European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2004:T055003.20040308 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 08 Mars 2004 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0550/03 | ||||||||
Numéro de la demande : | 93913082.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12P 21/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | Procédé de régulation épigénétique de la biosynthèse des protéines par résonance d'échelle | ||||||||
Nom du demandeur : | STERNHEIMER, Joel | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.04 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Exposé de l'invention clair et complet - (oui) | ||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 93 913 082.9, publiée sous le n° WO 93/24 645 (n° de publication européen : EP-A-0 648 275) et ayant pour titre "Procédé de régulation épigénétique de la biosynthèse des protéines par résonance d'échelle", avait été rejetée une première fois par la Division d'examen conformément aux dispositions de l'article 97(1) CBE, car les revendications alors en vigueur avaient été considérées concerner des procédés essentiellement intellectuels auxquels un caractère technique et industriel ne pouvait être reconnu et qui ne constituaient donc pas des inventions brevetables au sens de l'article 52(1) et (2) CBE.
II. Le Demandeur avait formé un recours contre cette décision et soumis un nouveau jeu de revendications principal et un jeu de revendications subsidiaire. La Chambre avait conclu (décision T 1148/98 du 19 septembre 2000) que les cinq revendications du jeu subsidiaire remplissaient les conditions des articles 52 et 123(2) CBE et, faisant usage des pouvoirs discrétionnaires qui lui étaient conférés par l'article 111(1) CBE, avait renvoyé l'affaire à la première instance. Les revendications 1, 3 et 4 de ce jeu subsidiaire étaient formulées comme suit :
"1. Procédé de régulation épigénétique, soit par stimulation, soit par inhibition de la biosynthèse d'une protéine in situ par résonance d'échelle, caractérisé en ce que :
A. on détermine la séquence d'acides aminés de ladite protéine puis la séquence de notes musicales correspondant à ladite séquence d'acides aminés par décodage et transposition sonore de suites temporelles de vibrations quantiques associées à son élongation en opérant de la manière suivante :
a) on détermine la fréquence propre de chacun des acides aminés à l'état libre, proportionnelle à sa masse, puis on minimise la distance harmonique globale entre les fréquences de ces acides aminés pour tous les couples d'acides aminés possibles en fonction de leur proportion dans la population environnante des ARN de transfert auxquels lesdits acides aminés se lient en imposant la condition que le déplacement de la fréquence initiale propre à l'état libre déterminée précédemment vers sa valeur à l'état lié (fréquence synchronisée) soit inférieur à la moitié de l'écart entre les deux fréquences synchronisées entourant cette fréquence initiale, puis transposition des fréquences ainsi obtenues dans le domaine audible, ce qui fournit un code permettant la stimulation de la biosynthèse de cette protéine, le code relatif à son inhibition étant obtenu par symétrisation des logarithmes des fréquences obtenues précédemment par rapport à leur valeur centrale prise comme origine ;
b) on détermine les périodes musicales par repérage des séquences homologues de notes et de signatures ;
c) on détermine alors les durées des notes en rectifiant collectivement puis individuellement les périodes déterminées en b) par ajustement du phrasé à la mesure, que l'on contrôle à l'aide d'un clavier possédant une touche "one key play" ;
d) on détermine le timbre par la rétroaction de l'ensemble des acides aminés de la protéine globale sur la structure harmonique de chacun d'entre eux,
B. on effectue une diffusion de ladite séquence de notes musicales in situ pour stimuler ou inhiber la biosynthèse de ladite protéine, soit directement, soit indirectement à partir d'enregistrements sur tout support approprié de la séquence de notes musicales obtenues, à l'exclusion du traitement thérapeutique du corps humain ou animal."
"3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'on produit à l'aide d'un instrument convenablement réglé dans ce but, un enchaînement de notes musicales, les notes étant associées aux acides aminés selon le code spécifique à l'inhibition épigénétique de la biosynthèse de la protéine, obtenu en prenant les notes de la gamme tempérée symétriques de celles du code selon la revendication 2 par rapport au sol central : Trp=do ; Arg, Tyr=re ; Phe, SeC=mi bemol ; His=mi ; Gln, Lys, Glu, Met=fa ; Leu, Ile, Asn, Asp=sol ; Pro, Val, Thr, Cys=la ; Ser=si bemol ; Ala=re aigu ; Gly=fa aigu."
"4. Procédé selon la revendication 1 ou la revendication 2, caractérisé en ce que ayant mis en oeuvre ledit procédé, l'on stabilise la synthèse de ladite protéine à l'aide dune transposition lumineuse colorée appropriée obtenue en transposant les vibrations quantiques associées à la protéine mature une fois repliée spatialement sur elle-même, selon un code qui se déduit de celui obtenu à l'issue de l'étape a) de la revendication 1 relatif à la stimulation de sa biosynthèse, par application de la formule Ny=Ny0 Argch (e(f/f0)Logch1) où f, f0 sont les fréquences musicales et Ny et Ny0 les fréquences des couleurs, les indices dénotant les valeurs centrales."
III. La Division d'examen a rejeté une seconde fois la demande présente au motif qu'elle ne satisfaisait pas les conditions de l'article 83 CBE dans la mesure où la démonstration n'avait pas été faite que la diffusion auprès d'un organisme vivant dune séquence de notes musicales déduites de la séquence d'acides aminés dune protéine donnée (protéodie) résultait soit en une inhibition (revendications 1, 3, 4 et 5), soit en une stimulation de la biosynthèse de ladite protéine (revendications 1, 2, 4 et 5), alors que de ce seul effet dépendait toute application pratique de l'invention. De même la stabilisation de la synthèse protéique (revendications 4 et 5) n'était pas démontrée. Par ailleurs, les expériences complémentaires ayant consisté à soumettre différents organismes (tomates, pommes de terre, avocats, algue Anabaena variabilis, cellules humaines HL60, levure, vers à soie, bovins) à la diffusion d'une ou plusieurs séquences musicales correspondant chacune à au moins une partie de la séquence d'acides aminés d'une protéine donnée ne permettaient pas d'établir que le traitement musical ait eu pour conséquence effective une inhibition ou une stimulation, car pour aucune de ces expériences, le taux de synthèse des protéines en question n'avait été mesuré au cours du traitement musical. La Division d'examen a conclu au caractère manifestement hypothétique de l'effet technique sous-tendant l'invention telle que définie dans les revendications 1 à 5 de la requête subsidiaire.
IV. Le Demandeur a formé un recours contre cette décision et ses arguments peuvent être résumés comme suit :
- la demande décrivait en détail les différentes étapes du procédé revendiqué permettant d'agir sur la biosynthèse de protéines choisies par diffusion de protéodies : sélection d'une ou plusieurs protéines en fonction de l'effet recherché, transposition de la séquence d'acides aminés en protéodie et diffusion de ladite protéodie.
- un premier exemple de réalisation de ce procédé était décrit de la page 20, ligne 34 à la page 21, ligne 7 de la demande présente, et montrait leffet de protéodies stimulant la synthèse de la prolactine, de la lactoglobuline et de la lactoalbumine bovines sur la quantité et la qualité du lait produit.
- un deuxième exemple (page 21, lignes 7 à 21) démontrait l'influence positive d'un ensemble de protéodies qui étaient des transcriptions, entre autres, de protéines impliquées dans la croissance et le mûrissement des tomates sur la quantité et la qualité des tomates obtenues.
- les annexes I à VII soumises avec le mémoire de recours démontraient la stimulation et l'inhibition de la synthèse de protéines données à la suite dune exposition aux protéodies "stimulantes" ou "inhibantes" correspondantes ainsi que la stabilisation de la stimulation de ladite synthèse par transpositions colorées.
V. Le requérant a requis dans son mémoire de recours la révocation de la décision de rejet de la demande en instance prononcée par la Division d'examen dans sa décision en date du 14. octobre 2002 sur la base de l'article 83 CBE et la reprise de la procédure d'examen de la demande de brevet européen présente.
Motifs de la décision
Article 83 CBE
1. Pour ce qui est de savoir si une demande de brevet européen décrit une invention, telle que définie dans une revendication, de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter (article 100b), article 83 CBE), la Chambre doit être tout d'abord convaincue que la demande en question met à la disposition du dit homme du métier au moins un moyen de réalisation conduisant à l'objet revendiqué et ensuite que l'homme du métier peut réaliser l'invention dans tout le domaine revendiqué.
2. L'invention, telle que définie dans les revendications 1 à 5 présentes, correspond à un procédé de régulation épigénétique par stimulation ou inhibition de la synthèse d'une protéine in situ par résonance d'échelle (revendications 1 à 3) pouvant comporter une stabilisation de la synthèse de ladite protéine à l'aide d'une transposition lumineuse colorée (revendications 4 et 5).
3. Les principes généraux sur lesquels le procédé revendiqué se base et ses différentes étapes sont décrits en détail de la page 6, ligne 22 à la page 12, ligne 25 et sous forme d'exemples de réalisation ou d'application de la page 12, ligne 26 à la page 24, ligne 25. D'ailleurs, ce que la Division d'examen a critiqué (points 7 et 8 de la décision) n'est pas tant un manque de description du procédé revendiqué que l'absence d'une preuve non-ambiguë que la mise en oeuvre du procédé des revendications présentes résulte en une stimulation ou une inhibition de la synthèse dune protéine donnée, car la variation de la concentration de la protéine en question en fonction de l'exposition à la protéodie utilisée n'avait jamais été déterminée, ni dans la demande présente, ni dans les expériences complémentaires soumises avec la lettre du 6 février 2002.
4. Pour remédier à cet état de fait, le requérant a soumis avec son mémoire de recours les annexes I à VII, décrivant des expériences faites en suivant les principes définis dans la demande présente et qui constituent donc des tentatives de réaliser de bonne foi l'invention telle que revendiquée.
5. Parmi celles-ci, l'annexe IV montre que l'exposition de Vibrio fischeri à une protéodie correspondant à la séquence des protéines codées par les gènes LuxA et LuxB résulte en une augmentation de la réaction lumineuse directement proportionnelle à la durée d'exposition à la protéodie. Dans la mesure où les gènes LuxA et LuxB sont directement responsables de la luminescence dans cet organisme, la détermination de la réaction lumineuse est aussi une mesure de la concentration des protéines codées par ces gènes. Ainsi, bien qu'étant indirecte, cette détermination permet d'établir sans ambiguïté un lien causal entre l'exposition à la protéodie et la stimulation de la synthèse protéique.
6. L'annexe V montre (en particulier, à la page 4) l'inhibition de la synthèse de l'IL-2 (interleukine 2) dans une lignée de cellules leucémiques humaines (cellules Jurkat) en réaction à l'exposition à une suite musicale dont les notes sont en opposition de phase à la protéodie stimulant la synthèse de l'IL-2. L'annexe V démontre ainsi, sans ambiguïté, par mesure directe de la concentration de l'IL-2, l'existence d'une relation causale entre l'exposition à la suite musicale et l'inhibition de la synthèse de l'IL-2.
7. L'annexe VI, quant à elle est supposée démonter l'objet des revendications 4 et 5, c'est-à-dire la stabilisation de la stimulation de la synthèse protéique à l'aide dune transposition lumineuse colorée. Elle décrit une étude faite sur vingt personnes soumises aux transpositions musicales et colorées du cytochrome C et rapporte leurs réactions subjectives, ce qui est dit être une pratique courante en psychologie et jugée fiable (première page, deuxième paragraphe). Les dites personnes ont écouté la protéodie du cytochrome C dont ils ont regardé ensuite la transposition colorée et la protéodie leur a été diffusée une seconde fois. A chaque écoute de la protéodie ou vision de sa transcription colorée les réactions subjectives de ces personnes ont été enregistrées et les Tableaux I et II montrent une diminution de la réaction positive à la musique du cytochrome C après présentation de la transcription colorée correspondante (voir aussi le paragraphe 3 à la deuxième page). Ce résultat est interprété à la page 4 (premier paragraphe) comme démontrant la stabilisation par la transposition colorée de l'effet de la protéodie du cytochrome C. Bien que la concentration du dit cytochrome C n'ait pas été déterminée, au vu des principes décrits dans la demande présente et confirmés par les annexes IV et V (cf. supra, points 5 et 6), la protéodie ayant été dérivée de la séquence du cytochrome C, son effet ne peut être que la stimulation de la synthèse de cette protéine. Il ressort donc de cette étude que l'effet de la protéodie, c'est- à-dire dans le cas présent la stimulation de la synthèse du cytochrome C, est stabilisé par la transcription colorée de cette séquence musicale.
8. Par ailleurs, la revendication 3 indique quafin dinhiber la synthèse dune protéine donnée, les notes de la séquence musicale doivent être symétriques de celles de la protéodie "stimulante" par rapport au "sol central". Une référence au "sol central" peut être trouvée dans la revendication 3 de la demande telle que déposée. Par contre, la description, à la page 7, lignes 5 à 14, et la revendication 1 parlent uniquement de "valeur centrale". La question est donc de savoir si lhomme du métier peut déduire l'expression "sol central" de "valeur centrale". La Chambre note que si l'on place les notes attribuées à chaque acide aminé dans les protéodies adaptées à la stimulation et à l'inhibition de la synthèse dune protéine donnée (page 7, lignes 5 à 20) sur un diagramme circulaire représentant les notes de la gamme tempérée, ces notes sont alors symétriques par rapport à un axe allant de sol à do# qui constitue donc la "valeur centrale" évoquée plus haut. Pour l'homme du métier, qui dans le cadre de la demande présente, doit aussi posséder des connaissances musicales, la notion de "sol central" se déduit donc sans difficulté de lexpression "valeur centrale".
9. Pour ce qui est de savoir si l'homme du métier est mis en état par la demande présente de réaliser l'invention dans tout le domaine revendiqué, la Chambre note que rien dans l'état actuel du dossier ne permet d'émettre des doutes à ce sujet.
10. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre considère donc que l'invention telle que définie dans les revendications 1 à 5. peut être reproduite sans effort excessif par l'homme du métier dans tout le domaine revendiqué et, qu'ainsi, les conditions de l'article 83 CBE sont satisfaites.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure sur la base des revendications 1 à 5.