European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1992:D001091.19921217 | ||||||||
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Date de la décision : | 17 Décembre 1992 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | D 0010/91 | ||||||||
Numéro de la demande : | - | ||||||||
Classe de la CIB : | - | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | - | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | DBA | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | - | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant, conseil en brevets à Yverdon-les-Bains (Suisse) avait, pour le compte de son client, Georges Stutzmann, déposé le 10 avril 1986 la demande de brevet français n° 8605254 relative à un "Appareil pour l'entretien d'outils pneumatiques". Par la suite, il s'est également occupé du dépôt des autres demandes qui revendiquaient la priorité française, dont la demande PCT PCT/CH 87/00040 et la demande de brevet européen 87902358.8.
II. Grâce à l'entremise de la société RET S.A., qu'il a sollicitée sur recommandation du requérant, M. Stutzmann a conclu avec la société CMR TECHNIC S.A. un contrat de licence portant sur la fabrication et la vente de l'appareil faisant l'objet du brevet. Toutes les parties étaient convenues que le requérant continuerait à s'occuper des demandes de brevet en cours. Dans le cadre de ce mandat, le titulaire de la licence, la société CMR TECHNIC S.A., a donné au requérant des instructions pour qu'il fasse étendre la protection de l'invention du concédant, M. Stutzmann, au Canada et au Japon et, en ce qui concerne la demande PCT, pour qu'il accomplisse les autres formalités sur le plan national.
III. Le 18 juin 1988, M. Stutzmann a cédé la totalité de ses droits d'invention a la société CMR TECHNIC S.A..
IV. Par suite de difficultés liées à l'exploitation de l'appareil faisant l'objet du brevet, la société CMR TECHNIC S.A. a engagé une action en dommages-intérêts contre la société RET S.A. Au cours de ce litige, la défenderesse (la société RET S.A.) a demandé au requérant de lui fournir des informations sur son activité antérieure pour le compte de la demanderesse (la société CMR TECHNIC S.A.). Les renseignèrent donnes par le requérant figurent dans le mémoire du mandataire de la défenderesse en date du 3 avril 1990.
V. Par lettre en date du 25 avril 1990, le mandataire de la société CMR S.A. a intenté une procédure contre le requérant auprès de la commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets, en exposant notamment que, par sa prise de position en faveur de la société RET S.A. dans le litige qui l'opposait à la société CMR TECHNIC S.A., ancienne cliente du requérant, celui-ci a manqué à ses obligations professionnelles.
VI. Par décision du 17 juin 1991, la commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets a constaté que par sa conduite, le requérant avait contrevenu aux dispositions des articles 1er, 2 et 3(2) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés et à celles de l'article 4 f) du code de conduite professionnelle concernant les membres de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets. Au vu de ces manquements, elle a prononcé un blâme à l'encontre du requérant, au titre de l'article 4(1) b) du règlement précité, et a ordonné la publication de sa décision au Journal Officiel.
VII. Le requérant s'est pourvu centre cette décision en formant un recours date du 22 juillet 1991. Dans son mémoire du 26 août 1991 exposant les motifs du recours, il a essentiellement soutenu que les sanctions prononcées par la commission de discipline étaient injustifiées. Pendant toute la période en question, il a agi exclusivement en qualité de mandataire de l'inventeur, M. Stutzmann, et non pour le compte de la société CMR Technic S.A.. Certes, il a effectivement reçu de la société RET S.A. des instructions relatives à la protection de l'invention de M. Stutzmann, qui ont ultérieurement été confirmées par la société CMR TECHNIC S.A.. Cependant, cette façon de faire n'avait absolument rien d'anormal à une époque ou les deux entreprises collaboraient dans la bonne entente pour exploiter l'invention de M. Stutzmann. Il ne comprend pas dans quelle mesure il aurait divulgue des informations confidentielles. Tous les renseignements transmis par lui au mandataire de la société RET S.A. dans le litige entre les deux entreprises étaient connus. La société CMR TECHNIC S.A. était au courant de toutes les démarches entreprises dans le cadre des diverses procédures de demande, puisqu'elle-même en a informé régulièrement l'inventeur. De toute évidence, la commission de discipline soit a mal compris les déclarations que lui, requérant, a faites sur le fond, soit les a mal interprétées.
VIII. Conformément a l'article 12, seconde phrase du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, la Chambre a donné au Président de l'Office européen des brevets et au Président de l'Institut des mandataires agréés la possibilité de présenter leurs observations, mais aucun d'eux ne s'est exprimé sur le fond du recours.
Motifs de la décision
En considération des dispositions des articles 22(1) et 24 (2) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, le recours s'avère recevable.
1.1 En effet, ainsi qu'en témoignent les renseignements fournis par la poste allemande le 27 décembre 1991, la décision de la commission de discipline en date du 17 juin 1991 a été signifiée au requérant le 1er juillet 1991. Bien que le requérant ait posté son recours dans le délai d'un mois prescrit à l'article 22(1) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés (copie du récépissé en date du 22 juillet 1991), celui-ci n'est pas parvenu à la Chambre de recours, car il s'est perdu, comme le prouvent les informations fournies le 22 janvier 1992 par les services postaux suisses. En conséquence, le recours n'a pas été valablement formé dans le délai imparti par le règlement précité.
1.2 Toutefois, malgré le non-respect du délai de recours, il y a lieu, pour les motifs ci-après exposés, d'accorder au requérant la restitutio in inteqrum conformément à l'article 24(2) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés.
1.3 Le 21 janvier 1992, le greffe des chambres de recours a téléphoné au requérant pour l'informer que son recours ne lui était pas parvenu. Comme il ressort de la lettre précitée de la poste suisse en date du 22 janvier 1992, le requérant a, le jour même, fait une demande de recherche auprès de la poste. Il a également envoyé à la Chambre de recours, le 21 janvier 1992, une lettre accompagnée d'une copie du récépissé du 22 juillet 1991 et de l'acte de recours daté du même jour. Bien que n'étant pas expressément qualifiée de requête en restitutio in inteqrum, la lettre datée du 21 janvier 1992 doit, compte tenu de la situation, être considérée comme telle. En effet, elle témoigne incontestablement de la volonté du requérant de former son recours dans les délais. De ce fait, il a présenté sa requête dans le délai d'un mois prescrit à l'article 24(2) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, puisque ce délai n'a commencé à courir que le 21 janvier 1992, date à laquelle le requérant a appris que son recours n'avait pas été reçu.
1.4 En envoyant une copie de l'acte de recours daté du 22 juillet 1991, le requérant a réalisé dans les délais l'acte non accompli (article 24(2), seconde phrase du règlement en matière de discipline des mandataires agréés en liaison avec l'article 122(2), deuxième phrase CBE.
1.5 La requête est aussi dûment motivée. Le requérant a montré que, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, en envoyant l'acte de recours dans les délais, il n'a pas été en mesure d'empêcher sa perte par les services postaux, ni par conséquent de respecter le délai.
1.6 Le requérant a également rempli la seconde condition de recevabilité d'un recours visée à l'article 22(1), seconde phrase du règlement en matières de discipline des mandataires agréés, puisque le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 26 août 1991, avant l'expiration du délai de deux mois.
2. La chambre partage l'avis de l'instance précédente que la conduite du requérant contrevient aux dispositions de l'article 3(2) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés et à celles du point 4 f), première phrase du paragraphe 1 d du code de conduite professionnelle concernant les membres de l'institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets. Comme l'instance précédente, la Chambre estime que pendant la période en question, le requérant avait pour mandat de représenter la société CMR TECHNIC S.A.. Comme cela est expose de manière convaincante dans la décision attaquée, tous les éléments de l'affaire, en particulier le fait de recevoir des instructions et le paiement des honoraires au requérant, confirment que c'est bien de la société CMR TECHNIC S.A. que le requérant avait reçu et accepté le mandat de défendre les intérêts de cette société dans la suite à donner aux différentes demandes relatives à l'invention de M. Stutzmann.
3. En conséquence, au moment où il a communiqué au mandataire de la société RET S.A. les renseignements en question sur son ancienne cliente, la société CMR TECHNIC S.A., le requérant savait que ceux-ci allaient être utilisés par la société RET S.A. contre son ancienne cliente. Le conflit d'intérêts est manifeste. Alors qu'auparavant le requérant était tenu, conformément à son mandat, de conseiller la société CMR TECHNIC S.A. de façon que les demandes concernant les inventions de M. Stutzmann puissent aboutir, autrement dit donner lieu à la délivrance d'un brevet, il est indéniable que, par la suite, ses conseils sont allés dans le sens des intérêts de la société RET S.A., comme le prouve l'attitude de son ancienne cliente, qui n'était pas intéressée par une poursuite des procédures de demande. Le requérant n'a pas contesté les affirmations faites à cet égard, par exemple aux points 214, 215, 217 et 241 du mémoire en date du 3 avril 1990, qui reposent sur ses propres déclarations. Dans une telle situation, alors que le conflit d'intérêts était manifeste, il était du devoir du requérant de refuser ses services à la société RET S.A..
4. La conduite du requérant également contrevient aux dispositions des paragraphes 1, première alternative, et 2 de l'article 1 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés. L'alternative susnommée édicte une obligation générale qui se concrétise dans les articles suivants du règlement et dans les dispositions correspondantes du code de conduite professionnelle concernant les membres de l'institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets. Pour cette raison, le manquement à l'article 3(2) du règlement commis par le requérant représente une violation de son devoir, dans l'exercice de ses fonctions, de faire preuve de conscience professionnelle. En même temps, la chambre estime que l'attitude du requérant vis-à-vis de son ancien client, la société CMR TECHNIC S.A., était de nature à compromettre la confiance que selon l'article 1(2) du règlement, l'on doit pouvoir accorder à la profession d'un mandataire agréé.
5. Contrairement à l'instance précédente, la Chambre ne peut voir dans la conduite du requérant aucune infraction à la disposition de l'article 1 deuxième alternative du règlement en matière de discipline des mandataires agréés. Pour qu'il y ait violation de ladite disposition, il faudrait qu'un mandataire agréé manque gravement à ses obligations professionnelles. Une telle interprétation découle de l'énoncé de la deuxième phrase de l'article susmentionné, qui cite comme exemple de conduite "indigne" toute déclaration fausse ou fallacieuse. Il faut en déduire que, selon l'article 1 du règlement, une attitude est généralement incompatible avec la dignité de la profession quand, dans le cadre de son mandat ou ultérieurement, un mandataire agréé agit sciemment ou du moins par négligence ou autre faute grave au détriment de son client ou d'un ancien client. Aucun des griefs formulés à l'encontre du requérant, pas même celui concernant la prétendue divulgation d'informations confiées sous le sceau du secret professionnel, ne permet ni de conclure à un tel comportement ni, a fortiori, de considérer celui-ci comme avéré.
6. De même, il n'a pas été prouvé qu'il y a eu, comme l'a supposé l'instance précédente, violation de l'article 2 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés. La commission de discipline fonde ce grief sur certains passages du mémoire date du 3 avril 1990 que le mandataire de la société RET S.A. a établi dans le cadre du litige avec la société CMR TECHNIC S.A.. Cependant, l'ensemble des citations portent soit sur des faits objectifs ayant trait aux diverses procédures de délivrance concernant l'invention de M. Stutzmann (n° 210, 213 et 214), soit des faits tels qu'interprétés par le requérant (n° 211, 212, 215, 217, 241, 247 et 248). La Chambre ne peut partager l'avis de la commission de discipline, selon lequel les faits et les points de vue du requérant exposés dans les passages cités relèvent du secret professionnel. Ces faits, qui concernent les diverses étapes de la procédure de délivrance d'un brevet sont, au contraire, notoires et accessibles au public. Pour ce qui est de leur interprétation par le requérant, il ne s'agit que d'avis subjectifs qui, en tant que tels - dénués de tout lien, avec des faits devant être traités sous le sceau du secret - n'ont rien de confidentiel.
7. Selon l'article 22(3) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés en liaison avec l'article 111(1), seconde phrase, CBE, la Chambre de recours peut exercer les compétences de la commission de discipline. Compte tenu de tous les éléments, notamment du fait que le requérant a simplement manqué à ses obligations professionnelles et que par ailleurs, il n'avait commis aucune faute jusque-là, comme l'a relevé l'instance précédente, la Chambre juge que la mesure disciplinaire consistant à donner un avertissement est appropriée et suffisante (article 4(1)a) du règlement). Toutefois, elle ne trouve en l'espèce aucune raison de déroger au principe de l'article 20 du règlement et d'ordonner une publication de sa décision et de celle de l'instance précédente.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Un avertissement est adresse au requérant en guise de mesure disciplinaire.