European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2001:D002099.20010306 | ||||||||
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Date de la décision : | 06 Mars 2001 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | D 0020/99 | ||||||||
Numéro de la demande : | - | ||||||||
Classe de la CIB : | - | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | - | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | DBA | ||||||||
Sommaire : | I. La loi nationale d'amnistie est dépourvue de portée en matière de poursuites disciplinaires dans l'ordre international. II. L'abus de biens sociaux est constitutif d'un acte de distorsion déloyale de concurrence entre confrères et ainsi d'un manquement à la déontologie des mandataires agréés devant l'OEB. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Amnistie nationale Distorsion de concurrence entre mandataires agréés |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. ...X a, par lettre reçue à l'Office européen des brevets le 18 mars 1999, formé par l'organe de ...Y son avocat, un recours contre la décision du Conseil de discipline dudit Office en date du 24 février 1999, ayant prononcé à son encontre un blâme.
Le mémoire de recours a été reçu le 23 avril 1999.
Le requérant conclut au rejet pur et simple de la plainte déposée contre lui, à la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé sanction à son égard ainsi qu'à la tenue d'une procédure orale.
Dans une communication en date du 25 octobre 2000 ne préjugeant en rien du fond de l'instance et destinée à préparer la procédure orale, la Chambre disciplinaire a fait connaître au requérant ses observations en fait et en droit sur la cause.
Le requérant a répondu aux termes de cette communication le 29 décembre 2000.
La procédure orale non publique s'est déroulée le 6 mars 2001.
II. En fait, conformément aux dispositions de l'article 6(1) du Règlement de discipline des mandataires agréés (RDM) et à celles de l'article 7(2) du Règlement de procédure additionnel de la Commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets, la Commission de discipline a été saisie d'une plainte déposée par ...Z es qualités de présidente de la Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle, contre ...X, portant sur trois griefs, reçue à l'epi le 30 juillet 1996 et confirmée le 31 octobre 1996.
La Commission de discipline a, conformément aux dispositions de l'article 6(2) RDM, renvoyé le 5 juin 1997 la connaissance des poursuites au Conseil de discipline de l'OEB.
Dans la décision attaquée du 24 février 1999, le Conseil de discipline de l'Office européen des brevets a :
- prononcé une sanction du seul chef du premier grief des poursuites,
- considéré que les deuxième et troisième griefs étaient respectivement, soit étrangers au domaine d'application du Règlement de discipline des mandataires agréés, soit à écarter de la procédure présente puisqu'ayant fait l'objet d'une procédure antérieure (non bis in idem).
III. Pour fonder la sanction prononcée du chef du seul premier grief des poursuites, le Conseil de discipline a considéré que des faits imputables à ...X et pénalement réprimés en France étaient constitutifs de manquements aux dispositions de l'article 1(1) et (2) du RDM.
En effet, il résulterait selon la décision attaquée des motifs d'un jugement du Tribunal de Grande instance de Lille, statuant en matière correctionnelle, que depuis l'année 1989 et jusqu'en mai 1992, ...D salarié de la Société Anonyme ...P dont ...X était actionnaire majoritaire, travaillait à tout le moins une demi-journée par semaine pour le Cabinet ... dirigé par le même...X, tout en restant rémunéré par la SA ...P. Selon le Tribunal Correctionnel, de tels faits étaient constitutifs du délit d'abus de biens sociaux. Pour le Conseil de discipline, il s'ensuivait que ces mêmes faits représentaient un manquement de ...X au RDM, en tant qu'ils constituaient en même temps une concurrence déloyale vis-à-vis de ses confrères mandataires européens tenus de payer leurs collaborateurs.
IV. La première instance a écarté l'application aux faits de la cause des dispositions de la loi d'amnistie française du 3 août 1995 dont relevait le jugement pénal définitif sur lequel elle s'est fondée pour entrer en voie de sanction disciplinaire contre le requérant.
Pour ce faire, le Conseil de discipline a invoqué la jurisprudence de la présente Chambre de recours disciplinaire et notamment la décision D 11/91, selon laquelle l'amnistie par la loi ou l'autorité nationale n'emporte pas de droit à l'égard des juridictions internationales devant lesquelles elle ne peut être invoquée.
V. Dans son mémoire de recours, le requérant fait valoir :
A. Sur la portée de la loi d'amnistie française :
- qu'il est acquis, d'une part, que la condamnation sur laquelle le Conseil de discipline s'est fondé pour prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre du requérant, est amnistiée ;
- que, d'autre part, si comme le retient la première instance, la juridiction disciplinaire internationale demeure à même de prendre en considération des faits objet d'une condamnation pénale amnistiée, encore faut-il que la preuve de ces faits soit rapportée dans des conditions juridiquement admissibles ;
- que précisément tel n'est pas le cas en l'espèce, où la preuve de l'abus de biens sociaux dont le requérant se serait rendu coupable, n'est rapportée que par la prise en compte d'une décision de justice amnistiée, dont la production est pénalement réprimée par l'article 23 de la loi française du 3 août 1995 portant amnistie de certaines infractions ou peines ;
- qu'ainsi de ce seul chef, la décision entreprise se doit d'être annulée.
B. Sur l'infraction d'abus de biens sociaux imputée au requérant :
- que la première instance qui s'est fondée sur le seul jugement amnistié n'a point eu d'égards au réquisitoire de l'autorité de poursuite dans la procédure pénale ayant abouti à condamnation, alors même que le Procureur de la République y concluait à l'absence d'infraction, en se fondant sur la convention intervenue entre la SA ...P et le Cabinet...L, de mise à disposition du salarié ...D mandataire européen, alors même qu'un tel contrat entériné par le Conseil d'administration et visé par le Commissaire aux comptes de la société anonyme dont s'agit était exclusif de tout abus de biens sociaux ;
- qu'au reste même à supposer établi que ...D n'ait été payé que par la seule SA ...P de son travail au Cabinet...L, cela ne constituerait pas de facto une infraction aux dispositions des articles 1(1) et 1(2) du RDM, dès lors que telle convention ne constitue ni une atteinte à la conscience professionnelle attendue d'un mandataire européen, ni une attitude incompatible avec la dignité de sa profession, non plus enfin qu'une atteinte à la confiance dont elle doit jouir ;
- qu'égards pris du délai de prescription des poursuites porté à l'article 26 du RDM, il est établi que ...D n'a participé à l'élaboration que de sept demandes européennes, et qu'ainsi son intervention n'a été que purement marginale, l'essentiel de l'ouvrage relevant d'un autre collaborateur du Cabinet ...L géré par la requérant.
A titre d'observation complémentaire, celui-ci fait valoir qu'il n'a pas relevé appel en son temps du jugement portant condamnation aujourd'hui amnistiée, précisément à considération de la portée de la loi française d'amnistie, alors même qu'au regard des conclusions du ministère public, ses chances se fussent trouvées grandes d'y prospérer.
Motifs de la décision
1. Le recours régulier en la forme est recevable.
2. Sur la portée du recours
Dans la décision attaquée du 24 février 1999, le Conseil de discipline de l'Office européen des brevets qui était saisi des poursuites disciplinaires contre le requérant par la décision de la Commission de discipline en date du 5 juin 1997 a :
- prononcé une sanction du seul chef du premier grief des poursuites,
- considéré que les deuxième et troisième griefs étaient respectivement, soit étrangers au domaine d'application du RDM, soit à écarter de la procédure présente puisqu'ayant fait l'objet d'une poursuite antérieure (non bis in idem).
Dès lors que ni le Président du Conseil de l'Institut, ni le Président de l'Office européen des brevets n'ont usé du droit de recours qui leur est reconnu par l'article 8(2) du RDM, la décision entreprise est devenue définitive quant auxdits deuxième et troisième griefs.
La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire n'est donc saisie par le recours formé par le mandataire agréé ...X qu'en ce qu'il est relatif au premier grief ayant donné lieu à sanction disciplinaire dans la décision attaquée du 24 février 1999.
En effet, dans son mémoire de recours, et usant du style ordinaire du palais français, il est dit : "...X note que, à juste titre, le Conseil de discipline a retenu que ni le deuxième, ni le troisième griefs ne pouvaient être retenus à l'encontre de ...X. La décision sera confirmée sur ce point."
Il s'ensuit que la Chambre de recours se doit seulement d'apprécier ce qui relève de sa seule saisine, à savoir si le premier grief tel que tenu pour avéré par la décision entreprise est constitutif d'un manquement aux règles de conduite professionnelle édictées dans les articles 1, 2 et 3 du RDM, et si la sanction prononcée est justifiée au regard de la gravité du manquement allégué.
Il s'ensuit "a contrario" que la Chambre de recours ne peut en aucun cas aggraver la sanction prononcée. Cela est d'ailleurs conforme au principe de l'effet dévolutif du recours et de la prohibition générale de l'aggravation en cause d'appel de la situation du seul requérant, faute d'appel incident (pas de "reformatio in peius").
3. Au fond
3.1 Sur la portée de la loi d'amnistie française
Dans ses écrits d'appel, l'auteur du recours reconnaît lui-même qu'ainsi que l'a pu retenir la première instance, la juridiction disciplinaire internationale demeure parfaitement à même de prendre en considération des faits objet d'une condamnation pénale amnistiée par la loi nationale.
Cela est en tous points conforme à la jurisprudence de la présente Chambre (cf. : D11/91) selon laquelle l'amnistie par la loi nationale n'emportait point de droit à l'égard de la juridiction internationale.
Admettre le contraire reviendrait à rompre l'égalité des mandataires agréés devant les dispositions disciplinaires dans l'ordre international, auxquelles l'ensemble des Etats adhérents à la CBE ont nécessairement par délégation souscrit, en laissant à la latitude d'un desdits Etats d'effacer à son gré un fait commis dans son aire de souveraineté et tombant sous le coup desdites dispositions.
Pour autant, ce principe admis, le requérant demeure soutenir que la juridiction disciplinaire ne saurait établir la preuve de manquements au RDM que dans des conditions juridiquement admissibles. Or tel ne serait pas le cas en l'espèce où la preuve des faits imputés au requérant par la première instance se fonde sur la seule mention d'une décision pénale française amnistiée par la loi française, alors même que la production d'une telle décision est constitutive d'une infraction pénale.
Il est toutefois constant en droit que l'amnistie ne fait point disparaître la nature délictueuse, tant au plan strictement pénal qu'au plan disciplinaire, des faits qui relèvent de son empire et dont la preuve peut encore être rapportée par tous moyens, y compris la production du dossier pénal. Au reste, il est simplement prohibé d'invoquer une condamnation amnistiée, mais rien n'interdit au juge d'évoquer les motifs décisoires d'une décision amnistiée en tant qu'ils demeurent le soutien nécessaire de la peine éteinte, pour fonder leur conviction dans une instance d'une autre nature, civile ou disciplinaire se rapportant aux mêmes faits.
3.2 Sur le fond
En l'espèce, il ressort tant du réquisitoire du Procureur de la République versé aux débats, que du rapport du commissaire aux comptes de la SA ...P, que des motifs d'un jugement définitif ayant acquis autorité de chose jugée, que ...D a travaillé à l'élaboration de brevets européens dans le Cabinet ...L, appartenant au requérant, tout en étant rémunéré par la SA ...P.
Toutefois, il ressort du dossier soumis à l'appréciation de la Chambre que cette mise à disposition conventionnelle n'a jamais fait l'objet d'une facturation à la seule exception de l'année 1992 où il est établi que la SA ...P a facturé pour l'exercice 1992 la somme de 49 530 FF au Cabinet ...L pour "charges de personnel tenue de comptabilité et traitement informatique". Une telle facturation dont un des objets seulement est une "charge de personnel", dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle se rapporte à ...D, est sans commune mesure avec la rémunération dudit ...D à la SA ...P, qui pour l'année 1992 a été de 570 000 FF environ.
Il en est donc résulté pour le Cabinet ...L un avantage certain, consistant en une réduction des coûts d'élaboration des brevets.
Un tel avantage est indû en ce qu'il a nécessairement entraîné une distorsion déloyale de concurrence envers les autres mandataires européens tenus quant à eux de rémunérer leurs collaborateurs selon les lois onéreuses du marché.
Un tel comportement est de ce seul fait à la fois, incompatible avec la dignité professionnelle d'un mandataire européen, et susceptible de compromettre la confiance due à la profession de mandataire agréé.
Ainsi ont été violées par le requérant les dispositions des articles 1(1) et 1(2) du RDM.
4. En conséquence, la sanction prononcée de ce seul chef à son encontre par la première instance était - elle justifiée, de telle sorte que le recours doit être rejeté.
4.1 La Chambre entend que la présente décision soit publiée, en la forme anonyme, ainsi que l'autorise l'article 18 de son Règlement de procédure additionnel (JO 1980, 188). Cette publication se substituera à celle ordonnée par la première instance.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours est rejeté.
2. La présente décision sera publiée sous forme anonyme.
3. La décision attaquée ne sera pas publiée.