R 0001/22 (Requête en révision) of 21.10.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:R000122.20241021
Date de la décision : 21 Octobre 2024
Numéro de l'affaire : R 0001/22
Requête en révision de : T 2284/17
Numéro de la demande : 10728825.0
Classe de la CIB : G01V 1/20
G01H 9/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : HYDROPHONE A FIBRE A RESEAU DE BRAGG AVEC AMPLIFICATEUR A MEMBRANE
Nom du demandeur : IXBLUE
Nom de l'opposant : Thales
Chambre : EBA
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 112a(2)(c)
European Patent Convention Art 113(1)
European Patent Convention R 106
European Patent Convention R 109(2)(a)
Rules of procedure of the Enlarged Board of Appeal Art 13
Rules of procedure of the Enlarged Board of Appeal Art 14(1)
Mot-clé : Recevabilité du recours en révision
Défaut d'objection durant la procédure orale
Recours en révision introduit antérieurement à la notification de la décision écrite et motivée de la chambre de recours
Violation du droit d'être entendu (non)
Opportunité de prendre position et de soumettre des arguments
Requête manifestement irrecevable (oui)
Requête également manifestement non fondée (obiter dictum)
Exergue :

-

Décisions citées :
R 0016/12
R 0007/17
R 0004/18
R 0008/20
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requête en révision porte sur la décision T 2284/17, rendue "en date du 21 octobre 2021" (sic), par laquelle la chambre de recours 3.4.03 (ci-après, "la chambre")a annulé la décision de la division d'opposition et a révoqué le brevet européen dont la requérante était titulaire.

Il est observé que la requête en révision en date du 21 décembre 2021 vise la décision telle que prononcée à l'issue de la procédure orale et mentionnée au procès-verbal de ladite procédure orale, celui-ci ayant été notifié à la requérante en date du 21 octobre 2021. Quant à la décision écrite et motivée, portant certes la date de la procédure orale, à savoir le 8 octobre 2021, celle-ci a été notifiée par voie postale à la requérante en date du 17 janvier 2022.

II. La requête en révision se fonde sur les dispositions de l'article 112bis (2)c) CBE, plus particulièrement, une violation fondamentale du droit d'être entendu selon l'article 113 CBE. Ladite requête en révision, dûment motivée a été déposée dans les délais et la taxe de recours en révision dûment acquittée.

III. Il résulte de la décision contestée que la chambre de recours a considéré que l'objet de la revendication 1 de la requête principale telle que délivrée n'était pas nouveau au sens de l'article 54 CBE et a, en conséquence, révoqué le brevet européen.

IV. La requérante considère que la chambre aurait violé son droit d'être entendu en invoquant pour motifs que la chambre aurait:

- soulevé pour la première fois lors de la procédure orale du 21 octobre 2021, de manière indirecte, une objection de défaut de clarté à l'encontre de la revendication 1 du brevet EP 2 435 855 tel que délivré et maintenu sans modification après opposition;

- justifié sa décision sur le fondement d'une décision de jurisprudence très récente T 1791/16, qui n'a pas été communiquée au titulaire;

- omis d'informer le titulaire que la décision T 1791/16 n'avait été publiée que le 21 septembre 2021, soit un mois avant la procédure orale du 21 octobre 2021;

- omis de fournir au titulaire une traduction de la décision T 1791/16 (qui n'est publiée qu'en anglais), dans la langue de la procédure, le français;

- ajouté dans le compte-rendu de la procédure orale du 21 octobre 2021 le mot « unclear » qui n'a pas été prononcé lors de la procédure orale;

- omis de mentionner dans le compte-rendu de la procédure orale que la langue de la procédure est le français, ce qui avait été énoncé au début de la procédure orale.

La requérante expose de surcroît qu'elle n'aurait pas été en mesure de soulever des objections au cours de la procédure orale car, selon elle, la décision de la chambre de recours serait justifiée "par surprise" (sic) par une décision très récente et qu'elle n'aurait pris conscience des violations invoquées qu'à la lecture des motifs de la décision.

V. La Grande chambre a adressé à la requérante une communication contenant son opinion préliminaire, selon laquelle elle avait l'intention de rejeter la requête en révision comme étant manifestement irrecevable ou non fondée.

Le requérante a répondu à ladite communication par une lettre du 1er octobre 2024 informant la Grande Chambre de recours qu'elle n'avait pas d'observation supplémentaire à formuler.

VI. La requérante sollicite dès lors que:

- la décision à réviser de la chambre de recours soit annulée;

- la procédure de recours soit réouverte devant la chambre de recours compétente;

- la taxe de requête en révision soit remboursée.

La requérante n'a pas sollicité la tenue d'une procédure orale.

Motifs de la décision

1. Recevabilité de la requête en révision - Obligation de soulever des objections selon la Règle 106 CBE.

1.1 La Règle 106 CBE détermine une condition spécifique de recevabilité d'une requête en révision. Celle-ci dispose que la requête en révision n'est recevable que si une objection a été soulevée à l'encontre d'un vice de procédure pendant le procédure de recours et a été rejetée par la chambre de recours, à moins qu'une telle objection n'ait pas pu être soulevée durant la procédure de recours.

1.2 La requérante fait valoir que l'objection concerne un vice de procédure qui n'aurait pu être déterminé qu'après avoir pris connaissance des motifs de la décision de la chambre. En conséquence, la requérante n'aurait pas été en mesure de soulever cette objection au cours de la procédure orale conformément aux dispositions de la règle 106 CBE.

1.3 La Grande Chambre de recours ne partage pas l'opinion de la requérante et considère que la requête en révision est manifestement irrecevable pour les raisons ci-après (Règle 106 CBE, Règle 109 (2) a) CBE).

1.3.1 Il résulte du procès verbal de la procédure orale daté du 21 octobre 2021 (cf. en particulier pages 2 et 3) que les débats ont porté, essentiellement, sur l'appréciation de la nouveauté de la revendication 1 telle que délivrée, au regard de la divulgation des documents E9 et E10, concernant un fluide compressible dans la cavité fluide.

Il apparaît qu'au cours desdits débats, un point important de discussion portait plus particulièrement sur la définition précise et technique du terme "fluide compressible", au sujet de laquelle les parties avaient manifesté leurs divergences dans le cours des débats.

Il est mentionné au procès-verbal (3ème paragraphe, page 3) que le président a cité un passage de l'exergue de la décision T 1791/16, rédigée en langue anglaise, duquel il résulte que lorsqu'une revendication est ambigüe/manque de clarté ("ambiguous/unclear"), toutes les interprétations techniquement raisonnables doivent être considérées ("If a claim is ambiguous/unclear, all technically reasonable interpretations must be considered") et a, dès lors, invité les parties à présenter leur observations quant à l'interprétation dudit terme "fluide compressible" de la revendication 1.

Ainsi qu'il résulte du procès-verbal (dernier paragraphe, page 3), la requérante a déféré à cette invitation en présentant des observations d'ordre technique, sans toutefois soulever une quelconque objection quant à une violation de son droit d'être entendu, du fait, ni de la citation de la décision susvisée, ni de l'invitation qui lui a été adressée de s'exprimer sur l'interprétation d'un terme présent dans la revendication.

Or, si la requérante avait considéré la citation de cette décision comme étant inappropriée ou susceptible de lui faire grief, en particulier du fait d'un malentendu sur la teneur des débats, voire d'une difficulté pour elle de prendre position, il aurait à tout le moins appartenu à la requérante de solliciter de la chambre une clarification à ce sujet et, le cas échéant, de soulever une objection selon la Règle 106 CBE, durant la procédure orale. Ainsi qu'il résulte du procès-verbal de la procédure orale, tel n'a manifestement pas été le cas.

1.3.2 La requérante expose que la chambre aurait justifié sa décision sur le fondement de la décision T 1791/16, consistant en une décision récente qui n'aurait pas été communiquée à la requérante, la chambre ayant de surcroît omis d'informer la requérante que ladite décision n'avait été publiée qu'un mois avant la procédure orale et, de surcroît, aurait omis de lui fournir une traduction de ladite décision (rédigée en langue anglaise) dans la langue de procédure, à savoir le français.

a) En premier lieu, force est d'observer que la requête en révision a été présentée par la requérante en date du 21 décembre 2021, c'est à dire postérieurement à la notification du procès-verbal de la procédure orale intervenue en date du 21 octobre 2021, mais bien antérieurement à la notification de la décision écrite et motivée de la chambre, intervenue quant à elle, le 17 janvier 2022.

Force est de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que le procès-verbal de la procédure orale devant une chambre ne constitue pas une décision, ni ne constitue un élément d'une décision. Dès lors, ledit procès-verbal n'a pas davantage vocation à se substituer à une telle décision, ni à entrer dans le champ spécifique d'un recours en révision au sens de l'Article 112bis CBE (cf. R 0007/17, point 24 de la décision; R 0004/18, points 6 à 12 de la décision).

Il résulte du procès-verbal de la procédure orale que les débats ont porté sur la nouveauté, plus particulièrement au regard de la divulgation de documents de l'art antérieur (documents E9 et E10) et de l'interprétation du terme "fluide compressible" au regard de ladite divulgation.

Il est mentionné au procès-verbal qu'à l'issue d'une délibération de la chambre, le président a annoncé que la chambre était d'avis que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'était pas nouveau vis-à-vis des documents E9 et E10 et a ensuite invité les parties à présenter leurs arguments sur la recevabilité des requêtes subsidiaires 1 à 3.

En revanche, il ne résulte nullement dudit procès-verbal que la chambre ait statué sur une quelconque objection de clarté ou fondé sa décision sur une telle objection.

En conséquence, il est d'évidence qu' à ce stade précis de la procédure de recours, et en l'absence d'autre indication figurant au procès-verbal, la requérante ne pouvait pas avoir connaissance de la motivation de la décision de la chambre, laquelle n'a été portée à sa connaissance qu'ultérieurement, dans la décision écrite qui lui a été notifiée en date du 17 janvier 2022.

Dès lors, il apparaît que la requérante se fonde uniquement sur une supposition selon laquelle la chambre de recours aurait considéré un défaut de clarté, pour parvenir à une décision à l'issue de sa délibération portant sur la nouveauté de l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

De surcroît, il apparait du procès-verbal qu'à l'annonce du résultat du délibéré de la chambre, la requérante n'a pas davantage saisi l'opportunité de formuler une quelconque objection quant à une prétendue violation de son droit d'être entendu, voire ses doutes quant au fondement de la décision de la chambre.

La Grande Chambre de recours note également qu'il est expressément mentionné dans le procès-verbal qu'à l'issue des débats, les parties ont déclaré, sur invitation du président, qu'elles n'avaient aucune autre observation ou requête à présenter.

Il ne peut dès lors être valablement contesté que, dans ce contexte, la requérante avait à plusieurs reprises eu la possibilité de formuler une objection selon la Règle 106 CBE, si elle l'avait estimé nécessaire et utile à la défense de ses intérêts.

b) En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'apparait nullement de la décision écrite et motivée de la chambre de recours que celle-ci aurait, à quelque titre que ce soit, fondé sa décision sur une objection de clarté portant sur une caractéristique de la revendication 1 telle que délivrée.

En effet, il ressort de la décision contestée, plus particulièrement du point 3 de celle-ci, que ce n'est que pour l'appréciation des différences par rapport à l'art antérieur, et au regard des divergences exprimées par les parties à ce sujet, que la chambre traite de la définition technique du terme "fluide incompressible".

A ce titre, la chambre de recours a observé que, selon elle, aucune définition de ce terme n'est donnée dans la description et que, de surcroît, par delà les divergences des parties, la requérante (titulaire) a donné, pendant la procédure orale, une définition différente de celle habituellement comprise par l'homme du métier (voir également, point 3.4.2. p. 15 à 17).

La décision contestée apparaît, dès lors, exclusivement fondée sur l'interprétation et la définition technique à donner à un terme utilisé dans la description ou les revendications et ne concerne à aucun titre une objection de clarté, contrairement à ce qui est argué par la requérante.

Il résulte de surcroit des motifs de la décision que la chambre de recours a pris en considération l'ensemble des arguments des parties, tant ceux soumis par écrit qu'au cours de la procédure orale, pour parvenir à une conclusion.

Il est à noter, au surplus, que la décision T 1791/16 n'est pas citée dans la décision attaquée et que rien n'indique, ni directement, ni indirectement que celle-ci aurait été retenue pour la motivation de la décision.

1.3.3 En conséquence des observations qui précèdent, l'argument de la requérante selon lequel elle ne pouvait soulever d'objection avant d'avoir pris connaissance de la "motivation de la décision et de sa justification" n'est pas recevable, dans la mesure où la requête en révision se fonde uniquement sur l'énoncé de la décision de révoquer le brevet tel quel délivré pour défaut de nouveauté, ainsi que cela est portée au procès-verbal de la procédure orale notifié le 21 octobre 2021, et non point sur la motivation de la décision écrite elle-même, laquelle n'a pu être à la connaissance des parties qu'en suite de la signification intervenue en date du 17 janvier 2022.

1.3.4 Ce n'est dès lors qu'à titre subsidiaire que le Grande Chambre de recours observe, qu'une chambre de recours n'a aucune obligation de fournir à une partie une traduction d'une décision dès lors que celle-ci est rédigée dans une des langues officielles de l'Office Européen des Brevets.

Par ailleurs, le simple fait que la chambre ait pu se référer à une décision d'une chambre de recours technique rédigée dans une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, de surcroît en se limitant à la citation de l'exergue de ladite décision, n'est pas de nature à faire grief à une partie à la procédure de recours.

De même, alors qu'il ne fait aucun doute sur le fait que la langue de procédure ait été, depuis l'origine, le français, une telle mention au procès-verbal, lequel est lui-même établi en langue française, aurait été à tout le moins superfétatoire.

Force est enfin de constater que la requérante n'a, à aucun moment, sollicité une correction ou une modification du procès-verbal à ce sujet.

2. Obiter dictum - Bienfondé de la requête en révision.

Les objections exposées au paragraphe 4 de la requête en révision, relatives à l'interprétation prétendument erronée de la revendication 1 de la requête principale sur le fondement de l'article 69 CBE, l'appréciation de la nouveauté, l'évaluation du contenu de documents de l'art antérieur cités, voire la citation ou l'application d'une jurisprudence consistent à soutenir que la décision de la chambre de recours a été rendue sur le fondement d'une appréciation ou d'un raisonnement erroné.

Plus spécifiquement, au travers d'une telle argumentation la requérante ne fait qu'exprimer, en définitive, son désaccord avec les conclusions et la motivation de la décision de la chambre de recours.

La Grande Chambre de recours observe que l'examen d'une telle requête équivaudrait à réviser une décision rendue par une chambre technique quant à ses mérites, ce qui outrepasserait la compétence de la Grande Chambre telle que définie dans le cadre d'une procédure en révision par l'article 112bis CBE (cf. R 16/12, points 4.2 et 4.7 de la décision; R 8/20, point 3.4. de la décision).

La Grande Chambre de recours considère dès lors que, quand bien même la requête en révision aurait-elle été déclarée recevable, celle-ci n'en aurait pas moins été manifestement non fondée (Règle 109 (2) a) CBE).

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

La requête en révision est rejetée à l'unanimité comme étant manifestement irrecevable.

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