European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1987:J001586.19871009 | ||||||||
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Date de la décision : | 09 Octobre 1987 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | J 0015/86 | ||||||||
Numéro de la demande : | 82109493.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | C07C 123/00 A61K 31/155 |
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Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Ausonia | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. Dans la mise en oeuvre du système du brevet européen, on établit habituellement une distinction entre l'abandon passif d'une demande de brevet européen et son retrait qui procède d'une démarche active. Chaque cas d'espèce dans lequel il y a litige quant aux intentions du demandeur doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres. 2. Une déclaration écrite contenue dans un document émanant du demandeur ou de son mandataire doit être interpretée dans le contexte du document considéré dans son ensemble et en fonction des circonstances. 3. Il est trop tard pour demander la révocation d'une lettre annonçant le retrait d'une demande de brevet, une fois que le public a été informé de ce retrait dans le Bulletin européen des brevets (cf. Renseignement de nature juridique no. 8/89, JO OEB 1981, 6, point 2). 4. Les règles spécifiques du droit matériel des Etats contractants n'entrent pas dans les principes généralement admis en matière de procédure dans ces Etats au sens où l'entend l'article 125 CBE. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Retrait de la demande de brevet (oui) - abandon (non) Interprétation d'une déclaration écrite Révocation trop tardive de la déclaration de retrait de la demande Principes généralement admis en matière de procédure Règeles specifiques du droit matériel |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 82 109 493.5 a été déposée au nom de la requérante le 14 octobre 1982.
Le 23 juillet 1984, par une notification préalable établie conformément à la règle 51(4) et (5) CBE, l'OEB a avisé la requérante de son intention de délivrer un brevet européen. En accusant réception de cette notification, le mandataire de la requérante a fait observer que les taxes de délivrance et d'impression avaient déjà été acquittées.
II. Par une notification du 13 décembre 1984, la Division d'examen de l'Office européen des brevets a informé le mandataire de la requérante de sa décision de délivrer un brevet européen.
III. Le 31 décembre 1984, l'OEB a reçu une lettre du mandataire de la requérante, datée du 28 décembre 1984 et dont l'essentiel consistait en trois phrases y figurant dans cet ordre :
"Je vous informe par la présente que le brevet européen susmentionné se trouve ne plus présenter d'intérêt pour la société demanderesse et que celle-ci en a décidé l'abandon."
"Je vous serais obligé de ne pas poursuivre la procédure concernant le brevet susmentionné et de bien vouloir m'envoyer confirmation du retrait devant intervenir."
"Je vous saurais également gré de m'indiquer en outre s'il y aurait possibilité d'obtenir un remboursement des taxes acquittées, si possible celles de délivrance et d'impression acquittées en dernier lieu."
IV. Par une lettre du 21 janvier 1985, l'Office a informé le mandataire de la requérante qu'il n'était pas possible de rembourser les taxes de délivrance et d'impression, les préparatifs techniques en vue de la délivrance d'un brevet européen ayant déjà été entrepris. Par la suite, la requérante a désigné un nouveau mandataire qui, dans une lettre datée du 29 mars 1985, a prétendu que l'OEB avait mal interprété la déclaration contenue dans la lettre envoyée par le mandataire précédent ; le nouveau mandataire récusait la constatation de retrait de la demande de brevet européen et demandait à l'OEB de déclarer que la demande de brevet était en vigueur et n'avait jamais cessé de l'être. Dans l'intervalle, le 20 mars 1985, le public avait été informé du retrait de la demande de brevet européen (Bulletin européen des brevets n° 12/85).
V. Le 28 novembre 1985, le chef de la Section des formalités de la direction générale 2 a rendu une décision constatant que la déclaration de retrait avait pris effet le 31 décembre 1984 et que, par conséquent, la demande de brevet européen était retirée à compter de cette date. C'est pourquoi la requête formulée par la requérante a été rejetée.
VI. Un recours a été formé contre cette décision le 21 janvier 1986, et la taxe de recours a été acquittée. Le mémoire exposant les motifs du recours, déposé le 27 mars 1986, faisait valoir ce qui suit :
i) la signification et les effets de "l'abandon" d'une demande de brevet sont tout à fait différents de ceux d'un "retrait". La lettre du 28 décembre 1984 employait les deux termes est n'était donc absolument pas claire ;
ii) la demande de retrait était subordonnée au remboursement des taxes de délivrance et d'impression ;
iii) conformément aux principes généralement admis en matière de procédure dans les Etats contractants (art. 125 CBE), une déclaration de volonté doit être interprétée de façon à ce que la véritable intention de son auteur reçoive application. La requérante citait notamment une décision du tribunal fédéral des brevets allemand, dans laquelle ce tribunal avait eu à statuer sur un cas semblable ;
iv) la requérante avait toujours voulu maintenir sa demande de brevet européen. Elle avait simplement fait part à son mandataire précédent de son intention de laisser s'éteindre les droits nationaux qui découleraient de sa demande de brevet européen, lorsque leur maintien entraînerait des frais supplémentaires. Or, le mandataire précédent avait commis une erreur et, dans la présente espèce, les articles 120 et 121 du code civil allemand devraient donc s'appliquer en vertu des dispositions de l'article 125 CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Dans la mise en oeuvre du système du brevet européen, on établit habituellement une distinction entre l'abandon passif d'une demande de brevet européen et son retrait qui procède d'une démarche active. Chaque cas d'espèce dans lequel il y a litige quant aux intentions du demandeur doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres.
3. C'est pourquoi il faut tout d'abord se référer à la lettre reçue par l'OEB le 31 décembre 1984, par laquelle l'OEB était informé que la demande se trouvait "ne plus présenter d'intérêt" pour la requérante et que celle-ci en avait "décidé l'abandon".
Cette déclaration doit être interprétée dans le contexte de la lettre considérée dans son ensemble, et en fonction des circonstances.
Dans la seconde phrase de sa lettre, le mandataire de la requérante demandait expressément à l'OEB "de ne pas poursuivre la procédure" et de lui envoyer confirmation du retrait devant intervenir.
La lettre sollicitait ensuite le remboursement des taxes de délivrance et d'impression.
4. Bien que, dans la lettre, il ait été à la fois question d'abandon et de retrait, il ressort de sa teneur générale que c'était bien un retrait qui était voulu. La Chambre de recours juridique en conclut donc que la lettre a été correctement interprétée par la Section des formalités.
D'autre part, dans la présente espèce, les circonstances étaient telles que la demande de brevet avait atteint un stade où son abandon passif n'était plus possible : si elle n'était pas retirée, il devait y avoir soit délivrance d'un brevet, soit rejet. Aussi la Section des formalités n'avait-elle aucune raison de supposer que c'était "l'abandon" qui était voulu ; tout la portait à penser qu'il fallait immédiatement confirmer le retrait, comme cela avait été demandé et comme elle l'a fait.
5. En outre, le mandataire de la requérante n'a pas montré de réaction aux lettres l'informant qu'il n'était pas possible de rembourser les taxes de délivrance et d'impression et confirmant que la demande de brevet européen avait été retirée. Il est manifeste qu'en tout cas le mandataire pensait que ce qui avait été fait correspondait effectivement à ce qu'il voulait.
6. De surcroît, on ne saurait sérieusement prétendre que la demande de retrait était en tout état de cause subordonnée au remboursement des taxes qui avaient été acquittées. Le texte de la lettre ne permet pas une telle interprétation : "Je vous saurais également gré de m'indiquer en outre s'il y aurait possibilité d'obtenir un remboursement ...".
7. Par conséquent, le présent cas est entièrement différent de celui ayant fait l'objet de la décision J 11/1980 rendue par la Chambre de recours juridique le 25 mars 1981 (JO OEB 1981, 141) et dans lequel il s'agissait de trancher la question de savoir si une demande de brevet avait été ou bien retirée inconditionnellement, ou bien non retirée dès lors que la condition imposée pour son retrait par la requérante ne s'était pas réalisée. Dans cet autre cas, la requérante avait clairement indiqué qu'elle désirait retirer sa demande de brevet à la condition, qui n'est pas inhabituelle, que le contenu n'en soit pas révélé au public.
8. Pour les raisons qui précèdent, la Chambre ne peut pas suivre le nouveau mandataire de la requérante lorsqu'il prétend que la lettre du 28 décembre 1984 n'était pas claire, qu'elle comportait un élément conditionnel et prêtait à confusion et que donc, on ne pouvait l'invoquer pour considérer que la demande de brevet était retirée. La Chambre estime au contraire qu'il y a eu véritablement retrait.
9. Il convient alors d'examiner la question de savoir si, dans le cas où il y a eu véritablement retrait d'une demande de brevet européen, la déclaration de retrait peut être révoquée au motif qu'elle a été émise par erreur. Selon le renseignement de nature juridique n° 8/80 (JO OEB 1981, 6), le demandeur est lié par toute déclaration de retrait valablement effectuée et parvenue à l'Office européen des brevets.
La CBE attache à la déclaration de retrait faite par le demandeur différentes conséquences juridiques immédiates, comme il est indiqué au point 2 de ce même renseignement, et le bon déroulement de la procédure de délivrance exige qu'aucun doute ne pèse quant aux effets juridiques découlant d'une déclaration de retrait valablement effectuée, ce qui serait le cas s'il était autorisé de revenir sur une intention valablement exprimée et notifiée.
10. Au point 7 du mémoire exposant les motifs du recours, il est affirmé que "le demandeur a toujours voulu maintenir le brevet européen. Son intention avait été simplement de laisser s'éteindre les droits nationaux qui prendraient naissance à partir du brevet européen, lorsque leur maintien entraînerait des frais supplémentaires. Le demandeur a fait part de cette intention à son mandataire précédent". A un stade avancé de la procédure de recours, en mars 1987, à la suite de l'envoi d'une notification par la Chambre, l'actuel mandataire de la requérante a pour la première fois cité mot pour mot les instructions effectivement données par la requérante à son mandataire précédent dans sa lettre du 30 octobre 1984. Elle lui intimait "de ne pas entreprendre d'autres actions pouvant entraîner des dépenses".
Il se peut que le mandataire en cause ait à tort interprété ces instructions comme une consigne d'économiser de l'argent en obtenant si possible le remboursement des taxes déjà acquittées, même s'il fallait pour cela retirer la demande. Quoi qu'il en soit, la Chambre estime que, dans l'intéret du public, il est trop tard pour demander la révocation d'une lettre annonçant le retrait d'une demande de brevet européen, une fois que le public a été informé de ce retrait dans le Bulletin européen des brevets.
11. Enfin, devant les arguments invoquant la législation allemande, il y lieu de souligner que, en vertu de l'article 125 CBE, en l'absence d'une disposition de procédure dans la CBE, l'OEB prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les Etats contractants (c'est la Chambre qui met en relief). Ces principes, qui concernent le droit d'être entendu, l'autorité de la chose jugée et autres aspects de même nature, sont bien connus.
Les conclusions figurant dans le mémoire exposant les motifs du recours ainsi que dans le supplément daté du 12 janvier 1987, à savoir que le mandataire précédent se serait mépris quant à la portée de sa déclaration et qu'il faudrait appliquer les dispositions du code civil allemand, n'ont pas de fondement dans l'article 125 CBE, qui évoque uniquement les principes généralement admis en matière de procédure dans les Etats contractants, sans aucune référence aux règles spécifiques de droit civil concernant dans l'un quelconque de ces Etats la question des erreurs commises dans l'expression d'une volonté, ou tout autre question de droit.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours formé contre la décision rendue le 28 novembre 1985 par le chef de la Section des formalités est rejeté.