European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2025:R000822.20250224 | ||||||||
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Date de la décision : | 24 Fevrier 2025 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | R 0008/22 | ||||||||
Requête en révision de : | T 1169/18 | ||||||||
Numéro de la demande : | 12192999.6 | ||||||||
Classe de la CIB : | A47J27/62 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Dispositif de cuisson | ||||||||
Nom du demandeur : | SEB S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Fissler GmbH | ||||||||
Chambre : | EBA | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Recevabilité du recours en révision (oui) Révision quant à l'exercice par une chambre de recours de son pouvoir de discrétion qu'en cas de violation grave des dispositions de l'article 113(1) CBE Exclusion d'une révision d'une décision quant aux mérites Violation fondamentale du droit dêtre entendu (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requête en révision porte sur la décision T 1169/18, rendue en date du 29 novembre 2021, ayant été notifiée à la requérante en date du 25 janvier 2022, par laquelle la chambre de recours 3.2.04 (ci-après, "la chambre") a annulé la décision de la division d'opposition et a révoqué le brevet européen dont la requérante était titulaire.
II. La requête en révision se fonde sur les dispositions de l'article 112bis (2)c) CBE, plus particulièrement, une violation fondamentale du droit d'être entendu selon l'article 113 CBE. Ladite requête en révision, dûment motivée a été déposée dans les délais et la taxe de recours en révision dûment acquittée.
III. Il résulte de la décision contestée que la chambre a considéré que l'objet de la revendication 1 de la requête principale telle que délivrée n'était pas nouveau au sens de l'article 54 CBE et a, en conséquence, annulé la décision de la division d'opposition et a révoqué le brevet européen.
De même, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de discrétion sur le fondement des articles 13(1) et (2) du RPCR, la chambre a considéré que les requêtes subsidiaires qui avaient été soumises lors de la procédure d'opposition, ne sont pas recevables, d'une part, en raison de leur invocation tardive dans la procédure de recours et, d'autre part, au regard de l'absence de toute circonstance exceptionnelle qui justifierait leur admission à un stade avancé de la procédure de recours, plus particulièrement en l'espèce, postérieurement à la convocation à une procédure orale ou au cours de celle-ci.
IV. La requérante a considéré que la chambre avait violé son droit d'être entendu, en invoquant pour motifs que cette dernière aurait dû admettre lesdites requêtes subsidiaires, dès lors que la chambre a modifié son avis préliminaire au regard de la nouveauté de l'objet de la revendication 1 de la requête principale, au cours des débats, lors de la procédure orale, ce qui a conduit à la révocation du brevet. Selon la requérante, lesdites requêtes correspondaient à des limitations des revendications qui auraient pu permettre un maintien du brevet sur la base d'au moins l'une d'entre-elles.
La requérante a de même exposé qu'elle considérait que, bien que la décision de la division d'opposition ne porte que sur la requête principale, les requêtes subsidiaires qui avait été valablement déposées au cours de la procédure d'opposition faisaient, de facto, partie de la procédure de recours.
Selon la requérante, la discussion de la recevabilité des requêtes subsidiaires, en particulier quant à leur caractère tardif était, dès lors, sans objet et le fait de ne pas avoir été entendue sur le fond au sujet desdites requêtes subsidiaires constituerait une violation de son droit d'être entendu.
V. La Grande Chambre de recours a adressé à la requérante une communication contenant son opinion préliminaire, selon laquelle elle avait l'intention de rejeter la requête en révision comme étant manifestement irrecevable ou non fondée.
La requérante a répondu à ladite communication par une lettre du 24 décembre 2024, informant la Grande Chambre de recours qu'elle entendait maintenir son recours en révision.
VI. La requérante sollicite dès lors que:
- l'annulation de la décision faisant l'objet de la requête en révision,
- la réouverture de la procédure devant la chambre de recours compétente, et
- le remboursement de la taxe de requête en révision.
Motifs de la décision
1. Recevabilité de la requête en révision - Obligation de soulever des objections selon la Règle 106 CBE
1.1 La Règle 106 CBE détermine une condition spécifique de recevabilité d'une requête en révision. Celle-ci dispose que la requête en révision n'est recevable que si une objection a été soulevée à l'encontre d'un vice de procédure pendant la procédure de recours et a été rejetée par la chambre de recours, à moins qu'une telle objection n'ait pas pu être soulevée durant la procédure de recours.
1.2 Il résulte expressément du procès-verbal de la procédure orale devant la chambre en date du 29 novembre 2021 que la requérante a formulé une objection à l'issue de l'annonce du délibéré quant à l'admissibilité des requêtes subsidiaires, en indiquant formellement qu'elle considérait que son droit d'être entendu aurait été violé du fait de la non-admission desdites requêtes subsidiaires dans la procédure de recours.
1.3 La Grande Chambre de recours considère, dès lors, que la requête en révision n'est pas manifestement irrecevable (Règle 106 CBE, Règle 109(2)a) CBE).
2. Bienfondé de la requête en révision.
2.1 Les objections exposées au paragraphe IV ci-dessus portent sur l'admission, dans la procédure de recours, de requêtes subsidiaires valablement déposées et maintenues dans le cadre d'une procédure de première instance, mais sur lesquelles ne porte pas la décision objet du recours.
Plus particulièrement, lesdites objections visent à contester la faculté, pour une chambre de recours, d'exercer son pouvoir discrétionnaire quant à l'admission de telles requêtes, et ce quel que soit le stade d'avancement de la procédure de recours.
2.2 La Grande Chambre de recours observe que, selon une jurisprudence constante, l'appréciation de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire par une chambre de recours outrepasse la compétence de la Grande Chambre de recours, telle que définie dans le cadre d'une procédure en révision au titre de l'article 112bis CBE, à moins qu'il ne soit démontré que la chambre a abusé de son pouvoir de discrétion, de manière arbitraire oumanifestement illicite, au regard du respect des droits de la requérante selon l'article 113(1) CBE (cf. notamment, R 6/17, point 3.5 de la décision; R 4/14, points 9 et 11 de la décision; R 5/13, point 15 de la décision; R 4/13, point 5.5. de la décision; R 17/11, point 10 de la décision; R 13/11, point 4 de la décision; R 11/11, point 8 de la décision; R 10/09, points 3.2, 3.3. et 5 de la décision).
2.3 Force est de constater que la chambre a été amenée à exercer son pouvoir discrétionnaire dans les circonstances spécifiques au cas d'espèce dont elle était saisie.
2.3.1 Le recours ayant été formé par acte du 27 avril 2018, le RPCR 2007 s'applique, en l'espèce, au mémoire exposant les motifs du recours du 3 juillet 2018, ainsi qu'à la réponse qui y a été apportée en date du 24 octobre 2018.
Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 12(2) RPCR 2007, la réponse au mémoire exposant les motifs du recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie.
Cependant, la notification d'une communication de la chambre, ainsi que la convocation à la procédure orale est intervenue en date du 9 juin 2020, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du RPCR 2020 applicable aux recours en instance (Article 25(1) RPCR, dispositions transitoires).
2.3.2 Ainsi que l'expose la requérante, dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, elle a uniquement présenté des arguments au soutien du brevet tel que délivré, c'est-à-dire la seule requête principale, au regard des seuls arguments développés par l'opposante à ce titre.
En effet, la réponse au mémoire de recours ne mentionne, à aucun titre, les requêtes subsidiaires susceptibles d'être invoquées au soutien d'un maintien du brevet d'invention, ni ne présente quelque explication que ce soit quant à la pertinence et le bienfondé de ces requêtes subsidiaires dans le cadre de la procédure de recours.
La Grande Chambre de recours relève que le recours avait pour objet de contester la décision de maintenir le brevet et d'en obtenir la révocation, l'opposante s'appuyant, tant sur une objection de nouveauté que de défaut d'activité inventive (cf. page 3 à 7 du mémoire exposant les motifs du recours).
Il appartenait dès lors à la requérante d'apprécier le risque procédural d'une possible révocation du brevet dont elle était titulaire et rien ne l'empêchait de désigner spécifiquement, à tout le moins dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, les requêtes subsidiaires déposées en première instance, susceptibles d'être considérées, dans le cadre de la procédure de recours, à titre d'alternative au soutien d'un maintien de son brevet.
2.3.3 Force est de même de relever que la chambre a adressé aux parties une communication selon l'article 15(1) RPCR leur faisant part de l'opinion préliminaire de la chambre, à laquelle la requérante a simplement réagi par lettre en date du 31 juillet 2020 en indiquant, pour la première fois, sans les identifier d'aucune manière que ce soit, ni fournir quelque explication à ce titre, qu'elle maintenait "l'ensemble des requêtes (principales et subsidiaires) déposées lors de la procédure d'opposition" (sic).
2.3.4 L'argumentation de la requérante, selon laquelle sa conclusion, dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, indiquant que "les arguments présentés par l'opposant/requérant ne sont pas pertinents à l'encontre de la validité de la revendication 1 du brevet en cause tel que délivré et maintenu tel que délivré en cours de procédures d'opposition (sic)" s'appliquaient, pour ainsi dire implicitement, aux requêtes subsidiaires, ne saurait entrainer la conviction de la Grande Chambre de recours.
En effet, il y a lieu de rappeler qu'il n'est pas du ressort d'une chambre de recours de procéder à des investigations, dans l'intégralité du dossier d'examen ou d'opposition, en vue de déterminer, à son initiative, quelles sont les requêtes invoquées ou les arguments pertinent apportés à leur soutien par une partie.
2.3.5 Enfin, la Grande Chambre de recours observe qu'il résulte du procès-verbal de la procédure orale du 29 novembre 2021 que la requérante (alors intimée) a confirmé son unique requête initiale comme étant le rejet du recours, ce qui correspond explicitement à l'exposé résultant de la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, sans davantage préciser, à ce stade de la procédure orale que, si cela s'avérait néanmoins nécessaire, elle souhaiterait être entendue au titre de requêtes subsidiaires précédemment déposées dans le cadre de la procédure d'opposition.
Ce n'est qu'après avoir pris connaissance du résultat du délibéré sur la nouveauté que la requérante a sollicité l'examen desdites requêtes subsidiaires, par référence à ce qui avait été mentionné, de manière pour le moins générale et lapidaire, et de surcroît, sans plus ample motivation quant au fond, dans la lettre du 31 juillet 2020.
2.4 La Grande Chambre de recours ne considère pas que la chambre a exercé son pouvoir de discrétion de manière abusive ou manifestement illicite et que le droit d'être entendu de la requérante a été respecté, pour les raisons ci-après:
2.4.1 D'une part, force est de constater que la discussion sur l'admissibilité des requêtes subsidiaires ne portait pas sur leur report ou leur ré-introduction dans la procédure de recours avec la réponse de la requérante (alors intimée) au mémoire exposant les motifs du recours, mais bien postérieurement à la convocation à une procédure orale et la notification d'une communication de la chambre au titre de l'article 15(1) RPCR, et dès lors, dans le cadre du 3ème stade de convergence procédurale, régi par les articles 13(1) et (2) RPCR (2020).
2.4.2 D'autre-part, ainsi que cela résulte indiscutablement du procès-verbal de la procédure orale, il n'est pas contestable que la requérante a été entendue sur la recevabilité des requêtes subsidiaires invoquées et a été en mesure de présenter ses arguments en faveur de leur considération par la chambre.
Toutefois, force est également de relever que le procès-verbal précise que "l'intimée indique vouloir discuter les requêtes subsidiaires déposée en opposition et mentionnées dans sa lettre en date du 31 juillet 2020" (cf. point 5.3., c) ci-dessus pour la mention contenue dans cette lettre), ce qui implique qu'à ce stade de la procédure de recours, lesdites requêtes demeuraient toujours encore visées d'une manière générale.
2.4.3 De surcroît, il résulte surtout de la décision de la chambre, en particulier des points 4.2 à 4.4 des motifs, que cette dernière a considéré que:
(a) les conditions énoncées à l'article 12(2) RPCR 2007 quant au contenu de la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, n'étaient pas remplies et qu'elle considérait que ladite réponse n'identifiait pas expressément les requêtes subsidiaires en question,
(b) la lettre du 31 juillet 2020, postérieure à la convocation à une procédure orale et à la notification d'une communication de la chambre au titre de l'article 15(1) RPCR, devait être considérée comme constituant une modification des moyens de la requérante au sens des articles 13(1) et (2) RPCR. A ce titre, la chambre a, de même, indiqué que le simple fait de déclarer que des requêtes subsidiaires soient maintenues, ne suffisait pas à les identifier clairement, ni à motiver leur invocation.
(c) la communication de la chambre ne constituait qu'une opinion provisoire ne liant pas la chambre et qu'une modification de cette opinion au cours de la procédure ne constituait pas en soit une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 13(1) RPCR.
Enfin, la chambre a également motivé sa décision en se fondant sur le caractère non-convergent desdites requêtes subsidiaires, ainsi que leur inadéquation à surmonter l'objection de nouveauté
2.5 Pour le surplus, il convient de rappeler qu'il n'entre pas dans la compétence de la Grande Chambre de recours statuant en matière de recours en révision, de porter une appréciation, ni quant aux prétendues perspectives de succès de modifications présentées par une partie au cours d'une procédure de recours, ni quant aux mérites de la décision sur le fond rendue par une chambre de recours (cf. R 16/12, point 4.2. et 47 de la décision; R 8/20, point 3.4. de la décision).
2.6 La Grande Chambre de recours considère, dès lors, que la requête en révision est manifestement non fondée (Règle 109(2)a) CBE).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit:
La requête en révision est rejetée à l'unanimité comme étant manifestement non fondée.