettre déposée le 4 juin 1999 lors de la procédure d'opposition pour démontrer que ce problème a été effectivement résolu par les compositions revendiquées.
3.2.1 Dans ces essais comparatifs, la composition de l'exemple 1 du brevet est comparée à une composition dite hors invention dont la seule différence est l'absence de silice pyrogénée.
La composition comparée ne représente donc pas une composition selon l'enseignement du document (1) puisqu'elle ne contient pas de silice pyrogénée alors que cette dernière est une composante obligatoire des compositions du document (1) (voir revendication 1, colonne 4, lignes 6 à 8). En conséquence, les essais comparatifs ne permettent en aucune façon de conclure que la rémanence à l'eau des compositions filtrantes revendiquées a été améliorée par rapport aux compositions filtrantes selon le document (1).
3.2.2 L'intimé reconnaît que la composition comparée ne contient pas de silice pyrogénée contrairement aux compositions selon le document (1), mais argumente qu'il était nécessaire de faire une comparaison avec une composition ne contenant pas de silice pyrogénée car le but de ces essais comparatifs était de démontrer que la présence d'une silice pyrogénée dans une composition cosmétique filtrante de type émulsion huile-dans-eau contenant un agent hydrophile filtrant le rayonnement ultraviolet améliorait la rémanence à l'eau de cette composition.
Cependant, dans le cas en espèce, pour rendre plausible la résolution par l'objet revendiqué du problème technique mentionné au point 3.2 ci-dessus, le but assigné aux essais comparatifs doit être de montrer que les compositions revendiquées possèdent une rémanence à l'eau améliorée par rapport aux compositions du document (1) qui requiert la présence obligatoire de silice pyrogénée. Or, les essais comparatifs présentés par l'intimé ne permettent de tirer aucune conclusion quant à la supériorité des propriétés de rémanence à l'eau des compositions revendiquées par rapport à celles divulguées dans le document (1).
3.3 Une reformulation du problème technique à résoudre est donc nécessaire. Comme l'intimé n'a fait valoir aucun autre effet technique susceptible d'être pris en considération, le problème technique à résoudre au vu du document (1) n'est que de mettre à disposition d'autres compositions cosmétiques filtrant le rayonnement UV de type émulsion huile-dans-eau.
3.4 La solution proposée à ce problème par le brevet en litige est une composition cosmétique filtrante selon la revendication 1, caractérisée par la présence d'agents hydrophiles particuliers filtrant le rayonnement ultraviolet, à savoir ceux comportant au moins un radical acide sulfonique -SO3H.
3.5 Il reste donc à déterminer si la solution proposée à ce problème technique objectif découle de manière évidente de l'état de la technique.
Les compositions cosmétiques filtrantes divulguées dans le document (1) sont, autre autres, des émulsions huile-dans-eau qui comprennent obligatoirement une silice pyrogénée (exemple 5) ainsi qu'un agent filtrant le rayonnement ultraviolet. Tous les agents filtrant le rayonnement ultraviolet sont enseignés comme étant équivalents dans les compositions du document (1), en particulier ceux individualisés à la colonne 6, lignes 3 à 21 incluant l'acide 2-phénylbenzimidazole-5-sulfonique et l'acide 2-hydroxy 4-méthoxybenzophénone-5-sulfonique qui sont des agents hydrophiles filtrant le rayonnement ultraviolet et comportant au moins un radical sulfonique exemplifiés dans le brevet litigieux (page 7, lignes 56-57, page 8, lignes 31, 48 et 56; exemple 1).
Le choix d'un agent filtrant le rayonnement ultraviolet particulier à l'intérieur de l'enseignement du document (1), simplement dans le but de mettre à disposition d'autres compositions cosmétiques anti-UV, ne peut être considéré ni comme un choix motivé, ni comme un choix critique, mais est simplement un choix arbitraire dans l'enseignement du document (1) n'entraînant aucun effet inattendu.
Ce choix arbitraire ne dépasse pas les compétences normales qu'on est en droit d'attendre d'un homme du métier confronté au problème technique objectif de mettre à disposition d'autres compositions cosmétiques anti-UV et ne peut pas conférer une activité inventive aux compositions revendiquées. L'objet de la revendication 1 découle donc de façon évidente de l'enseignement du document (1).
3.6 L'intimé contre argumente en faisant valoir que la divulgation du document (1) concernait uniquement le problème de la protection de la peau contre le rayonnement infrarouge et qu'il n'évoquait pas le problème de l'amélioration de la résistance à l'eau des compositions cosmétiques filtrantes du type émulsion huile-dans-eau. Cependant, cet argument n'est pas pertinent dans le cas d'espèce par suite de la reformulation du problème technique en la mise à disposition d'autres compositions cosmétiques anti-UV.
3.7 En conséquence, pour les raisons énoncées ci-dessus, la requête principale n'est pas fondée pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).
Requête auxiliaire
4. Amendements (Article 123 (2), (3) CBE)
La revendication 1 modifiée diffère de la revendication 1 de la requête principale uniquement en ce que la charge insoluble inerte des compositions revendiquées est restreinte à une silice pyrogénée, précipitée ou un gel de silice.
Cet amendement, qui constitue une restriction de l'objet revendiquée est basé sur la revendication 33 telle que déposée, et satisfait donc aux exigences de forme de l'Article 123 (2), (3) de la CBE.
4.1 Les compositions cosmétiques anti-UV du document (1) contiennent nécessairement une silice pyrogénée. Etant donné que l'amendement a pour résultat une caractéristique qui est déjà présente dans les compositions du document (1), elle ne peut en rien contribuer à rendre inventif l'objet de la revendication pour les raisons données en détail au point 3 ci-dessus. L'intimé n'a d'ailleurs pas contesté que cet amendement n'apportait aucune contribution inventive par rapport au document (1).
4.2 En conséquence, la requête auxiliaire, elle aussi, n'est pas admissible pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.