D 0007/05 () of 17.7.2006

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2006:D000705.20060717
Date de la décision : 17 Juillet 2006
Numéro de l'affaire : D 0007/05
Numéro de la demande : -
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : -
Nom de l'opposant : -
Chambre : DBA
Sommaire : I. Par détail de la notation au sens de la règle 6(1) des dispositions d’exécution du règlement relatif à l’examen européen de qualification des mandataires agréés (REE), il faut entendre une ventilation suffisante, en notes partielles, de la note maximale et de la note totale attribuée au candidat, ainsi qu’une indication des aspects techniques ou juridiques auxquels ces notes partielles se rapportent (point 9 des motifs).
II. Lors de l’élaboration des grilles de notation, il importe de mettre en balance leur finalité, à savoir la notation uniforme des candidats (article 16 REE), et la nécessité de noter équitablement des réponses qui s’éloignent du schéma, mais qui sont au moins acceptables et justifiées avec compétence. Les grilles de notation doivent donc laisser une certaine liberté d’appréciation et être – simplement – suffisamment détaillées pour donner le détail de la notation au sens de la règle 6(1) des dispositions d’exécution, et permettre aux candidats, à l’aide des textes publiés ou rendus accessibles, de vérifier si, lors de la notation de leurs copies, il a été porté atteinte à des principes de notation dont la Chambre peut contrôler l’observation (point 13 des motifs).
III. Concernant la question de savoir si l’absence d’une obligation de motiver une décision négative en matière d’examens, allant au-delà de ce que prévoit la règle 6(1) des dispositions d’exécution du REE, est contraire à certains principes de droit supérieurs, cf. point 25 s. des motifs.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 100
European Patent Convention 1973 Art 125
European Patent Convention 1973 Art 134(8)(a)
European Patent Convention 1973 R 68
Regulation on the European qualifying examination Art002(1)
Regulation on the European qualifying examination Art004(1)
Regulation on the European qualifying examination Art007(3)(b)
Regulation on the European qualifying examination Art008(b)
Regulation on the European qualifying examination Art008(c)
Regulation on the European qualifying examination Art013(3)
Regulation on the European qualifying examination Art016
Regulation on the European qualifying examination Art017(1)
Regulation on the European qualifying examination Art024(1)
Regulation on the European qualifying examination Art027(1)
Regulation on the European qualifying examination Art027(3)
Regulation on the European qualifying examination R 4
Regulation on the European qualifying examination R 5
Regulation on the European qualifying examination R 6
Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms Art 6
Mot-clé : -
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours est dirigé contre la décision du 29 septembre 2004 du jury d’examen pour l’examen européen de qualification, transmise au requérant par lettre en date du 8 octobre 2004, informant ce dernier de son échec à l’examen de qualification (EEQ) qui a eu lieu les 24, 25 et 26 mars 2004. Ayant déjà obtenu des notes suffisantes aux épreuves A à C, le requérant n’avait passé que l’épreuve D de l’EEQ 2004, à laquelle il avait obtenu 44 points sur 100, alors que 50 points étaient nécessaires pour réussir. La décision était accompagnée des feuilles de notation avec des détails concernant les notes attribuées par deux membres de la commission d’examen III compétente.

II. Par lettre datée du 9 novembre 2004 et parvenue le même jour à l’Office européen des brevets, le requérant a formé un recours contre la décision, accompagné d’un mémoire exposant les motifs. La taxe de recours a été acquittée le 10 novembre 2004.

III. La commission d’examen n’a pas fait droit au recours, déférant celui-ci à la chambre de recours statuant en matière disciplinaire par lettre en date du 29 décembre 2004.

IV. Le requérant a tout d’abord demandé que soient annulées les notifications du jury d’examen du 8 octobre 2004 et du 29 septembre 2004, que le jury d’examen lui fournisse des motifs de notation objectifs et fondés, qu’il lui soit imparti un délai raisonnable pour formuler des arguments techniques et juridique au sujet de la notation, et enfin qu’il soit établi une nouvelle notification relative au résultat de l’examen ; il a également demandé que son recours soit rapidement traité.

Dans sa première notification en l’espèce, la Chambre de recours a notamment fait observer au requérant que les recours contre des décisions en matière d’examen devaient être traités dans l’ordre chronologique, par souci d’égalité entre les candidats ajournés. Elle a attiré l’attention sur quelques points intéressant de la présente espèce et donné au requérant l’occasion de présenter des arguments supplémentaires.

Après la réponse du requérant, la Chambre de recours a demandé au jury d’examen de lui fournir les autres grilles de notation éventuellement disponibles pour la partie II de l’épreuve D, les documents jusque-là accessibles dans le dossier ne permettant pas de déterminer à quels aspects techniques ou juridiques de l’épreuve DII correspondaient les rubriques A, B, C et D de la feuille de notation de l’épreuve D. Le jury d’examen a transmis à la Chambre une réponse expliquant à quelles thématiques majeures de la partie II de l’épreuve D se rapportaient les rubriques A à D de la feuille de notation. En annexe figurait le document "DII 2004" ("feuille de notation détaillée") dépourvu de texte, comprenant une ventilation numérotée plus détaillée des thèmes A à D évoqués dans le formulaire de notation envoyé au requérant avec la décision. Le jury d’examen a soutenu que ces grilles de notation détaillées servaient uniquement à faire en sorte que les copies soient évaluées de façon uniforme, mais qu’elles étaient strictement confidentielles.

Dans une autre notification adressée au requérant en préparation à la procédure orale, la Chambre a émis son avis provisoire sur certains aspects de l’affaire.

V. Le 29 mai 2006 s’est tenue, devant la Chambre, la procédure orale à laquelle était invité le secrétaire de la commission d’examen III chargée de la notation de l’épreuve D. Dans la convocation envoyée au secrétariat d’examen, la Chambre avait parallèlement souligné qu’elle ne voyait pas de raison d’empêcher le requérant de prendre connaissance des documents disponibles détaillant la notation de la partie II de l’épreuve D à laquelle avait participé le requérant. Après discussion des aspects de faits et de droit, le chef du secrétariat d’examen présent en tant que représentant du Président de l’Office européen des brevets a remis, à la demande de la Chambre, la grille de notation détaillée DII 2004 relative à la copie du requérant. Il a également donné lecture d’une déclaration du Président de l’Office européen des brevets versée au dossier, selon laquelle l’Office, afin de rendre la procédure de notation de l’EEQ aussi transparente que possible, jugeait approprié de mettre les grilles de notation détaillées à la disposition des candidats. Ceci pourrait se faire dans le cadre de la publication du Compendium des épreuves de l’EEQ.

VI. La Chambre a accédé à la requête du requérant visant à obtenir, d’une part un délai jusqu’au 30 juin 2006 pour prendre position sur les grilles de notation produites lors de la procédure orale, d’autre part la tenue d’une autre procédure orale. La Chambre n’a toutefois pas fait droit à une requête supplémentaire que le requérant a faite par écrit à l’issue de la procédure orale, visant à obtenir d’autres grilles de notation pour la partie I de l’épreuve D. Le 3 juillet 2006, le requérant a déposé, concernant la notation de sa copie, une contre-argumentation technique provisoire ("vorläufige fachliche Gegendarstellung") exposant ses objections relatives à la notation de sa copie. Une nouvelle procédure orale a eu lieu le 17 juillet 2006.

VII. Dans la procédure orale et écrite, le requérant a essentiellement fait valoir ce qui suit :

1. La décision portant notification des résultats obtenus à l’examen ne comporte aucune motivation technique susceptible de rendre vérifiable, techniquement et juridiquement, la notation attribuée. En droit allemand, cette décision est illégale et anticonstitutionnelle. Elle porte atteinte au principe de légalité et à l’ordre public ainsi qu’à l’article 12, paragraphe 1 ensemble l’article 3, paragraphe1 ; à l’article 20, paragraphe 3 ensemble l’article 19, paragraphe 4 de la Loi fondamentale allemande. Elle est également contraire au droit européen.

Les copies du requérant ne comportent aucune note dans les marges, aucune justification de la part des correcteurs, et aucune réponse type. C’est la porte ouverte à toutes les manipulations. Le candidat est totalement à la merci des correcteurs. La jurisprudence constante de la Chambre de recours de l’Office européen des brevets statuant en matière disciplinaire, selon laquelle les décisions portant notification de l’échec à l’examen de qualification ne doivent pas être motivées, porte fondamentalement atteinte au principe de légalité.

2. La Chambre a transmis au requérant la décision de la 4e division de la 2e chambre de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 4 avril 2001 (2 BvR 2368/99), selon laquelle les critères imposés par la Cour administrative fédérale quant à l’obligation de motiver les décisions en matière d’examen ne peuvent pas, tout au moins en l’état actuel des choses, être considérés comme l’expression des éléments structuraux d’une protection des droits fondamentaux voulue par la Loi fondamentale allemande, telle que celle que l’article 24, paragraphe 1 assure déjà concernant les organisations supranationales. Cette décision a étonné un spécialiste du droit relatif aux examens, vu les décisions clés majeures rendues par l’ensemble de la 1ère chambre de la Cour constitutionnelle fédérale concernant les exigences auxquelles doit satisfaire, en droit constitutionnel, tout examen d’accès à une profession. On peut difficilement imaginer qu’une chambre tout entière de la Cour constitutionnelle fédérale puisse approuver la jurisprudence de la 4e division dans un cas plus extrême encore tel que la présente espèce. Le requérant dans l’affaire portée devant la 4e division de la 2e chambre semble n’avoir pas établi de façon convaincante que la protection juridique contre des décisions en matière d’EEQ était généralement et manifestement inférieure à celle exigée par la loi fondamentale allemande, comme c’est le cas dans la présente espèce où l’on a affaire à un cas plus extrême encore d’absence de motivation permanente, systématique et intentionnelle. En effet, le requérant a déjà échoué cinq fois à l’examen européen de qualification. En l’absence totale de motivation, les notations n’ont pas permis au requérant, comme cela aurait dû être le cas, de combler ses lacunes éventuelles et de repasser l’examen avec succès. En tant qu’ingénieur diplômé et en raison de sa formation complémentaire, le requérant est qualifié pour exercer l’activité de mandataire européen et a investi des ressources considérables en vue de réussir les examens auxquels il s’est représenté.

3. Dans son argumentation orale et écrite, le requérant approfondit les exigences ayant trait à l’aménagement d’un système de notation des examens, qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour administrative fédérale et de la Cour constitutionnelle fédérale eu égard au droit allemand en la matière, notamment en ce qui concerne l’obligation de motiver les résultats et de prévoir une procédure de révision par les instances d’examen lorsqu’un candidat formule des objections fondées. Ces exigences et critères du droit allemand des examens sont applicables au niveau international, car ils découlent de ce que l’on peut légitimement attendre au minimum du principe de légalité afin d’éviter l’arbitraire et les abus de pouvoir de la part des examinateurs.

Le règlement relatif à l’EEQ des mandataires agréés souffre d’une carence du point de vue du droit constitutionnel. Le fait que les décisions en matière d’examen ne soient pas assorties de la moindre justification ouvre la voie aux manipulations et méconnaît le principe de légalité. A quoi sert un système de notation par points qui échappe à toute compréhension logique parce qu’il ne permet pas de savoir combien de points le candidat a obtenus pour tel ou tel aspect partiel, à combien se monte le nombre de points au total, ni le nombre de points obtenus comparé aux autres candidats. La note de 44 points et la répartition sur les sections 1 à 11 et sur les rubriques A à D de la partie II d’après la feuille de notation transmise au requérant, ne sont que des alibis et ne remplissent aucune fonction d’explication ou de contrôle.

Si des critères propres à l’examen tels que la comparabilité, le niveau de difficulté etc. échappent au contrôle judiciaire, il n’en va pas de même des divergences de vue essentiellement techniques entre le candidat et le correcteur. Par ailleurs, une réponse acceptable et bien argumentée ne peut pas être considérée comme incorrecte.

Que ce soit sur le plan réglementaire ou technique, l’EEQ ne prévoit et ne comporte de facto aucune procédure de révision, puisque les correcteurs ne sont pas ouvertement nommés et ne sont pas tenus de motiver objectivement leur notation. Ceci a pour effet de priver d’emblée le candidat de toute protection juridique. Il est incroyable qu’une organisation supranationale de droit européen procède d’une façon à ce point autoritaire.

Les décisions manquent de transparence et d’équité, et il n’est pas exclu qu’elles soient entachées de subjectivité: par exemple, le requérant étant allemand pourrait avoir été éliminé vu le nombre beaucoup trop élevé de mandataires agréés allemands, comparé aux autres nationalités, d’autant plus que l’anonymat des copies n’empêche pas de déduire la nationalité, dès lors que les réponses sont rédigées en allemand. Le fait que ce soit le jury d’examen qui décide des notes, et non pas la commission d’examen qui a procédé à la notation, permet d’exercer sur le résultat une influence qui paraît incompatible avec les impératifs d’objectivité, d’égalité de traitement et de protection des droits fondamentaux qui doivent être respectés dans tout examen d’accès à une profession. Dans ces conditions, il est possible que les décisions en matière d’examen soient prises sur la base de quotas de réussite ou de quotas nationaux.

4. Cette argumentation relève du droit européen car le principe de légalité, l’égalité de traitement, la liberté d’exercer une profession, la liberté d’action en général et le droit d’agir en justice constituent effectivement des principes fondamentaux du droit européen.

5. A l’issue de la première procédure orale devant la Chambre, le requérant a produit sa contre-argumentation technique provisoire ("vorläufige fachliche Gegendarstellung"), dans laquelle il explique, pour chacune de ses réponses à l’épreuve D, pourquoi elles auraient dû lui valoir davantage de points que ceux que lui ont attribués les deux correcteurs.

VIII. Au terme de la deuxième procédure orale, le requérant a demandé :

1. Une expertise officielle neutre démontrant que les objections techniques du requérant concernant sa notation sont fondées et qu’elles devraient aboutir à la réussite de l’épreuve, étant donné que plusieurs réponses acceptables et correctes du candidat telles que présentées dans ses objections techniques ont été considérées comme fausses, incorrectes ou insuffisantes ;

2. L’annulation de la décision attaquée portant notification de l’échec à l’examen, et le renvoi de l’affaire au jury d’examen pour nouvelle décision sur la base de la contre-argumentation produite.

Motifs de la décision

Procédure de notation et de prise de décision relative à l’EEQ

1. La procédure de l’EEQ est régie par le règlement relatif à l’examen européen de qualification des mandataires agréés (REE) arrêté par le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (OEB) conformément à l’article134(8)a) CBE, ainsi que par les dispositions d’exécution y afférentes arrêtées par le jury d’examen en application de l’article 7(6) REE.

2. Peut s’inscrire à l’EEQ toute personne qui remplit les conditions énoncées dans le REE en matière de qualification et d’expérience professionnelle. Le but de l’examen est de déterminer si le candidat est apte à exercer l’activité de mandataire agréé près l’Office européen des brevets.

3. L’EEQ comprend quatre épreuves A à D (article 13(3) REE) portant chacune sur des aptitudes et connaissances spécifiques que doit posséder le mandataire agréé pour exercer sa profession. Le candidat qui n’obtient pas les notes minimales requises la première fois qu’il passe l’examen peut repasser aussi souvent qu’il le souhaite les parties de l’examen auxquelles il a échoué. Il ne sera toutefois reçu à l’EEQ dans son ensemble qu’après avoir obtenu un résultat suffisant à chaque épreuve.

4. Pour la conduite de l’examen, le jury constitue trois commissions d’examen (article 4(1) REE). La commission d’examen III est chargée de noter l’épreuve D qui concerne les connaissances juridiques et les capacités de réflexion juridique du candidat (article 13(3)d) REE). La partie I de l’épreuve D est composée de questions séparées (11 questions en 2004), la partie II d’une ou plusieurs situations connexes que le candidat doit analyser, éventuellement en réponse aux questions de l’épreuve. Vu le grand nombre de candidats qui participent chaque année à l’EEQ (environ 1000 inscriptions à l’épreuve D en 2004 ;source : Statistiques concernant les résultats de l’EEQ 2004, accessible par le site www.epo.org, cliquer sur Examen européen de qualification, puis sur Résultats d’examen) et étant donné que chaque copie est corrigée par deux membres ("correcteurs") de la commission, la commission d’examen III est composée de nombreux correcteurs qui sont des fonctionnaires de l’OEB ou des mandataires agréés. Deux correcteurs de la commission corrigent chaque copie, indépendamment l’un de l’autre. L’article 24(1) REE prévoit la préservation de l’anonymat des candidats lors de la notation. Le secrétariat d’examen transmet donc les copies de façon anonyme aux correcteurs, en apposant sur les copies un numéro correspondant à chaque candidat et à chaque épreuve. Seul le secrétariat d’examen connaît les noms des candidats. Afin de garantir que chacun des deux correcteurs note la copie de façon indépendante, chaque correcteur se voit également attribuer un numéro pour la notation. A l’issue de la notation des copies par les correcteurs, la commission d’examen remet les copies au jury d’examen, accompagnées de la feuille de notation dans laquelle doivent figurer les détails relatifs aux points accordés par chacun des deux correcteurs pour les réponses du candidat, ainsi que des propositions de notes (article 8b) et c) REE, règle 6 des dispositions d’exécution). Le jury prend connaissance des notes que lui proposent les commissions d’examen, fixe la note attribuée pour chaque épreuve et décide de l’admission ou de l’ajournement des candidats (article 7(3) REE). Cette décision est également prise dans l’anonymat. C’est seulement après que le jury d’examen a pris sa décision que les résultats de l’examen sont attribués aux noms des candidats par le secrétariat d’examen, lequel notifie à chaque candidat la décision le concernant. Cette notification est accompagnée des feuilles de notation se rapportant aux copies. Les candidats auront déjà reçu un exemplaire de leurs copies, au terme de l’examen.

5. Le secrétariat d’examen publie chaque année, pour chacune des quatre épreuves, un Compendium que quiconque peut obtenir auprès de l’OEB. Le recueil de l’épreuve D qui est en cause ici comprend, en plus de l’épreuve proprement dite, un modèle desolution dit "Possible Solution", un rapport général des correcteurs ("Examiners’ report"), une feuille de notation avec indication des notes les plus élevées attribuées pour les ensembles notés, ainsi que la copie d’un candidat reçu, dans les trois langues officielles, afin d’illustrer le niveau attendu des candidats.

L’objection quant au caractère non vérifiable des décisions en matièred’examen

6. Le requérant a tout d’abord allégué que le processus décisionnel relatif à l’EEQ portait atteinte aux principes procéduraux de légalité, au motif qu’il ne permet pas aux candidats de vérifier leurs notes sur le plan technique et juridique.

7. La Chambre juge cette critique injustifiée d’un point de vue structurel.

8. La règle 6(1) des dispositions d’exécution prévoit que le détail de la notation figure sur les feuilles de notation. Cette disposition vise précisément à garantir, entre autres, que les décisions du jury d’examen puissent être vérifiées par les candidats (cf. à cet égard la décision D 12/82, JO OEB 1983, 233, point 4 des motifs). Comme l’a souligné la Chambre dans une décision antérieure, le contexte étant légèrement différent (D 1/01 du 23 avril 2004, non publiée, point 2.1 des motifs), la règle 6 des dispositions d’exécution – même s’il s’agit d’une législation secondaire – n’est pas une simple formalité, mais un élément essentiel de la procédure d’examen pour les droits des candidats. Toute atteinte à cette règle peut entacher la procédure d’examen d’irrégularité et entraîner l’annulation de la décision attaquée.

9. Par détail de la notation, il faut entendre une ventilation suffisante, en notes partielles, de la note maximale et de la note totale attribuée au candidat, ainsi qu’une indication des aspects techniques ou juridiques auxquels ces notes partielles se rapportent. Grâce à ces indications, tout candidat est en mesure de comprendre la décision du jury d’examen le concernant en s’aidant du Compendium, même si cette décision ne fait pas l’objet d’une motivation. Il peut, avec sa feuille de notation, comparer ses réponses à la "Possible solution" et aux copies des autres candidats, ce qui lui permet d’établir si, et le cas échéant dans quelle mesure, c.-à-d. par rapport à quels aspects de l’épreuve, ses réponses ont été considérées comme correctes et complètes ou comme erronées ou incomplètes. Il peut aussi déterminer si la notation de sa copie résulte éventuellement d’une appréciation incorrecte susceptible d’être révisée, dans le cadre d’un recours, par la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire (cf. aussi D 3/03 du 23 avril 2004, non publiée, point 4 des motifs, argumentation similaire du requérant).

10. Pour ce qui est de la partie I de l’épreuve D, la feuille de notation publiée dans le Compendium de l’EEQ 2004 et envoyée aux candidats satisfaisait aux exigences de la règle 6(1) des dispositions d’exécution. Etant donné qu’elle comprenait une ventilation très détaillée des points pour chacune des 11 questions de cette partie et ne pouvait donc être contestée en tant que base pour la vérifiabilité de la notation au titre de la règle 6(1) des dispositions d’exécution, le requérant n’avait, en l’espèce, aucunement droit à d’autres documents. En revanche, la feuille de notation de la partie II de l’épreuve D était insuffisante, et même inutilisable quant à la vérifiabilité de la décision. Même en se fondant sur la structure de l’épreuve et sur la "Possible solution" du Compendium, il est impossible à un non initié de déterminer à quels éléments de la réponse du candidat, dans la partie II de l’épreuve D, correspondent les notes indiquées aux rubriques A, B, C et D de la feuille de notation. Ceci était particulièrement lourd de conséquences en l’espèce, car à elle seule, la rubrique D rassemblait presque la moitié des points réalisables dans la partie II de l’épreuve D.

11. Toutefois, il a été remédié à cette carence concernant la notation de la copie du requérant par le fait, qu’à la demande de la Chambre de recours, le requérant a eu accès aux grilles de notation détaillées de la partie II de l’épreuve D qualifiées par le jury d’examen de "strictement confidentielles", et que la Chambre de recours lui a ensuite donné l’occasion de formuler ses objections.

12. La feuille de notation envoyée au requérant ne répondant pas aux exigences de la règle 6(1) des dispositions d’exécution, le requérant avait le droit de prendre connaissance des grilles de notation détaillées répondant auxdites exigences. Certes, les décisions rendues par la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire ont parfois établi que les candidats n’ont pas droit à la divulgation des "grilles de notation éventuellement utilisées par les notateurs" (D 13/02 en date du11 novembre 2002, non publiée, point 6 des motifs), même si "une meilleure transparence serait souhaitable, afin que le candidat ajourné reçoive un plus grand nombre d’indications lui permettant de savoir dans quelles épreuves et pour quelles raisons il n’a pas donné satisfaction" (D 12/82, loc. cit., point 6 des motifs). La Chambre est cependant d’avis que ces considérations ne doivent pas être employées hors de leur contexte. Elles portent sur des cas de figure où les feuilles de notation mises à la disposition du candidat remplissent manifestement les conditions minimales, tout au moins de justesse (D 12/82).

13. Il ne s’ensuit pas que les instances de notation soient généralement tenues de produire et de publier des grilles de notation décrivant la répartition des points dans les moindres détails et jusqu’au demi-point près, comme cela a été le cas dans les grilles de notation internes qui ont finalement été portées à la connaissance du requérant en l’espèce. Une subdivision aussi fine de la notation relève en règle générale du pouvoir d’appréciation, non contestable, dont disposent les instances de notation pour évaluer séparément les divers aspects des questions de l’épreuve, et elle peut même faire obstacle à l’obligation qui incombe au correcteur, lorsqu’il note les différentes parties des réponses, de ne pas perdre de vue leur valeur dans le contexte général de l’épreuve(D 3/00, JO OEB 2003, 365, point 3 des motifs). Par ailleurs, les grilles de notation et leurs subdivisions visent à remplir l’exigence de l’article 16 REE, selon laquelle les copies des candidats à l’EEQ doivent être notées de façon uniforme. Lors de l’élaboration des grilles de notation, il importe donc de mettre en balance leur finalité, à savoir la notation uniforme des candidats (article 16 REE), et la nécessité de noter équitablement des réponses qui s’éloignent du schéma, mais qui sont au moins acceptables et justifiées avec compétence. Les grilles de notation doivent donc laisser une certaine liberté d’appréciation et être – simplement – suffisamment détaillées pour donner le détail de la notation au sens de la règle 6(1) des dispositions d’exécution et permettre aux candidats, à l’aide des textes publiés ou rendus accessibles, de vérifier si, lors de la notation de leurs copies, il a été porté atteinte à des principes de notation dont la Chambre peut contrôler l’observation (à cet égard, cf. D 12/82, loc. cit., point 3 des motifs).

14. Toutefois, la Chambre adhère à la déclaration du Président de l’Office européen des brevets lue par le chef du secrétariat d’examen pendant la procédure orale, selon laquelle les schémas de notation existants qui ont effectivement servi de base à la notation doivent également être accessibles aux candidats. Eu égard au principe de légalité, la Chambre juge contestable que soient tenus des "dossiers secrets" auxquels le candidat n’a pas accès, qui contiennent des documents sur la base desquels les candidats sont notés et qui peuvent être décisifs quant à leurs possibilités de défense juridique (même raisonnement dans la décision D 18/04 du 28 janvier 2005, non publiée, point 2.2 des motifs : référence à la "liste secrète B" concernant la non-admission à l’examen). Par conséquent, les grilles de notation conformes à la règle 6(1) REE mises à la disposition des candidats doivent correspondre aux documents effectivement utilisés.

Absence d’une obligation de motiver plus étendue

15. Le requérant prétend aussi avoir légalement droit à une justification spécifique pour les points obtenus à chacune de ses réponses, justification devant indiquer clairement, par exemple sous forme de remarques à même la copie, les raisons pour lesquelles les correcteurs ont – seulement – attribué tel nombre de points à telle ou telle réponse.

Dispositions applicables

16. Le REE et ses dispositions d’exécution ne prévoient aucune obligation de motiver les décisions négatives en matière d’examen, si ce n’est l’envoi des feuilles de notation avec le détail de la notation.

17. La règle 68(2) CBE, qui dispose que les décisions de l’OEB contre les quelles un recours est ouvert doivent être motivées, n’est pas applicable à la procédure de l’EEQ, puisque les décisions du jury d’examen ne sont pas des décisions de l’OEB. Comme le prévoit l’article 2 REE, le jury d’examen est un jury mixte, composé d’agents de l’OEB et de membres de l’institut des mandataires agréés près l’OEB ("l’Institut"). Même si l’article 134(8)a) CBE charge le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets d’arrêter les dispositions relatives à la tenue de l’examen européen de qualification (REE), ces dispositions régissent une matière qui sort au sens strict du champ d’application de la CBE, laquelle, conformément à l’article premier CBE, institue un droit commun aux Etats contractants en matière de délivrance de brevets d’invention. Le REE et ses dispositions d’exécution sont lex specialis par rapport à la CBE, et la CBE n’est applicable dans le cadre de ces dispositions que si elles se réfèrent expressément à la CBE (jurisprudence constante dans la ligne suivie par la décision D 12/97, JO OEB1999, 566, sommaire I et point 2 des motifs, revoir p.ex. D 3/03, point 3.iii) des motifs), ce qui n’est pas le cas eu égard à la règle 68 CBE.

18. Cette situation juridique, selon laquelle il n’existe pas d’autre obligation de motiver les décisions du jury d’examen que celle prévue à la règle 6(1) des dispositions d’exécution, découle du droit pertinent et a été entérinée dans la jurisprudence constante de la Chambre, en tout cas pour les décisions du jury d’examen dans lesquelles celui-ci n’a pas de véritable pouvoir d’appréciation et où la décision de réussite ou d’échec découle de la somme arithmétique des points obtenus à chaque épreuve. Comme ces décisions en matière d’examens étaient déjà la règle par le passé et que le jury d’examen ne dispose d’un pouvoir d’appréciation que dans de rares cas limites où il s’agit de décider si le candidat, bien que n’ayant pas obtenu la note minimale, semble apte à exercer l’activité de mandataire agréé compte tenu de l’impression d’ensemble qui se dégage de ses copies, il a été décidé, dans l’affaire D 12/97, que l’absence d’obligation de motiver était la règle et que l’obligation de motiver était l’exception(D 12/97, loc. cit., point 2 des motifs, mais également D 1/93, JO OEB 1995, 227, point 12 des motifs et D 18/04 du 28 janvier 2005, point 2.2 des motifs). D’après le droit relatif aux examens actuellement en vigueur, le jury d’examen n’a plus aucun pouvoir d’appréciation. L’article 17(1) REE et les règles 4 et 5 des dispositions d’exécution fixent impérativement les nombres de points à partir desquels le jury d’examen doit déclarer qu’un candidat a réussi à l’examen ou a échoué.

Etendue du pouvoir de révision de la Chambre de recours statuant en matièreDisciplinaire

19. Hormis que les feuilles de notation visées à la règle 6(1) des dispositions d’exécution servent déjà à motiver la décision, même si ce n’est pas dans la mesure exigée par le requérant, et que c’est à cette fin qu’elles furent introduites dans la procédure relative à l’EEQ (D 12/82, point 5 des motifs), l’avis de la Chambre, qui est déjà à la base de la décision D 12/97 (point 3 des motifs), est que la mesure dans laquelle le principe de légalité exige aussi la motivation individuelle des décisions en matière d’examen ne peut pas être évaluée sans prise en considération du pouvoir de révision de la Chambre disciplinaire en vertu de l’article 27(1) CBE. L’absence d’obligation de motiver individuellement les décisions doit être comprise en rapport avec le fait que les décisions du jury d’examen dans la procédure de l’EEQ ne sont que très partiellement contestables. A cet égard, le pouvoir de la Chambre de recours est nettement plus restreint que, par exemple, le pouvoir et l’obligation de révision des tribunaux administratifs allemands dont le requérant fait état dans son argumentation orale et écrite. Une obligation de motiver davantage des décisions en matière d’examen n’a pas été prévue par le législateur et elle ne pourrait donc être instaurée par la Chambre de recours, à titre de perfectionnement du droit, que pour garantir un droit existant du candidat au contrôle de la décision par la Chambre de recours ou, comme l’exprime le requérant, pour garantir, sur le plan procédural, le droit du candidat à une protection juridique efficace.

20. L’article 27(1) REE dispose que les décisions du jury ne sont susceptibles de recours que pour violation du règlement relatif à l’examen européen de qualification des mandataires agréés (REE) ou de toute disposition relative à son application. L’article 27(1) REE n’autorise donc en principe la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire qu’à contrôler la légalité de la procédure. En vertu de cette disposition, la Chambre de recours est seulement compétente pour vérifier si l’examen s’est déroulé conformément aux dispositions et aux instructions applicables. Ainsi, la compétence de la Chambre de recours en matière de contrôle, selon la jurisprudence constante des chambres de recours (dans la ligne suivie par D 1/92 et D 6/92, JO OEB 1993, 357 et 361, revoir p.ex. D 3/00, loc. cit., point 1 des motifs), se limite à examiner s’il a été porté atteinte au REE, à ses dispositions d’exécution ou à un droit supérieur. En revanche, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire n’est pas compétente pour vérifier sur le fond l’ensemble de la procédure d’examen et substituer son appréciation du fond à celle du jury d’examen. L’article 27(1) REE n’autorise pas la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire à vérifier si la note attribuée à une copie d’examen est objectivement appropriée ou correcte, comme l’exige le requérant en excipant du droit allemand (D 20/96 du 22 juillet 1998, point 9 des motifs). La Chambre de recours ne peut prendre en considération, dans le cadre d’un recours, que les circonstances qui représentent un dysfonctionnement de la procédure d’examen, susceptible d’être constaté sans qu’il faille procéder à un nouvel examen de la copie. Ce serait le cas, par exemple, si les notes accordées par les deux examinateurs s’écartaient tellement que la différence de points à elle seule représenterait une violation du principe de l’uniformité de la notation, ou si une question de l’examen était formulée de façon contradictoire ou inintelligible (D 13/02, point 4 des motifs), ou encore si les correcteurs ont fondé leur notation sur des documents techniquement ou juridiquement erronés, sur lesquels est basée la décision attaquée(D 16/02 du 16 juillet 2003, point 3, D 6/04 du 16 juillet 2003, point 3 des motifs). Il n’appartient pas à la chambre de recours statuant en matière disciplinaire de vérifier le nombre de points que mérite chaque réponse d’un examen, ni de vérifier les critères sur la base desquels le jury d’examen détermine la notation des réponses attendues (D 13/02, point 5 des motifs).

21. Un pouvoir d’appréciation étant essentiel pour la notation, et ce pouvoir n’étant que peu sujet à une révision judiciaire par la Chambre de recours, la Chambre a estimé qu’il était loisible au législateur de ne prévoir aucune obligation de motivation qui aille au-delà de ce que prévoit la règle 6(1) des dispositions d’exécution, et de limiter les révisions judiciaires aux violations de procédure à la fois manifestes et abusives quant à la notation des épreuves d’examen(D 12/97, JO OEB 1999, 566, point 3 des motifs). Dans cette décision, la Chambre, comme en l’espèce, a également indiqué qu’il était suffisant d’envoyer aux candidats ajournés les documents prévus à la règle 9(2) (règle 6(1) actuelle) des dispositions d’exécution.

Article 125 CBE

22. L’article 125 CBE dispose que l’Office européen des brevets, en l’absence d’une disposition de procédure dans la CBE, prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les Etats contractants. Il incombe cependant à la partie invoquant l’applicabilité générale desdits principes au sens de l’article 125 CBE d’apporter la preuve de leur existence et de leur contenu (D 12/97, loc. cit.). Le requérant a seulement fait référence au droit allemand en matière d’examens et n’a pas expressément invoqué l’article 125 CBE. Il n’a pas formulé de commentaire au sujet du jugement 2P.311/2004 du Tribunal fédéral suisse en date du 31 août 2005 que lui a transmis la Chambre, concernant un recours pour violation de droits constitutionnels contre une décision de la Advokaten-Prüfungsbehörde du canton de Bâle-Ville.

23. Ce jugement n’étaye pas la position juridique du requérant. Il montre, au contraire, que le pouvoir de révision limité de l’instance de recours, qui justifie intérieurement l’absence d’une obligation plus étendue de motiver des décisions en matière d’examens, a ses équivalents dans les systèmes juridiques d’autres Etats parties à la CBE.

24. Il ressort de ce jugement que, dans le cadre d’un recours pour violation de droits constitutionnels, le Tribunal fédéral suisse ne contrôle la notation des copies d’examen qu’afin de s’assurer que les dispositions cantonales pertinentes en matière de procédure ont été appliquées de façon non arbitraire, en tenant compte des garanties constitutionnelles minimales. Le Tribunal s’astreint à la plus grande réserve dans l’appréciation du fond, n’intervenant que si l’administration s’est laissé guider par des considérations subjectives ou manifestement inacceptables, de sorte que sa décision ne peut plus être défendue eu égard au principe de légalité et qu’elle apparaît comme arbitraire (point 3.1 des motifs).

L’absence d’une obligation de motiver plus étendue est-elle contraire à d’autres principes de droit supérieurs ?

25. Le requérant a tout d’abord fait valoir que d’après le droit allemand en matière d’examens, en conformité avec la Loi fondamentale, chaque candidat a droit à ce que la décision concernant son examen soit dûment motivée, ceci notamment compte tenu de l’importance du droit fondamental de la liberté de profession et du droit du candidat à "une protection juridique (et constitutionnelle) efficace sur le plan procédural", et de son droit à une procédure de révision consécutive visant à prendre en considération les objections techniques à l’encontre de la décision relative à l’examen. Il allègue que seuls des paramètres purement spécifiques à l’examen, comme le degré de difficulté ou la comparabilité avec d’autres résultats de l’examen, font l’objet du pouvoir d’appréciation incontestable des correcteurs. Dans la procédure de révision, il incombe aux correcteurs de répondre de façon précise, justifications concrètes à l’appui. Cependant, il ne ressort pas très clairement de l’argumentation du requérant si tous ces aspects du droit allemand relatif aux examens doivent être considérés comme découlant directement de principes constitutionnels. Ceci n’est toutefois pas déterminant en l’espèce.

26. Le droit allemand relatif aux examens n’est pas applicable en tant que tel aux instances de notation de l’examen européen de qualification. Il semble cependant évident à la Chambre que toutes les instances administratives et les chambres de recours intervenant dans la situation juridique des parties concernées doivent conduire leurs procédures conformément au principe de légalité, dans le cadre de leurs compétences. Il s’agit là toutefois d’un principe très général et des conceptions différentes peuvent exister quant aux conséquences à en tirer dans les cas concrets. En tout état de cause, il n’est pas possible, dans un système juridique international, d’affirmer qu’une procédure s’inspirant du droit allemand relatif aux examens serait, parmi les valeurs normatives en vigueur dans de nombreux Etats contractants, la seule qui soit conforme au principe de légalité.

27. Dans sa première notification, la Chambre avait attiré l’attention du requérant sur la décision 2 BvR 2368/99 de la Cour constitutionnelle fédérale allemande(BVerfG) en date du 4 avril 2001.Cette décision concernait un recours constitutionnel formé par une personne ayant échoué à l’examen européen de qualification, qui alléguait le caractère anticonstitutionnel de la décision du fait qu’il n’existait pas d’obligation de la motiver. Dans cette décision, la Cour constitutionnelle fédérale s’était déjà demandé si le devoir de motiver les décisions en matière d’examens, dérivé dans cette affaire-là d’un jugement de la Cour administrative fédérale, était généralisable à tous les types d’examens donnant accès à une profession en Allemagne. La Cour constitutionnelle fédérale a conclu que les critères invoqués par le requérant en rapport avec la décision précitée de la Cour administrative fédérale, notamment quant à l’obligation de motiver les décisions en matière d’examens, ne pouvaient, tout au moins pas en l’état actuel des choses, être considérés comme l’expression des éléments structuraux d’une protection des droits fondamentaux voulue par la Loi fondamentale allemande, telle que celle que son article24, paragraphe 1 assure déjà concernant les organisations supranationales(point 4 b des motifs). Il s’ensuit que la Cour constitutionnelle fédérale ne considère pas que chaque aspect de la jurisprudence allemande relative aux décisions en matière d’examens (en l’occurrence de la Cour administrative fédérale) constitue l’expression de ces éléments structuraux, notamment pour ce qui est de l’obligation de motiver les décisions en matière d’examens.

28. Par conséquent, les éléments d’une motivation des décisions en matière d’examens exigés par la jurisprudence allemande, comme les invoque le requérant, sont également sans objet du point de vue de cette jurisprudence constitutionnelle pour les exigences concernant le principe de légalité, auxquelles devrait satisfaire l’organisation de l’EEQ. La Cour constitutionnelle fédérale, dans la décision précitée, a estimé que l’absence d’obligation de motiver les décisions dans le règlement relatif à l’EEQ n’allait pas à l’encontre des éléments structuraux de la protection des droits fondamentaux.

29. Le requérant a d’autre part allégué que la prise de décisions en matière d’examens sans aucune obligation de les motiver portait atteinte aux principes fondamentaux du droit européen, notamment du droit administratif européen, et que la protection des droits fondamentaux en vertu du droit constitutionnel allemand s’appliquait par analogie en droit européen. Bien qu’y ayant été invité par la Chambre, le requérant n’a pas précisé les sources de droit international auxquelles il se réfère en tant que "droit européen". Il n’a pas démontré l’existence ni le contenu de normes juridiques internationales ou de principes de droit international reconnus auxquels porteraient atteinte l’absence d’obligation de motiver allant au-delà de ce que prévoit la règle 6(1) des dispositions d’exécution du REE, ainsi que la limitation de la révision à un contrôle des aspects juridiques.

30. La Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt Van Marle et autres c. Pays-Bas en date du 26 juin1986, point 34 s., a jugé qu’il était compatible avec l’article 6(1) de la CEDH que la décision d’une instance d’examen ne puisse être révisée par une instance judiciaire qu’en ce qui concerne les objections relatives à la légalité de la procédure, p.ex. pour décision arbitraire, détournement de pouvoir, irrégularités procédurales et pour contrôler l’application correcte des conditions d’admission, car l’évaluation des connaissances et de l’expérience nécessaires à l’exercice d’une profession donnée assortie d’un titre est à ce point éloignée des fonctions habituelles du juge que les garanties de l’article 6 CEDH ne sont pas applicables (fin du point 36). La Cour a confirmé ce principe dans son arrêt San Juan c. France en date du 28 février 2002, en fin de décision, et le Tribunal fédéral suisse a également invoqué ces décisions dans la décision citée en ce qui concerne la compatibilité de son pouvoir de révision limité avec l’article 6 CEDH (point 2.6 s. des motifs).

31. Par conséquent, la limitation du pouvoir de révision de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire au titre de l’article 27(1) REE ne peut être qualifiée de contraire au droit international, pas plus que l’absence d’une obligation de motiver les décisions en matière d’examens allant au-delà de ce que prévoit la règle 6(1) des dispositions d’exécution du REE, dans la mesure où une telle obligation, comme c’est le cas dans la procédure de l’EEQ, se rapporte à des aspects des décisions qui ne sont pas sujets à révision par la Chambre de recours.

Autres objections d’ordre général à l’encontre de la procédure de l’EEQ

32. En vertu de l’article 7(3) REE, critiqué par le requérant, le jury d’examen fixe la note définitive attribuée pour chaque épreuve et décide de l’admission ou de l’ajournement des candidats. Il ne peut y avoir d’objection à cet égard puisque l’article 2(1) REE dispose que c’est le jury d’examen qui organise et conduit l’examen, même s’il constitue à cet effet des commissions conformément à l’article 4(1) REE. Cette organisation de l’examen avec délégation de (sous-) fonctions est indispensable étant donné le nombre de candidats qui participent chaque année à l’EEQ (cf. ci-dessus, point 4 des motifs). En outre, il est nécessaire que le jury d’examen prenne une décision d’ensemble, du fait que chaque commission d’examen n’est responsable que de la notation de certaines copies.

33. Le requérant a allégué que la procédure de l’EEQ ne prévoyait pas de révision par le jury d’examen lorsque le candidat forme un recours contre une décision. Tel n’est pas le cas, même si la procédure (révision préjudicielle) n’est pas organisée comme la procédure allemande décrite par le requérant. D’après l’article 27(3) REE, le jury d’examen doit faire droit à un recours s’il le juge recevable et fondé. Avant même de déférer le recours à la Chambre de recours, il doit voir lui-même si les arguments avancés par le requérant justifient l’annulation de la décision. S’il constate que c’est le cas, il doit faire droit au recours, c’est-à-dire annuler sa décision. Dans le cas contraire, il défère le recours à la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, sans avis sur le fond (cf. pour les recours au titre de la CBE, l’article 109 CBE dont s’inspire la disposition). Pour comprendre cette procédure, il faut avoir présent à l’esprit que contrairement aux affaires devant le tribunal administratif, la première instance ne participe pas à la procédure devant les chambres de recours, car il y a lieu d’éviter que l’instance qui a rendu la décision attaquée ne puisse influencer la procédure de recours en exposant les motifs pour lesquels elle n’a pas effectué de révision préjudicielle.

34. La possibilité de manipulation évoquée par le requérant, notamment en fonction des nationalités, est sans fondement compte tenu de la façon dont est organisée la notation, celle-ci étant entièrement anonyme en vertu de l’article 24(1) REE, y compris devant le jury d’examen (cf. ci-dessus, point 4 des motifs).

35. L’examen de qualification a pour but d’établir si un candidat est apte à exercer l’activité de mandataire agréé, qui est essentiellement celle d’un juriste/avocat. Les connaissances et aptitudes nécessaires sont avérées uniquement par les résultats obtenus à l’examen, et nullement par la formation requise ou par des qualifications techniques. L’épreuve D teste exclusivement les connaissances en droit et les capacités du candidat en tant que juriste/avocat. Si un candidat se révèle incapable d’obtenir une note suffisamment élevée pour réussir cette épreuve, il n’est pas apte à exercer l’activité de mandataire agréé.

36. L’EEQ n’a aucune fonction de formation. Il vise uniquement à déterminer si le candidat est apte à agir en tant que mandataire agréé pour représenter des parties dans les procédures devant l’OEB. L’EEQ sert à sanctionner et non à dispenser une qualification (D 12/82, loc. cit., point 6 des motifs). Il appartient donc au candidat d’acquérir les aptitudes et les connaissances exigées pour réussir l’examen, en utilisant les nombreux outils disponibles à cet effet. La publication des compendia des examens de qualification antérieurs a aussi pour but d’aider les futurs candidats en leur fournissant des exemples en préparation aux épreuves.

Les "objections techniques" du Requérant

37. Après la deuxième procédure orale, le requérant a produit un avis détaillé auquel était jointe une "solution possible à la partie II de l’épreuve D 2004". A cet égard, le requérant a indiqué qu’il n’avait pas été vérifié si cette solution était correcte, et qu’elle servait seulement à illustrer son approche, notamment quant aux sections A à C de la partie II de l’épreuve D 2004. Il s’agit manifestement d’une épreuve hypothétique. Quoiqu’il en soit, l’appréciation de la prestation du candidat à l’examen ne peut se fonder que sur les copies qu’il a remises le jour de l’examen. Ne peuvent servir de base à la notation d’une copie que les considérations attribuables aux arguments développés par le candidat ou dérivables de ces arguments. En revanche, les explications postérieures ne peuvent entrer en ligne de compte (D 16/02, point 3.2 des motifs, à la fin). Il n’est pas possible de noter une copie sur la base d’une comparaison avec une autre copie, réelle ou hypothétique, qui aurait pu être celle du candidat, mais qui ne l’a pas été (D 13/02, point 3 des motifs, D 17/05 en date du 19 juillet 2005, point 2 des motifs). La Chambre n’a donc pas pris en considération cette annexe jointe à l’avis du requérant.

38. Parmi les nombreux arguments avancés par le requérant dans ce document, seules les trois questions abordées ci-dessous au sujet de la notation pourraient être attribuées à des erreurs susceptibles en tant que telles de faire l’objet d’une révision par la Chambre de recours. Elles concernent les points A.7, A.8 et D.7 de la grille de notation ou de la "Possible Solution", ainsi qu’une "erreur de calcul" dans la somme des points accordés à la rubrique B de la feuille de notation par un des correcteurs qui se serait trompé de 0,5 point au détriment du requérant.

39. Les rectifications correspondantes, si elles étaient fondées, pourraient augmenter la note du candidat de 4,5 points au maximum, majoration qui ne lui permettrait tout de même pas d’aboutir à un résultat suffisant pour réussir l’épreuve D. Le requérant a obtenu 44 points à l’épreuve D, 50 points étant nécessaires pour réussir.

40. Abstraction faite de l’"erreur de calcul", dont on peut supposer au bénéfice du requérant qu’elle était présente dès le départ et ne découlait pas d’un changement d’avis du correcteur avant de remplir la feuille de notation définitive du requérant, le requérant n’a pas démontré qu’un correcteur avait commis une erreur de notation ayant une incidence sur le nombre de points attribués à la copie.

41. Quant à l’omission de la Slovénie à la section D.7 de la grille de notation détaillée, qui mentionne certains Etats contractants de la CBE comme étant couverts par la désignation EP dans la demande PCT Leda, mais n’inclut pas la Slovénie, pourtant déjà partie à la CBE à la date considérée, le requérant a concédé, lors de la procédure orale, que cette omission n’avait absolument aucune incidence sur la note accordée à sa réponse. En effet, dans sa réponse, le requérant ne mentionne aucun Etat contractant de la CBE, affirmant, au contraire, catégoriquement et à tort, que la demande PCT Leda voit sa nouveauté détruite par la demande EP Zeus, et que Leda ne peut donc pas obtenir de brevet en Europe. La particularité juridique de cet aspect de la situation, telle que reflétée par les points prévus aux rubriques D.7 et D.8, était que la demande EP Zeus antérieure ne représentait pas l’état de la technique pour les Etats contractants mentionnés, parce qu’à la date du dépôt de cette demande, ces Etats ne pouvaient pas encore être désignés, et que pour ces Etats européens, une protection par brevet était possible via la demande PCT Leda. Cette particularité n’a aucunement été abordée par le requérant dans sa réponse, et ne peut donc pas être notée comme s’il l’avait identifiée.

42. Le requérant critique également le fait qu’un des correcteurs aurait indiqué "erronément" dans la marge de sa grille de notation pour les rubriques A.8 et A.9que le requérant avait commis une "grave erreur de priorité". Toutefois, le requérant ne motive pas ce grief et la Chambre ne voit pas en quoi une telle appréciation serait clairement inacceptable sur le plan juridique. Au contraire, le requérant, ici non plus, n’a pas pu identifier le problème posé à la partie II de l’épreuve D, que la grille de notation détaillée subdivise dans les éléments de réponse A.8 et suivants. Dans la "Possible Solution", sous "Basic software"(Compendium, p. 68/69), il est tout d’abord indiqué que la divulgation du "basic software" lors de la conférence devenait partie intégrante de l’état de la technique pour tout objet postérieur ne pouvant pas revendiquer la priorité de la demande EP Oedipus. Il est ensuite signalé qu’un problème de priorité pourrait surgir en cas de transcription de la demande EP Oedipus au nom d’Electra, avant que la priorité ne soit revendiquée pour Electra, car avec Electra comme déposant, la demande FI Electra pouvait être considérée comme premier dépôt au sens de l’article 87 CBE. La "Possible Solution" propose d’éviter le problème en renonçant provisoirement ou définitivement à la transcription de la demande EP Oedipus au nom d’Electra. Sous "Status und Rechtsstand der Oedipus-EP" (Situation juridique de la demande EP Oedipus), le requérant a tout d’abord indiqué qu’un droit de priorité découlait de la demande EP Oedipus pour le logiciel de base (objet (3)), du fait que la demande EP Oedipus était la première demande d’Oedipus ayant pour objet ce logiciel. Sous "Schutz der Erfindungen" (Protection des inventions) (transcription dans la lettre du 30 juin 2006, p. 49), le requérant recommande alors de déposer, pour le logiciel de base (entre autres), une nouvelle demande internationale, et de revendiquer la priorité de la demande EP Oedipus. Pour ce faire, le transfert de cette demande au nom d’Electra s’impose. La réponse du requérant n’aborde absolument pas le problème dont il est question dans la "Possible Solution". C’est donc à raison que le problème n’a pas été considéré comme ayant été identifié.

43. Par ailleurs, le requérant se contente d’argumenter dans les détails au sujet de la signification, du degré d’exactitude ou de complétude, ou tout au moins d’acceptabilité, de ses réponses dans l’épreuve D, et à expliquer pourquoi elles mériteraient davantage de points qu’elles n’en ont obtenu.

44. Ces aspects de la notation n’étant pas soumis au pouvoir de révision de la Chambre (cf. plus haut, point 20 des motifs), celle-ci ne peut pas les examiner sur le fond, à l’exception des points précités. Par conséquent, la requête du requérant visant à obtenir une expertise doit également être rejetée. Au demeurant, la Chambre elle-même disposerait de l’expertise nécessaire s’il était juridiquement en son pouvoir de revoir la notation de la copie du requérant sur le fond. Lors de la deuxième procédure orale, la Chambre avait attiré l’attention du requérant sur le pouvoir de révision limité de la Chambre en rapport avec sa requête visant à obtenir un délai supplémentaire pour prendre position, et le requérant avait déclaré en personne être au courant.

45. Etant donné ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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