T 1286/01 (Solution de peroxyde d'hydrogène/ATOFINA) of 29.1.2004

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2004:T128601.20040129
Date de la décision : 29 Janvier 2004
Numéro de l'affaire : T 1286/01
Numéro de la demande : 94401640.1
Classe de la CIB : A61L 2/18
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de traitement d'un article et nouvelle solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène
Nom du demandeur : Atofina
Nom de l'opposant : Kemira Chemicals Oy
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Requête principale - nouveauté - non : distinction par rapport à l'état de la technique par un paramètre de la revendication impossible du fait de la précision insuffisante dans la mesure du paramètre
Requête auxiliaire - activité inventive - oui : effet technique non évident
Exergue :

"Requête principale - nouveauté - non : distinction par rapport à l'état de la technique par un paramètre quantitatif de la revendication impossible du fait de la précision insuffisante dans la mesure" "Requête auxiliaire-activité inventive - oui : effet technique non évident"

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 0 635 273 a été délivré sur la base de la demande européenne n° 94 401 640.1.

Le brevet a été délivré avec 17 revendications dont une revendication indépendante relative à un procédé de traitement d'un article par aspersion et une revendication indépendante relative à une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène.

Le libellé des revendications indépendantes 1 et 12 sénonçait :

"1. Procédé de traitement d'un article par aspersion sur l'une au moins de ses surfaces d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène caractérisé en ce que ladite solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène aspergée est stabilisée exclusivement par un acide phosphonique organique."

"12. Solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène de haute pureté, stabilisée exclusivement par un acide phosphonique organique, caractérisée en ce que le pH apparent de ladite solution est inférieur à 3, de préférence compris entre 1 et 2,7, le résidu obtenu après évaporation à 110°C est supérieur ou égal à 20. mg/kg et inférieur à 100 mg/kg et, de préférence, inférieur ou égal, à 50 mg/kg et la conductivité est comprise entre 60 µS/cm et 100 µS/cm, de préférence 80. µS/cm."

II. La requérante (opposante) a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100a) de la CBE en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive.

Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours de la procédure d'opposition et de recours :

(1) WO-A-9001034

(3) GB-A-2199245

(4) Kirk-Othmer, Encyclopedia of Chemical Technology, Third Ediditon, Vol. 13, p. 12-15.

(5) Technical bulletin, # 53-48(E) ME1, Dequest Phosphonates by Monsanto, 1991.

III. La Division d'opposition a maintenu le brevet européen n° O 635 273 sous une forme amendée par sa décision prononcée le 11 septembre 2001.

La revendication 1 du jeu de revendications maintenu par la Division d'opposition se distinguait de celle telle que délivrée par l'introduction de la caractéristique technique précisant "que [le] résidu sec [de la solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène] mesuré après évaporation à 110°C est inférieur à 100 mg/kg".

Selon elle, ni le document (1)), ni aucun des autres documents disponibles ne divulguaient une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée par un acide phosphonique organique ayant un résidu obtenu après évaporation à 110°C supérieur ou égal à 20 mg/kg et inférieur à 100 mg/kg ainsi qu'une conductivité comprise entre 60 µS/cm et 100 µS/cm.

Elle a donc considéré que l'objet des revendications était nouveau.

Concernant l'activité inventive, elle était de l'avis que rien dans l'état de la technique ne rendait évident le choix de ces paramètres pour une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée par un acide phosphonique organique dans le but de résoudre le problème d'encrassement des systèmes d'aspersion lors des traitements d'articles par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée.

IV. La requérante (opposante) a introduit un recours contre cette décision.

V. Une procédure orale devant la Chambre de recours sest tenue le 29 janvier 2004. Au cours de la procédure orale, l'intimée (titulaire du brevet) a déposé une requête auxiliaire dans laquelle les revendications de produit, à savoir les revendications 12 à 17, avaient été supprimées.

VI. La requérante a fait valoir que l'exemple 15 du document (1) divulguait toutes les caractéristiques du produit selon la revendication 12 du jeu de revendications tel que maintenu par la Division d'opposition de sorte que ce document anticipait l'objet de la requête principale.

Concernant la requête auxiliaire, elle était d'avis que la combinaison du document (3) qui divulguait un procédé de traitement d'un article par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène avec le document (1) qui décrivait une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée par un acide phosphonique organique selon le brevet attaqué rendait évident l'objet de cette requête.

VII. L'intimée a fait observer qu'à son avis l'exemple 15 du document (1) ne décrivait pas une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène selon le brevet contesté puisque ce dernier ne divulguait ni que le résidu de la solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène obtenu après évaporation à 110°C était supérieur ou égal à 20 mg/kg et inférieur à 100 mg/kg, ni que sa conductivité était comprise entre 60 µS/cm et 100 µS/cm.

Concernant l'attaque d'activité inventive à l'encontre du procédé de la requête auxiliaire, elle était de l'avis que la combinaison invoquée par la requérante était le résultat d'une analyse ex post facto puisque rien ne poussait l'homme du métier à effectuer une telle combinaison dans le but de résoudre le problème d'encrassement des systèmes d'aspersion lors des traitements d'articles par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée puisque l'état de la technique disponible ne traitait pas de ce point.

VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n° 0 635 273.

L'intimée demande le rejet du recours ou le maintien du brevet sur la base de la requête auxiliaire déposée durant la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Article 123 CBE

Aucune objection au titre de l'article 123(2) n'a été soulevée à l'encontre des diverses requêtes présentées par l'intimée. Par ailleurs, les divers amendements ne conduisent pas à une extension de la protection. Les exigences de l'article 123 de la CBE sont de ce fait respectées.

3. Requête principale

3.1. Nouveauté

3.1.1. Le jeu de revendications tel que délivré comporte, outre des revendications de procédé, des revendications concernant des produits. Il s'agit là des revendications conférant la protection la plus large qu'il convient donc de considérer en priorité.

Ainsi, la nouveauté de la revendication indépendante 12 concernant une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène stabilisée par un acide phosphonique organique doit être abordée au vu de la divulgation du document (1) cité par la requérante.

L'exemple 15 du document (1) décrit une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène, stabilisée exclusivement par un acide phosphonique organique (à savoir l'hexacyclenemthylenephosphonate ou HCMP), caractérisée en ce que le pH apparent de ladite solution est inférieur à 3 (à savoir 1.0).

3.1.2. De l'avis de l'intimée, la preuve que le résidu de cette solution obtenu après évaporation à 110°C est bien supérieur ou égal à 20 mg/kg et inférieur à 100 mg/kg et que la conductivité est bien comprise entre 60 µS/cm et 100 µS/cm, de référence 80 µS/cm , n'ayant pas été apportée, il ne peut être conclu à un manque de nouveauté ; ces caractéristiques particulières constituant précisément des éléments de différence.

Il est certes juste que la solution décrite dans lexemple 15 du document (1) contient 100 ppm de stabilisateur ce qui implique en théorie que le résidu après évaporation devrait donc contenir 100 mg de substance provenant du stabilisateur et que dans ce cas, cette quantité ne serait pas comprise dans la fourchette "supérieur ou égal à 20 mg/kg et inférieur à 100 mg/kg" de la revendication 12.

De l'avis de la Chambre, il est cependant invraisemblable, compte tenu de la précision des mesures de pesée dans le cas présent, que l'homme du métier puisse distinguer une quantité de 100 mg d'une quantité infinitésimalement inférieure à 100 mg. En effet, comme le montre l'exemple 1 du brevet contesté lui-même dans lequel une quantité de 26 ppm de stabilisateur introduit dans la solution a conduit à un résidu de 20 mg/kg (soit environ 23 % de moins que la quantité théorique prévue), la précision des mesures ne permet pas en l'occurence de se différencier de la solution de l'exemple 15 par ce paramètre de la revendication contestée.

L'argument de l'intimée avancé au cours de la procédure orale selon lequel la solution de peroxyde d'hydrogène pourrait ne pas être pure et rajouter ainsi par ses impuretés de la matière au résidu ne peut pas être suivi par la Chambre en l'absence d'élément plus concret. Et ce, d'autant plus que la requérante affirme pour sa part, au contraire, que l'indication d'une teneur en eau oxygénée de 70 % dans l'exemple 15 est une indication pour l'homme du métier qu'il s'agit d'une solution pure.

Concernant la seconde caractéristique technique relative à la conductivité de la solution aqueuse, la Chambre note que le brevet en cause est silencieux aussi bien quant à la signification technique de cette mesure pour la solution revendiquée que quant aux mesures nécessaires pour obtenir les valeurs choisies dans la revendication 12. Dans ces conditions, aucun autre élément ne permettant de distinguer, par ailleurs, la solution selon l'exemple 15, dune part, et selon le brevet, dautre part, la Chambre n'a aucune raison de douter que la solution divulguée dans l'exemple 15 ne remplit pas également cette dernière condition.

Au vu de ce qui précède, la Chambre conclut au manque de nouveauté de la revendication indépendante 12 du jeu de revendications de la requête principale.

Dans ces circonstances, il ny a pas lieu de considérer les autres revendications de cette requête et il ne peut donc être fait droit à cette requête.

4. Requête auxiliaire

4.1. Nouveauté

La nouveauté du procédé selon la revendication 1 de cette requête n'a pas été mise en cause et la Chambre n'a pas de raison de soulever d'objection.

4.2. Activité inventive

4.2.1. Le brevet décrit un procédé de traitement d'un article par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène laquelle est stabilisée exclusivement par un acide phosphonique organique (page 2, lignes 48 à 51).

La Chambre considère que le document (3), qui décrit Bgalement un procédé de traitement d'un article par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène, constitue l'état de la technique le plus proche du brevet attaqué (page 1, lignes 1 à 17).

4.2.2. Le problème à résoudre par rapport au document (3) consistait donc à trouver un procédé de traitement d'un article par aspersion d'une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène employant un solution stable permettant un entretien réduit de l'appareillage d'aspersion.

Il est manifeste, au vu de l'exemple 1 et des essais comparatifs 2 et 3 du brevet en cause, que le problème a bien été résolu par le procédé objet de la revendication 1.

En effet, il ressort clairement de ces essais comparatifs que l'utilisation des stabilisateurs selon le brevet en cause permet de nettoyer le système d'aspersion une fois par semaine au lieu d'une fois toutes le 24 heures comme c'est le cas avec d'autres stabilisateurs usuels (exemples 1 à 3).

A ce sujet, la Chambre constate que la requérante n'a jamais mis en cause le fait que ce problème ait bien été résolu.

4.2.3. La question qui se pose à présent est donc de savoir si la solution revendiquée, à savoir l'utilisation d'un acide phosphonique organique comme unique stabilisateur, découlait à l'évidence de l'état de la technique pour l'homme du métier.

Parmi les documents de l'état de la technique disponibles, le document (1) est le document faisant état précisément de l'utilisation d'un acide phosphonique organique comme unique stabilisateur (cf. point 3 ci-dessus) que celle utilisée dans le brevet en cause dans des applications similaires, à savoir l'industrie alimentaire (document (1), page 4, lignes 34 à 36 ; brevet, page 3, lignes 56 et 57).

La Chambre de Recours ne voit cependant pas comment et pourquoi l'homme du métier aurait été incité à utiliser précisément cette solution plutôt qu'une autre dans le procédé décrit dans le document (3) afin de résoudre les problèmes de grippage et de bouchage du dispositif d'aspersion dans la mesure où ce problème n'est nullement évoqué ou suggéré dans les documents disponibles.

4.2.4. De l'avis de la requérante, il était manifeste au vu du document (4) que les stannates qui forment des complexes colloïdaux, n'étaient pas de bons candidats pour résoudre le problème posé (page 14, paragraphe 5).

D'autre part, comme les stabilisateurs selon de brevet en cause sont connus pour agir selon un mécanisme différent de celui des stannates (à savoir par formation de complexe avec les impuretés) et que, de surcroit, ils sont connus pour être compatibles avec une utilisation dans l'industrie alimentaire, l'homme du métier aurait donc immédiatement combiné le document (4) (page 14, paragraphe 5) avec le document (1) (page 4, lignes 34 à 36) pour aboutir à l'objet du procédé selon le brevet en cause.

La Chambre ne conteste pas le caractère a priori manifestement désavantageux de certaines classes de stabilisateurs comme les stannates, ni le caractère connu des phosphonates au vu des documents (1) et (4). La question qui se pose n'est cependant pas seulement de savoir si les stabilisateurs préconisés par le brevet attaqué sont connus en soi ou compatibles avec les produits alimentaires et encore moins de savoir que certaines classes sont, de prime abord, de moins bons candidats. La question pertinente est, en fait, de savoir si l'adjonction de la classe de stabilisateurs particuliers préconisée par le brevet attaqué était évidente au vu du problème posé.

A ce sujet, la Chambre ne peut que constater que l'homme du métier n'avait à sa disposition dans l'état de la technique disponible, avant la lecture du brevet contesté, aucun élément qui laurait poussé à utiliser pécisément la famille de stabilisateurs décrite dans le brevet plutôt que d'autres stabilisateurs formant également des complexes avec les impuretés. En effet, comme l'a par ailleurs accepté la requérante au cours de la procédure orale, ni le document (4), ni aucun autre état de la technique disponible ne font état de propriétés concernant ces composés qui laisseraient entrevoir, pour l'homme du métier, l'utilisation avantageuse par rapport à la durée d'utilisation de l'appareillage d'aspersion divulguée par le brevet.

La seule information contenue dans le document (4) selon laquelle le pyrophosphate de sodium stabilise les solutions de peroxyde d'hydrogène par formation de complexes avec les impuretés contenues dans la solution ne permet, en effet, pas de prévoir les propriétés avantageuses ou désavantageuses par rapport aux problèmes d'encrassage et de bouchage de pièces mécaniques que pourraient présenter les phosphonates organiques selon le brevet contesté lors de leur utilisation dans un dispositif d'aspersion.

Il s'ensuit que la combinaison avancée par la requérante procède manifestement d'une analyse ex post facto qui n'est pas permise dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive.

Concernant la seconde ligne d'argumentation développée par la requérante selon laquelle la combinaison du document (1) et (3) était évidente du fait que l'homme du métier cherchant un stabilisateur acceptable dans l'industrie alimentaire n'aurait eu guère d'autres choix que les stabilisateurs selon le brevet en cause au vu du document (5), la Chambre note que cette affirmation qui a été avancée pour la première fois au cours de la procédure orale n'est d'une part, pas étayée par une documentation adéquate et suffisante et, d'autre part, contestée par l'intimée.

De fait, la seule information contenu dans le document (5) (page 15, tableau V) indiquant, en dehors de tout contexte avec le problème de la stabilisation de solution aqueuse de peroxyde d'oxygène, que certains phosphonates ont été autorisés dans certains pays pour être utilisés dans l'industrie alimentaire n'ajoute rien de plus à la divulgation du document (1) qui divulguait déjà cette compatibilité comme cela a été dit ci-dessus, et ne démontre en tout cas pas que l'homme du métier ne disposait pas d'autres stabilisateurs utilisables dans l'industrie alimentaire.

En conséquence de ce qui précède, la Chambre conclut que lhomme du métier qui se serait proposé de mettre au point un procédé utilisant une solution aqueuse de peroxyde d'oxygène stable permettant un entretien réduit du dispositif d'aspersion ne disposait daucun élément lui permettant daboutir de manière évidente et immédiate au procédé du brevet attaqué préconisant l'utilisation exclusive d'un acide phosphonique organique comme stabilisateur.

L'objet de la revendication 1 et de ses revendications dépendantes 2 à 11, satisfait donc aux exigences de l'article 56 de la CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base de la requête auxiliaire avec une description adaptée.

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