European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1986:J002084.19860324 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 24 Mars 1986 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | J 0020/84 | ||||||||
Numéro de la demande : | 84710004.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | - | ||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Strabag | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | La Convention sur le brevet européen et son règlement d'exécution, dans leur version actuelle, n'excluent pas la possibilité d'attribuer une date de dépôt au sens où l'entend l'article 75(1)(b), deuxième phrase en liaison avec l'article 80 CBE, lorsque la demande de brevet européen est déposée par télécopie auprès d'un service national de la propriété industrielle. Néanmoins, cela suppose que ce service mette à la disposition du public des moyens techniques appropriés, susceptibles d'être également utilisés pour le dépôt de demandes de brevet. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Demande sous forme de télécopie | ||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. Les procédures de recours J 20/84 et J 23/85 concernant respectivement les demandes de brevet européen n° 84 710 004.7 et n° 84 710 027.8 sont jointes, avec l'accord des requérants donné par écrit, conformément à l'article 9(2) du règlement de procédure des chambres de recours (JO OEB 1/1983, p. 7).
II. Les deux demandes de brevet européen ont été déposées par télécopie auprès de l'Office allemand des brevets, respectivement le 30 janvier 1984 et le 20 août 1984, dans chaque cas peu de temps avant l'expiration de l'année de priorité. Cet office a transmis les télécopies à l'Office européen des brevets (OEB). En outre, les demandeurs ont fait parvenir à l'OEB les documents originaux utilisés pour la télécopie, en même temps qu'une lettre les accompagnant. Ces envois n'ont été reçus à l'OEB qu'après l'expiration de l'année de priorité.
III. Par deux décisions, respectivement en date du 24 juillet 1984 et du 27 septembre 1985, la Section de dépôt de l'OEB a refusé d'accorder, comme date de dépôt au sens de l'article 80 CBE, la date à laquelle les demandes de brevet européen ont été reçues par télécopie à l'Office allemand des brevets. Elle a par contre constaté que la date devant être attribuée comme date de dépôt était celle à laquelle les demandes avaient respectivement été reçues à l'OEB après avoir été transmises par l'Office allemand des brevets ou envoyées par le demandeur, et aucune autre. Ces décisions étaient fondées pour l'essentiel sur le fait que les règles 24(1) et 36(5) CBE sont de nature à exclure le dépôt d'une demande de brevet européen par télécopie.
IV. Respectivement le 10 septembre 1984 et le 29 octobre 1985, les demandeurs ont formé recours contre ces décisions, en payant la taxe correspondante et en déposant en même temps leur mémoire exposant les motifs du recours. Ils y ont tout d'abord fait valoir qu'à la règle 24(1) CBE l'expression "voie postale" englobe le service de télécopie des P.T.T. S'agissant de la règle 36(5) CBE, celle-ci représente une dérogation aux dispositions des paragraphes 2 à 4 qui précèdent, dont on ne peut conclure qu'elle concerne la demande de brevet. Enfin, ils objectent que les arguments invoqués par la Section de dépôt, en particulier le fait que les documents obtenus par télécopie soient d'une qualité inférieure, ne sont pas fondés. Etant donné que les documents obtenus par télécopie satisfont à la condition de la forme écrite et sont irréprochables, il ne peut leur être refusé une date de dépôt telle que visée à l'article 80 CBE.
V. Les requérants concluent à l'annulation des décisions attaquées et à ce qu'il soit constaté que la date de réception par télécopie des demandes de brevet européen à l'Office allemand des brevets soit attribuée comme date de dépôt au sens de l'article 80 CBE. Ils demandent en outre le remboursement de la taxe de recours.
Motifs de la décision
1. Les recours répondent aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; ils sont donc recevables
2. A l'Office allemand des brevets, il est autorisé de procéder par télégramme, télex ou télécopie à l'envoi de lettres visant à assurer l'observation d'un délai, ou au dépôt de demandes de brevet (pour plus de détails, voir Schulte, Patentgesetz, 3e édition, point 85 précédant la section 35 et références ; concernant la télécopie, voir Bundesgerichtshof (Cour fédérale de Karlsruhe) dans Blatt für Patent-, Muster- und Zeichenwesen 1981, 416, en particulier 417). Néanmoins, cela suppose, dans le cas de la télécopie, que l'Office allemand des brevets mette à la disposition du public un service approprié, susceptible d'être également utilisé pour le dépôt de demandes de brevet. Après des essais qui ont commencé en août 1980, cet office a entrepris d'exploiter en permanence un service de télécopie à l'intention du public pour le dépôt de pièces et de demandes de brevet (Communiqué n° 7/85 du Président de l'Office allemand des brevets, en date du 26 avril 1985, Blatt für Patent-, Muster- und Zeichenwesen 1985, 173). Ainsi est-il possible d'obtenir auprès de l'Office allemand des brevets une date de dépôt, du moins dans le cas des demandes de brevet nationales allemandes, en effectuant le dépôt de celles-ci par télécopie.
3. Or, cela vaut également pour les demandes internationales au titre du PCT déposées auprès de l'Office allemand des brevets agissant en tant qu'office récepteur. Lors de sa 12e session qu'elle a tenue du 24 au 28 septembre 1984 (cf. Gazette du PCT 1984, p. 3099), l'Assemblée de l'Union du PCT a décidé que les demandes internationales peuvent en principe également se voir accorder une date de dépôt conformément à l'article 11(1) PCT si elles sont déposées par télécopie. L'Assemblée a cependant précisé qu'aucun office récepteur au titre du PCT n'est par là obligé de mettre des installations de télécopie à la disposition des demandeurs pour le dépôt de leurs demandes.
Quoi qu'il en soit, le fait que l'article 11(1) PCT - disposition droit correspondant à l'article 80 CBE - ne s'oppose pas en principe à l'attribution d'une date de dépôt, lorsque la demande est déposée par télécopie, trouve ici son expression. L'Assemblée de l'Union du PCT n'a absolument pas mentionné la règle 92.4 PCT, qui correspond à la règle 36(5) CBE. Par conséquent, elle ne déduit pas non plus de cette règle qu'une date de dépôt ne puisse être attribuée lorsque le dépôt est effectué par télécopie. Il convient donc de constater que les demandes internationales au titre du PCT déposées par télécopie auprès de l'Office allemand des brevets agissant en tant qu'office récepteur sont également susceptibles de recevoir de cette manière une date de dépôt. Cela vaut aussi pour les demandes "euro-PCT", c'est-à-dire pour les demandes internationales par le biais desquelles, conformément à l'article 153 CBE, le demandeur entend obtenir la délivrance d'un brevet européen par l'OEB agissant comme office désigné.
4. La Convention sur le brevet européen prévoit à l'article 75(1)b) que, si la législation d'un Etat contractant le permet, les demandes de brevet européen peuvent être déposées auprès de l'office national des brevets de cet Etat. L'article 75(1)b), deuxième phrase dispose qu'"une demande ainsi déposée a les mêmes effets que si elle avait été déposée à la même date à l'Office européen des brevets". En d'autres termes, la date de réception à l'office national est considérée comme la date de dépôt de la demande de brevet européen au sens de l'article 80 CBE, sous réserve que les conditions prévues par cet article (et non litigieuses dans le cas présent) soient réunies. Il va sans dire que la date de dépôt revêt une importance déterminante en droit des brevets, particulièrement lorsque c'est d'elle que dépend l'observation du délai de priorité.
5. Il semble que du point de vue du droit rien ne s'oppose à ce que des dispositions de la Convention ou encore de son règlement d'exécution excluent les effets mentionnés, juridiquement fondamentaux, de l'attribution d'une date de dépôt, lorsque la demande est déposée par télécopie. S'agissant de la Convention elle-même, c'est uniquement de l'article 80 qu'il serait effectivement possible de faire découler une exclusion du dépôt par télécopie. De leur côté, les règles 24(1) ou 36(5) du règlement d'exécution pourraient également être interprétées dans ce sens. Une règle de droit qui excluerait lesdits effets devrait toutefois être énoncée sans équivoque et laisser clairement reconnaître l'intention du législateur. Cette condition est le propre de toute disposition d'exclusion. Eu égard à l'article 164(2) CBE, cela vaut tout particulièrement lorsqu'une disposition du règlement d'exécution est censée exclure un effet juridique prévu dans la Convention.
6. La télécopie en tant que telle n'est mentionnée ni dans la Convention ni dans son règlement d'exécution. La règle 36(5) contient des dispositions concernant les télégrammes et les télex. La Chambre de recours estime cependant qu'il est admissible d'appliquer également à la télécopie, par analogie, tout énoncé concernant ces deux types de télécommunication, point de vue que confirme également la règle 92.4 PCT, qui assimile au "télégraphe" ou au "téléimprimeur" "tout autre moyen de télécommunication produisant un document imprimé ou écrit". Dans la présente décision, compte tenu des circonstances de l'affaire, on s'en tiendra donc au cas de la "télécopie", tout en signifiant par là l'ensemble des moyens de télécommunication considérés précisément comme "produisant un document imprimé ou écrit", pour reprendre la formule de la règle du PCT évoquée ci-dessus.
7. L'article 80 de la Convention pourrait exclure l'attribution d'une date de dépôt dans la mesure où il exige que la demande de brevet revête la forme écrite, exigence que les termes "documents produits" - "eingereichte Unterlagen" - "documents filed" sont susceptibles de contenir. On pourrait concevoir que, dans le cas de la télécopie, l'information reçue consiste uniquement en signaux électriques, dont la transposition automatique sur papier est alors l'affaire de l'administration réceptrice. Toutefois, l'Office allemand des brevets (contrairement à l'OEB) offre au public cette possibilité de transposition, en mettant à sa disposition ses propres télécopieurs. La représentation sur papier de l'information transmise est considérée comme le fait même de produire le document, de sorte que pour ce qui est de la forme écrite, mise à part la question de la signature, il ne peut être opéré de distinction par rapport au fait de déposer un document dans une boîte aux lettres de nuit. Néanmoins, c'est le demandeur qui supporte le risque d'anomalie pouvant affecter la transposition sur papier par l'intermédiaire du télécopieur. La condition de la forme écrite, au sens où l'entend l'article 80 CBE, est par contre remplie dès lors que l'information est représentée sur papier. Cela vaut en tout cas lorsque le télécopieur est mis à cette fin à la disposition du public, en vue d'être également utilisé pour le dépôt de demandes de brevet. Considérant ce qui précède, il faut conclure que l'article 80 CBE ne s'oppose pas au dépôt de demandes de brevet européen par télécopie.
8. La règle 24(1) CBE dispose que "le dépôt des demandes de brevet européen peut être effectué directement ou par voie postale". Cet énoncé ne comporte pas d'exclusive catégorique, deux points n'étant pas précisés. Il s'agit d'une part de la question de savoir si l'emploi du terme "directement" ainsi que des termes "voie postale" exclut la possibilité de produire des documents par des moyens de télécommunication. D'autre part, l'énoncé de cette règle n'indique pas si les formes de dépôt mentionnées, à savoir "directement" et "par voie postale", sont considérées de manière exhaustive (dans leur énumération), ce qui serait le cas avec l'emploi du terme "uniquement", ou s'il s'agit d'exemples de formes possibles de dépôt. Comme on peut le constater à l'examen des travaux préparatoires à la CBE, le président du groupe de travail "brevets" avait estimé qu'une disposition correspondant à la règle 24(1) était tout à fait superflue. Cependant, sur proposition d'une délégation, ce groupe de travail a accepté que soit formulée "une disposition selon laquelle le dépôt d'une demande européenne peut s'effectuer, ou bien directement, ou bien par envoi postal. Une telle précision paraît nécessaire, en vue de certaines législations des Etats membres" (doc. 7669/IV/63, du 6 novembre 1963, p. 13). Par "certaines législations", il fallait entendre manifestement des législations nationales anciennes qui n'autorisaient que l'acte d'un dépôt accompli par l'intéressé en personne, avec établissement d'un procès-verbal. L'intention poursuivie en introduisant la règle 24(1) CBE était donc d'assurer la possibilité d'effectuer auprès de tous les offices de brevets des dépôts par "voie postale", c'est-à-dire par courrier ou colis postal. Par contre, cette même règle 24(1) ne peut être interprétée comme visant à exclure une forme de dépôt qui n'y est pas mentionnée.
9. L'on ne peut davantage déduire de la règle 36(5) CBE que le dépôt d'une demande de brevet européen par télécopie auprès d'un office de brevets national ne produit pas l'effet visé à l'article 75(1) CBE en liaison avec l'article 80 CBE, c'est-à-dire l'attribution d'une date de dépôt. Quoi qu'il en soit, la règle 36 CBE, qu'on la considère dans son ensemble ou seulement son paragraphe 5, ne peut nullement être clairement et nettement interprétée comme une réglementation d'exclusion au sens indiqué. La règle 36 CBE considérée dans son ensemble concerne uniquement -comme le précisent ses différents paragraphes et son titre - "les documents produits ultérieurement" au dépôt de la demande de brevet européen. S'agissant de tels documents, le paragraphe 5 dispose qu'ils peuvent, "par dérogation aux dispositions des paragraphes 2 à 4", être adressés par télégramme ou télex (paragraphe 5, première phrase). Dans ce cas, leur contenu doit être confirmé par écrit dans un délai de deux semaines (paragraphe 5, deuxième phrase). Ainsi, l'on ne saurait déduire de l'énoncé de la règle 36(5) CBE qu'il est exclu de pouvoir déposer une demande de brevet européen par télécopie. Néanmoins, il se peut qu'au cours des travaux préparatoires à la CBE le dessein ait été formé de prévoir des cas d'exclusion (tels, à l'époque, les dépôts par télégramme ou par télex). C'est ce que permet de supposer une version antérieure de la règle 36(5) CBE, à savoir la disposition intitulée "Ad article 66, Numéro 11" dans le "Second avant-projet" de 1971, qui revenait en effet à exclure explicitement l'application de l'actuelle règle 36(5) aux pièces de la demande de brevet européen. Cependant, cette disposition antérieure peut uniquement être interprétée comme signifiant que dans le cas du dépôt d'une demande de brevet européen effectué par télégramme ou télex il n'est pas nécessaire d'en confirmer ultérieurement par écrit le contenu.
10. L'article 80 de la Convention et les règles mentionnées du règlement d'exécution ne contiennent par conséquent aucune disposition permettant de conclure qu'un dépôt effectué par télécopie ne peut entraîner l'attribution d'une date de dépôt. Il n'est pas davantage possible de déceler dans les travaux préparatoires à la Convention une intention indubitable et unanime, de la part des Etats contractants, allant dans ce sens. Seul le compte rendu de discussions préliminaires à l'établissement de l'"Avant-projet de Convention relatif à un droit européen des brevets" de 1962/64 peut laisser apparaître une intention de prévoir des cas d'exclusion (doc. 7669/IV/63, du 6 novembre 1963, p. 13). Cependant, il n'a pas été constaté que la question ait été abordée dans les documents de séance de la "Conférence intergouvernementale pour l'institution d'un système européen de délivrance de brevets". Le fait qu'au cours de la phase des délibérations de cette Conférence la disposition (évoquée ci-dessus au point 9) intitulée "Ad article 66, Numéro 11", issue de l'Avant-projet de 1962/64, ait été tout d'abord reprise dans l'Avant-projet de 1971 ne saurait suffire à témoigner d'une intention non équivoque. C'est d'ailleurs en vain que l'on supposerait cette intention, puisque la disposition concernée a été supprimée, c'est-à-dire qu'elle ne figure plus désormais dans le cadre de la règle 36 CBE. Enfin, il y aurait encore lieu de faire observer que la décision de l'Assemblée de l'Union du PCT, mentionnée ci-dessus au point 3, a été prise avec la participation des Etats contractants de la CBE, sans qu'à cette occasion il ait été déduit de la règle 92.4 PCT, analogue à la règle 36(5) CBE, que le dépôt d'une demande par télécopie n'entraîne pas l'attribution d'une date de dépôt.
11. En résumé, il y a lieu de constater que la CBE et son règlement d'exécution, dans leur version actuelle, n'excluent pas la possibilité d'attribuer une date de dépôt au sens où l'entend l'article 75(1)b), deuxième phrase en liaison avec l'article 80 CBE, lorsque la demande de brevet européen est déposée par télécopie auprès d'un office de brevets national. Néanmoins, cela suppose que l'office national concerné mette à la disposition du public des moyens techniques appropriés, susceptibles d'être également utilisés pour le dépôt de demandes de brevet.
12. Dans la présente affaire, il n'y a pas eu de vice substantiel de procédure pouvant fonder le remboursement de la taxe de recours conformément à la règle 67 CBE. En effet, la première instance a interprété la Convention et son règlement d'exécution différemment de la Chambre, sans qu'un vice de procédure ait affecté sa décision.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Les procédures de recours J 20/84 et J 23/85 sont jointes.
2. Les décisions de la Section de dépôt de l'Office européen des brevets, en date du 24 juillet 1984 et du 27 septembre 1985, concernant respectivement les demandes de brevet européen nos 84 710 004.7 et 84 710 027.8, sont annulées.
3. Il est constaté que la date devant être attribuée comme date de dépôt des demandes de brevet européen mentionnées, au sens de l'article 80 CBE, est celle à laquelle ces demandes ont respectivement été reçues par télécopie à l'Office allemand des brevets.
4. Les requêtes en remboursement de la taxe de recours sont rejetées.