T 0918/00 (Composition de teinture/L'OREAL) of 30.8.2005

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2005:T091800.20050830
Date de la décision : 30 Août 2005
Numéro de l'affaire : T 0918/00
Numéro de la demande : 96402022.6
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant de la 2-amino 3-hydroxy pyridine et une base d'oxydation, et procédé de teinture
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : 1. KPSS - Kao Professional Salon Services GmbH
2. Henkel KGaA
3. The Procter & Gamble Co.
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 104
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 R 64
Mot-clé : Recevabilité du recours - oui: exigences de fond et formes remplies
Recevabilité de la requête principale - oui: réponse directe à une objection
Article 123(2) CBE - oui: disclaimer conforme à G 0001/03
Renvoi de l'affaire - oui: motifs non examinés
Décision relative aux frais - non: pas d'abus de procédure
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/03
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante est titulaire du brevet européen n° 766 958, comportant quinze revendications, délivré sur la base de la demande de brevet européen n° 96 402 022.6, laquelle bénéficiait de la priorité d'une demande française du 6 octobre 1995. La revendication 1 du brevet tel que délivré est libellée comme suit :

1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :

- de la 2-amino 3-hydroxy pyridine et/ou au moins l'un de ses sels d'addition avec un acide, à titre de coupleur,

- et au moins une base d'oxydation choisie parmi :

(a) les dérivés de paraphénylènediamine de formule (I), et leurs sels d'addition avec un acide :

FORMULE (I)

dans laquelle :

R1, R2 et R3, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène, un radical alkyle en C1-C4, alcoxy en C1-C4, sulfo, carboxy, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4,

R4 et R5, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en C1-C4, polyhydroxyalkyle en C2-C4, alcoxy(C1-C4)alkyle(C1-C4), carbamylalkyle en C1-C4, mésylaminoalkyle en C1-C4, acétylaminoalkyle en C1-C4, uréidoalkyle en C1-C4, carbalcoxy(C1-C4)aminoalkyle(C1-C4), sulfoalkyle en C1-C4, pipéridinoalkyle en C1-C4, morpholinoalkyle en C1-C4, ou bien encore R4 et R5 forment, conjointement avec l'atome d'azote auquel ils sont liés, un hétérocycle pipéridino ou morpholino ;

étant entendu que :

- au moins un des radicaux R1, R2, R3, R4 et R5 est différent d'un atome d'hydrogène,

- lorsque les radicaux R4 et R5 représentent simultanément un atome d'hydrogène et que deux des radicaux R1, R2 et R3 désignent simultanément un atome d'hydrogène, alors le radical R1, R2 ou R3 restant, ne désignant pas un atome d'hydrogène, est différent d'un radical méthyle,

- lorsque R4 et R5 ne représentent pas simultanément un atome d'hydrogène, alors un au moins des radicaux R1, R2 et R3 doit représenter un atome d'hydrogène ;

(b) les para-aminophénols, et leurs sels d'addition avec un acide.

II. Les intimées I1, I2 et I3 (respectivement opposantes O1, O2 et O3) ont formé opposition en demandant la révocation de l'ensemble du brevet européen pour absence de nouveauté et d'activité inventive, en application de l'article 100a) CBE.

Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours des procédures d'opposition et de recours :

(1) EP-A-0 615 743

(11) EP-A-0 709 365 (déposé le 9 octobre 1995 sous priorité allemande du 27 octobre 1994 et désignant les états DE, FR, GB)

III. Par décision, prononcée à la clôture de la procédure orale du 4 juillet 2000, la division d'opposition a révoqué le brevet en cause.

Dans l'exposé des motifs de la décision attaquée, elle a conclu que l'objet revendiqué par le brevet était anticipé par la divulgation du document (1), notamment par les exemples 8, 16 et 17 de la description.

Elle a en outre considéré que la demande européenne interférente (11), était également destructrice de nouveauté pour ce qui concernait les états contractants y désignés DE, FR et GB.

La Division d'Opposition était d'avis que les requêtes auxiliaires 1 et 2 contrevenaient aux exigences de l'article 123(2) en ce que les disclaimers y introduits pour se démarquer des documents (1) et (11) n'étaient pas conformes aux critères établis par la jurisprudence.

Le libellé de la revendication 1 de la requête auxiliaire 2 pour les seuls états désignés DE, FR et GB était le suivant :

"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :

- de la 2-amino 3-hydroxy pyridine et/ou au moins l'un de ses sels d'addition avec un acide, à titre de coupleur,

- et au moins une base d'oxydation choisie parmi :

(a) les dérivés de paraphénylènediamine de formule (I), et leurs sels d'addition avec un acide :

FORMULE (I)

dans laquelle :

R1, R2 et R3, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène, un radical alkyle en C1-C4, alcoxy en C1-C4, sulfo, carboxy, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4,

R4 et R5, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, polyhydroxyalkyle en C2-C4, alcoxy(C1-C4)alkyle(C1-C4), carbamylalkyle en C1-C4, mésylaminoalkyle en C1-C4, acétylaminoalkyle en C1-C4, uréidoalkyle en C1-C4, carbalcoxy(C1-C4)aminoalkyle(C1-C4), sulfoalkyle en C1-C4, pipéridinoalkyle en C1-C4, morpholinoalkyle en C1-C4, ou bien encore R4 et R5 forment, conjointement avec l'atome d'azote auquel ils sont liés, un hétérocycle pipéridino ou morpholino ;

R4 et R5 différents représentent un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle C1-C4 ; R4 et R5 identiques représentent monohydroxyalkyle en C1-C4

[disclaimer par rapport au document (1) en plus de la suppression de la définition "monohydroxyalkyle en C1-C4 " dans la liste des définitions ci-dessus],

étant entendu que :

- au moins un des radicaux R1, R2, R3, R4 et R5 est différent d'un atome d'hydrogène,

- lorsque les radicaux R4 et R5 représentent simultanément un atome d'hydrogène et que deux des radicaux R1, R2 et R3 désignent simultanément un atome d'hydrogène, alors le radical R1, R2 ou R3 restant, ne désignant pas un atome d'hydrogène, est différent d'un radical méthyle,

- lorsque R4 et R5 ne représentent pas simultanément un atome d'hydrogène, alors un au moins des radicaux R1, R2 et R3 doit représenter un atome d'hydrogène ;

(b) les para-aminophénols, et leurs sels d'addition avec un acide ;

la composition étant différente d'une composition donnant une coloration blond foncé rouge cuivré contenant du 1,2 propylèneglycol, un matériau 15074, une composition de colorants contenant le p-aminophénol à 0,011% en poids, du sulfate de 2-chloro 1,4-diaminobenzene à 0.595%, du dichlorhydrate de paraphenylenediamine à 0,32%, du 2-amino 3-hydroxypyridine à 0,38% et des colorants dénommés 1760, 1738 et 1749, un matériau 11178, 11439, 15075, 15078 de l'ammoniac à 25%, de l'eau déminéralisée, de l'EDTA tétraiodique, du sulfate de sodium et du parfum, le pH étant de 10.20, la composition étant différente d'une composition contenant les produits 11362, 11954, 11969, 15202, 11122, 11192, 11337, 11561, 11038, 11640, 13041 du produit ammoniumcarbopol-LSG 1%, du monostéarate de glcycérine NSE, de l'alcool éthylique, du laureth 3, 0,2% de chaux à 50%, 0,3% d'huile essentielle 12068, 8% d'ammoniaque à 25%, 0.172% de 2-amino-3- hydroxypyridine, 0.4145% de 1Beta hydroxyéthyl 2-5 diaminobenzène sulfate, 0.08% de HCred 3, 0.4% de 3 nitro - 4 aminophénol et 0,25% de gel de silice

[disclaimer par rapport à un usage antérieur] ;

sous réserve qu'il ne s'agit pas d'une composition qui engendre par oxydation à l'air une coloration des cheveux par oxydation, sous la forme d'une crème, d'une solution, d'une mousse ou d'un gel contenant le 3-méthyl 4-aminophénol, le m-aminophénol, le 2-hydroxy 4-aminotoluène et la 2-amino 3-hydroxypyridine ou bien le 3-méthyl-4-aminophénol, la 2-méthylrésorcine, le m-aminophénol, la p-toluylènediamine, le 2-hydroxy 4-aminotoluène et la 2-amino 3-hydroxypyridine et comme catalyseur d'oxydation pour l'oxydation à l'air du chlorure de Cuivre (II) 1,2-diaminoethane, du chlorure de Cuivre (II)-1,10-phénantroline, du sulfate de Cuivre (II) tétramine, du glycinate de Cuivre (II) utilisés seuls ou en mélange et de préférence dans une proportion de 0,005 à 0,5% en poids par rapport au poids de la composition

[disclaimer par rapport à la divulgation des revendications 8 et 9 du document (11)]."

En outre, la revendication 2 avait été rendue indépendante et ne contenait pas le disclaimer propre à la démarquer de la divulgation du document (1).

La requête auxiliaire 2 pour les états désignés AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL, SE se distinguait de celle-ci en ce qu'elle ne comportait pas de disclaimer la démarquant du document (11).

La Division d'Opposition a également refusé, à la fin de la procédure orale, d'admettre dans la procédure une requête auxiliaire supplémentaire, correspondant à la requête auxiliaire 2 dans laquelle les définitions des substituants R4 et R5 introduites pour se délimiter par rapport au document (1) auraient été supprimées, motif tiré de ce que cette dernière était présentée à un stade tardif.

IV. La requérante a formé un recours contre cette décision de la Division d'Opposition.

Le mémoire exposant les motifs du recours portait requête principale en ces termes :

"Cette requête correspond à la requête auxiliaire qui avait été rejetée comme tardive et comme ne répondant pas aux conditions des articles 84 et 123(2) CBE.

Cette requête ne comporte pas les disclaimers relatifs aux utilisations publiques antérieures pour les raisons précitées [ie dans le mémoire de recours].

Pour AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL, et SE la requête ne comprend pas de disclaimer et la formule des composées est définie de façon positive, l'une des significations de R4 et R5a été supprimée. La revendication 2 est maintenant indépendante.

Pour DE, FR et GB, la revendication 1 comporte un disclaimer par rapport au document O11 [11] qui est cité sur la base de l'article 54(3) CBE. Elle exclut les associations divulguées aux revendications 8 et 9."

V. Au cours de la procédure orale tenue devant la Chambre de recours le 30 août 2005, la requérante a déposé à titre de seule requête, un jeu modifié des revendications 1 à 15, pour DE, FR et GB d'une part, et pour AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL et SE d'autre part.

Dans ces dernières versions, les revendications 3 à 15 sont identiques aux revendications telles que délivrées et ordonnées de même.

La revendication 1 pour les états désignés DE, FR et GB a été modifiée en vue de tenir compte d'une objection soulevée par la Chambre notamment à l'égard du disclaimer introduit à telle fin de la rendre nouvelle envers le document (11).

Cette revendication 1 s'énonce comme suit :

"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :

- de la 2-amino 3-hydroxy pyridine et/ou au moins l'un de ses sels d'addition avec un acide, à titre de coupleur,

- et au moins une base d'oxydation choisie parmi :

(a) les dérivés de paraphénylènediamine de formule (I), et leurs sels d'addition avec un acide :

FORMULE (I)

dans laquelle :

R1, R2 et R3, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène, un radical alkyle en C1-C4, alcoxy en C1-C4, sulfo, carboxy, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4,

R4 et R5, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, polyhydroxyalkyle en C2-C4, alcoxy(C1-C4)alkyle(C1-C4), carbamylalkyle en C1-C4, mésylaminoalkyle en C1-C4, acétylaminoalkyle en C1-C4, uréidoalkyle en C1-C4, carbalcoxy(C1-C4)aminoalkyle(C1-C4), sulfoalkyle en C1-C4, pipéridinoalkyle en C1-C4, morpholinoalkyle en C1-C4, ou bien encore R4 et R5 forment, conjointement avec l'atome d'azote auquel ils sont liés, un hétérocycle pipéridino ou morpholino ;

étant entendu que :

- au moins un des radicaux R1, R2, R3, R4 et R5 est différent d'un atome d'hydrogène,

- lorsque les radicaux R4 et R5 représentent simultanément un atome d'hydrogène et que deux des radicaux R1, R2 et R3 désignent simultanément un atome d'hydrogène, alors le radical R1, R2 ou R3 restant, ne désignant pas un atome d'hydrogène, est différent d'un radical méthyle,

- lorsque R4 et R5 ne représentent pas simultanément un atome d'hydrogène, alors un au moins des radicaux R1, R2 et R3 doit représenter un atome d'hydrogène ;

(b) les para-aminophénols, et leurs sels d'addition avec un acide ;

sous réserve qu'il ne s'agit pas d'une composition pour la teinture des cheveux contenant la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, du m-aminophénol, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine ou bien la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, de la 2-méthylrésorcine, du m-aminophénol, de la paratoluylènediamine, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine [disclaimer par rapport au document (11)]."

Dans la revendication redevenue désormais dépendante 2, les cinq paraphénylènediamines qui n'étaient plus couvertes par la formule générale (I), du fait de la suppression de la définition "monohydroxyalkyle en C1-C4" pour les substituants R4 et R5, ont été supprimées.

La requête principale pour les états désignés AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL, SE se distingue de celle dessus en ce qu'elle ne comporte pas le disclaimer la démarquant du document (11).

VI. Dans ses moyens produits au cours de la procédure, la requérante a fait valoir que son recours était recevable car, en dépit du fait qu'aucun jeu de revendications ne fût joint à son mémoire de recours, les contenus et portées de celles-ci étaient néanmoins clairement identifiables à la lecture de sa requête principale telle que figurant page 5, paragraphes 1 à 4, dudit mémoire.

Elle a également argumenté que le jeu de revendications pour les états désignés DE, FR et GB produit en cours de procédure orale ne saurait être considéré comme tardif puisque constituant une réponse à une objection soulevée par la Chambre et reprenant dans son essence tel disclaimer même que celui de la requête auxiliaire 1 présentée devant la Division d'Opposition et refusée par celle-ci. Selon elle, la décision négative de la Division d'Opposition, lui interdisait "de facto" de réintroduire un disclaimer similaire avant même que de connaître l'analyse du document (11) faite par la Chambre, égard pris notamment compte tenu du contexte particulier de la jurisprudence relative aux "disclaimer", disputée alors et ayant abouti à la saisine de la Grande Chambre de recours, puis à la décision G1/03.

Sur le fond, elle a estimé que ce nouveau disclaimer était de nature à supprimer de façon adéquate de la portée de la revendication principale l'objet du document interférant (11) qui l'anticipait.

Concernant les objections soulevées par les intimées (2) et (3) et relatives à l'abus de procédure et la répartition des coûts à sa charge, la requérante a essentiellement soutenu d'une part, qu'elle s'était attachée de bonne foi à satisfaire toutes les exigences de la Division d'Opposition et, d'autre part, que la jurisprudence des "disclaimer" n'était alors pas clarifiée ainsi qu'il ressort de la saisine de la Grande Chambre de recours à ce sujet comme des hésitations même de la Division d'Opposition qui, tour à tour, acceptait puis refusait un même disclaimer.

VII. Les arguments des intimées au cours de la procédure de recours se peuvent résumer ainsi :

Le recours ne serait pas recevable du fait de l'absence de tout jeu de revendications concret et identifiable qui fût joint au mémoire de recours, en violation des exigences de la règle 64(b) de la CBE ; la mesure dans laquelle la modification ou la révocation de la décision attaquée est demandée n'en étant pas indiquée, ni déductible.

La requête présentée au cours de la procédure orale ne serait pas recevable car tardive puisqu'elle visait à établir la nouveauté par rapport à un document, le document (11) déjà présent et opposé à ce titre dans la procédure devant la Division d'Opposition.

En outre, le disclaimer introduit dans la revendication 1 par rapport à ce document ne serait pas acceptable en ce qu'il irait au-delà du contenu que ce dernier divulgue. Aucune objection de fond n'a cependant été soulevée à l'encontre de ce jeu de revendications qui affectât sa nouveauté par rapport aux documents (1) et (11).

Les intimées (2) et (3) ont sollicité pour leur part une répartition des frais à la charge de la requérante du chef de sa conduite abusive, car celle-ci eût pu leur éviter cette procédure de recours si elle avait d'emblée présenté la restriction adéquate de la portée de la protection recherchée par rapport aux documents (1) et (11).

Aucune objection n'a été soulevée à l'encontre du jeu de revendications pour les états désignés AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL, SE produit au cours de la procédure orale en ce qui concerne tant leur conformité aux exigences de l'article 123(2) de la CBE que leur nouveauté par rapport au document (1).

VIII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement des requêtes principales déposées pendant la procédure orale :

A) Pour les états désignés : DE, FR, GB. Revendications 1. à 15.

B) Pour les états désignés : AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL, SE. Revendications 1 à 15.

Elle a requis le renvoi à la première instance pour être statué sur les objections de défaut de nouveauté et d'activité inventive subsistantes.

Les intimées demandent le rejet du recours, et que les coûts des procédures de première instance et d'appel soient mis à la charge de la requérante (O2 et O3). Elles ont requis le renvoi à la première instance, au cas où il serait fait droit au recours quant à l'objection de nouveauté tirée des documents (1) et (11), pour être statué sur les autres objections d'usage antérieur, et défaut d'activité inventive.

Motifs de la décision

Recevabilité du recours

1. Outre celles purement formelles d'observation de délais et de paiement de la taxe remplies en l'espèce, un appel est recevable dès lors que sont remplies les conditions nécessaires et suffisantes - 1) que l'appelant ait été partie à l'instance ayant abouti à la décision attaquée, 2) que celle-ci lui fasse grief, 3) que l'acte de recours indique dans quelle mesure celle-ci est entreprise et en quoi elle serait critiquable.

Or il n'est, en l'espèce, pas contesté que l'Oréal titulaire du brevet révoqué, ait de ce chef intérêt à agir, et n'est pas contestable d'une part que son mémoire de recours identifie suffisamment la portée de celui-ci dès lors que l'annulation de la décision entreprise y est requise en même temps que le maintien du brevet en la forme d'une requête auxiliaire se basant sur une refusée par l'instance première et, d'autre part, pas plus contestable que quelque puisse être leur pertinence, qui relève exclusivement du fond du droit, plusieurs griefs motivés sont articulés à l'égard de la décision attaquée.

Aller plus loin dans les exigences de forme qui seules conditionnent la recevabilité du recours reviendrait implicitement mais nécessairement à préjuger de son fondement.

Il s'en suit que le recours est recevable.

Recevabilité de la requête principale pour les états désignés DE, FR, GB

2. Au cours de la procédure orale qui s'est tenue devant la Division d'Opposition, la requérante a déposé une requête auxiliaire 1 pour les états désignés DE, FR et GB comportant un disclaimer visant à établir la nouveauté par rapport au document interférant (11).

Ce disclaimer constituait la première tentative de la requérante de se démarquer de cette antériorité produite par l'opposant O1 peu de temps avant la procédure orale et sur laquelle la Division d'Opposition n'avait jusqu'alors pas eu l'opportunité de se prononcer, ainsi que cela ressort du dossier d'opposition.

En outre, au cours de la procédure orale, la Division d'Opposition a rejeté cette requête au titre de l'article 123(2) de la CBE estimant que ce disclaimer excluait plus que le contenu de la divulgation contenu dans ce document, ce qui avait conduit la requérante à produire une seconde requête auxiliaire contenant un disclaimer plus restreint (Décision de la Division d'Opposition, page 8, point 3.6 et page).

Enfin et surtout, la Chambre constate que ce disclaimer "restreint", dont le libellé est repris au point III ci- dessus, n'a pas été contesté par la Division d'Opposition dans sa décision et que ce n'est que quelques jours avant la tenue de la procédure orale devant la Chambre de recours que l'une des intimées a soulevé une objection à l'encontre de ce disclaimer soutenant que ce disclaimer "restreint" l'était, en fait, trop au regard de la divulgation du document (11) (Conclusions de l'intimée (3) du 15 août 2005, page 9, point 39).

Dans ces circonstances, la Chambre considère que la requérante se trouvait en droit de déposer au moins un jeu de revendications constitutif d'une réponse directe aux objections soulevées pour la première fois, soit par l'intimée (3) dans ses écrits de procédure, soit par la Chambre elle-même lors de la procédure orale.

Et attendu, que la Chambre considère que le disclaimer introduit confère à la dite revendication, la nouveauté requise, que les intimées ne l'ont en rien contesté, la décision attaquée doit être annulée à cet égard.

Article 123 (2) CBE

3. De l'avis des intimées cette requête contreviendrait aux exigences de l'article 123(2) de la CBE car, contrairement à la jurisprudence consacrée par la décision G1/03 du 8 avril 2004 (JO 2004, 413), le disclaimer contenu dans la revendication 1 exclurait outre le contenu de la divulgation du document (11).

Elles font valoir que le document (11) décrit dans ses listes 4 et 5 deux associations pour la teinture des cheveux constituées, d'une part, par la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, du m-aminophénol, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine et, d'autre part, par la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, de la 2-méthylrésorcine, du m-aminophénol, de la paratoluylènediamine, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine.

Le disclaimer introduit dans la revendication 1 exclurait, quant à lui, de part son libellé, plus que ces deux associations. A leur avis, le terme "contenant" dans le disclaimer impliquerait que d'autres ingrédients puissent être associés à ces combinaisons :

"Sous réserve qu'il ne s'agit pas d'une composition pour la teinture des cheveux contenant la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, du m-aminophénol, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine ou bien la combinaison du 3-méthyl 4-aminophénol, de la 2-méthylrésorcine, du m-aminophénol, de la paratoluylènediamine, du 2-hydroxy 4-aminotoluène et de la 2-amino 3-hydroxypyridine".

La Chambre partage totalement l'analyse que font les intimées du disclaimer de la revendication 1.

Elle considère cependant que le document (11) divulgue en fait précisément la même chose. En effet, ce document mentionne que les combinaisons connues [à savoir celles des listes 4 et 5] "trouvent leur utilisation dans la coloration des cheveux selon l'autre mode particulier de l'invention" (page 2, lignes 30 et 31).

En d'autres termes, ce document divulgue que ces combinaisons sont utilisées pour réaliser des colorants pour cheveux. L'homme du métier sait parfaitement que, pour réaliser ces colorants, il va être amené à ajouter à ces combinaisons toutes sortes d'adjuvants utilisés classiquement dans les compositions pour de telles teintures, des acidifiants ou alcalinisants pour ajuster le pH, mais aussi d'autres coupleurs ou colorants directs afin d'en faire varier les nuances de couleur.

Ainsi, le document (11) divulgue des compositions pour la teinture des cheveux dans lesquelles les combinaisons connues 4 et 5 trouvent leur utilisation dans la coloration des cheveux, ce qui revient à divulguer des compositions pour la teinture des cheveux contenant les combinaisons 4 et 5.

De même, la Chambre considère que l'homme du métier, contrairement à l'avis exprimé par les intimées, ne saurait techniquement envisager que la divulgation dans le document (11) soit limitée aux combinaisons 4 et 5 telles quelles en tant que colorants pour cheveux.

La revendication 1 pour les états désignés DE, FR et GB est donc conforme à l'article 123(2) de la CBE.

En ce qui concerne le jeu de revendications pour les états désignés AT, BE, CH, ES, IT, LI, NL et SE, la Chambre considère, et les intimées n'ont point fait d'objection à cet égard, que son objet est nouveau par rapport au document (1) et qu'il satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.

Renvoi de l'affaire pour suite à donner

4. Les intimées avaient formé opposition en demandant la révocation de l'ensemble du brevet européen pour absence de nouveauté et d'activité inventive, en application de l'article 100a) CBE. Étant donné que le brevet contesté a été révoqué par la première instance au seul motif que les requêtes présentées contrevenaient aux exigences de l'article 123(2) de la CBE et que la décision attaquée ne saurait être confirmée sur ce point au vu des nouvelles requêtes présentées au cours de la procédure orale, il y a lieu d'annuler la décision.

Dans ces conditions, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 111(1) CBE, et afin de conserver aux parties le bénéfice d'un examen des objections subsistantes relatives tant à la nouveauté qu'à l'activité inventive par deux instances, la chambre juge opportun, en accord avec les parties, de renvoyer l'affaire devant la Division d'Opposition.

Décision relative aux frais

5. En droit, l'article 104 de la CBE prévoit que chaque partie à la procédure d'opposition en supporte les frais et dépens sauf à ce que ceux-ci soient autrement partagés, par l'instance compétente au fond, dans la mesure où l'équité l'exige; tel est notamment le cas quand une partie commet un abus de procédure dont il est résulté un dommage pour une partie adverse.

En fait, l'usage qu'a fait la titulaire du brevet révoqué de son droit d'en appeler devant l'instance du second degré est exclusif d'abus.

Considérant, en outre, qu'au regard de ce qu'étaient les controverses doctrinales et jurisprudentielles relatives à l'admissibilité de principe comme à la portée du disclaimer, et ayant abouti à la décision de la Grande Chambre de recours G 0001/03, d'une part, qu'au regard précisément de ce que la présente Chambre a entièrement reformé la décision entreprise sur ce point particulier, d'autre part, la Chambre ne saurait trouver matière à répartir les coûts des deux procédures alors et surtout que ce n'est qu'à l'issue des deux instances, et donc non pas aux termes d'une appréciation "a priori" qu'il peut apparaître évident que les disclaimers envers (1) et (11) devaient avoir les libellés et portées aujourd'hui validés.

La requête sera donc rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

- Le recours est recevable,

- La décision attaquée est annulée,

- L'affaire est renvoyée à la Division d'Opposition pour poursuite de la procédure,

- La requête en répartition des coûts de la procédure est rejetée.

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