T 0312/00 () of 12.11.2004

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2004:T031200.20041112
Date de la décision : 12 Novembre 2004
Numéro de l'affaire : T 0312/00
Numéro de la demande : 92402546.3
Classe de la CIB : A61K 7/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition cosmétique anhydre de maquillage comprenant une phase grasse et procédé de traitement cosmétique utilisant cette composition
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : The Procter & Gamble Company
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
Mot-clé : Documents tardifs : admis au vu de leur pertinence à priori
Modifications : admissibles (requête principale)
Suffisance de la description : oui
Nouveauté : oui (requête principale)
Activité inventive : oui (requête principale)
Clarté : pas un motif d'opposition - termes objectés déjà présents dans les revendications telles que délivrées
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La mention de la délivrance du brevet européen n° 534 823 basé sur la demande de brevet européen n° 92 402 546.3 déposée le 17 septembre 1992 et revendiquant une date de priorité du 30 septembre 1991, a été publiée le 24 juillet 1996.

II. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet aux motifs énoncés à l'article 100a) et b) CBE, à savoir pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, et insuffisance de l'exposé. Ces objections se basaient, entre autres, sur les documents suivants :

D1 : "Ingredient disclosure statement", portant la mention "confidential", relatif à la composition d'un produit intitulé "Cover Girl Luminesse Lipsticks"

D2 : US-A-3 641 239

D3 : US-A-3 662 061

D4 : US-A-3 890 358

D7 : WO-A-92/18103

D8 : WO-A-87/07502

D9 : Nicholas I. Payne et al. : "Proliposomes : A Novel Solution to an Old Problem", Journal of Pharmaceutical Sciences, 75(4), Avril 1986, pages 325 à 329 ; et "Characterization of Proliposomes", Journal of Pharmaceutical Sciences, 75(4), Avril 1986, pages 330 à 333.

D10 : EP-A-0 158 441

III. Par la décision intermédiaire remise à la poste le 21. janvier 2000, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d'un jeu de 26. revendications soumis comme requête principale le 2. décembre 1999 satisfaisait aux conditions de la CBE. Les revendications indépendantes de ladite requête s'énoncent comme suit :

"1. Procédé de traitement cosmétique selon lequel on applique sur la peau ou la muqueuse labiale une composition cosmétique anhydre de maquillage comprenant une phase grasse caractérisé par le fait que la composition cosmétique anhydre est préparée par mélange de la phase grasse avec une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile susceptible de former des vésicules par contact avec une phase aqueuse et que la composition cosmétique est en contact avec une phase aqueuse lorsqu'elle est appliquée."

"17. Utilisation d'une composition cosmétique anhydre préparée par mélange d'une phase grasse avec une phase lipidique amphiphile pour former des vésicules dont la paroi contient le(s) lipide(s) de ladite phase lipidique amphiphile, par simple contact avec une phase aqueuse sur la peau ou la muqueuse labiale."

"18. Composition cosmétique anhydre de maquillage pour la mise en oeuvre du procédé selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisée par le fait qu'elle est constituée par un mélange d'une phase grasse avec une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile susceptible de former des vésicules par contact avec une phase aqueuse et choisi dans le groupe formé par :

(1) Les lipides amphiphiles ioniques suivants : la sphingomyéline et les phospholipides de synthèse.

(2) Les lipides anioniques représentés par la formule (I) :

FORMULE

formule dans laquelle R1 désigne un radical alkyle ou alcényle en C7 - C21 ; R2 désigne un radical hydrocarboné, saturé ou insaturé en C7 - C31 ; et M représente H, Na, K, NH4 ou un ion ammonium dérivé d'une amine et, notamment, d'une amine hydroxylée.

(3) Les lipides amphiphiles non-ioniques suivants :

(a) Les dérivés de polyglycérol, linéaires ou ramifiés, de formule (II) :

FORMULE

formule dans laquelle :

-C3H5(OH)O- est représenté par les structures suivantes prises en mélange ou séparément : -CH2CHOH-CH2O- ;

FORMULE

n est une valeur statistique moyenne comprise entre 1 et 6.

R3 représente :

(Alpha) une chaîne aliphatique, linéaire ou ramifiée, saturée ou insaturée, contenant de 12 à 30 atomes de carbone ; ou des radicaux hydrocarbonés des alcools de lanoline ;

(Beta) un reste R4CO, où R4 est un radical aliphatique, linéaire ou ramifié, en C11 - C29 ; (Gamma) un reste

R5[-OC2H3(R6)-]

où R5 peut prendre la signification (a) ou (b) donnée pour R3 ;

-OC2H3(R6)- est représenté par les structures suivantes, prises en mélange ou séparément :

FORMULE

où R6 prend la signification (a) donnée pour R3 ;

(b) les éthers de polyglycérol, linéaires ou ramifiés, comportant deux chaînes grasses ;

(c) les alcools gras polyoxyéthylénés ;

(d) les stérols et phytostérols polyoxyéthylénés ;

(e) les éthers de polyols ;

(f) les esters de polyols oxyéthylénés ou non ;

(g) les glycolipides d'origine naturelle ou synthétique ;

(h) les alpha-diols polyglycérolés ;

(i) les hydroxyamides représentés par la formule :

FORMULE

formule dans laquelle :

- R7 représente un radical alkyle ou alcényle en C7 - C21 ;

- R8 représente un radical hydrocarboné, saturé ou insaturé en C7 - C31 ;

- -COA représente un groupement choisi parmi les deux groupements suivants :

un reste

FORMULE

où :

B est radical alkyle dérivé d'amines primaires ou secondaires, mono ou polyhydroxylées ; et R9 désigne un atome d'hydrogène ou un radical méthyle, éthyle ou hydroxyéthyle ; et

un reste -COOZ, où Z représente le reste d'un polyol en C3 - C7.

(j) les éthers et esters de formule (IV) :

FORMULE

formule dans laquelle A représente -OR ou

FORMULE

R représentant un radical hydrocarboné saturé ou insaturé et n représentant une valeur égale à 2 ou une valeur statistique moyenne n supérieure à 1 et au plus égale à 6 ;

et les mélanges de deux de ces composés ou plus.

IV. Les motifs de la décision de la division d'opposition peuvent se résumer comme suit :

a) Il n'avait pas été tenu compte des documents D7, D8 et D9 parce qu'ils avaient été déposés tardivement et n'étaient prima facie pas pertinents.

b) Le motif d'insuffisance de l'exposé selon l'article 100b) CBE n'était pas fondé. La revendication 17 concernait l'utilisation d'une composition cosmétique anhydre préparée par un procédé spécifique. La description et les exemples donnaient des informations sur des utilisations cosmétiques tel que le maquillage.

c) Il n'était pas établi que D1 ou un produit fabriqué selon D1 était accessible au public avant la date de dépôt du brevet litigieux.

D2, D3 et D4 ne décrivaient pas l'utilisation dans un traitement cosmétique d'une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un liquide amphiphile susceptible de former des vésicules. La simple présence de lécithine ou d'un lipide amphiphile dans les compositions de l'art antérieur ne permettait pas de conclure que ces composés étaient sous forme provésiculaire puisqu'il fallait des conditions spécifiques pour permettre la formation de vésicules.

d) L'objet des revendications indépendantes 1, 17 et 18 était donc nouveau.

e) Selon le brevet litigieux la phase lipidique provésiculaire susceptible de former des vésicules en présence d'eau conservait cette propriété lorsqu'elle était mélangée à une phase grasse. Les vésicules gardaient leur capacité d'encapsuler des composés actifs lipophiles et/ou hydrophiles. Dans ces conditions, l'efficacité des composés actifs introduits dans la composition anhydre était améliorée. D2, D3 et D4 concernaient des problèmes techniques différents. L'opposante avait soulevé des objections par rapport à la lécithine naturelle, mais n'avait fourni aucune preuve que cette dernière n'était pas adaptée à l'invention lorsqu'elle était placée dans une phase appropriée.

f) Les compositions revendiquées impliquaient donc une activité inventive.

V. Le 27 mars 2000, l'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 31 mai 2000. Avec ce mémoire la requérante a soumis, sous forme d'une déclaration de M. Walling, les résultats d'un essai visant à reproduire l'exemple 1 de D3.

VI. Avec sa réponse au mémoire de recours datée du 9. février 2001, la titulaire (intimée) a déposé sept figures (T1 à T7) et des déclarations de M. Arnaud (déclaration 1) et de M. Simmonet (déclaration 2) concernant les résultats d'essais visant à produire des compositions selon l'exemple 1 de D3 et à les utiliser dans un procédé selon le brevet litigieux. L'intimée a également soumis, inter alia, le document suivant :

D12 : EP-B-1 0 660 696

Avec une lettre datée du 7 octobre 2004, l'intimée a déposé douze jeux de revendications à titre de requêtes subsidiaires, des nouvelles pages 3 et 19 du fascicule de brevet, ainsi qu'une nouvelle déclaration de Monsieur Simonnet (déclaration 3).

Avec une lettre datée du 12 octobre 2004, l'intimée a déposé une déclaration de Monsieur Hadjur.

Avec une lettre datée du 8 novembre 2004, l'intimée a déposé une nouvelle page 20 de la requête subsidiaire 5 ainsi que le document :

D13 : Extrait de l'ouvrage "Les Liposomes", F. Puisieux et J. Delattre, Technique et Documentation Lavoisier, 1985.

VII. Une procédure orale s'est tenue le 12 novembre 2004 devant la Chambre.

Lors de cette procédure orale l'intimée a déposé un jeu de 26 revendications à titre de nouvelle requête principale.

Les revendications indépendantes 1 et 17 de cette requête s'énoncent comme suit :

"1. Procédé de traitement cosmétique selon lequel on applique sur la peau ou la muqueuse labiale une composition cosmétique anhydre de maquillage comprenant une phase grasse caractérisé par le fait que la composition cosmétique anhydre est préparée en mélangeant séparément les éléments constituant la phase grasse et les éléments constituant une phase lipidique provésiculaire, ladite phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile formant des vésicules lorsque la composition est en contact avec une phase aqueuse et que la composition cosmétique est en contact avec la phase aqueuse lorsqu'elle est appliquée."

"17. Utilisation à titre cosmétique d'une composition cosmétique anhydre de maquillage préparée par mélange d'une phase grasse avec une phase lipidique amphiphile provésiculaire formant des vésicules, dont la paroi contient le(s) lipide(s) de ladite phase lipidique amphiphile provésiculaire, lorsque la composition est en simple contact avec une phase aqueuse sur la peau ou la muqueuse labiale, lesdites phases grasses et lipidiques étant préparées en mélangeant séparément les éléments constituant la phase grasse et les éléments constituant la phase lipidique."

La revendication indépendante 18 diffère de la revendication 18 de la requête sur laquelle se base la décision contestée par le remplacement de l'expression "susceptible de former" par l'expression "formant" et, par le remplacement de l'expression "par contact" par l'expression "lorsque la composition est en contact".

VIII. L'argumentation de la requérante peut se résumer ainsi :

a) Selon le brevet litigieux la phase lipidique provésiculaire et la phase grasse devaient être mélangées jusqu'à obtenir une préparation homogène. Les revendications modifiées 1 et 17 selon la requête principale mentionnaient l'étape de mélange des deux phases, sans préciser toutefois le caractère homogène de la préparation ainsi obtenue. Les modifications n'étaient donc pas en conformité avec l'article 123(2) CBE.

b) La revendication 17 mentionnait à la fois les expressions "contact" et "simple contact" pour définir les conditions dans lesquelles la composition formait des vésicules. Il n'était pas clair si ces expressions impliquaient des conditions différentes.

c) Les documents D7 à D10 étaient pertinents et devaient par conséquent être admis dans la procédure.

d) L'expression "phase lipidique provésiculaire" utilisée dans l'énoncé des revendications 1, 17 et 18 n'était pas suffisamment décrite dans le brevet litigieux. Il fallait partir du principe admis par l'intimée, que les lipides amphiphiles devaient par eux-mêmes être capables de former des vésicules en contact avec l'eau. Cependant, selon l'intimée parmi les lécithines, seules les lécithines naturelles déshuilées comprenant 70% de phosphatidylcholine avaient cette propriété. Or, le brevet litigieux ne mentionnait pas ces caractéristiques.

Les revendications 1 et 17 ne précisaient pas la nature du lipide amphiphile. Or, seulement deux lipides étaient exemplifiés dans l'ensemble du brevet litigieux. L'intimée avait également reconnu que certains lipides amphiphiles qui étaient couverts par les formules des lipides selon la revendication 18 n'avaient pas la capacité de former des vésicules. Le brevet litigieux ne permettait donc pas d'identifier les lipides amphiphiles adéquats, leur pureté et leur concentration.

D'autre part, alors que les revendications englobaient la possibilité d'utiliser des mélanges de lipides, aucune indication n'était donnée à ce sujet dans la description. En outre, les exemples ne justifiaient pas l'étendue des revendications.

L'intimée considérait que les structures sphériques observées lors des tests de la requérante visant à reproduire une composition de l'état de la technique (déclaration de M. Walling) n'étaient pas des vésicules, alors que ces structures correspondaient à la définition des vésicules donnée par le brevet litigieux.

Pour ces diverses raisons, le brevet litigieux ne remplissait pas les exigences de suffisance de la description (articles 100b) et 83 CBE).

e) Le procédé selon la revendication 1 impliquait une première étape de préparation d'un mélange de la phase grasse avec la phase lipidique provésiculaire, cette étape étant suivie d'une étape de mise en contact avec la phase aqueuse.

Selon le brevet litigieux la seconde étape était souvent inhérente à l'utilisation de la composition cosmétique. Ainsi, dans le cas de l'utilisation d'un bâton de rouge à lèvres, la seconde étape était l'inévitable conséquence de l'application de la composition cosmétique sur la muqueuse labiale. Par conséquent, seule la première étape du procédé devait être décrite dans un document de l'art antérieur pour détruire la nouveauté du procédé selon la revendication 1 et de l'utilisation selon la revendication 17 du brevet litigieux.

f) Selon la déclaration de M. Walling, la composition reproduite selon l'exemple 1 de D3 formait des vésicules par contact avec la phase aqueuse en utilisant le test in vitro décrit dans le brevet litigieux. Au vu de cet état de la technique, l'objet des revendications 1 et 17 n'était donc pas nouveau.

g) En outre, l'objet de revendications 1, 17 et 18 n'était pas nouveau au vu de l'exemple 18(D) de D2 qui divulguait un rouge à lèvre à base de lécithine et d'une phase grasse, et des exemples III, IV et VI de D4 qui décrivaient des rouges à lèvres comprenant un mélange de deux lipides amphiphiles.

h) Par ailleurs l'objet des revendications 1 et 17 n'était pas nouveau au vu de D7 lu à la lumière de l'enseignement de D10, dont D7 faisait spécifiquement référence.

i) Le brevet litigieux n'illustrait pas l'effet technique final lié aux vésicules. En effet, aucun exemple ne montrait le transfert de la substance active des vésicules vers la peau ou la muqueuse labiale. Il n'était donc pas prouvé que l'efficacité des substances actives se trouvait améliorée par l'invention.

j) Le domaine pharmaceutique était proche du domaine de la cosmétique, le brevet litigieux même mentionnant l'incorporation d'actifs dermopharmaceutiques. L'homme du métier aurait donc considéré l'enseignement de documents tels que D8, D9 et D10 pour la résolution du problème technique à la base du brevet litigieux. Or, ces documents suggéraient l'utilisation de compositions formant spontanément des vésicules en contact avec de l'eau pour éviter les problèmes liés à l'utilisation de liposomes préalablement formés.

k) Au vu de cet état de la technique, l'objet des revendications du brevet litigieux n'impliquait donc pas d'activité inventive.

IX. L'intimée a présenté les arguments suivants :

a) Selon le brevet litigieux le mélange de la phase lipidique provésiculaire et de la phase grasse ne devait pas obligatoirement aboutir à une composition homogène. Il n'était donc pas nécessaire au vu de l'article 123(2) CBE, de mentionner cette caractéristique dans les revendications modifiées.

b) Les expressions "contact" et "simple contact" dans la revendication 17 de la requête principale se trouvaient déjà dans le brevet tel que délivré et ne pouvaient donc plus être sujet à une objection au titre de l'article 84 CBE.

c) La division d'opposition avait rejeté les documents D7 à D10 selon des principes corrects et raisonnables en tenant compte de la tardivité et de l'absence de pertinence. Par conséquent, ces documents ne devaient pas être admis au stade du recours.

d) La revendication 17 avait été clarifiée en précisant que seule une utilisation à titre cosmétique était envisagée. Une méthode de traitement thérapeutique exclue de la brevetabilité ne pouvait donc plus être l'objet de cette revendication.

e) L'invention selon le brevet litigieux n'avait pas pour objet des vésicules en tant que telles, ces dernières étant connues depuis bien avant la date de priorité du brevet litigieux. L'homme du métier savait sur la base des connaissances générales dans ce domaine, illustrées en particulier par le document FR-2 416 008 cité dans le brevet litigieux, identifier les lipides et mélanges de lipides amphiphiles susceptibles de former des vésicules. En outre, il pouvait choisir les lipides amphiphiles en fonction de leur balance lipophile-hydrophile (HLB), comme le montrait le document D13. L'homme du métier était également capable d'identifier les composés qu'il fallait mettre en oeuvre avec certains lipides amphiphiles afin de renforcer les structures vésiculaires. Le brevet litigieux donnait d'autre part une définition claire des structures représentant des vésicules dans le contexte de l'invention.

Les tests "in vitro" mentionnés dans le brevet litigieux permettaient de conclure avec certitude ou avec une grande probabilité que l'effet de transfert des composés actifs devait également avoir lieu sur la peau ou la muqueuse labiale.

Par conséquent, l'invention était suffisamment décrite dans le brevet litigieux.

f) Les essais reproduisant l'exemple 1 de D3 décrits dans la déclaration de Monsieur Walling ne démontraient pas la présence de vésicules. Les structures sphériques de la figure A n'étaient pas typiques des vésicules. Les structures de la figure B étaient plus proches de celles de particules de cire que de vésicules. Les structures de la figure C pouvaient être des particules d'huile ou des globules de cire.

Les essais décrits dans les déclarations de Messieurs Arnaud et Simonnet montraient qu'il ne se formait pas de vésicule lors de la reproduction de l'exemple 1 de D3.

La lécithine utilisée dans les exemples du document D3 n'était de toute manière pas disponible pour former des vésicules puisqu'elle avait servi à disperser le pigment dans la phase grasse. En outre, D3 ne divulguait pas la préparation séparée, d'une part, d'une phase provésiculaire et d'autre part, d'une phase grasse.

g) La lécithine naturelle utilisée dans l'exemple 18(D) du document D2 n'était pas mise en oeuvre dans des conditions permettant de former des vésicules puisqu'elle était utilisée comme solvant permettant de disperser les pigments. En outre, seule une lécithine naturelle déshuilée contenant au moins 70% de phospholipides était capable de former des vésicules. Dans le même exemple, le monostéarate de propylène glycol ne pouvait, au vu de son HLB trop faible, former spontanément des vésicules. D2 ne décrivait pas la préparation séparée d'une phase grasse d'une part et d'une phase provésiculaire d'autre part puisque les ingrédients étaient tous mélangés en même temps. Pour les mêmes raisons, les composés cités dans les autres exemples de D2 n'étaient pas susceptibles de former des vésicules dans les conditions dans lesquelles ils étaient mis en oeuvre.

h) Dans l'exemple III de D4 le diisostéarate de triglycérol et le myristate d'isopropyle étaient des composés amphiphiles mais qui ne pouvaient pas former de vésicules puisqu'ils étaient utilisés pour dissoudre les colorants et mouiller les pigments. Dans l'exemple VI le diisostéarate de triglycérol était utilisé comme solvant et émulsifiant alors que le monostéarate de glycérol était un émulsifiant qui avait un HLB trop faible pour former spontanément des vésicules.

i) L'objet des revendications était donc nouveau par rapport aux documents cités.

j) Le problème technique à résoudre par l'invention objet du brevet litigieux était de mettre à disposition des compositions cosmétiques anhydres permettant d'appliquer des colorants et des pigments sur la peau, de façon régulière et homogène tout en traitant simultanément la peau par application topique.

La solution consistait à préparer une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile susceptible de former des vésicules au contact avec une phase aqueuse et à laquelle pouvait être ajoutés optionnellement des actifs hydrophiles ou lipophiles, puis à mélanger cette phase provésiculaire à une phase grasse. Au contact de l'humidité de la peau ou des lèvres, la phase provésiculaire lamellaire formait des vésicules transportant le cas échéant l'actif et fusionnant avec la matrice lamellaire inter-cornéocyte de la peau où, lorsqu'il était présent, l'actif était libéré.

Les exemples du brevet litigieux démontraient une amélioration de la libération des actifs lipophiles et hydrophiles dans l'eau. Sans actifs, les vésicules avaient par elles-mêmes une action cosmétique et renforçaient la barrière de la peau.

Les documents D2 à D4 ne concernaient pas le problème technique résolu par l'invention et étaient étrangers à la solution proposée.

Le document D8 concernait des compositions dont l'utilisation n'avait aucun rapport avec le domaine de la cosmétique puisqu'elles étaient destinées à des traitements thérapeutiques impliquant une inhalation par les bronches, les poumons ou le nez. Les compositions étaient utilisées sous forme d'aérosols et ne pouvaient pas contenir de phase grasse puisque cette dernière entraînait une obstruction des buses du récipient. D8 décrivait également, tout comme D9, des compositions sous forme de poudre dans lesquelles la phase provésiculaire se présentait sous forme granulaire sur un support solide, ce qui de tout évidence était incompatible avec un rouge à lèvre.

Le document D10 ne concernait pas le domaine de la cosmétique et proposait des compositions proliposomiques hydratées ou des compositions aérosols. Les acides gras mentionnés dans ce document ne constituaient pas une phase grasse mais étaient incorporés dans les membranes des liposomes afin de renforcer leur structure.

L'homme du métier n'aurait donc pas considéré l'enseignement de ces documents pour la résolution du problème technique à la base du brevet litigieux. En outre, leur enseignement ne permettait pas d'aboutir de façon évidente à la solution objet des revendications du brevet litigieux.

La présence d'une activité inventive était également confirmée par l'observation d'un effet surprenant puisqu'un composé actif lipophile était libéré même en présence de la phase grasse. La simplicité de la solution et le foisonnement, après la publication du brevet litigieux, de nombreuses demandes de brevets ayant pour objet des compositions similaires à celles revendiquées étaient également des indices d'activité inventive.

k) L'objet des revendications impliquait donc une activité inventive.

X. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée requiert le maintien du brevet sur la base de la requête principale soumise lors de la procédure orale, à titre subsidiaire sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1, 2, 2 bis, 3 à 11 soumises avec la lettre du 7 octobre 2004, la requête subsidiaire 5 comme modifiée par lettre du 8 novembre 2004. Si la chambre acceptait de tenir compte des documents D7 à D10 l'intimée requiert le renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré ainsi que la prise en charge par la requérante, des frais relatifs à l'audience devant la division d'opposition jusqu'aux frais relatifs au recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Documents tardifs

Parmi documents mentionnés par la requérante, les documents D7 à D10 sont les seuls qui mentionnent des vésicules et des compositions provésiculaires. La Chambre ne peut donc les écarter de la procédure puisqu'ils paraissent a priori pertinents. En outre, contrairement à la situation crée devant la division d'opposition par le dépôt tardif de ces documents, l'intimée a eu suffisamment de temps lors de la procédure de recours pour prendre position par rapport à cet état de la technique (article 113 CBE).

Requête principale

3. Modifications

3.1. Revendication 1

3.1.1. La revendication 1 de la requête principale a été modifiée par rapport à la revendication 1 du brevet tel que délivré en précisant que la composition cosmétique anhydre est préparée "en mélangeant séparément les éléments constituant la phase grasse et les éléments constituant une phase lipidique provésiculaire". Il n'a pas été contesté que cette manière de préparer les deux phases soit mentionnée dans la demande de brevet telle que déposée à la page 12, lignes 31 à 33.

Cependant, selon la requérante cette caractéristique n'était pas dissociable du fait que les deux phases ainsi obtenues devaient ensuite être mélangées jusqu'à obtenir une préparation homogène.

Le passage mentionné par la requérante à l'appui de son argumentation, i. e. la page 12, lignes 31 à 35 de la demande de brevet, décrit un mode préférentiel de préparation de la composition cosmétique qui implique que la préparation séparée des deux phases soit suivie par le mélange de ces dernières jusqu'à l'obtention d'une composition homogène. Ce mode de réalisation préférentiel n'est cependant pas le seul envisagé dans la demande de brevet telle que déposée. En effet, les revendications n'exigent pas que le mélange de la phase lipidique provésiculaire et de la phase grasse conduise à un produit homogène (revendications 1, 6, 7, 17 et 18). D'autre part, selon l'exemple 1 on prépare la phase grasse (page 13, ligne 30 à page 4, ligne 9) et séparément diverses phases lipidiques provésiculaires (page 14, ligne 21 à page 15, ligne 2 ; page 15, lignes 9 à 16). La phase grasse est ensuite mélangée à une des phases lipidiques provésiculaires sans mentionner que le mélange devait aboutir à un produit final homogène (page 15, lignes 3 à 5, 17 à 19 ; page 16, lignes 2 à 11). L'obtention d'une préparation homogène n'est indiquée que pour la préparation de la phase grasse (page 14, lignes 6 à 9).

Les exemples montrent donc bien une préparation qui implique un mélange séparé des constituants de chacune des phases, sans que cette opération soit suivie obligatoirement d'un mélange conduisant à un produit final homogène.

Par conséquent, la précision apportée à la revendication 1 est supportée par la demande de brevet telle que déposée (article 123(2) CBE).

3.1.2. La revendication 1 a également été amendée en remplaçant l'expression "susceptible de former des vésicules par contact avec une phase aqueuse" par l'expression "formant des vésicules lorsque la composition est en contact avec une phase aqueuse". Il n'a pas été contesté que cette modification n'étend pas l'objet de la revendication au-delà de la demande de brevet telle que déposée (article 123(2) CBE).

En effet, selon la demande de brevet telle que déposée au moins un lipide amphiphile doit effectivement former, et pas simplement avoir le potentiel de former, des vésicules lorsque la composition est en contact avec une phase aqueuse (page 4, lignes 7 à 11, 16 à 23 ; résultats des expériences, tableau I, formule A2 à A5).

3.1.3. Finalement, dans la revendication 1 l'expression "une phase aqueuse" a été remplacée par l'expression "la phase aqueuse". Cette modification précise que la phase aqueuse avec laquelle la composition est mise en contact lorsque la composition est appliquée correspond à la phase aqueuse au contact de laquelle les vésicules se forment. Cette modification n'a pas été contestée sur le fondement de l'article 123(2) CBE et la Chambre ne voit aucune raison pour une telle objection.

3.2. Revendication 17

3.2.1. Les modifications de la revendication 17, notamment la précision que l'utilisation revendiquée est "à titre cosmétique", que la composition est une composition "de maquillage" et que la phase lipidique amphiphile est une phase "provésiculaire", ne reprennent que des carac- téristiques déjà mentionnées dans la revendication 1 de la demande de brevet telle que déposée. Ces modifications sont par conséquent en accord avec les exigences de l'article 123(2) CBE, ce que n'a pas contesté la requérante.

3.2.2. Comme la revendication 1, la revendication 17 indique que le mélange implique une phase lipidique amphiphile provésiculaire "formant" des vésicules lorsque la composition est en "simple contact avec une phase aqueuse". Cette modification répond aux exigences de l'article 123(2) CBE pour les raisons énoncées ci-dessus (paragraphe 3.1.2).

3.2.3. La revendication 17 a également été modifiée par l'ajout de l'expression "lesdites phases grasses et lipidiques étant préparées en mélangeant séparément les éléments constituant la phase grasse et les éléments constituant la phase lipidique". Cette modification, qui accorde l'intitulé de la revendication 17 avec celui de la revendication 1, est en conformité avec les exigences de l'article 123(2) CBE pour les raisons énoncées au paragraphe 3.1.1 ci-dessus.

3.3. Revendication 18

3.3.1. La revendication 18 a été amendée en remplaçant l'expression "et d'un lipide amphiphile" par l'expression "avec une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile". Cette modification ne fait que reprendre une caractéristique de la composition cosmétique de la revendication 1 telle que déposée (article 123(2) CBE).

3.3.2. Le remplacement dans la revendication 18 de l'expression "susceptible de former des vésicules" par l'expression "formant des vésicules ... lorsque la composition est en contact avec une phase aqueuse" correspond essentiellement à la modification de la revendication 1 relatée au paragraphe 3.1.2 ci-dessus et est donc pour les mêmes raisons en accord avec les exigences de l'article 123(2) CBE.

3.4. Il n'a pas été contesté que les modifications des revendications 1, 17 et 18 n'étendent pas la protection conférée par le brevet tel que délivré (article 123(3) CBE). Ces modifications ont comme objectif d'introduire des caractéristiques susceptibles de distinguer l'objet de revendications de l'état de la technique qui leur est opposé et sont, par conséquent, en conformité avec les exigences de la règle 57 bis CBE.

4. Clarté

La seule objection de la requérante sur le fondement de l'article 84 CBE se rapporte aux expressions "contact" et "simple contact". Or, ces expressions sont déjà présentes dans les revendications du brevet tel que délivré. L'ambiguïté que peut soulever l'utilisation de ces deux expressions dans l'intitulé des revendications du brevet litigieux ne peut être objectée, le manque de clarté n'étant pas un motif d'opposition (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 4ème Édition 2001, VII.C.10.2).

5. Exposé de l'invention

L'invention doit être exposée dans le brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 83 CBE).

5.1. L'invention objet du brevet litigieux met en oeuvre au sein d'une composition de maquillage comprenant une phase grasse, une phase lipidique provésiculaire contenant au moins un lipide amphiphile formant des vésicules lorsque la composition cosmétique est mise en contact avec une phase aqueuse lors de son utilisation. A l'appui d'une prétendue insuffisance de la description de l'invention la requérante a essentiellement avancé l'argument selon lequel le brevet ne décrirait pas suffisamment la nature, la quantité et la pureté des lipides amphiphiles qu'il fallait mettre en oeuvre dans la phase lipidique provésiculaire afin d'assurer la formation des vésicules lors de l'utilisation de la composition cosmétique.

5.2. Les exemples du brevet illustrent plusieurs compositions cosmétiques anhydres comprenant une phase grasse et une phase provésiculaire et pour lesquelles la formation de vésicules a été observée lors d'un test "in vitro" reproduisant une mise en contact de la composition avec une phase aqueuse (tableau 1, page 9, formules A2, A3, A4, A5). Ces exemples mentionnent la nature et la quantité des lipides amphiphiles et des autres constituants de la phase lipidique provésiculaire (page 7, lignes 35 à page 8, ligne 51). Le brevet litigieux décrit donc plusieurs modes de réalisation de l'invention.

Selon la requérante les tests in vitro, i. e. la mise en contact des compositions avec de l'eau dans une boite de Pétri sous agitation, ne permettaient pas de conclure que les vésicules se formaient également lors l'utilisation réelle des compositions. Selon le brevet litigieux, les vésicules se forment lorsque la composition cosmétique est mise en contact avec une phase aqueuse lors de l'utilisation (page 3, lignes 13 à 18). Les tests in vitro, par essence, ne peuvent reproduire exactement les conditions d'utilisation réelles. La requérante n'a toutefois fourni aucun élément de preuve qui puisse mettre en doute le fait que ces tests permettent de prévoir une formation des vésicules lors de l'utilisation réelle des compositions.

5.3. Le brevet litigieux mentionne également dans la partie résumant les grandes lignes de l'état de la technique, qu'il était connu que certains lipides amphiphiles et mélanges de ces derniers étaient susceptibles par contact avec une phase aqueuse, de former des vésicules constituées de feuillets plus ou moins sphériques de phase lipidique vésiculaire encapsulant la phase aqueuse et que la stabilité et la perméabilité des vésicules pouvaient être améliorées par l'introduction d'additifs. L'action cosmétique des vésicules et leur capacité à encapsuler des composés actifs étaient également connues. Le brevet cite d'autre part, le document FR-A-2 315 991 qui décrit la préparation de vésicules de lipides amphiphiles et leur utilisation en cosmétique (brevet litigieux, page 2, lignes 30 à 43).

Cette présentation de l'état de la technique dans le brevet litigieux n'a pas été contestée par la requérante. Il peut en être déduit que les vésicules, leur morphologie, ainsi que les conditions à mettre en oeuvre pour leur préparation, en particulier le choix des lipides amphiphiles adéquats, faisaient partie des connaissances générales de l'homme du métier. Or, il est bien établi que les connaissances générales de l'homme du métier sont déterminantes pour l'appréciation de la suffisance de l'exposé et que l'homme du métier peut compléter les informations données dans le brevet en faisant appel à ses connaissances générales (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, supra, II.A.2 a)).

5.4. Dans ces circonstances, la Chambre considère que l'invention est suffisamment exposée dans le brevet litigieux pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

6. Nouveauté

6.1. La requérante a attaqué la nouveauté de l'objet des revendications 1 à 17 sur la base de l'exemple 1 du document D3. Ce document concerne un procédé pour fabriquer des rouges à lèvres à partir d'un sel d'un colorant dérivé d'un bromoacide et d'une amine (colonne 2, lignes 5 à 14). L'exemple 1 décrit la préparation d'un rouge à lèvres ayant la composition suivante :

- 0,50 g d'un colorant connu aux États Unis sous l'appellation D & C Red 21

- 0,23 g de triéthanolamine

- 10,00 g de lécithine de soja

- 25,00 g d'ozokérite

- 5,00 g de dérivé de lanoline

- huile de vaseline, q.s.p. 100g

Pour fabriquer ce rouge à lèvres on place la lécithine de soja dans un récipient et on y ajoute le colorant puis on pétrit le mélange pendant quelques minutes à 50°C. Lorsque le mélange est homogène on ajoute la triéthanolamine en maintenant la température à 50°C. On pétrit vigoureusement le mélange puis on y ajoute le dérivé de lanoline. Dans un autre récipient on mélange l'ozokérite avec l'huile de vaseline et on porte ce mélange à 85°C. On incorpore le deuxième mélange au premier ; on agite légèrement pendant quelques minutes à 75°C. On obtient une solution qui donne au refroidissement un rouge à lèvres (exemple 1, colonne 3).

6.1.1. Selon cet exemple, deux mélanges sont donc préparés séparément puis combinés pour former la composition cosmétique finale. Le premier mélange comprend la lécithine de soja et le dérivé de la lanoline, qui est un corps gras (colonne 3, lignes 20 à 26).

Or, les revendications 1 et 17 selon la requête principale exigent que les constituants de la phase lipidique provésiculaire, dont le lipide amphiphile fait nécessairement partie, et les constituants de la phase grasse soient mélangés séparément. Cette caractéristique des revendications 1 et 17 ne permet donc pas d'introduire dans la phase provésiculaire un constituant de la phase grasse, tel que le dérivé de la lanoline. Ainsi, si l'on considérait au bénéfice de la requérante que le premier mélange de l'exemple 1 de D3 constitue une phase lipidique provésiculaire, ce que conteste l'intimée, ce mélange renferme un constituant de la phase grasse ce qui est exclu par l'intitulé des revendications 1 et 17 du brevet litigieux.

Les autres exemples de D3 ont également été réalisés en suivant le procédé de l'exemple 1, donc en mélangeant dans un premier temps un dérivé de lanoline à la lécithine de soja.

Par conséquent l'objet des revendications 1 à 17 selon la requête principale est nouveau par rapport à D3.

6.1.2. La lécithine de soja utilisée dans l'exemple 1 et dans tous les autres exemples de D3 est un phospholipide naturel. Or, les phospholipides naturels ne font pas partie des lipides amphiphiles envisagés comme constituants de la phase lipidique provésiculaire des compositions cosmétiques selon la revendication 18 de la requête principale.

Par conséquent l'objet de la revendication 18 est nouveau par rapport à D3.

6.1.3. Par conséquent, les résultats divergents présentés par les parties dans les déclarations de Monsieur Walling d'une part, et des Messieurs Arnaud et Simonnet d'autre part, ne sont pas déterminants pour la reconnaissance de la nouveauté des objets revendiqués selon la requête principale.

6.2. Dans ses objections de nouveauté, la requérante s'est également fondée sur le document D2, en particulier l'exemple 18(D).

Le document D2 concerne des compositions pour la formulation de rouges à lèvres, comprenant un solvant, un colorant et une cire organique constituée d'au moins 15% en poids d'une cire siliconée (colonne 1, résumé). Les compositions sont préparées par des méthodes conventionnelles, notamment en mélangeant vigoureusement les ingrédients (colonne 18, lignes 16 à 20).

Selon l'exemple 18(D) une composition colorante pour lèvres est obtenue en mélangeant vigoureusement les ingrédients suivants (colonne 26, lignes 35 à 38 et 68 à 75) :

- 40 parties par poids d'un copolymère organosiliconé

- 2 parties par poids d'un phenylmethylpolysiloxane

- 30 parties par poids de monostéarate de propylène glycol

- 10 parties par poids de lanoline

- 10 parties par poids de lécithine

- 8 parties par poids de "D & C Orange N°13"

6.2.1. Cet exemple ne décrit donc pas la préparation de deux phases distinctes comme le requièrent les revendications 1 et 17 du brevet litigieux. En effet, la lécithine et le monostéarate de propylène glycol sont directement mélangés aux autres constituants, notamment aux cires siliconées et à la lanoline.

Les autres exemples de D2 impliquent également un mélange simultané de tous les constituants, sans séparation des lipides amphiphiles et des corps gras ou cireux.

D2 ne peut donc être préjudiciable à la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 17 de la requête principale.

6.2.2. D'autre part, les revendications indépendantes 1, 17 et 18. exigent que le lipide amphiphile de la phase lipidique provésiculaire forme des vésicules lorsque la composition cosmétique anhydre de maquillage est en contact avec une phase aqueuse, alors que le document D2 ne fait aucune allusion à la formation de vésicules, les lipides amphiphiles étant utilisés comme solvants (colonne 16, ligne 60 à colonne 17, ligne 12).

Selon la requérante la composition selon l'exemple 18(D) de D2 devait nécessairement former des vésicules lors de l'utilisation puisqu'elle contenait la lécithine de soja et le monostéarate de propylène glycol qui étaient deux lipides amphiphiles. La requérante a étendu cette argumentation à d'autres exemples de D2 qui divulguent des compositions contenant divers lipides amphiphiles seuls ou en mélange, notamment, le myristate d'isopropyle, l'acide stéarique, le monostéarate de glycérol, l'alcool cétylique, le sébaçate de diethyle, le ricinoléate acétate d'éthyle et le stéarate d'éthyle.

L'intimée a contesté ce point de vue en mentionnant que les lipides amphiphiles des compositions de D2 ne pouvaient pas former de vésicules en raison de leur nature ou de leur balance hydrophile lipophile (HLB) faible. En outre, comme les lipides étaient utilisés comme dispersant ou solvant des pigments, ils étaient indisponibles pour la formation des vésicules. Finalement, D2 ne mentionnait pas la préparation d'une phase lipidique provésiculaire séparée qui était un élément important permettant la formation des vésicules.

Les parties avancent donc des affirmations contradictoires sur une question primordiale pour l'examen de la nouveauté. La requérante n'a fourni aucun élément de preuve à l'appui de la prétendue formation de vésicules par l'utilisation des compositions selon D2, or dans le cas d'espèce la charge de la preuve lui incombe. Rien ne permet donc d'affirmer au delà de tout doute raisonnable, que les compositions décrites dans les exemples du document D2 doivent de toute évidence et sans ambiguïté donner lieu à la formation de vésicules. Par conséquent, en accord avec la jurisprudence constante, la requérante qui a fondé son argumentation sur un fait non prouvé doit subir les désavantages de cette situation (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, supra, VI.J.6.1).

Dans ce contexte, la Chambre considère qu'il n'a pas été établi que le document D2 était préjudiciable à la nouveauté des objets des revendications 1, 17 et 18 de la requête principale.

6.3. D4 décrit l'utilisation d'esters partiels de polyglycérols en remplacement de l'huile de ricin dans des formulations pour rouges à lèvres (colonne 1, lignes 29 à 31). Les esters partiels de polyglycérols, en particulier le diisostéarate de triglycérol, ne sont pas introduits dans une phase provésiculaire mais servent d'émulsifiant, de solvant et d'agent mouillant des pigments (colonne 3, lignes 56 à 67). Le document décrit donc des compositions comprenant des lipides amphiphiles mais ne fait aucune référence à la formation de vésicules.

La requérante a avancé au vu de D4 une argumentation au titre du manque de nouveauté, similaire à celle présentée pour le document D2. Comme dans le cas des compositions selon D2, aucune preuve à l'appui d'une prétendue formation de vésicules lors de l'utilisation des compositions de D4 n'a été portée au dossier. Selon l'intimée les vésicules ne peuvent se former pour les mêmes raisons que celles invoquées pour les compositions du document D2.

Par conséquent, les considérations ci-dessus (paragraphe 6.2.2) s'appliquent mutatis mutandis à l'objection de nouveauté que la requérante a fondé sur le document D4.

L'objet des revendications de la requête principale doit donc également être considéré comme nouveau par rapport à D4.

6.4. Le document D7 est une demande de brevet internationale déposée le 15 avril 1992, publiée le 29 octobre 1992 et revendiquant une date de priorité du 16 avril 1991. D7 peut représenter un état de la technique en vertu de l'article 54(3) CBE que dans la mesure où ce document peut valablement bénéficier de la date de priorité, ce que conteste l'intimée. Dans le cas présent, ce point litigieux est toutefois sans incidence pour l'examen de la nouveauté. En effet, D7 décrit des compositions qui comprennent un milieu hydrophile (page 3, lignes 19 à 29. ; revendication 1) ledit milieu étant défini comme un milieu comprenant de l'eau (page 6, ligne 35 à page 7, ligne 6), alors que selon les revendications du brevet litigieux la composition de maquillage est anhydre. Parmi les exemples de D7, seule la formulation 10 (exemple 2, page 2) ne contient pas d'eau, mais cette dernière ne comporte pas de phase grasse, comme l'exigent les revendications du brevet litigieux.

Les compositions selon le document D10 comprennent jusqu'à 40% en poids, préférentiellement de 5 à 40% en poids d'eau (revendication 1 ; page 6, ligne 34 à 36). Alors que seule la composition selon l'exemple 5 ne contient pas d'eau, elle ne fait état d'une phase grasse (tableau à la page 19).

Lors de la procédure orale la requérante n'a pas maintenu, au vu de la nouvelle requête principale, l'objection de manque de nouveauté par rapport aux documents D7 et D10. Elle n'a pas réitéré l'objection tendant à compléter la divulgation du document D10 avec l'enseignement du document D7. La Chambre ne voit aucune raison de soulever une objection sur la base d'une telle combinaison, même à supposer qu'elle soit admissible au titre d'une objection de nouveauté, ce qui est fort douteux.

Par conséquent l'objet des revendications est également nouveau par rapport aux documents D7 et D10.

6.5. En conclusion, il n'a pas été établi que l'art antérieur sur lequel se fonde la requérante divulgue de façon directe et non ambiguë l'objet des revendications selon la requête principale. Par conséquent, l'objet de ces revendications est nouveau.

7. Activité inventive

7.1. Le brevet litigieux concerne des compositions cosmétiques anhydres de maquillage, leur utilisation et un procédé de traitement cosmétique.

7.2. Les documents D2, D3 et D4 concernent également des compositions de maquillage. La requérante considère le document D3 comme représentant l'état de la technique le plus proche et l'intimée est d'avis que D2 et D3 sont équivalents à cet égard. Comme la Chambre ne voit pas de raisons de préférer l'un de ces documents, il est opportun d'évaluer l'activité inventive en partant de l'enseignement du document D3.

7.3. D3 décrit un procédé de fabrication de rouges à lèvres et les produits utilisables à cet effet (colonne 1, lignes 20 à 22). Selon D3, l'utilisation de colorants insolubles dans les corps gras, qui constituent la majeure partie des rouges à lèvres, présente de nombreux inconvénients, notamment : - la difficulté de réaliser des dispersions homogènes des colorants dans les corps gras, ce qui se traduit par des variations de teintes ; - la différence entre la couleur du bâton de rouge à lèvres et la couleur obtenue sur l'épiderme par son l'utilisation ; - et la modification de la nuance obtenue sur l'épiderme dans les heures qui suivent l'application (colonne 1, lignes 49 à colonne 2, ligne 4). Pour résoudre ces problèmes D3 propose l'utilisation d'un sel d'un colorant bromoacide et d'une amine (colonne 2, lignes 5 à 14). Pour fabriquer ce sel le colorant bromoacide est dispersé dans un corps gras porté à l'état fondu, on ajoute l'amine et on laisse refroidir la solution obtenue (colonne 2, lignes 61 à 66). Le corps gras dans lequel le colorant est dispersé pour procéder à sa salification peut être avantageusement constitué par un corps gras entrant dans la fabrication du fard ou du rouge à lèvres, notamment un phospholipide, en particulier la lécithine de soja (colonne 2, ligne 67 à colonne 3, ligne 5). Avantageusement, le sel est dissous dans un mélange de cires choisies parmi les cires végétales, les cires animales, les cires minérales et les huiles végétales ou minérales (colonne 3, lignes 11 à 20). Ces mélanges de cires et d'huiles constituent les bases de rouges à lèvres ou de fards qui peuvent également contenir d'autres corps gras tels que des dérivés de la lanoline, de la lécithine, du ricin ou des alcools gras (colonne 3, lignes 20 à 26).

Les rouges à lèvres préparés selon les exemples de D3 (point 6.1 ci-dessus) sont décrits comme présentant d'excellentes propriétés colorantes.

7.4. D3 concerne donc des compositions cosmétiques dont la fonction est le maquillage par l'application de colorants et de pigments sur la peau. Par rapport à cet état de la technique, le problème à résoudre par l'invention objet du brevet litigieux est la mise à la disposition de compositions cosmétiques anhydres, qui en plus de la fonction de maquillage, permettent de traiter la peau par application topique (brevet litigieux, page 2, lignes 8 à 15).

7.5. Les compositions cosmétiques selon les exemples du brevet litigieux forment des vésicules lorsqu'elles sont mises en contact avec de l'eau (tableau I, page 9, formules A2 à A5). Or, les vésicules par elles-mêmes ont une action cosmétique par application topique, indépendamment de la présence d'un composé actif (page 2, ligne 40). Il n'a pas été contesté que les compositions assurent d'autre part une fonction de maquillage par la présence de la phase grasse. Par conséquent, la Chambre est satisfaite au vu de ces exemples, que le problème technique tel que défini ci-dessus a bien été résolu par les compositions cosmétiques objet du brevet litigieux.

7.6. La seule question en suspens est donc de savoir si pour l'homme du métier la solution proposée par le brevet litigieux découlait de façon évidente de l'état de la technique opposé par la requérante.

7.6.1. Le problème technique que se propose de résoudre l'invention selon D3 est de remédier aux inconvénients liés à l'insolubilité des colorants de rouge à lèvres dans les corps gras (colonne 1, ligne 49 à 51). La solution proposée consiste à utiliser comme colorants des sels de bromoacides et d'amines (point 7.3 ci- dessus). Ainsi, le problème technique et la solution proposée par D3 sont étrangers au problème technique à la base du brevet litigieux. D3 mentionne toutefois l'introduction dans les compositions cosmétiques de la lécithine de soja, qui est un lipide amphiphile, mais uniquement pour le but de disperser le colorant bromoacide en vue de sa salification (colonne 2, ligne 66 à colonne 3, ligne 5) ou pour dissoudre le sel de bromoacide dans la composition finale (colonne 3, lignes 16 à 26, exemples 1 à 7). D3 ne fait aucune allusion à une phase lipidique provésiculaire qui formera lors de l'utilisation de la composition cosmétique des vésicules permettant d'ajouter à la fonction de maquillage une fonction de traitement de la peau. Par conséquent, une interprétation de l'enseignement de D3 tendant à attribuer au document une quelconque relation avec la formation de vésicules par l'intermédiaire d'une phase provésiculaire ne peut être que le résultat d'une analyse ex post facto, i. e. faite en connaissance de l'invention selon le brevet litigieux.

L'objet des revendications de la requête principale ne peut donc découler de façon évidente de l'enseignement de D3.

7.6.2. D2 propose l'utilisation de cires siliconées afin d'éviter les problèmes de formulation de compositions contenant des agents colorants, en particulier les rouges à lèvres (colonne 2, lignes 9 à 26). D4 propose de remplacer l'huile de ricin utilisée dans les rouges à lèvres comme véhicule pour les pigments et pour contrôler la consistance, par des esters partiels de polyglycérols (colonne 1, lignes 5 à 8, 15 à 19, 29 à 31). Il est vrai que ces documents mentionnent l'incorporation de divers lipides amphiphiles dans les compositions de maquillage (paragraphes 6.2 et 6.3 ci- dessus), mais uniquement dans le but de disperser ou solubiliser les colorants et les pigments (D2, colonne 16, ligne 60 à colonne 17, ligne 17 ; D4, colonne 3, lignes 56 à 66). Tout comme D3, D2 et D4 ne font aucune allusion au traitement de la peau par des vésicules de lipides amphiphiles par l'intermédiaire d'une phase provésiculaire.

Par conséquent, l'enseignement des documents D2 et D4 seuls ou en combinaison avec D3 ne peut conduire l'homme du métier de façon évidente à l'objet des revendications selon la requête principale.

7.6.3. Le document D8 décrit des compositions pro-liposomiques sous forme d'aérosol ou de poudre, à base d'un lipide membranaire et d'au moins un composé biologiquement actif (page 1, lignes 2 à 7). Les compositions pro- liposomiques permettent une encapsulation importante du composé actif dans le lipide et une action prolongée de l'actif au niveau du site d'application (page 1, ligne 33 à page 2, ligne 2). Les compositions préparées sous forme d'aérosols peuvent être utilisées par inhalation par le nez, les bronches et les poumons et sont également adaptées à une application orale ou topique lorsque des effets prolongés sont souhaités (page 3, lignes 6 à 11). Les lipides membranaires sont choisis parmi les phospholipides, les glycolipides et les autres types de composés formant des bi-couches (page 4, lignes 3 à 16). La plupart des composés biologiquement actifs peuvent être incorporés dans les compositions (page 4, lignes 17 et 18). L'agent propulseur de l'aérosol se volatilise lors de l'utilisation laissant le reste de la composition sous forme de gouttelettes qui, au contact avec de l'eau, vont former une dispersion de liposomes (page 4, lignes 25 à 32). Les compositions aérosols sous forme de poudre sont constituées de particules solides micronisées comprenant un support solide et le composé actif dispersé dans le lipide membranaire (page 4, ligne 34 à page 5, ligne 1). Les compositions sont administrées pour le traitement des maladies des poumons, des bronches ou du nez, notamment l'asthme, les bronchites et les rhinites saisonnières. Une administration topique est également envisagée pour le traitement du psoriasis et des inflammations de la peau (page 20, lignes 27 à 37).

D8 décrit donc le principe d'une phase lipidique pro- liposomique ou pro-vésiculaire générant en contact avec une phase aqueuse des liposomes ou vésicules, mais dans un contexte totalement différent de celui de l'invention selon le brevet litigieux. En effet, alors que D8 concerne exclusivement le domaine des applications médicales, l'invention revendiquée consiste en une composition de maquillage dont l'un des constituants essentiels est la phase grasse qui permet la formulation des colorants et pigments. Cette phase grasse est totalement absente des compositions selon D8, les seuls lipides envisagés étant les lipides membranaires et certains agents de modification de ces derniers, tels que les triglycérides et le surfactant SPAN 40 (exemple III). En outre, D8 préconise l'utilisation d'une quantité de lipide aussi faible que possible afin d'éviter les risques de bouchage des buses des flacons aérosols (page 3, lignes 23 à 27). La présence d'une phase grasse, élément essentiel des composition de maquillage selon le brevet litigieux, n'est donc pas souhaitée dans les compositions selon D8.

L'objet des revendications de la requête principale ne peut donc découler de façon évidente de l'enseignement de D8.

D'autre part, au vu des domaines techniques éloignés auxquels se réfèrent D8 et D3, et des différences structurelles entre les compositions de maquillage selon D3 et les compositions sous forme d'aérosols selon D8, la combinaison de D8 avec l'enseignement de D3 ne peut être fondée que sur une analyse ex post facto de ces deux documents, i. e faite en ayant connaissance de l'invention selon le brevet litigieux.

L'objet des revendications selon la requête principale ne peut donc découler de façon évidente de la combinaison des documents D3 et D8.

7.6.4. Le document D9 décrit des compositions pharmaceutiques "proliposomiques" sous forme de produits granulaires secs qui par addition d'eau se dispersent ou se dissolvent en formant une suspension isotonique de liposomes multilamellaires administrable par différentes voies, notamment par voie intra-veineuse (page 324, "Abstract" et colonne de droite, deuxième paragraphe). Ces compositions permettent d'éviter le problème du manque de stabilité des compositions aqueuses dans lesquelles les liposomes sont déjà formés (page 324, colonne de droite, lignes 1 à 6). Dans la partie expérimentale D9 divulgue la préparation de deux compositions renfermant comme produit actif l'amphotericine B (AmB) (page 325, colonne de droite, troisième paragraphe).

La première composition est préparée en ajoutant une solution méthanolique d'AmB à une solution de dimyristoylphosphatidylcholine (DMPC) et de dimyristoylphosphatidylglycerol (DMPG) dans le chloroforme. Ce mélange est ensuite déposé sur du sorbitol. Après séchage et élimination des particules inférieures à 75 µm et supérieures à 600 µm, le produit est conditionné sous azote. Par hydratation du produit granulaire on obtient une solution isotonique.

La deuxième composition est préparée de façon similaire en utilisant à la place du mélange des lipides DMPC et DMPG, un mélange de lécithine d'oeuf et d'ergosterol ("Experimental Section", page 326, "Proliposome Manufacture"). La composition à base de lécithine d'oeuf génère des liposomes multilamellaires par hydratation à température ambiante. Les liposomes obtenus avec le mélange DMPC/DMPG ont un diamètre plus petit que celui observé avec la lécithine d'oeuf (page 327, colonne de gauche).

Les compositions proliposomiques du document D9 sont structurellement éloignées des compositions de maquillage selon le brevet litigieux, dans la mesure où elles ne font pas intervenir de phase grasse. Ainsi, au vu des domaines techniques éloignés auxquels se réfèrent D9 et D3 et des différences structurelles importantes que présentent les compositions de maquillage selon D3 et les compositions pharmaceutiques granulaires selon D9, l'homme du métier n'avait aucune incitation à combiner l'enseignement de ces deux documents pour résoudre le problème technique à la base du brevet litigieux.

L'objet des revendications selon la requête principale ne peut donc découler de façon évidente de la combinaison des documents D3 et D9.

7.6.5. Le document D10 décrit des compositions formant spontanément des vésicules ou liposomes en présence d'un excès d'eau. Ces compositions comprennent un mélange de (a) au moins un lipide membranaire, (b) au moins un solvant organique du lipide membranaire miscible à l'eau et (c) jusqu'à 40% en poids d'eau (revendication 1). Les compositions provésiculaires sont converties en dispersions aqueuses de vésicules en présence d'un fluide aqueux, les vésicules formées présentant des volumes de vide permettant l'encapsulation de composés actifs (page 4, lignes 10 à 20). Les compositions proliposomiques peuvent être administrées oralement en plaçant, par exemple, la composition dans une capsule qui sera avalée par le patient, la formation de vésicules ayant alors lieu in vivo, dans le tube gastro- intestinal (page 12, lignes 18 à 24). Alternativement, la dispersion de liposomes peut être générée in vitro, juste avant l'utilisation (page 12, ligne 34 à page 13, ligne 1). Les compositions peuvent également être préparées sous forme d'aérosol. Dans cas, les gouttelettes d'aérosol génèrent spontanément des vésicules par contact avec un milieu aqueux (page 4, lignes 20 à 23). Les dispersions de liposomes ont une utilisation pharmaceutique par application interne ou externe. Elles ont également une utilité potentielle dans d'autres domaines tels que les méthodes de diagnostique, les insecticides et l'horticulture (page 9, lignes 19 à 23). Les compositions sous forme d'aérosols sont particulièrement utiles dans le traitement de l'asthme, des bronchites et d'autres maladies du système respiratoire (page 8, lignes 5 à 14).

Le document D10 divulgue donc le principe des compositions provésiculaires sans mentionner toutefois d'application dans le domaine des compositions cosmétique de maquillage. En effet, D10 concerne en premier lieu le domaine pharmaceutique et donc l'utilisation des vésicules comme moyen de transport et de protection de composés biologiquement actifs. A l'exception de la composition aérosol selon l'exemple 5, qui ne contient pas de phase grasse, les compositions renferment préférentiellement de l'eau qui peut faciliter la formation spontanée des liposomes, influencer la taille de ces derniers et la capacité d'encapsulation des actifs et, d'autre part, servir de support ou solvant pour les composés actifs destinés à être incorporés dans les liposomes (page 6, lignes 34 à page 7, ligne 12). Cet enseignement n'incite pas l'homme du métier à utiliser un système proliposomique dans un milieu anhydre puisque ce dernier ne facilite pas la formation spontanée des vésicules.

En outre, le document D10 n'ayant aucun lien avec le domaine des compositions de maquillage, l'homme du métier n'avait a priori aucune incitation à considérer l'enseignement de ce document pour résoudre le problème technique à la base du brevet litigieux, en d'autres termes pour ajouter une fonction de traitement de la peau à une composition de maquillage. Ainsi, comme pour les documents D8 et D9, la combinaison de D10 avec l'enseignement du document D3 repose sur une analyse ex post facto de l'art antérieur.

Par conséquent, l'objet des revendications selon la requête principale ne découle pas de façon évidente de D10 seul ou en combinaison avec D3.

7.6.6. Parmi les documents cités par la requérante, seuls D8 à D10 concernent des compositions provésiculaires. Ces documents mentionnent principalement l'utilisation de ces compositions dans le domaine médical, sans faire référence au domaine des compositions cosmétiques de maquillage. Les compositions provésiculaires connues ne contiennent pas de phase grasse. Bien que la formation des vésicules et leur action cosmétique étaient connues bien avant le dépôt du brevet litigieux, les documents cités par la requérante ne font état d'aucune étude concernant la formation de vésicules dans l'environnement de la phase grasse des compositions de maquillage. On peut donc en conclure, qu'une transposition du concept des compositions provésiculaires mentionné dans les documents D8, D9 et D10 aux compositions cosmétiques de maquillage n'était pas évidente pour l'homme du métier (voir également le brevet litigieux, page 2, lignes 1 à 8).

7.6.7. En conclusion, la Chambre considère que l'objet des revendications de la requête principale implique une activité inventive.

8. Dans ces circonstances, l'admission des documents D7 à D10 dans la procédure n'a pas porté préjudice à l'intimée. En particulier, cette admission n'a pas entraîné un renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré et n'a donc pas occasionné de frais supplémentaires à la charge de l'intimée. Il n'y a donc pas lieu d'attribuer à cette dernière une répartition des frais en sa faveur (article 104(1) EPC).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base de la requête principale telle que soumise lors de la procédure orale en date du 12 novembre 2004 et une description devant encore être adaptée.

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