T 0341/00 (Administration sublinguale/MEDIBREVEX) of 18.11.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T034100.20031118
Date de la décision : 18 Novembre 2003
Numéro de l'affaire : T 0341/00
Numéro de la demande : 88420027.0
Classe de la CIB : A61K 39/35
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Formes galéniques d'allergènes pour administration par voie sublinguale
Nom du demandeur : MEDIBREVEX SA
Nom de l'opposant : Lab. Farmaceutico Lofarma S.r.L
Chambre : 3.3.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 105
European Patent Convention 1973 Art 114
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Observations d'un tiers - introduction dans la procédure (oui)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition en date du 18. janvier 2000 de révoquer conformément à l'article 102(1) CBE le brevet européen EP-0 278 877, ayant pour titre "Formes galéniques d'allergènes pour administration par voie sublinguale" qui était considéré contrevenir aux conditions définies dans l'article 83 CBE.

II. La Division d'opposition était arrivée à la conclusion que les deux caractéristiques considérées par le requérant comme importantes par rapport aux documents pertinents de l'art antérieur, c'est-à-dire la désensibilisation et l'administration par voie sublinguale, n'étaient pas décrites dans le brevet d'une manière suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention exposée. Le brevet n'apportait aucune indication, en ce qui concernait la désensibilisation, sur l'utilisation de doses croissantes jusqu'à une dose efficace adaptée à l'effet recherché, sur le nombre réduit d'allergènes spécifiques utilisé, et en ce qui concernait l'administration par voie sublinguale, sur la présence d'un agent de délitement et/ou d'un agent lubrifiant dans le comprimé, la taille adaptée du comprimé ou la forme adéquate des allergènes. Le brevet ne donnait des informations que sur le fait que l'allergène lyophilisé était à mettre en solution avec un solvant convenable pour obtenir une solution-mère ultérieurement diluée, ces dilutions étant ensuite utilisées pour imprégner un support solide constitué par un mélange saccharose-lactose (sans indication de constituants supplémentaires), les doses qui en résultaient devant être prises par le patient selon un schéma défini à la page 3, lignes 44 à 47 du brevet contesté. Par ailleurs, le seul exemple du brevet contesté divulguait des essais de désensibilisation par voie sublinguale menés en double aveugle contre placebo chez 60 patients souffrant d'asthme allergique et chez 30 patients atteints de rhinite per-annuelle de l'adulte, en utilisant comme allergène de la poussière de maison/acariens, et chez 30 patients atteints de pollinose, en utilisant des pollens de graminées. Se basant uniquement sur le brevet contesté, l'homme du métier ne pouvait trouver aucune indication quant à la quantité d'allergène choisi ou la nature du support.

III. Les documents suivants sont cités dans la décision présente:

(1) DD-A-0 107 208

(2) GB-A-2 099 698

(3) "Galenica 16- Médicaments homéopathiques", G. Nétien et al ed., 2ème édition, Technique et Documentation, 1986, pages 77 à 99

(4) G. K. Scadding et J. B. Brostoff, Clinical Allergy, 1986, Vol. 16, pages 483 à 491

(5) "Trattato di Farmacologia", M. Aiazzi Mancini et L. Donatelli éditeur, 2ème édition, 1969, Casa editrice Dr. Francesco Vallardi, pages 122 à 126 (et traduction en anglais des pages 122 à 123)

(6) "Compresse Farmaceutiche", E. Rotteglia éditeur, 2ème édition, 1966, Società Editoriale Farmaceutica, Milano, pages 177 et 178 (et traduction en anglais des dites pages)

(13) "The Journal of Allergy and Clinical Immunology", 1981, Vol. 67, No. 5, pages 333 à 338

(14) J. O. Warner, Clinical Allergy, 1986, Vol. 16, pages 387 à 388

(15) Clinical Allergy, 1987, Vol. 17, pages 85 à 88

(21) "Pharmaceutical Dosage Forms : Tablets", 1989, Vol. 1, 2ème édition, H. A. Lieberman et al. éditeur, Marcel Dekker, Inc., New York, Basel, pages 329, 334, 340, 354 à 359

(22) "La standardisation des préparations allergéniques", B. Guérin, thèse soutenue le 14 avril 1983

(25) "Maladies Allergiques", Pasteur Vallery-Radot et al. éd., Editions Médicales Flammarion, 1969, pages 916, 919, 919a et Table des matières (mise à jour 1969)

(26) "Allergologie", J. Charpin ed., 2ème édition, 1986, Flammarion-Médecine-Sciences, Paris, pages IX à XV, 884 à 907, 910 à 914.

(27) "L'allergie", J. Paupe, Presses Universitaires de France, 1984, pages 5, 110 et 111

(28) Catalogue Alyostal des Laboratoires des Stallergènes, 1983

(29) "Laboratoire des Stallergènes. Mise à jour du catalogue", pages 6, 7, 15 à 19.

IV. Par ailleurs, bien que n'ayant pas statué sur les articles 54 et 56 CBE, la Division d'opposition a résumé les arguments présentés par le requérant et l'intimée (l'opposant) et indiqué ses propres conclusions, qui peuvent être résumées ainsi :

Article 54 CBE

- le document (1) décrivait la préparation d'un médicament contenant des allergènes et présentant des caractéristiques le rendant apte à l'administration sublinguale, dont l'emploi dans une désensibilisation était implicite, étant donné qu'il n'était pas clair à quel autre but servirait le médicament en question. En particulier, le document (1) à la page 2, colonne 1, lignes 38 à 53 mettait l'accent sur l'importance de la résorption par la muqueuse buccale. En outre, dû au fait que le degré de salivation n'était pas contrôlable, il n'était pas, ni dans le cas du document (1), ni dans celui du brevet contesté, possible d'assurer que la dissolution complète du comprimé se fasse uniquement dans la cavité sublinguale.

Article 56 CBE

- l'état le plus proche de la technique était représenté par le document (4), décrivant l'administration sublinguale d'un allergène sous forme liquide, et le problème technique à résoudre était d'éviter les inconvénients liés à la forme galénique fluide dans le cadre d'une administration par voie orale. La solution décrite dans les revendications du brevet contesté découlait de manière évidente de la combinaison du document (4) avec n'importe lequel des documents (1), (5) ou (6) décrivant des formes galéniques solides pour l'administration sublinguale.

V. Le requérant a soumis avec son mémoire de recours une nouvelle requête principale et trois requêtes auxiliaires.

VI. L'intimée a retiré son opposition (courrier en date du 18. juillet 2000 reçu le 14 septembre 2000), acte qu'elle a justifié par le fait que les modifications apportées aux revendications par le requérant dans son mémoire de recours ne justifiaient plus le maintien de l'opposition et n'a apporté aucun autre commentaire en réponse au mémoire de recours du requérant.

VII. Un tiers, par courrier en date du 10 novembre 2003, a présenté des observations en vertu de l'article 115 CBE sur le fait que le brevet contesté ne remplissait pas les conditions de l'article 83 CBE. Ses arguments peuvent être résumés comme suit :

- le requérant introduisait dans son mémoire de recours, pour analyser les revendications, de nouvelles définitions sans base dans la description ("homme du métier", "doses progressives", "doses adaptées", "allergènes spécifiques", "allergènes en nombre réduit") qui ne faisaient pas partie des connaissances générales de l'homme du métier.

- l'homme du métier ne pouvait pas comprendre et exécuter la partie des revendications se rapportant à la désensibilisation qui n'était pas décrite de manière suffisamment claire et complète dans le brevet contesté.

- la définition de l'activité de la solution-mère à un indice de réaction de 100 était vague, confuse et ne pouvait être reproduite à partir de la description, dans la mesure où les critères de sélection des patients testés, la méthode d'appréciation de la réaction des patients dans le test et la relation entre la molécule du test et l'activité de l'histamine (la molécule de référence) n'étaient pas précisés.

- en dehors de globules de saccharose-lactose, aucun autre support n'était décrit.

- il n'était pas indiqué dans le brevet contesté comment obtenir une quantité d'allergène strictement contrôlée dans le médicament. Un tel contrôle apparaissait impossible dans la mesure où l'imprégnation de supports solides avec un allergène, en particulier par séchage, ne pouvait se faire de manière reproductible, car elle dépendait de différents paramètres du procédé ou de la matrice solide utilisée (température, pression, hydrophobicité, densité, porosité, dimension du support solide).

VIII. Une procédure orale s'est tenue le 18 novembre 2003, au cours de laquelle le requérant a soumis une nouvelle requête principale avec quatre revendications, dont la revendication 1 était formulée de la manière suivante :

"1. Utilisation d'un allergène pour la préparation d'un médicament de désensibilisation progressive par voie d'administration sublinguale, caractérisée en ce qu'une quantité ou dose strictement contrôlée dudit allergène est présente dans un support solide pharmaceutiquement acceptable et adapté à une administration par voie sublinguale".

Les revendications dépendantes 2 à 4 se rapportaient à des aspects particuliers de l'utilisation selon la revendication 1.

IX. Les arguments présentés par le requérant dans la phase écrite et lors de la procédure orale peuvent être résumés comme suit :

Article 111(1) CBE

- afin d'éviter de prolonger inutilement la procédure, la date de priorité du brevet contesté étant le 28. janvier 1987, il était demandé à la Chambre d'exercer les compétences de l'instance qui avait pris la décision attaquée et de statuer sur les questions relatives aux articles 54 et 56 CBE.

Article 105 CBE

- les observations, ayant été soumises très tardivement, ne devaient pas être prises en considération conformément à l'article 114(2) CBE.

Article 83 CBE

- la désensibilisation progressive et l'administration sublinguale, ainsi que tout élément s'y rattachant (par exemple, choix de l'allergène, dose initiale d'allergène, doses progressives, nombre d'allergènes, durée du traitement, taille et composition des comprimés, extraits allergéniques, standardisation des extraits) étaient décrits dans des manuels scolaires, des ouvrages de référence ou de vulgarisation, comme les documents (3), (21), (22) et (25) à (29).

- le brevet contesté, par ailleurs, indiquait que l'allergène lyophilisé était mis en suspension dans un solvant adapté pour obtenir une solution mère à 100 IR, comme défini dans les documents (22) et (26). La solution-mère était ensuite diluée pour préparer des globules par imprégnation sur un support solide comme le mélange saccharose-lactose contenant des quantités croissantes d'allergène permettant une désensibilisation progressive sur une période de 80 à 100 jours. Les résultats obtenus étaient appréciés par rapport à un tableau clinique (Tableaux 1 à 3), ce qui était une pratique courante dans l'art antérieur, comme indiqué par exemple dans le document (26).

Article 54 CBE

- le document (1) considérait comme essentiel d'utiliser un grand nombre d'allergènes, ne décrivait pas une administration sublinguale, mais une absorption par la muqueuse buccale et utilisait pour cela des gommes à mâcher ou des comprimés de 160 mg inadaptés par leur taille et composition à la voie sublinguale.

- le document (2) concernait une désensibilisation par inhalation des allergènes, sans rapport avec l'administration par voie sublinguale.

- le document (4) ne concernait pas la désensibilisation progressive et employait pour cela une composition d'allergènes sous forme liquide et ses résultats n'étaient pas probants (cf. documents (14) et (15)).

Article 56 CBE

- l'état de la technique le plus proche devait être recherché dans le domaine du brevet contesté, c'est-à- dire les techniques d'immunothérapie active et spécifique de désensibilisation avec utilisation d'allergènes et ayant démontré une certaine efficacité. Chacun des documents (25) et (26) pouvait constituer l'état de la technique le plus proche, dans la mesure où chacun d'eux décrivait la désensibilisation progressive par injection d'allergènes et précisait qu'il pouvait y avoir des effets secondaires notables, graves, pouvant aller jusqu'à la mort.

- le problème technique à résoudre au vu des documents (25) ou (26) était donc de mettre à la disposition du praticien une méthode dépourvue des effets secondaires susmentionnés.

- la solution décrite dans les revendications du brevet contesté ne découlait pas de manière évidente des documents (25) ou (26) considérés isolément ou en combinaison avec les documents (1) à (6) qui ne concernaient pas la désensibilisation progressive et/ou l'administration sublinguale.

X. Le requérant (titulaire du brevet) demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 4 de la nouvelle requête principale introduite pendant la procédure orale du 18 novembre 2003.

Motifs de la décision

Article 107 CBE

1. L'intimée, suite aux modifications apportées aux revendications par le requérant, a retiré son opposition (courrier du 18 juillet 2000, reçu le 14 septembre 2000) et n'est plus partie prenante à la procédure de recours.

Article 105 CBE

2. L'article 105 CBE n'impose pas à un tiers de contrainte temporelle pour soumettre ses observations. Dans la mesure où ces observations n'introduisent pas d'arguments nouveaux, mais ne font que reprendre des arguments déjà présents dans le dossier, la Chambre ne voit aucune raison s'opposant à leur introduction dans la procédure de recours.

Articles 84, 123(2)(3) CBE

3. La Chambre n'a pas d'objection concernant la clarté des revendications qui, selon elle, remplissent les conditions de l'article 84 CBE.

4. L'objet des revendications de la nouvelle requête principale se retrouve dans la demande telle que déposée. Ainsi, l'utilisation d'un allergène pour administration par voie sublinguale est mentionnée à la page 1, lignes 3 à 4, la quantité strictement contrôlée d'allergène est décrite à la page 2, lignes 18 à 26 et se déduit du paragraphe de la page 3, lignes 1 à 11 et la désensibilisation progressive est décrite à la page 3, lignes 26 à 31. L'objet des revendications dépendantes 2 à 4 se retrouve, par exemple, dans les revendications 3 et 6, à la page 3, lignes 16 à 23 et à la page 4, lignes 6 à 13 de la demande telle que déposée. La Chambre considère donc que les conditions de l'article 123(2) CBE sont satisfaites.

5. En dehors du fait qu'elles sont libellées sous la forme d'une deuxième indication médicale, les revendications 2 à 4 de la nouvelle requête principale ne diffèrent pas des revendications correspondantes telles que délivrées. Seule la revendication 1 diffère de la revendication 1 telle que délivrée par l'addition de l'adjectif "progressive" pour caractériser la désensibilisation qui introduit une limitation de l'étendue de la protection de cette dernière. Les conditions de l'article 123(3) CBE sont donc satisfaites.

Article 83 CBE

6. La Division d'opposition avait considéré dans sa décision que le brevet contesté ne décrivait pas les aspects "désensibilisation" et "administration par voie sublinguale" de manière suffisamment claire et complète pour que l'invention puisse être exécutée par un homme du métier. En particulier, un défaut de description était invoqué à l'égard de la quantité d'allergène, des constituants du support pharmaceutiquement acceptable, des dilutions en l'absence d'indication sur la quantité de départ en allergène, du mode et de la durée du traitement, des symptômes détectés et des critères pour définir des résultats positifs ou négatifs. L'intervention faite par un tiers selon l'article 105 CBE allait aussi dans ce sens.

7. En réponse à ces objections, il est loisible de noter qu'une invention s'inscrit, dans l'extrême majorité des cas, dans un contexte technologique préexistant caractérisé par des connaissances de base de l'homme du métier mentionnées dans des manuels scolaires et des ouvrages de référence ou de vulgarisation et qui n'ont pas à être répétées dans le brevet décrivant ladite invention.

8. Dans le cas présent, la désensibilisation progressive est décrite dans des ouvrages à l'usage des étudiants, comme les documents (25) et (26), ou des ouvrages de vulgarisation, comme le document (27). Ainsi le document (25), aux pages 916 et 919/919a, indique que la désensibilisation spécifique se fait avec des doses croissantes d'allergène à partir d'une dose initiale qui dépend de la sensibilité du sujet et qu'elle vise à atteindre une dose maximale qui sera répétée et constituera la dose d'entretien. Le document (26) indique à la page 896 (colonne de gauche, première phrase) que la désensibilisation spécifique est connue depuis 1911 et à la page 903 énumère les différentes méthodes de standardisation des allergènes, en particulier la standardisation par référence à l'indice de réaction, tel que défini dans le document (22) aux pages 160 à 163. Le document (26) décrit à la page 905 la manière de conduire le traitement par voie injectable et, évoquant la nature des allergènes, précise sous le titre "Association d'allergènes" que cette désensibilisation est spécifique, c'est-à-dire ne concerne qu'un seul allergène et que dans le cas de patients allergiques à différents allergènes, il vaut mieux dissocier les traitements (voir aussi page 910, colonne de gauche). Le document (26) résume à la page 906 les différentes voies d'administration (sous-cutanée, nasale, orale, intramusculaire, intraveineuse) et définit (pages 906 et 907) les critères objectifs permettant de mesurer le résultat obtenu par la désensibilisation comme étant des critères essentiellement cliniques, comme les scores cliniques, médicamenteux ou fonctionnels, ou basés sur des tests de provocation. Le document (27) quant à lui indique aussi que la désensibilisation progressive est une monodésensibilisation et que l'on doit rarement associer deux ou trois allergènes dans un même traitement. Il précise aussi qu'il n'existe pas de schéma standard de désensibilisation, dans la mesure où les doses de départ, le rythme de la progression des doses, l'intervalle entre les injections ou le maintien prolongé d'une dose efficace sont des variables dépendant de chaque patient.

9. L'administration sublinguale, quant à elle, et les produits utilisés à cette fin sont déjà décrits dans le document (5) qui indique que le produit doit être placé sous la langue jusqu'à dissolution complète. Le document (13), à la page 337 (colonne de droite) indique aussi que les produits destinés à une administration sublinguale peuvent être sous forme solide ou liquide et sont à placer sous la langue du patient. La thérapie sublinguale fait aussi l'objet du document (4) et du document (14), ce dernier commentant les résultats du document (4). Par ailleurs, le document (3) (pages 92 à 98) décrit la préparation de granules et globules homéopathiques composés de saccharose ou de lactose ou d'un mélange des deux et destinés à une administration sublinguale.

10. Par ailleurs, la demande telle que déposée décrit également la méthode de désensibilisation progressive en mettant plus particulièrement l'accent sur l'emploi de doses croissantes (page 4, lignes 11 à 16), la préparation de granules (page 3, lignes 16 à 13) et la durée du traitement (page 4, lignes 13 à 16. et 31 à 33).

11. La Chambre est donc convaincue que la demande telle que déposée, considérée en combinaison avec les connaissances de base de l'homme du métier, expose l'invention de manière suffisamment claire et complète pour que ledit homme du métier puisse l'exécuter. Les conditions définies à l'article 83 CBE sont donc satisfaites.

Article 111 CBE

12. Dans la mesure où la Chambre considère que les conditions de l'article 83 CBE sont satisfaites, la question se pose pour elle de savoir si suite doit être donnée à la demande du requérant de voir la Chambre statuer sur les questions relatives aux articles 54 et 56 CBE, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 111(1) CBE.

13. La date de priorité du brevet contesté est le 28. janvier 1987, c'est-à-dire que le brevet contesté est "vieux". Par ailleurs, si la Division d'opposition n'a pas statué sur les articles 54 et 56 CBE, elle a malgré tout mentionné de manière extensive les arguments présentés par les parties pendant la phase d'opposition et donné son opinion provisoire (pages 3 à 6 de la décision de la Division d'opposition). En outre, l'intimé a retiré son opposition et n'est plus partie prenante à la procédure et ne peut donc pas être lésé par la décision de la Chambre, quelle qu'elle soit.

14. Au vu de ces faits, la Chambre décide conformément à l'article 111(1) CBE d'exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée et de statuer sur l'affaire en vue des articles 54 et 56 CBE.

Article 54 CBE

15. Le document (1) décrit un produit, contenant un allergène, qui doit être dissout par la salive de manière à ce que ledit allergène soit absorbé par la muqueuse buccale (page 2, colonne de gauche, lignes 21 à 24). Une forme préférée de ce produit est une gomme à mâcher, dont la composition est donnée dans les exemples 2 et 3 et qui permet une absorption de l'allergène en différents points de la bouche (page 2, colonne de droite, lignes 16 à 21). L'exemple 1 décrit une autre forme dudit produit : une tablette de 160 mg. Une caractéristique essentielle du produit du document (1) est qu'il peut contenir un grand nombre d'allergènes fortement dosés, par exemple 70 ou plus (page 2, colonne de gauche, lignes 58 à 61).

16. Contrairement à la revendication 1, le document (1) ne mentionne pas la désensibilisation progressive (cf. supra point 8) qu'il ne suggère même pas, puisqu'il considère comme essentiel le fait que le produit contienne 70 allergènes et plus, ce qui est contraire aux principes de la désensibilisation progressive, comme indiqué dans les documents (26) et (27) (cf. supra, point 8). En outre, il n'a pas véritablement trait à une administration sublinguale, mais plutôt à une administration buccale, et, en accord avec ceci, décrit des produits (gomme à mâcher et tablette de 160 mg) qui, au moins par leur taille, ne sont pas adaptés à une administration sublinguale. En conséquence, la Chambre est d'avis que le document (1) ne concerne pas donc l'utilisation d'un allergène telle que définie dans les revendications de la nouvelle requête principale.

17. Par ailleurs, le document (2) concerne l'administration d'un allergène par inhalation. Le document (3) a trait à la fabrication de produits homéopathiques destinés à une administration sublinguale, mais ne mentionne pas leur emploi dans le domaine de l'allergologie. Le document (4) utilise des allergènes liquides ainsi qu'une thérapie différente de la désensibilisation progressive basée sur la prise d'une même dose quatre fois par jour. Quant aux documents (5) et (6), ils évoquent l'administration sublinguale, mais uniquement dans le cas de la nitroglycérine et de certaines hormones.

18. Au vu de ce qui précède, la Chambre est d'avis qu'aucun des documents (1) à (6) ne décrit l'objet des revendications de la nouvelle requête principale qui remplissent donc les conditions de l'article 54 CBE.

Article 56 CBE

19. Le domaine technique dans lequel se trouve l'objet du brevet contesté est la désensibilisation progressive de patients atteints de troubles allergiques. Tout document susceptible d'être considéré comme l'état de la technique le plus proche doit aussi appartenir à ce domaine.

20. Le document (4), qui avait été considéré par la Division d'opposition comme l'art antérieur le plus proche, n'a pas trait à la méthode de désensibilisation progressive, ni même à une méthode de désensibilisation en général, mais à une thérapie de la rhinite allergique (cf. supra point 17). De ce fait, il ne peut être considéré comme l'état de la technique le plus proche.

21. D'autant plus que l'art antérieur, comme l'a fait remarquer le requérant, décrit différentes méthodes de désensibilisation progressive : par injection, par voie orale, par voie buccale, parmi lesquelles seule la désensibilisation par injection, décrite par exemple dans les documents (25) et (26), a donné des résultats probants. Chacun des documents (25) et (26) peut, de l'avis de la Chambre, être considéré comme l'état de la technique le plus proche, dans la mesure où ces deux documents ont un enseignement similaire concernant la désensibilisation progressive et ses inconvénients. En effet, le document (25) indique aux pages 919 et 919a que les injections peuvent provoquer de la fatigue, une crise d'asthme ou de coryza spasmodique, une céphalée avec baisse de tension artérielle, une urticaire ou un phénomène vasomoteur de la face ou du corps. En outre, le traitement est dit à la page 919a pouvoir se prolonger "de trois ans à toute la vie", ce qui peut être considéré comme assez contraignant pour le patient et causant des coûts élevés. Le document (26), quant à lui, indique que le traitement doit être fait sous contrôle médical (page 906, colonne de gauche), car il peut donner naissance à des réactions secondaires pouvant aller jusqu'au choc anaphylactique ou entraîner la mort du patient (page 907, colonne de droite).

22. Le problème technique à résoudre au vu des documents (25) ou (26) est de débarrasser la méthode de désensibilisation progressive de ces inconvénients.

23. La solution décrite dans les revendications de la nouvelle requête principale consiste à utiliser un allergène pour préparer un médicament devant être administré par voie sublinguale. La Chambre considère au vu des exemples du brevet contesté que cette solution a bien été réalisée, dans la mesure où un effet thérapeutique est obtenu, sans apparition concomittante d'effets secondaires. En effet, le brevet contesté montre aux pages 4 et 5 les résultats de désensibilisation obtenus chez des patients asthmatiques allergiques et des patients atteints de rhinite per-annuelle. A la page 3 (lignes 32 à 45), le brevet contesté indique également la rapidité du traitement et la quasi absence d'effets secondaires.

24. Pour déterminer si cette solution répond aux conditions de l'article 56 CBE, il faut voir si elle découle de manière évidente des documents (25) ou (26), considérés séparément ou en combinaison avec d'autres documents de l'art antérieur ou les connaissances générales de l'homme du métier.

25. Aucun des documents (25) et (26) n'évoque la possibilité de faire une administration de l'allergène par voie sublinguale.

26. En ce qui concerne la possibilité d'une combinaison avec le document (1), il faut noter que ce dernier ne mentionne pas expressis verbis l'administration sublinguale et décrit, en fait, un procédé qui fait appel à une administration buccale utilisant des produits allergéniques (gomme à mâcher ou tablettes) non-adaptés à la voie sublinguale. De surcroît, le document (1) n'a pas trait à la désensibilisation progressive, puisqu'il utilise un mélange d'un nombre élevé d'allergènes, ce qui est contraire au principe de la désensibilisation progressive. En effet, le document (26) indique à la page 905, sous le titre "Association d'allergènes", que la désensibilisation est un traitement spécifique et que les mélanges de plusieurs allergènes ne sont utilisés que dans le cadre d'une désensibilisation "rush", qui représente une méthode différente de la désensibilisation progressive. Par ailleurs, le document (1) ne donne aucun exemple d'application du médicament décrit dans une thérapie ou désensibilisation quelconque, de telle manière que son efficacité dans un tel traitement n'est pas prouvée. L'homme du métier n'a donc, selon la Chambre, aucune raison de combiner l'enseignement du document (1) avec celui des documents (25) ou (26).

27. Le document (2) a trait à une méthode de désensibilisation progressive par inhalation dans le cadre d'allergies respiratoires, basée sur l'idée que l'allergène doit être apporté directement à l'organe atteint par l'allergie (page 1, lignes 61 à 65) et ne suggère pas l'administration par voie sublinguale.

28. Le document (3) se rapporte à la fabrication de produits homéopathiques pris par voie sublinguale. Cependant, rien dans ce document ne suggère une utilisation en allergologie, si bien que l'homme du métier n'y trouve aucune incitation à le combiner avec les documents (25) ou (26). Il en va de même pour les documents (5) et (6) ayant trait à des préparations pour administration sublinguale de nitroglycérine et hormones, c'est-à-dire des molécules de petite taille, dont la structure, l'interaction avec la muqueuse sublinguale et l'absorption par cette dernière sont très différentes de celle d'allergènes, puisque ces derniers sont des (parties de) macromolécules.

29. Le document (4) concerne une méthode de thérapie de patients atteints de rhinite allergique s'étalant sur huit semaines. Pendant cette période, les patients prennent une seule et même dose de 0.1 ml d'allergène par voie sublinguale quatre fois par jour (page 486, paragraphe "Treatment"). Cette méthode de thérapie est donc différente de la désensibilisation progressive du brevet contesté, ce que confirme la phrase à la page 490 : "the mechanism of sublingual therapy is probably not hyposensitization". Par ailleurs les résultats obtenus ne démontrent aucun effet positif. En effet, il n'y a pas de variation significative dans la concentration des IgE intervenant dans les phénomènes allergiques (Table 1 et page 488) et la comparaison du groupe "actif" avec le groupe "placebo" (Table 2) ne démontre aucune variation significative dans la mesure du NIPF ("nasal inspiration peak flux"), surtout si l'on considère les marges d'erreur des résultats obtenus. L'homme du métier ne reçoit donc du document (4) aucune incitation à combiner son enseignement avec celui des documents (25) ou (26).

30. Par ailleurs, sans que l'on puisse parler de préjugé contre l'administration d'allergènes par voie sublinguale, ce qui impliquerait une acceptation unanime dans la communauté scientifique, le document (13), qui est le seul parmi les documents cités par le requérant en faveur de l'existence dudit préjugé à avoir été publié avant la date de priorité du brevet contesté et donc à avoir été à la disposition de l'homme du métier à cette date, qualifie à la page 337 ("Provocative testing (sublingual)") les essais faits avec administration par voie sublinguale d'antigène comme étant des "anecdotal reports" et conclut à la page 338 qu' aucune de ces études ne démontre la validité de tels traitements. Le document (13), s'il ne constitue pas un préjugé, définit malgré tout une opinion dominante, qui à la date de priorité du brevet contesté, éloignait l'homme du métier de l'administration d'allergènes par voie sublinguale.

31. La Chambre est donc convaincue que l'homme du métier, défini dans la jurisprudence constante des Chambres de recours comme ayant une attitude prudente, et ayant connaissance du jugement négatif sur l'administration sublinguale d'allergène mentionné dans le document (13), n'aurait combiné les documents (25) ou (26) avec aucun des documents (1) à (6). L'objet des revendications 1 à 4 de la nouvelle requête principale ne découle donc pas de manière évidente de l'art antérieur et remplit ainsi les conditions de l'article 56 CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 4 de la nouvelle requête principale introduite pendant la procédure orale du 18 novembre 2003 et de la description telle que délivrée.

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