D 0019/99 () of 18.12.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:D001999.20011218
Date de la décision : 18 Décembre 2001
Numéro de l'affaire : D 0019/99
Numéro de la demande : -
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : FR
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : -
Nom de l'opposant : -
Chambre : DBA
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
-
Mot-clé : -
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Suivant décision en date du 1er février 1999, le Conseil de discipline de l'Office européen des brevets a prononcé la radiation de la liste des mandataires agréés auprès dudit office, pour une durée de six années, de M. A....

Celui-ci a formé un recours contre cette décision le 25. février 1999, et le 31 mars 1999, M D..., avocat au barreau de Strasbourg, par lui constitué, a exposé les moyens de fait et de droit au soutien dudit recours.

II. En fait, pour entrer en voie de sanction disciplinaire, la décision attaquée a retenu à l'encontre de ce mandataire agréé, deux griefs.

Le premier d'entre eux est constitué par le défaut de paiement de facture d'honoraires de prestations de services émises par le cabinet de mandataires agréés X... de Londres (GB), plaignant, pour un montant total de 8207,70 livres anglaises, s'échelonnant de novembre 1985 à décembre 1986, et ayant persisté nonobstant deux injonctions de payer de la Cour de Westminster des 22. décembre 1988 et 13 décembre 1989. La première instance considérait à cet égard :

- d'une part que la prescription régie par l'article 26 du Règlement de discipline n'avait commencé à courir qu'à compter du 26 février 1990, date de la mise en redressement judiciaire du cabinet A... S.A.;

- d'autre part, qu'un tel comportement était constitutif d'une rupture de la nécessaire relation de confiance qui doit exister entre membres de la profession, et violait ainsi les dispositions de l'article 1(1) du Règlement en matière de discipline des mandataires agréés.

Le second grief tient quant à lui au manque de collaboration du requérant avec la commission de discipline, en ce qu'il aurait volontairement et de mauvaise foi entretenu la confusion sur son adresse postale véritable, d'une part, et aurait menacé par écrit le rapporteur de la commission de discipline de l'epi, d'autre part.

Pour chacun de ces chefs de prévention, la première instance a prononcé une radiation pour une durée de trois années de la liste des mandataires agréés, soit après cumul desdites sanctions, une radiation de six années.

III. Au soutien de son recours, le requérant fait valoir des moyens de droit et de fait de différentes natures.

Le premier de ces moyens a trait à l'incompétence de l'Office européen des brevets pour statuer en matière disciplinaire, laquelle échappe par nature à l'objet de la Convention sur le brevet européen en date du 5. octobre 1973, qui se limite à la délivrance du brevet européen.

Le second moyen est tiré de l'incompétence "ratione materiae" de l'instance disciplinaire, dès lors que les faits reprochés tiennent en l'espèce à une activité sans rapport direct avec la délivrance d'un brevet européen.

Outre ces deux moyens tirés de l'incompétence de l'instance disciplinaire, le requérant fait encore valoir d'autres moyens de nullité de la décision entreprise.

Le premier de ces moyens de nullité est tiré de l'illégalité de la décision attaquée, en ce que son rapporteur, qui serait une autorité de poursuite, aurait siégé dans la formation collégiale ayant prononcé la décision attaquée, au mépris des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme régissant la présente procédure.

Le second de ces moyens de nullité tient au défaut de communication au requérant des pièces et documents ayant servi de fondement aux poursuites disciplinaires, d'une part, et, d'autre part, à ce que la décision entreprise se heurterait à l'autorité de la chose jugée en ce que le premier grief retenu aurait déjà fait l'objet d'une décision antérieure de la présente Chambre de recours en date du 14 septembre 1994 (D 0011/91).

Le requérant fait ensuite valoir en droit que c'est à tort que la première instance a refusé de lui faire application de la loi française d'amnistie sous l'empire de laquelle tomberaient les faits à lui reprochés, et que les poursuites, égards pris des dates respectives des manquements allégués, étaient prescrites en vertu des articles 25 et 26 du Règlement de discipline des mandataires agréés.

Il ajoute enfin que son domicile professionnel n'ayant jamais cessé de se trouver à Strasbourg (FR), le manque de coopération avec l'instance de poursuite dont il lui est fait grief se trouve dépourvu de cause.

En suite de quoi ont été formulées par l'auteur du recours les requêtes dont la teneur suit :

- qu'une procédure orale soit organisée,

- que le recours soit déclaré recevable,

- que la décision attaquée soit réformée,

- qu'il soit jugé que l'instance disciplinaire de première instance était incompétente pour connaître des griefs objet de la plainte X...

- qu'en tout état de cause, les faits étaient prescrits au regard des dispositions du Règlement de discipline et amnistiés en application de la loi française ;

- qu'il soit déclaré que les faits reprochés sont de la seule compétence des juridictions civiles nationales.

IV. Dans une notification en date du 8 octobre 2001, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire a communiqué au requérant ses observations préliminaires dont il était précisé qu'elles ne préjugeaient en rien de la suite de l'instance et qu'elles ne sauraient ainsi la lier.

Elle y relevait notamment que :

1. Les instances disciplinaires trouvent leur base légale dans l'article 134(8)c de la Convention sur le brevet européen, et que le Règlement de discipline des mandataires agréés a été arrêté par le Conseil d'administration, délégataire en cela des Etats contractants, en vertu du texte susvisé ;

2. Que les manquements allégués, constitutifs du premier grief, consistent dans une contravention au devoir de confraternité du requérant à l'endroit d'un autre mandataire européen, la question se posant toutefois de savoir s'ils ont eu trait à une activité de mandataire européen en rapport avec la délivrance d'un ou plusieurs brevets européens ;

3. Que le rapporteur, membre de l'instance ayant rendu la décision attaquée, n'est nullement une autorité de poursuite ;

4. Que les lois nationales emportant amnistie sont inopposables à la juridiction disciplinaire dans l'ordre international ;

5. Que le requérant, destinataire originel des factures impayées ne saurait prétendre aujourd'hui les ignorer ;

6. Que les faits sous-jacents à la décision D 11/91 du 14. septembre 1994 sont différents de ceux du cas présent.

La Chambre invitait ensuite le requérant à développer ses moyens

- relativement à la prescription soulevée en expliquant en quoi le défaut de paiement persistant ne serait pas continu,

- relativement à son comportement à l'égard de l'instance de poursuite.

Elle l'appelait enfin à se prononcer sur la sanction prononcée au regard des dispositions de l'article 4(d) et (e) du Règlement de discipline, ainsi que sur le cumul des sanctions opéré par la première instance.

V. Le requérant était conformément à sa requête convoqué à la procédure orale du 18 décembre 2001 par lettre recommandée en date du 8 octobre 2001.

Par télécopie reçue à l'Office européen des brevets le 13. décembre 2001 le requérant, reprenant les moyens de fait de son précédent mémoire, et y ajoutant, qualifiait d'avant dire droit la communication de la Chambre susvisée en date du 8 octobre 2001. Il y prétendait voir un préjugement venant conforter son moyen antérieur selon lequel les membres de la Chambre de recours exercent simultanément des fonctions d'instruction et de jugement.

Il ajoutait à ses requêtes précédentes celles suivantes :

- de saisir la Grande Chambre de recours pour qu'elle connaisse des moyens de légalité soulevés par lui,

- de lui donner acte de la procédure civile engagée en France par lui à l'encontre de l'Institut des mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets,

- de surseoir à statuer jusqu'à règlement définitif desdites procédures.

VI. A l'audience du 18 décembre 2001, le requérant n'était ni présent, ni représenté, en conséquence de quoi et au vu du fait qu'il avait été dûment convoqué, la procédure, non publique, a été poursuivie en son absence.

Motifs de la décision

1. Le recours, régulier en la forme, est recevable.

2. La légalité de l'instance dont émane la décision attaquée ayant liminairement été mise en cause par le requérant, il importe de répondre au premier chef à ce moyen préjudiciel.

A cet égard, il a déjà été jugé par la présente Chambre dans la décision du 14 septembre 1994 (D 11/91) statuant sur un précédent recours de M. A..., que les Etats parties à la Convention de Munich sur le brevet européen ont délégué au Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets par l'effet de l'article 134(8) de ladite Convention le pouvoir d'instituer les règles disciplinaires ainsi que leurs sanctions appelées à régir les mandataires agréés auprès de l'OEB et qu'ainsi les instances disciplinaires créés en exécution de son mandat ont une existence légale conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.

La Chambre ne saurait s'écarter aujourd'hui de sa décision d'alors dont les motifs, auxquels il est expressément renvoyé, demeurent pertinents.

3. Le requérant ayant de même entrepris la décision attaquée de nullité pour ce qu'une autorité de poursuite disciplinaire aurait participé à la formation collégiale du conseil de discipline, il importe de répondre à ce moyen avant que d'aborder le fond.

A cet égard, il suffit de considérer que le rapporteur du conseil de discipline désigné en application de l'article 5 du Règlement de procédure dudit conseil (JO 1980, 183), n'est nullement une autorité de poursuite, comme le pourrait être celui de la commission de discipline chargé de l'instruction d'une plainte pour manquement professionnel à l'encontre d'un mandataire agréé, mais bien au contraire un membre de la première instance disciplinaire compétente au fond, chargé de rédiger les notifications et décision ratifiées par la collégialité du conseil (cf. article 15 du RdM).

Ainsi le moyen doit-il être rejeté en ce qu'en aucune façon il n'a été, dans l'espèce, contrevenu aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

4. L'auteur du recours a expressément formulé la requête en saisine de la Grande Chambre de recours, pour être statué sur les exceptions de procédure.

Il est toutefois constant qu'il n'est point dans le pouvoir de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire de saisir la Grande Chambre de recours. A cet égard la présente décision fait expressément référence à sa jurisprudence constante (D 5/82, JO 1983, 175, point 5 des motifs et D 7/82, JO 1983, 185).

Il n'y a donc pas matière à ordonner sursis à statuer de ce chef de requête.

5. Il importe, ces moyens de nullité étant levés, de statuer ensuite sur celui soulevé par le requérant et tenant à ce que le manquement allégué, objet de la plainte, ne relèverait pas d'une activité régie par la Convention sur le brevet européen.

5.1. A cet égard, en droit il convient au premier chef de considérer que des dispositions mêmes des articles 134(1) et 134(4) de la CBE il résulte que les mandataires agréés sont en principe seuls habilités à agir dans toutes procédures instituées par la Convention, et qu'ainsi le pouvoir disciplinaire délégué par les Etats contractants dans les dispositions dessus évoquées de l'article 134(8) CBE ne se peut concevoir nécessairement que se rapportant à leur activité comme tels.

Au second chef il est de principe constant en droit dans l'aire de souveraineté des mêmes Etats contractants que les dispositions édictant des sanctions disciplinaires venant restreindre le libre exercice d'une profession, sont à l'instar de celles du droit pénal, d'interprétation stricte, donc étroite. Une interprétation de telle nature est tout aussi nécessaire pour éviter les conflits de compétence entre les organes de l'OEB et les organes disciplinaires nationaux.

Ainsi ne relèvent à l'évidence du pouvoir disciplinaire des instances créées en vertu de l'article 134(8) CBE, que les seules activités des mandataires agréés en rapport avec leur privilège de représentation, savoir relatives à la délivrance d'un brevet européen.

Telle fut d'ailleurs l'interprétation par l'Office européen des brevets du Code de conduite professionnelle, publiée au Journal Officiel de l'OEB (JO 1980, 216) en ces termes : "Ce code a par conséquent pour objet de régir la conduite et les autres activités des membres, pour autant que de telles activités ont un rapport avec la Convention sur la délivrance des brevets européen."

La présente Chambre de recours en a d'ailleurs implicitement décidé ainsi dans sa décision du 29. mars 1998 (D 0016/95, point 2 des motifs) dans laquelle un brevet européen en phase nationale était en cause.

Attendu enfin que la lecture même de l'article 1(1) du Règlement de discipline impose une telle interprétation en ce qu'il dispose que "tout mandataire agréé doit, dans l'exercice de ses fonctions, faire preuve ...".

A raison du principe dessus rappelé d'interprétation stricte des textes emportant sanction disciplinaire, il ne saurait être possible de faire régir par ces mêmes textes, par analogie, d'autres activités annexes que pourrait exercer par ailleurs un mandataire agréé.

5.2. Or, en fait, dans le cas de l'espèce, il résulte du dossier soumis à l'appréciation de la Chambre et de l'aveu même du plaignant que l'ensemble des factures impayées se rapporte à des seuls brevets britanniques sans aucun rapport avec un quelconque brevet européen.

Il s'ensuit que le requérant agissait alors nécessairement en une autre qualité que celle de mandataire européen.

5.3. Ainsi, dans ces conditions, la décision entreprise doit-elle être annulée, et le requérant renvoyé des fins de ce premier grief des poursuites disciplinaires.

6. Demeure à considérer le second grief du chef duquel la première instance est entrée en voie de sanction disciplinaire et tiré du comportement du requérant à l'endroit de l'autorité de poursuite.

Il est constant que dans toute procédure disciplinaire dont il est objet le mandataire agréé concerné à l'obligation de collaborer de bonne foi avec les instances successives qui en sont chargées (voir notamment 24 février 1983, D 8/82).

En l'espèce, la Chambre ne peut que constater le manquement par le requérant à cette obligation générale de moyens pendant la procédure suivie devant la Commission de discipline de l'epi.

Il résulte en effet du dossier, d'une part, que le requérant a adopté une attitude dilatoire en prétendant méconnaître un courrier du 31 août 1993 émanant du rapporteur de ladite commission, et en prétextant son défaut d'acheminement à sa véritable adresse, et, d'autre part, que le requérant s'est adressé par écrit à ce même rapporteur en des termes fort discourtois pour l'institution qu'il représentait, le menaçant même de manière non voilée, de poursuites devant la juridiction nationale.

Il est manifeste qu'une telle attitude et de tels propos sont incompatibles avec la dignité du mandataire agréé, même si tenus à l'occasion de poursuites sur une plainte dont l'objet était étranger à la compétence "ratione materiae" de l'instance disciplinaire.

La sanction prononcée par la première instance est toutefois inappropriée à la nature et la portée de cette faute, et la Chambre réformant à cet égard la décision entreprise, inflige au requérant la sanction du blâme prévu à l'article 4(1)b du Règlement de discipline.

7. Il n'y a lieu pour la Chambre de donner acte de quelque autre procédure prétendument engagée devant un tribunal national. Enfin tous autres moyens du requérant devenant superfétatoires, il n'y a lieu d'y répondre dans la présente décision.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.

3. Le requérant est renvoyé des fins du premier grief des poursuites disciplinaires.

4. Le requérant est sanctionné d'un blâme du chef du second grief des poursuites disciplinaires.

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